vendredi 10 avril 2009

chapitre N-9

#N-9
. Alexandre trouva la piscine formidable (celles de VTP22 ne mesuraient que 50m), même si l'eau lui paraissait un peu froide, et Stéphane le vit plonger plusieurs fois: il avait dû s'y entraîner chez VTP22, ou avoir déjà cette expérience avant d'être engagé. Le lendemain, Alexandre s'entraîna à la monopalme: depuis que Stéphane avait localement lancé la mode (déjà connue ailleurs, mais il avait été le premier ici) on pouvait s'en procurer sur place.

. Le Top16 2003-2004 avait commencé par un match intensif pour Dinan, avec une victoire laborieuse 34-36 à Perpignan contre l'USAP: une pénalité et sept essais perpignanais dont deux non transformés, six pénalités et six drops tirés par les Bretons. Le nombre de joueurs excellents en drops était tombé de sept à quatre en raison des recrutements outre-Manche. L'USAP avait fort bien étudié Dinan et exploité les points faibles de sa défense. Les Perpignanais n'avaient pu se procurer le ballon que 24% du temps, mais avaient fort bien exploité ces périodes-là. Face aux offensives bretonnes, ils avaient concédé six pénalités (en empêchant peut-être trois ou quatre drops: pas rentable), et n'avaient pu empêcher Dinan de tenter neuf drops, dont cinq étaient rentrés. Cinq essais perpignanais dans la première mi-temps, deux dans la seconde: les Bretons avaient mieux compris la méthode de l'USAP et avaient pu la contrer: le bilan de la 2ème mi-temps était 12-24 en faveur du DD, d'autant que les Perpignanais avaient perdu en vivacité après toute l'énergie développée en début de match, même si l'orgue de Staline breton qui avait si bien pilonné Paris comportait moins de tubes que l'an dernier.
. La surprise principale dans USAP/DD avait été le drop tiré (et réussi) par Fritz Krüger, de 30 mètres. C'était son premier en match, et ça allait pousser les autres équipes à ce méfier aussi du talonneur teutonique pour ce type d'attaque donc disperser encore plus leur surveillance des buteurs bretons. A quand des drops tirés par les piliers? Dinan les y entraînait aussi, mais ils n'en auraient tenté que plus près des perches.
. Les Catalans s'attendaient à pire, après le score hiroshimesque subi par le SF lors du premier match de la saison précédente. "Dynamo de Dinan mode d'emploi" avait été assez fort décrypté à Perpignan, mais trop de fautes pour tenter d'arrêter les attaques bretonnes (constituant plus une menace de drops que d'essais) et encore assez de bons buteurs bien placés en même temps pour que l'un d'eux puisse envoyer la pastèque entre les perches. La chaleur avait conduit les Bretons à renoncer aux épreuves de force (sauf mêlée, bien sûr, et quelques mauls) et privilégier encore plus que d'habitude le jeu au pied. Ceci avait d'autant facilité les essais perpignanais: en s'y investissant à fond, les joeurs du DD auraient peut-être pu en empêcher deux ou trois, mais y auraient gâché trop d'énergie et été moins efficaces en seconde mi-temps. Les joueurs avaient comme consigne de ménager leurs efforts pour tenir les 80mn dans la chaleur: "on n'a pas droit à quinze remplaçants". Subir des essais des grosses équipes était une fatalité inévitable, selon les stratèges du DD, donc il fallait se les rembourser par des drops ou en poussant l'adversaire à commettre des fautes pour les empêcher. Bien sûr, si un couloir s'ouvrait, Kerdazenn ou équivalent s'y engouffrerait comme un phacochère pour tenter d'aller à l'essai, mais ça ne s'était pas produit dans ce match. Quelques analystes estimaient que le DD y était allé avec son équipe "lourde", peu adaptée à ce match et à la météo, et que seule l'artillerie longue portée des Bretons avait compensé leur manque de vivacité.
. Surprise visuelle: Torbjörn rasé "Monsieur Propre", comme si le Karéen voulait signifier "moi, je peux me le permettre". Il ne le fit toutefois que le matin avant ce match, au suivant on le revit "papier de verre", allant ensuite vers "velour de nylon", etc. Il n'y aurait pas de photos ainsi dans le calendrier, bien qu'il ne parût que plus tard: elles avaient déjà été faites et VTP lui avait répondu "on en a déjà mis bien assez de toi par rapport aux autres".

. Stéphane vit le 15 octobre "La part du feu", film "Kerfilm" tourné en juillet avec Vittorio Cario comme rôle principal (parmi bien d'autres: il y avait aussi Jarkko, parmi les acteurs de "premier rang" de VTP dans ce film, qui jouait en même temps dans "Go west"). Ce film pouvait faire penser à "Piège de cristal", "la tour infernale", "Backdraft", etc, dans un immense complexe hôtelier (encore de l'architecture, merci Tarsini) pour lequel suite à une fraude sur les matériaux des éléments structurels combustibles avaient été utilisés. Kerfilm savait que ça donnerait lieu à des scènes spectaculaires (du fait des effondrements, entre autres, et de la lutte contre les pyromanes réallumant des foyers après que les premiers aient été maîtrisés) et que ça n'avait pas encore été produit en relief. Les prestations de Vittorio dans ce tournage confirmèrent à VTP qu'il ferait un bon "0016", si l'occasion s'en présentait. Klas Svärdström y avait un rôle annexe (se terminant par la chute dans une cage d'ascenseur en flammes), de même que Milan Le Dreff (qui jouait un des pompiers). Erwann avait déjà travaillé avec Milan, dans des tournages où il bricolait aussi le matériel, mais ne connaissait Klas que de vue, ce Suédois ayant été recruté plus tard que ceux de la fournée "Småprat". Erwann faisait plus facilement connaissance, chez VTP, avec celles et ceux avec lesquels il avait l'occasion de travailler à la technique que juste tourner dans le même film, car pour le tournage proprement dit, chacun suivait ses rails (même dans une scène commune): il n'y avait part pour aucune initiative, alors que les tâches techniques en permettaient, en plus de pouvoir bavarder un peu. Assembler des parties de mécanimaux ou autres robots, comparer le fonctionnement réel d'un mécanisme à sa simulation puis le modifier si nécessaire étaient des travaux demandant compétence et précision mais laissaient les gens communiquer entre eux. C'était ce qu'il faisait ce mois-ci (octobre) chez VTPSF, et pas seulement pour l'éléphant-calmar.

. Il apprit que les scénarii des "Cités oubliées" avaient été remaniés et reconcentrés: il y aurait bien quatre films (Nord, Sud, Est, Ouest), mais de 2h45 et non 3h chacun. Les scénarii avaient été réétudiés de façon ce que l'on pût les voir dans le désordre, même s'il existait une chronologie: celle-ci n'était pas dominante, car voir "Ouest" n'apprendrait pas ce qui se serait passé dans "Est". Le personnage joué par Erwann (comme quelques autres, surtout les Finlandais) étant réplicable et remplaçable, on pouvait en tuer dans chaque épisode (et de diverses façons. Il y en aurait parfois plusieurs exemplaires en service simultanément) sans se priver de le réutiliser pour le suivant. Les personnages "réellement humains", eux, resserviraient moins, d'autant plus facilement qu'ils feraient partie (sauf les voyageurs) de telle ou telle des cités, loin les unes des autres. Il avait failli y avoir cinq films (le cinquième eût été "Centre") mais la densification et la vérification de non-redondance des scènes dans les scénarii avaient conduit à réduire le nombre total de minutes tournées au lieu de l'augmenter: "on ne dilue pas, et on ressert pas du réchauffé", avait rappelé Tarsini, qui était à l'origine (surtout architecturalement, mais pas uniquement) du projet. Chaque direction serait associée à une pierre: le saphir au nord, le diamant au sud, le rubis à l'est et l'émeraude à l'ouest.

. Le calendrier "Les dieux du stade" 2004 était sorti, suivi fin octobre par le "DdD 2004": celui du Dynamo de Dinan, comme convenu en cas de victoire du Top16. Dinan avait plus de mal à gagner ses matchs cette année continuait d'en perdre à domicile.

Il était trois fois moins cher (tout ent étant tiré sur du papier de bonne qualité), était founi avec deux paires de lunettes stéréoscopiques (carton et plastique) que l'on pouvait cliper dans le ressort spirale du calendrier pour ne pas les égarer, et au lieu d'une page par mois, il y en avait une par semaine, en "format italien", avec une ou deux photos (selon leur format), soit 80 en tout, de sorte que certains joueurs y apparaissaient plusieurs fois. C'était réalisé par VTP et imprimé par leur régie publicitaire, donc à prix d'usine. En couverture, les jumeaux allemands portant dans leur dos, tels des livreurs de menhirs (photo prise à Carnac, dans les alignements de Kermario) chacun un ballon de rugby en granit (factice, mais pas virtuel). Il avaient des crêpes en guise de strings.

. Vittorio y trouva effectivement Torbjörn et il fallait utiliser les lunettes bicolores jointes pour le voir "planer" ballon en main au dessus d'une pelouse, vu de profil (et un peu de dessus) sur le point d'aller applatir un essai. Il semblait ne rien porter mais sous cet angle de vue une telle photo n'eût pas été incongrue dans une publicité, par exemple. La deuxième photo de lui (où là non plus il ne touchait plus terre) était un bond vers un ballon (probablement lancé de loin, pouvait-on supposer), où il était vu de face, s'élançant en biais, prise de derrière l'un des poteaux de but qui de ce fait rendait la photo "tous publics" sans autre artifice. Celle-ci n'était pas stéréoscopique, car d'un oeil à l'autre le poteau n'aurait plus été assez cachant, pouvait-on supposer.
. La troisième était un format pleine largeur, en couleur, prise sous l'eau à faible profondeur: le soleil l'éclairant à travers la houle marbrait son corps (pris de côté et légèrement de dos, là aussi, mais dans un mouvement général qui n'était pas celui du vol plané sur la pelouse) de motifs lumineux ressemblant au camoufflage de certains poissons (et de certains prototypes du Horten IX du film). Il n'avait ni appareil ni palmes était sur le point d'attrapper à mains nues, devant lui, un poisson renflé et épineux (un diodon? une variante du fugu?) marron dont les lignes d'épines suivaient les coutures du ballon de rugby dont il avait la forme, à part les nageoires. Certaines photos s'inspiraient de plans de films de VTP.

. Les autres joueurs de Dinan avaient chacun leur style de photo, presque toutes prises en extérieur, à quelques exceptions près. Ils n'étaient pas tous nus, d'ailleurs, certains posant simplement en bord de mer en slip de bain, genre "photo de vacances". Kévin Mazurier était représenté dans un "vestiaire" carrelé de partout dont les porte-manteaux étaient des crocs de boucher. Il y pendait, sa carcasse ouverte sous le sternum et vidée (ce qui était un moyen de ne pas tout montrer, sans avoir besoin de quelque chose pour cacher). Dans une autre photo, il était allongé ventralement sur un plat (probablement sur la table d'un restaurant de plage: on voyait une ballustrade, la mer et des voiles au loin), des légumes tout autour de lui, une pomme dans la bouche. Le choix des aliments et leurs disposition donnait à la photo un air de tableau "nature morte" qui concurrençait l'effet comique du sujet: c'était traité "sérieusement", du point de vue esthétique.

. Valéry Noguet était assis nu sur un menhir de taille moyenne dans ce qui pourrait être un des alignements (mais on voyait que l'arbre le plus proche portait des ballons de rubgy comme fruits), son corps entièrement couvert de fourrure d'ours (visage inclus, en plus fine sur le visage, façon "la belle et la bête") bien opaque ("ce qui fait moche, c'est quand on voit de la peau entre les poils", selon VTP). Légende (en tout petit): "à poils". Là aussi, VTP avait veillé à ce que l'homme-ours eût fière allure, tant dans son attitude que sa réalisation technique, ce brun chaud, proche de sa couleur de cheveux, allant bien avec les yeux vert-de-gris de ce joueur. Les noms n'étaient pas mentionnés sur les photos. Il y avait, près de la surimpression du "semainier" (semaine précédente, suivante et précédente, puisqu'il y avait une page par semaine) un numéro, qui référençait la "distribution" imprimée en IIIe de couverture, où l'on avait la photo d'équipe (normale: habillée) avec chacun un numéro sur le torse, alors qu'habituellement les maillots n'en avaient que dans le dos.

. La semaine 40 était sur le pont d'un chalutier, le chalut treuillé sortant de l'eau un grand nombre de ballons de rugby, parmi lesquels se trouvait Vincent Le Manac'h, le 15 (arrière central, 1m80, 80kg), un "Playmobil" (c'était son surnom) châtain clair, posant mou et répandu sur les ballons comme un chat endormi. Quelques ballons dépassaient ou avaient roulé sur lui, ne cachant pas que "là", pour que cela fît moins "exprès".

. A part les Allemands, le Suédois, le Roumain et le Finlandais, tous les joueurs de Dinan était d'origine locale (et pas seulement bretonne), le club recrutant sur place et n'ayant pas de budget pour "racheter" des joueurs ailleurs: il était plus rentable, selon BFR, d'en former continuellement sur place dans l'équipe "bis" (il y avait même une "ter", maintenant) pour qu'ils n'aient pas pris d'habitudes "à l'ancienne" ailleurs, quitte à s'en faire "piller" quelques-uns par d'autres clubs: "les plus cupides quittent le navire, et il ne faut pas chercher les retenir: ça montre qu'ils n'avaient pas l'esprit d'équipe". Le système du Dynamo de Dinan avait fait ses preuves, et gagnait à partir d'un nouveau plutôt que de devoir "rééduquer" (terme utilisé par les autres clubs, considérant Dinan comme semi-soviétique) un bon élément venant d'ailleurs. Ils avaient reçu quelques propositions, mais la plupart étaient déjà engagés avec Dinan jusqu'en 2005 inclus, ce qui leur évitait d'avoir à refuser. En fait ils préféraient vivre et jouer près de chez eux (pour les matchs "à domicile") plutôt que de suivre un miroir aux alouettes: la dégradation de la qualité de vie aurait pu nuire à long terme à leur performances, estimaient-ils. C'était aussi le cas de bien d'autres: s'entraîner près de son lieu de vie d'origine était un atout, selon eux. Importer des joueurs de pays n'ayant pas d'équipe nationale de rugby participant aux VI nations et autres grandes rencontres internationales augmentait leur rentabilité pour le club, puisqu'il n'en serait pas périodiquement privé, ni ne les récupérait épuisés voire blessés.

. La semaine 25 était illustrée par le demi d'ouverture Valentin Yvinec enchaîné nu en travers des rails (vu très en perspective, et non de dessus), sur le dos, les poignets attachés aux bouts de traverses pour lui étendre les bras le long de l'extérieur des rails. Le ballon était posé sur lui et un peu déporté vers l'objectif, rendant cette photo "tous publics". Au loin, là où la voie sortait d'un petit bois, une locomotive à vapeur. Une 241P, mais ce n'était pas évident à identifier presque de face.

. Le Clézio était allongé et partiellement ensamblé, au soleil couchant (ou levant), comme si la mer l'avait déposé là après un nauffrage, tandis que Lefar (pas trempé, lui) marchait à la limite sable/mer (qui continuait en perspective derrière lui) dans la lumière du soir (donnant plus de relief au sable et aux empreintes derrière lui) en tenant un gros saumon devant lui, symbole phallique prétentieux au point d'être humoristique. Un peu timide mais sachant feindre une "indifférence paisible" dans ces situations, il trouvait son corps aussi photogénique que celui de Torbjörn, tout en n'étant pas karéen de traits: d'où les cheveux en vrac prenant d'autant plus la lumière. Pas karéen, mais plus émilianien qu'avant cet été. Il avait participé à l'entraînement pour USAP/DD mais ne faisait pas partie de l'équipe qui était allée: ce serait pour le prochain match, où Dinan recevrait Narbonne.

. Dès l'accident de Lefar dans la demi-finale du Top16, VTP qui connaissait ce qu'il y avait de mieux en chirurgie esthétique (au cas où un acteur-cascadeur serait blessé) lui avait proposé d'en profiter pour "tout" refaire de ce qu'il aurait souhaité un peu autrement ou même vraiment autrement que la version d'origine (tant qu'à faire) y compris des travaux supplémentaires non nécessités par l'accident, comme redessiner le regard par lipostructure (remplir un peu dessus) et petites retouches des paupières pour le rendre plus félin, plus concentré, plus "navigateur breton", en profitant aussi ce que la rectification du bas du front faisait descendre légèrement les sourcils, surtout au centre, puisque la peau descendait plus droit. En plus du nez, les deux incisives supérieures avaient été cassées à la racine, à la base du nez (là où le protège-dent ne protégeait pas), il devrait donc se contenter d'incisives flexibles (faisant illusion, mais il ne pourrait pas croquer une pomme avec) tant que les implants en titane ne seraient pas suffisamment ossifiés pour y fixer les remplaçantes rigides que l'on alignait mieux, en ayant reculé un peu l'implantation: tant qu'à devoir implanter, on n'était pas obligé d'implanter à l'identique. Le nez devint 100% émilianien, la mâchoire un peu plus puissante (injections d'hormone de croissance cet été: à l'époque, l'antidopage ne savait pas la détecter, et moins encore en usage local) et bien d'autres choses atteignirent les spécifications VTP (sans en faire un Karéen, car l'émilianométrie n'était pas un modèle unique, mais tout une liste de défauts à ne pas avoir, ou "suffisamment peu"). La lèvre supérieure partiellement fendue avait, en plus d'être recousue, été légèrement renforcée par lipostructure (passant juste de trop fine à "on n'y pense plus"). Lefar n'était pas "mal fait" mais "pas vraiment ça", estimait VTP, donc puisqu'il fallait le réparer on fit mieux. Comme on ne savait pas trop à quoi il ressemblait avant, vers le haut, du fait des cheveux en vrac, on remarquerait surtout qu'il avait changé de nez, ce qui semblerait logique: quitte à devoir le reconstruire, autant l'améliorer. Lefar étant facile à localiser du premier coup d'oeil on ne prenait pas le temps de le détailler (sauf ses fans), et d'autant moins avec le nouveau personnage de Torbjörn qui attirait plus l'attention. Depuis qu'il ne restait plus de traces de convaslescence des travaux, il s'observait parfois dans des glaces murales, peigné autrement, alors que jusqu'alors elles lui servaient surtout à vérifier son corps, comme ceux qui faisaient souvent de la musculation. Celle-ci était faite sous contrôle scientifique dans le club pour ne pas forcer au détriment de la longévité des tendons et articulations. Le club disposait aussi de sa propre piscine à filtration sans chlore (en fait c'était aussi celle de l'équipe féminine F15), avec des zones de natation à contre-courant. Des joueurs aussi sérieux dans leur entraînement (sérieux donc sans excès de zèle non plus) y obtenaient d'excellents résultat. Ce que Lefar ne savait pas c'était qu'il avait incité Torbjörn à en faire un peu plus qu'il ne l'eût fait sinon: il n'aurait pas imaginé que le Karéen le prit comme référence. Il y avait une part d'homophilie comparative chez le Karéen, qui cherchait un "concurrent" contre lequel s'évaluer et avait estimé que William pouvait l'être. Ce dernier ne revendiquait rien de tel, mais avait toutefois pensé qu'il vaudrait mieux faire une photo dans le calendrier plutôt qu'aucune sinon on risquerait de penser qu'il craignait cette comparaison morphologique. Quand il l'avait retrouvé dans la piscine (le calendrier n'était pas encore paru), Torbjörn "Monsieur Propre" avait tout de suite remarqué que l'on avait plus amélioré que juste "reconstruit" William (les cheveux rangés par l'eau, il était plus facile de comparer) et s'amusa à venir le tâter (sans toucher le visage, toutefois: était-ce suffisamment consolidé après travaux? William ne jouerait pas dans ce match, tout en s'entraînant avec eux). William prit ça avec une indifférence décontractée: le Suédois ne ferait rien de gênant (la piscine étant vidéosurveillée, les assurances l'exigeant) et tout en ayant l'air de le tâter pour s'amuser, si Torbjörn s'intéressait à lui c'était qu'il devait y voir un concurrent valable, au moins pour le corps: cette pensée n'était pas déplaisante, surtout de la part d'un Karéen. Et même: avait-il rasé ses cheveux juste pour dire "toi, tu n'oserais jamais faire ça", ou pour éviter d'y être comparé? Ni l'un ni l'autre, supposa William: c'était juste pour attirer encore plus l'attention, narcissique comme tout Karéen était supposé l'être. Ces photos du match allaient se retrouver partout dans les sites des fans du Suédois, mais c'eût déjà été cas sans changement de style. Ca ferait un peu plus parler de lui: le David Beckham (et en mieux!) du rugby? Si Torbjörn voulait une comparaison, et bien pourquoi pas vingt aller-retours de piscine? Deux petits kilomètres, plutôt qu'une évaluation de viande à l'arrêt? Ils mirent chacun un bracelet détecteur (permettant au système de bien voir si on avait touché au bout avant de faire demi-tour et compter les passages, en suivant les positions sur tout le parcours) et s'y lancèrent.
. William gagna de 87m52, selon le système (Torbjörn n'ayant que commencé son dernier aller-retour), et lui dit:
W- la boule à zéro ne suffit pas: il faut aussi supprimer les oreilles.
T- je sais: on est plus hydrodynamique avec un bonnet.
. William savait que Torbjörn l'aurait battu sur un 100m, mais que sur les 2000m il avait ses chances, le Suédois partant trop vite en oubliant "qui veut voyager loin ménage sa monture".
. Ils se firent toutefois reprocher ensuite d'arriver à l'entraînement "lessivés", un autre les ayant dénoncés à l'entraîneur des 3/4: "mais oui mais ce n'est pas étonnant qu'ils soient si mous: ils viennent de faire la course à la nage sur vingt aller-retour dans la piscine". La piscine, c'était pour se muscler "quand on en avait le temps", pour se détendre, et aussi pour "s'échauffer tout en se raffraîchissant" surtout avant les entraînements de phases de match par temps chaud, mais pas pour s'épuiser avant de jouer avec les autres. William était un "bon élève discipliné" donc on supposa que c'était Torbjörn qui l'y avait incité, or c'était l'inverse et puis même dans l'autre cas il n'avait qu'à remettre le défi à plus tard, donc il était légitime de le leur repprocher autant à l'un qu'à l'autre. Toutefois en en mettant un dans chaque équipe de cette répétition de phase de match, cela s'équilibrait et pouvait simuler une situation de fin de match dans laquelle ces deux-là auraient joué depuis bien plus longtemps. L'utilisation de la natation pour "préépuiser" sans trop solliciter les articulations ni le dos (effort fluide) fut alors étudiée par les entraîneurs pour travailler ces phases de "fin d'autonomie" des joueurs, ce dont on avait moins le temps dans les entraînement classiques: il ne fallait pas s'épuiser "en dur" au point de ne pas avoir totalement récupéré pour le prochain match, mais on récupérait bien plus vite de l'effort fluide (pas de chocs, pas de surchauffe, respiration ample et régulière donc peu d'acide lactique) donc cette technique était à évaluer. Toutefois (puisque n'agissant pas de la même façon et étant plus vite récupérable) elle ne simulait pas réellement l'épuisement de fin de match. Il y avait d'autres techniques pour simuler une baisse de performances, ceci sans épuisement réel: les vêtements à rappel élastique, demandant plus d'effort pour faire de grandes enjambées, plier ou déplier les bras. C'était un peu comme de jouer dans un fluide moins lourd que de l'eau mais plus résistant que l'air. L'idée venait de certaines tenues de musculation de Russes dans les stations spatiales, et ça n'avait pas l'inconvénient de jouer avec un sac à dos lesté, qui aurait tassé les vertèbres, faussé toute la gestion d'inertie et aurait pu à l'inverse être un atout dans les mêlées (plus d'adhérence au sol), les mauls et certaines percussions. La combinaison à rappel élastique n'avait pas cet effet. Dinan devait maintenir ses atouts par rapport aux autres clubs (sa gestion meilleure des efforts des joueurs en faisait déjà partie) tout en travaillant à combler ses lacunes, ce qui restait très difficile en raison du peu de "modélisabilité" du jeu au sol. La parade restait surtout d'éviter autant que possible d'y aller, en particulier en passant le ballon avant d'être mis à terre, chaque fois que possible, donc en s'entraînant à ce que ce fût presque toujours possible, ce qui nécessitait une coordination précise: le joueur percuté devait savoir où était son meilleur relayeur sans avoir à se retourner pour cela (il n'en aurait souvent pas le temps) et le relayeur à rattrapper une passe imprécise, en raison de la collision. Dinan perdait ainsi bien moins de ballons à l'impact en 2003 qu'en 2001-2002. William n'allait presque jamais au sol avec le ballon (ou alors c'était que "trop d'abeilles s'étaient jetées en même temps sur le frelon": pas le temps de se débarasser correctement du ballon), car soit il restait debout et pouvait un peu continuer avant de le passer, soit il l'avait passé aussitôt, avant de tomber. L'autre progrès de l'ensemble des joueurs dans le jeu au sol (outre l'éviter le plus possible) était l'adresse et la rapidité à se remettre sur pieds pour "être sur ses appuis" et avoir le droit de "gratter le ballon". Là aussi, le principe était que si l'on était forcé d'aller au sol, on y restait le moins possible, de façon à éviter un "caramel" empêchant de se relever. Le travail des passes et de l'interception des passes adverses limitait aussi les dégâts en "pick & go". Le Dinan ne le pratiquait pas mais l'interceptait mieux qu'avant. Si les Bretons récupéraient le ballon, ils revenaient à un jeu plus mobile, là où la précision et la coordination de l'équipe leur rendait un avantage, et dès que l'un d'eux avait la place de tenter le drop en recevant une passe, il le tentait. Dinan n'avait pas le "culte de l'essai", les mesures (y compris entre d'autres équipes) ayant montré que les efforts déployés pour en mettre un n'étaient souvent pas rentables par rapport à tenter des drops (même en en manquant certains) à partir du moment où l'on avait entraîné beaucoup de joueurs à cet excerice techniquement difficile. Si occasion d'essai il y avait (répartition momentanément défaillante de la défense adverse, permettant de tenter une percée avec une bonne probabilité soit d'essai, soi, en cas d'impasse, de tenter un drop), on la prenait, mais on ne faisait pas le siège de l'embut adverse pendant plusieurs minutes en se passant le ballon de tas en tas "pour gagner un millimètre à chaque fois". Cela eût toutefois lieu dans certains matchs, justement parce que ce n'était pas ce que l'on attendait de Dinan et que le but était de tirer un drop (il y avait tant de joueurs aptes à le faire, surtout dans les derniers 22m, que l'adversaire ne saurait pas vers lequel la passe "fatale" serait faite) et non de s'obstiner à passer en force. Avant de l'avoir vu faire, qui se fût attendu à voir Thierry-Xavier Lecestre (le pilier droit remplaçant) tirer un drop? Or il savait le faire. Pas aussi bien qu'Yvinnec, loin de là, mais à 18m à peu près en face des perches, c'était "abattre une vache dans un couloir" même pour un pilier à condition de s'y être suffisamment et régulièrement entraîné. Sa puissance éléphantesque lui permettait un tir très montant, en "obus de mortier", pour être sûr de passer au dessus des adversaires se précipitant vers lui.

. Fritz Krüger laissait ses cheveux en vrac dépassant les yeux, et même "en pluie", parce qu'en mêlée il n'avait besoin de voir que le sol, pour talonner, et que ça empêchait l'adversaire de pouvoir viser pour faire une fourchette: la probabilité de ne pas se rendre compte que les doigts allaient finir dans sa large bouche s'en trouvait encore accrue, en plus du réflexe bien rôdé de la "tortue happeuse" dès qu'une main s'aventurait dans ce rideau capillaire. Certes, il y avait le protège-dents, en haut, mais la puissance de sa mâchoire suffisait à rendre ces doigts baladeurs inutilisables pour longtemps. Cette année, une incisive et une canine du bas ayant pénétré pile à la jonction de la 1ère et de la 2ème phalange de l'index, il avait réellement coupé un doigt de Fabrice Tourneur, joueur de 2ème ligne de Castres, et avait ensuite remis ce doigt à l'arbitre, en expliquant ce qui s'était passé. Si dans une mêlée un joueur de 2ème ligne se faisait mordre la main par le talonneur adverse, c'était la preuve qu'il l'avait envoyée là où elle n'avait aucun droit de s'aventurer. La fédération avait admis la légitime défense contre une tentative de fourchette (Tourneur en ayant déjà commis une la saison précédente contre un joueur de Biarritz) et Fritz n'avait eu aucune sanction. L'amputé non plus: il était déjà assez puni comme ça. On allait pouvoir lui recoudre le doigt, mais sa saison était finie. D'ailleurs Fritz l'avait dit à la commission disciplinaire: "si j'étais vraiment méchant, j'aurais avalé ce doigt sans rien dire". Ce passage en commission de discipline avait contribué à officialiser ce qui jusqu'alors était surtout une réputation (sauf pour ceux en ayant déjà pâti): ne jamais tenter de fourchette vers Fritz Krüger si on tenait à ses doigts.
. Ferry Delamare, l'autre talonneur de Dinan, un nouveau (à ce poste cette année. On l'avait déjà vu à d'autres) issu du centre de formation, maîtrisait aussi cette techique, bien que n'ayant pas la puissance maxillaire hors norme de Fritz. Ferry était un "rapide mi-lourd" qui avait aussi joué 6, 7, 12, 15, avant de passer "définitivement" au talonnage car Philippe-Alexandre Rivannel, le "talonneur bis" de l'an dernier avait été racheté par Biarritz, après s'être aperçu qu'il était bon buteur (ce qui était rare à ce poste): pas à l'échelle des buteurs de Dinan, mais à l'échelle du reste du Top14. Le "petit" Ferry ferait-il le poids à ce poste? Il avait été entraîné insensivement aux tirs de drops cet été de façon à "ne pas trop décevoir" par rapport à Rivannel, et contrairement à Fritz (qui le faisait rarement) ce serait lui qui ferait les lancers en touche quand il serait à ce poste. Fritz n'était pas mauvais lanceur (par rapport à la moyenne du Top16) mais Dinan voulait garder une supériorité "écrasante" en touche donc quand Fritz était talonneur c'était Le Morzadec (le 7) qui lançait: il s'était avéré meilleur dans cet exercice. Sur tout le championnat le DD n'avait perdu que deux de ses propres touches, et encore: des rafales de vent de travers donnaient des circonstantes atténuantes à Rivannel (l'une des "pizzas") et à Le Morzadec (pour l'autre) d'avoir eu leur lancer dévié. L'altitude et la profondeur étaient toujours correctes, ce qui aidé par des sauteurs rôdés scientifiquement (y compris en contre) assurait la supériorité du DD dans cet exercice: les formateurs du DD estimaient que les autres clubs ne le travaillaient pas assez, ou pas avec les meilleures méthodes, parce que ça, "tout le monde devrait y arriver", estimaient-ils.

. Ferry Delamare, 21 ans (8 juillet 1982), 1m84, 95kg, cheveux raides auburn style "cache-lunettes", yeux verts, quasi-Emilianien (il avait joué des rôles de méchants dans des séries policières pour VTP, entre autres) à mâchoire puissante (sans concurrencer Fritz, toutefois) faisait partie de la "petite" première ligne de rechange du DD. Cette année les deux piliers qui l'encadraient étaient:
Valère Giquel, 1m87, 117kg, 22 ans (pilier gauche), visage rond joufflu, brun-roux en "paquet d'algues informes", yeux gris-vert.
Thierry-Xavier Lecestre, 1m89, 120 kg, 23 ans (pilier droit) visage trapézoïdal (large en bas) au nez presque plat, regard sombre bien enfoncé sous son "monosourcil" orange, cheveux roux carotte taillés en brosse: "une gueule de boxeur poids-lourd irlandais", d'ailleurs VTP l'avait utilisé dans un tel rôle et quelques autres, surtout dans des téléfilms ou séries. Et cette fois on avait fait signer ces trois-là pour quatre ans: ils n'avaient pas encore fait leurs preuves de façon assez voyante pour que d'autres clubs surenchérissent (le DD les entraînant depuis deux ans savaient qu'ils avaient atteint des compétences et formes physiques suffisantes, les autres l'ignoraient) donc ce fut sans surenchère.

. Ces trois composants avaient été rodés à travailler ensemble depuis deux ans, avant d'intégrer cette année (après avoir pris du muscle -ce qui allait continuer au fil des ans- et de la compétence) la "vraie" équipe de Dinan, tâche ô combien difficile en comparaison des Krüger déjà légendaires. Pour un "non-Krüger", Lecestre avait une masse et un air de molosse impressionnants. Les deux autres faisaient moins peur mais n'étaient pas en polystyrène non plus.
. Poids des Krüger: 374kg (cette année).
. Poids des remplaçants: 332kg, d'où de l'avis des deux piliers: "c'est surtout Ferry qui ne fait pas le poids". Ferry trop jeune et trop léger pour ce poste? 95kg (et même moins), ça s'était déjà vu, en "2", et sa technique en mêlée était efficace: il ne se faisait pas "tordre" ni éjecter vers le haut, le travail assidu avec les deux piliers et les simulateurs ayant rendu cette première ligne très stable. De plus à défaut d'être lourd il était rapide (d'où son utilisation à d'autres postes, l'an dernier. On le revit parfois en 3ème ligne cette année) ce qui pouvait s'avérer utile pour les touches courtes dans lesquelles le début d'alignement lui renvoyait le ballon (tandis que les sauteurs sautaient, pour faire diversion) pour partir avec ventre à terre derrière l'alignement adverse pour aller tirer un drop (on s'attendait plus à ce qu'un talon tente d'aller à l'essai) ce qui avait pris par surprise les équipes qui ne le connaissaient pas encore. L'entraînement aux tirs au pied avait porté ses fruits (ce n'était pas pour rien qu'il avait aussi joué 15) et en faisait un "homme à tout faire" (ou presque) sur lequel Dinan comptait pour l'avenir. La formation portait maintenant aussi sur la "troisième première ligne" avec les moins de vingt ans et en collaboration avec le club amateur de Centrale Dinard: il fallait préparer l'après-Krüger, quand en fin de contrat les autres clubs monteraient les enchères pour s'en emparer. Le DD était sûr que Le Clézio, Yvinnec, Galliot, Kerdazenn, Lefar ou Le Manac'h ne partiraient pas, même pour être trois fois plus payés, mais les Allemands accepteraient-ils de rester à Dinan "pour la qualité de vie" ou se laisseraient-ils attirer par Toulouse, Biarritz, Paris et autres?

. L'atout de Dinan pour le recrutement était d'être le seul club de rugby pro de haut niveau de toute la région (Bretagne + Normandie) donc les Bretons et Normands intéressés par ce sport venaient se former là, d'autant que les méthodes "futuristes" de Dinan avaient maintenant une excellente réputation. La victoire au Top16 avait encore étendu cet effet de "draînage" des futurs talents, d'autant que le DD s'occupait aussi de les former à d'autres emplois: "pas tous les oeufs dans le même panier", ce qui était rassurant en cas d'échec ou de stagnation au rugby. Il fallait des techniciens compétents pour toute la machinerie utilisée à Dinan, des soigneurs, etc, et parmi les joueurs qui ne s'avéreraient pas atteindre un niveau suffisant on aurait simultanément formé du personnel compétent pour les autres besoins du club ou d'entreprises associées. Contrairement à ce qui se voyait ailleurs (et que Dinan ne comprenait pas) on ne misait jamais sur des joueurs ayant une mauvaise vue. En théorie ça n'aurait pas été trop gênant pour les piliers, mais comme tout le monde devait être "au moins un peu compétent" en drops, savoir faire et recevoir des passes d'un peu loin (idem pour les "chandelles") que le port de lentilles avait beaucoup d'inconvénients (ça bougeait, pendant un match) et que l'opération était déconseillé avant environ 25 ans (pour être sûr que la vue fût stabilisée) on évitait d'avance ce problème, à Dinan.

. Le "pillage" de certains des meilleurs éléments par surenchère extérieure n'avait pas que des inconvénients: d'abord il montrait que le DD était déterminé à ne pas entrer dans l'inflation salariale, d'autre part il s'agissait pour certains (ce fut le cas cette année pour Rivannel) de futurs "internationaux" dont le DD aurait été privé à certains moments de l'année. Ce risque n'existait pas avec les "nouveaux", même très solidement formés: ils n'étaient pas encore dans le colimateur du XV de France, qui n'avait emprunté personne au DD l'an dernier. Lefar avait été contacté par le SF cet automne (il n'avait pas encore signé au DD pour 2004-2005) mais il avait répondu: "je ne pense pas que j'arriverai à bien jouer dans un autre système que celui de Dinan où la coordination d'action est très importante. Ce ne serait bon ni pour vous, ni pour moi". L'histoire s'était toutefois sue, à Dinan, et de soulever l'hypothèse: "maintenant qu'il a été reconstruit tout beau, ils voudraient pouvoir le mettre dans leur calendrier". Le SF estimait que c'était surtout un joueur à ne plus avoir en face de soi: il faisait trop de dégâts à la fois au score (les drops en fin de course) et à l'infirmerie quand on tentait de l'arrêter sans s'y prendre assez habilement. Toutefois la première hypothèse comptait aussi car c'était les joueurs les plus photogéniques qui avaient été contactés par le SF (en commençant par Torbjörn Hultgren), parmi ceux n'ayant pas encore signé pour l'année prochaine. Ce que le SF oubliait c'était que ceux-là touchaient aussi de l'intéressement pour les rôles que VTP leur confiait dans des films (si VTP avait investi dans la remise à "mieux que neuf" de Lefar c'était surtout pour ça: cette variante émilianienne du personnage serait apte à plus de rôles y compris dans des plans proches malgré la stéréoscopie), or c'était VTP22 qui tournait les gros films d'action pouvant avoir l'usage de rugbymen du DD: VTP92 (La Défense) ne tournait que les sitcoms, certains téléfilms et des publicités.

. Le club s'était rendu compte que les Krüger avait un point faible en mêlée: en raison de leur taille, l'adversaire pouvait plus facilement les forcer à se relever que des "moins de 1m90", même si la technique fort bien rôdée de Dinan laissait rarement le temps à l'adversaire de tenter cette manoeuvre au moment de l'impact: les grands piliers Krüger se mettaient en déséquilibre (les jambes plus inclinées en arrière) puisqu'ils s'appuyeraient contre leurs vis-à-vis donc ne risqueraient pas de tomber. Toutefois ça n'aurait pas facilité la tâche de Fritz pour attrapper le ballon: en général il ne le faisait pas, se contenant d'ajouter sa poussée à celle des sept autres pour le ballon se retrouve sous ses pieds, l'ensemble ayant suffisamment avancé, ou qu'il sorte (c'était souvent le cas, vu la puissance de déblayage bretonne) à l'arrière de la mêlée sans avoir à talonner. C'était donc dans le cas de la première ligne basse (quand le DD jouait sans les Krüger, ou en en "recyclant" un ou deux en 3ème ligne: "le moteur à l'arrière, ça marche aussi: comme dans une Porsche") que Ferry avait l'occasion de faire véritablement du talonnage plutôt que du déblayage. Mais souvent dans ce cas aussi la puissance et le savoir-faire ("double flexion") de la mêlée bretonne suffisaient à tout emporter et livrer le ballon au 9 (Le Clézio) sans avoir à s'en occuper.

. L'équipe "domicile" qui l'an dernier était nettement moins bonne que l'équipe "extérieur" avait comblé en partie ce déficit: même sans les Krüger la mêlée restait redoutablement efficace, avec la "petite" première ligne Giquel-Delamarre-Lecestre qui avait surpris bien des adversaires (de sorte que les Krüger rentraient souvent tard, quand ils y étaient remplaçants), les touches bretonnes restaient imprenables (tout en prenant un bon tiers des lancers adverses), les "dropeurs" étaient bien présents et dans les lignes arrière il n'y avait pas que Kerdazenn, Hultgren ou Lefar pour faire des dégâts au score, car en envoyant du monde vers l'un d'eux l'adversaire laissait plus de champ à des 3/4 plus légers, moins voyants et très agiles comme Keraven, Le Dortz ou Le Manac'h: les "avions furtifs", auxquels (convenu d'avance) Lefar faisait une passe transversale (précise, et sans en-avant) ou parfois une chandelle au pied au moment où il voyait qu'il n'allait pas pouvoir continuer, ce qu'il savait souvent dès le début de sa charge: il voyait que c'était très probablement une impasse, mais que quand elle se refermerait sur lui elle ouvrirait des couloirs ailleurs: "les soldats de la ruche peuvent bloquer le frelon, mais en laissant passer un des moustiques". En défense, Lefar faisait moins de percussions face-à-face cette saison, toutefois: il préférait l'attaque transversale, en déviant sa course au dernier moment, tout en gardant l'atout de la synchronisation de l'attaque sur les pas de l'adversaire. Son style de jeu devenait un peu moins spectaculaire mais au moins aussi efficace et mettait plus souvent en jeu d'autres joueurs bretons, parce que leur synchronisation à ses manoeuvres avait progressé elle aussi et réciproquement. C'était la partie "jeu d'échecs" du rugby: repérer en temps réel les situations permettant d'organiser un coup en espérant que l'adversaire s'attende à autre chose. Pour cela, il fallait analyser quantité de matchs des adversaires, connaître les possibilités de réaction de chaque joueur (atouts, lacunes) ainsi que celles de ceux de l'équipe de Dinan à cette phase du jeu, en fonction du cumul des efforts déjà fournis au cours du match. Ce n'était pas nouveau mais Dinan avait rendu cette approche plus systématique et plus scientifique, avec les simulations de situations. Tout ceci améliorait le rendement efficacité/effort, tant en attaque qu'en défense, donc la durée de l'efficacité de l'équipe dans le match. Ca expliquait aussi qu'il ne fût pas nécessaire de remplacer en cours de match des "lourds-rapides" semblant bouger autant que Kerdazenn, Lefar ou Hultgren, et la rareté des blessures: "qui veut voyager loin ménage sa monture".

. Son copain d'enfance Galliot aussi s'était aperçu que l'on ne s'était pas contenté de réparer Lefar, mais ne mentionna que le nez: "tu devrais remercier le poteau: ce nez est mieux qu'avant". Cela avait donné lieu aux plaisanteries auxquelles il s'attendait: "maintenant qu'il a un nez tout neuf, il ne va plus oser foncer dans le tas", etc. Toutefois William ne s'était jamais esquinté jusqu'alors. A son retour sur la pelouse du DD contre Narbonne, il joua comme d'habitude (deux drops, et la passe qui aboutit au seul essai breton du match, applati par Damien Le Golvan), sauf qu'il fut bien plus filmé photographié: on ne l'avait plus vu depuis la finale comme spectateur, avec un masque post-chirurgical tigré vert et noir pour faire plus "Dynamo de Dinan". La seule chose qui n'était pas terminée à la rentrée, c'était pour les dents: il fallait plus de temps avant de pouvoir en fixer des dures, surtout à cet endroit-là chez un joueur de rugby, car même avec un protège-dents une partie du choc aurait été transmis aux implants ce qu'il fallait éviter avant ossification complète. Il garderait donc encore deux mois les incisives molles (là, même un coup de marteau serait ignoré des implants. Le protège-dents plus épais que l'ancien était renforcé par une barre en titane car il s'appuyait sur moins de dents qu'autrefois: il fallait en tenir compte pour la répartition d'un impact éventuel), mais elles semblaient vraies et lui montraient que là aussi, il y avait un progrès esthétique, tout s'alignant mieux. Tout était mieux, maintenant qu'il ne restait pas de cicatrice détectable (logées dans l'intérieur du nez, ou juste sous les sourcils, ou dans le repli caché des paupières, etc) ni de résidu d'hématome. Il n'était pas devenu un sosie de Torjörn mais un Emilianien celtique, plutôt que nordique. Un faux Emilianien (génétiquement) mais tout ceci était maintenant réel, surtout maintenant que l'on avait fixé les incisives centrales en céramique sur les implants, au lieu des molles provisoires. On lui avait dit que ça tenait très bien, qu'il pouvait manger avec, mais il restait très prudent et garda l'habitude de faire passer les aliments durs (carottes crues, par exemple) à droite de ces dents-là. Il n'avait pas tellement confiance dans cette réparation: esthétiquement, ça lui plaisait, et techniquement "il n'y avait pas moyen de faire mieux", ça, il le savait, mais pensait que les broches (implants) n'étaient pas assez profondes ni épaisses pour tenir comme de vraies racines (car pas prises dans assez d'os), donc qu'il fallait continuer d'y faire très attention, non parce que la céramique, c'était cassant (moins que les dents naturelles, et puis surtout, ce serait facile à remplacer, maintenant) mais pour que l'ossification autour des implants ne se refracture pas. S'il avait fallu attendre si longtemps pour lui mettre les incisives dures, c'était bien que le risque existait, même sans choc. D'ailleurs il n'avait pas tellement confiance dans l'ensemble des réparations: c'était parce que c'était déjà cassé par le poteau que refaire en mieux l'intéressait (et même d'autres trucs, tant qu'à devoir être hospitalisé autant tout faire en même temps), sinon il n'aurait jamais pris le risque de la chirurgie esthétique: son visage précédent n'était pas "à éditer en poster pour fans", mais pas "vilain" non plus: il était juste moins réussi que l'allure générale du personnage. Allure générale variant peu dans les images plus anciennes que ses fans avaient pu retrouver ("le même en moins costaud", "le même en plus petit"), sauf à trouver des photos de classe d'avant 1987 où il était à peu près dans le style "Playmobil". Les fans garçons de Lefar pensaient qu'on ne les supposerait pas l'avoir choisi pour la "bogossitude" puisque pour ça, il y avait Torbjörn Hultgren. Lefar était fait jouer au rugby, Hultgren pour jouer dans des productions Kerfilm, poser dans le calendrier (maintenant que le DD en avait un), "et accessoirement jouer au rugby" même si ses progrès dans ce domaine justifiaient sa titularisation fréquente dans l'équipe. Lefar était dans une photo du calendrier et avait eu quelques petits rôles annexes (mais énergiques) dans de la HF, mais ce n'était pas un "VTP", même si maintenant il en avait l'air même dans les photos où il avait les cheveux relevés par le vent. Ces traits émilianiens, ce n'était pas pour "poser", contrairement à Torbjörn, c'était pour lui-même et aussi parce que VTP souhaitait pouvoir mieux l'utiliser dans des tournages. Lui, il s'observait bien plus souvent, maintenant, pour vérifier que rien ne se redétraque, que quelque chose ne se mette pas à gonfler ou à se creuser comme "complication tardive". Il s'essuyait en tamponnant avec prudence, sans prendre le risque de frotter.

. Heureusement qu'il n'avait pas eu le mauvais réflexe de mettre le bras en travers du poteau: le DD aurait perdu en demi-finale, son avant-bras cassé (puis la rééducation musculaire) l'aurait empêché de jouer au moins jusque fin septembre et il n'aurait pas été amélioré esthétiquement. Lefar était dans l'équipe actuelle celui qui avait le plus d'ancienneté à Dinan car il avait commencé à y jouer à huit ans, dans l'école de rugby du petit club amateur. Le gamin était adroit et s'entraînait aussi sérieusement que le club le lui demandait.

. Quand il avait neuf ans, en 1986, c'était Vincent Lannester, son entraîneur (qui était aussi kinésithérapeute) qui avait un peu espionné la famille pour vérifier après que William eût signalé être battu "sans aucune raison". Encagoulé, il avait attaqué le père dans son propre jardin, lui avait cassé un bras puis l'autre. Puis après l'avoir bien attaché il lui avait injecté du vinaigre dans les testicules, ce qui en plus d'être extrêmement douloureux les avait détruits de l'intérieur, et dans les corps carverneux pour les altérer et le rendre impuissant. De cette façon ses bras affaiblis après déplâtrage se remusclerait moins, en plus d'avoir un tempérament moins spontanément agressif: ayant lui-même été battu dans son enfance il savait que beaucoup de pères aurait dû être castrés, muselés et tenus en laisse. L'utilisation du vinaigre blanc, au lieu d'un produit médical, laisserait penser (s'il portait plainte, ce que les cogneurs d'enfants osaient rarement dans un tel cas) que n'importe qui avait pu le faire, et non nécessairement un soigneur ayant accès à des produits médicaux. Peu probable même qu'il consulte, car pour ce type d'individu, il y avait encore pire que de perdre sa virilité: la crainte que cela se sût.

. William n'était pas au courant, mais quand il vit son père les deux bras plâtrés, son premier geste fut de prendre la poêle à frire (la bien lourde, en fonte avec le manche en bois) et en prenant plein d'élan de lui en assèner un revers à deux mains en pleine figure, avant de partir en courant: un père même manchot restait dangereux, toutefois sans bras il ne pourrait pas monter à l'échelle de la grange. Il saisit chaque occasion de faire souffrir son père: chute dans les escalier (avec deux bras plâtrés, facile), décharges électriques, projection d'un mélange de sable et de lessive dans les yeux, coups de bâtons sur la tête, dans les côtes ou l'entrejambes. "Pour la première fois de ma vie, tu vas pleurer plus que moi", lui avait-il promis. Et ce fut le cas, à la fois par la douleur et la rage de perdre son pouvoir. Le père quitta le foyer et on ne le revit jamais, ce qui contraria la mère (source de revenus en moins) mais ravit William: Connard le Cogneur déchu, souffrant, humilié, castré et impuissant (ça, William ne le savait pas) ne reviendrait sûrement pas. La relation entre William et sa mère n'était pas bonne non plus, mais elle préférait voir son père le frapper sous n'importe quel prétexte (souvent aucun) que de le faire: si le père croyait qu'elle tenait un peu à ce gamin, ça l'incitait à l'utiliser comme punching-ball en croyant ainsi l'atteindre indirectement. Une fois sans le père, à la première violence maternelle, William qui n'avait que huit ans mais avait très sérieusement appris les méthodes d'autodéfense avec son prof, réussit (plus rapide que cette grosse dinde stupide) à lui empoigner l'index et à le lui retourner sur le dos de la main, en disant:
- si j'étais un chien, tu n'aurais plus de main. Et si tu recommence, ILS te feront la même chose qu'à Connard le Cogneur.
. Alors ce fut sur la soeur aînée, jusqu'alors privilégiée (jadis les coups tombaient toujours sur William) qu'elle se rabattit pour assouvir son plaisir de nuire: comme presque tous les parents, sa mère était d'une lâcheté totale, donc à partir du moment où il existait un risque à s'en prendre à Williams: le "ILS". Sa mère décida de le confier (sans démarche officielle: juste "comme ça") à sa propre mère avec laquelle elle n'était pas en bon terme, et qui avait été la seule alliée de William dans le passé. En particulier un jour où la mère de William lui avait fait couper les cheveux trop courts (à sept ans et demi. En fait ça contrarait surtout sa grand mère, car n'ayant pas encore d'image mentale de lui-même il ne s'en serait pas souvenu sans ce qu'il s'était passé ensuite), sa grand-mère avait attaché et tondu sa mère: "ne fait pas à autrui ce que tu ne veux pas que l'on te fasse", William étant présent et la voyant pleurer, ce qui lui avait fait beaucoup de bien: les parents n'avaient pas tous les droits et étaient parfois punis, sauf qu'hélas il n'y avait pas de King Kong pour venir cogner son père, jusqu'au jour de la double fracture des bras. Il n'y avait que dans les fantasmes des "psy" que les enfants aimaient leurs parents et réciproquement, pensaient William et sa grand-mère: la plupart des familles reposaient sur la soif de pouvoir, la violence et la haine chez ceux qui subissaient cette violence. William n'était pas un enfant collabo: avec un morceau de bois aiguisé et durci au feu il avait crevé l'oeil valide du curé borgne (temporairement: c'était une crise d'iridocyclite) qui avait tenté d'abuser de lui, à sept ans. La plupart des pédophiles vérifiaient plus la docilité de leurs proies, avant de tenter d'en obtenir plus, pour ne pas risquer d'être dénoncés: ce curé était donc plus maladroit (ou plus impatient) que ses semblables car il avait choisi un gamin pas du tout coopératif qui grâce à l'Odyssée savait qu'un petit être faible pouvait vaincre ainsi un Cyclope. Il l'avait vu déambuller maladroitement, dardant au ciel son énorme sexe turgescent qui jouait le métronome au gré des pas, renversant des cierges qui hélas n'avaient pas mis le feu à sa soutane: elle n'était pas en synthétique. William qui était déjà anticlérical et athée (mais c'était ses parents qui étaient "catho-ringards") ne comprenait pas pourquoi l'église ne castrait pas les prêtres, puisqu'ils n'avaient pas le droit de s'en servir. Et désormais il considéra d'un air bizarre tout ce qui était enfants de choeur, premiers communiants, etc: combien de fois ces petits mangeurs d'osties s'étaient-ils offerts au côté obscur de la foi? Ce qu'il apprit par la suite sur un autre prêtre, dans la commune voisine, ne fit que confirmer cette théorie. Il existait des cas moins fréquents d'instituteurs et aussi d'entraîneurs de jeunes sportifs, mais ici, ça ne semblait pas être le cas car Lannester gérait son troupeau sans chercher plus de contacts que nécessaire: juste pour rectifier la posture d'un jeune dans une mêlée, par exemple. Pour expliquer les placages et ce qui était permis ou non dans les "rucks", il faisait la démo avec un autre entraîneur ou des joueurs "plein format", car ça n'aurait eu aucun sens avec une trop grande différence de gabarit. La grand-mère de William était très affectueuse: elle le carressait tout de temps (et plus question de lui couper les cheveux avant que ce ne soit vraiment long) mais le laissait prendre son bain seul donc (même en y repensant plus tard) il n'y vit rien de "douteux": juste qu'elle aimait presque autant son petit-fils que son chat. Le chat et le gamin s'entendaient très bien aussi, donc tout était calme et confortable, chez sa grand-mère. William était un enfant bien sage, car c'était dans son caractère, et faisait même attention à ne pas mettre de désordre chez sa grand-mère car il n'aurait vraiment pas aimé qu'elle le renvoie chez sa mère. Dans sa chambre, elle lui avait dit qu'il n'avait pas besoin de ranger, mais qu'il ne fallait pas y emporter de nourriture car ça attirerait les fourmis et d'autres insectes, et qu'ensuite les araignées de terre ("les grosses velues qui galopent sous les meubles, pas les toutes fines des plafonds qui mangent les moustiques") viendraient faire la chasse aux poissons d'argent et aux perce-oreilles, et qu'elles se cacheraient sous ses jouets pour guetter leurs proies. S'il n'y avait pas de traces de nourriture, les petits insectes ne viendraient pas, donc les araignées de terre resteraient dans le jardin. Il suffisait d'expliquer cela (la chaîne alimentaire des petites bêtes, ce qui était une réalité) pour dissuader un enfant de manger dans sa chambre, ou alors, même s'il le faisait clandestinement, avec un plateau, en veillant bien à ne pas faire de miettes ni de taches.

. Au club de rugby de Dinan, il fut confirmé comme un élément "à développer" chez les Schtroumpfs, les petits de ce club étant surnommés ainsi en raison d'un maillot bleu électrique à short blanc, chausettes bleues, chaussures blanches, à l'époque. Le vert et le noir (et sa variante claire vert/"argent": gris clair satiné) apparurent avec le sponsor BFR, en 1996. L'équipe féminine F15 (plus connue) avait des maillots vert vif et blanc, combinaison surnommée "Polizei" à cause des voitures de police des séries télévisées allemandes. Le blanc était par la suite devenu gris satiné (le maillot "clair" BFR ayant en fait été le premier) pour le F15, puis les clubs F15 et Dynamo avaient eu le même, vert et noir (avec des chevrons ou autres motifs: c'était la fin de l'uni), le vert et argent devenant le "maillot bis". . William Lefar n'avait pas un type de musculature de joueur d'impact: c'était plutôt une Lamborghini qu'un bulldozer, mais les méthodes de Dinan lui permirent d'apprendre à faire efficacement de l'impact sans en subir les conséquences, car sans avoir à le faire en force: accumuler de l'énergie cinétique par la vitesse et la transformer au moment de la collision en ayant peu d'effort à y ajouter. Ce fut plus tard, avec la télémétrie embarquée et la redécomposition scientifique des actions que fut optimisée la synchronisation "jeu de Nim" rendant les impacts plus sûrs pour lui et plus rudes pour l'autre. Yannick Kerdazenn avait été entraîné de même pour la même raison: avoir un joueur à la fois rapide, précis, endurant sur tout un match et percutant chaque fois que ça pourrait être utile. Ils ne seraient tout de même pas "à tout faire", en particulier il vallait mieux en choisir de plus prédisposés à l'effort statique (sans vitesse initiale) pour remplir le pack. Dinan essayait les jeunes joueurs à un peu tous les postes dans les matchs d'entraînement interne, même ceux qu'ils n'occuperaient jamais dans un match réel, de façon à leur faire prendre conscience des impératifs de chacun des rôles et mieux comprendre ce que leurs camarades pouvaient faire ou non et pouvaient plus ou moins bien percevoir d'une situation. De même on leur fit endosser tour à tour le rôle de capitaine, non pour les préparer à l'être réellement (c'était généralement le 8, à l'époque, à Dinan) mais pour découvrir "de l'intérieur" quelles étaient les difficultés de cette tâche supplémentaire et donc ce que le capitaine aurait besoin d'obtenir d'eux comme informations au cours du match et de pouvoir leur transmettre comme signaux. Après avoir dû essayer ce rôle (en moyenne une fois par mois, à l'entraînement), la plupart (William inclus) ne souhaitaient pas avoir à s'en charger dans un vrai match: c'était "bien trop compliqué", donc comprenaient qu'il fallait un excellent système de communication gestuelle dans l'équipe pour arriver à coordonner les actions, avec des relais de transmission: ça semblait tellement plus facile vu à télévision... La fonction de "lieutenant" (terme de Dinan, ailleurs on disait aussi "vice-capitaine") était généralement dévolue au 15, pour ce que le capitaine (le plus souvent le 8) serait mal placé pour voir ou coordonner. On estimait que la "charnière" (9 et 10) avait déjà assez à faire "au four et au moulin" pour ne pas lui demander cela en plus. Pour raison pratique (voir et être vu par dessus un regroupement) il vallait mieux que le 8 (qui était aussi le pilote de la mêlée) fût grand. Parfois pour éviter de "surbooker" le 8, le capitaine était le 6 ou le 7, ce qui était d'ailleurs devenu le cas le plus fréquent depuis 2002. Les autres numéros n'eurent à s'y essayer qu'aux entraînements, et non dans les vrais matchs. Tout le monde fit aussi du lancer en touche (mais peu auraient à le faire dans les matchs) et du tir de pénalités ainsi que de drops, l'idée étant déjà qu'il serait vraiment dommage qu'un joueur (quelqu'il fût) ayant le ballon et se retrouvant bien placé pour un drop "facile" ne fût pas capable de le tirer. De plus ça plaisait à ceux qui jouaient aussi au foot, or ils étaient nombreux parmi les jeunes de ce petit club amateur qui (à l'époque) jouait aussi au football, histoire de rentabiliser le terrain et les entraîneurs. William avait été essayé comme 9 et aussi comme gardien, au foot.

. Simultanément, il fut formé à faire de l'installation d'antennes paraboliques et classiques ainsi que de la réparation de gouttières et toitures: le club n'étant pas encore "pro", il lui fallait un gagne-pain qui exploite ses qualités physiques, tout en étant plus rentable et plus varié que manutentionnaire. L'avènement du Lioubioutchaï avec son antenne auto-règlante (indispensable pour suivre des "constellations dérivantes" de satellites et non des géostationnaires) allait tarir les emploi d'installateur/réparateurs d'antennes ou paraboles classiques, mais entretemps le Dynamo de Dinan était passé pro et pouvait rémunérer (modestement: Smic + primes de résultats) ses joueurs donc il pouvait s'y consacrer à 100%.

. C'était comme installateur de parabole que William avait eu, à 18 ans (1995) sa première "opportunité". Avec une "vieille" de 52 ans, mais "pas trop moche, propre, gentille et plutôt ronde", supplément qui lui paya en un trimestre le permis de conduire, une R25 GTD "nuage métallisé" (gris-violet clair) de dix ans (pas turbo, mais spacieuse, confortable et n'inquiétant pas les assureurs aux mains d'un jeune: le contraire d'une "GTI") et l'assurance malgré la majoration "jeune conducteur". Il ne s'estimait pas prêt à se frotter à des jeunes: une veuve (et d'un binoclard chauve pas costaud: pas étonnant que "Rahan" l'intéressât) serait sûrement moins exigeante, avait-il estimé, et comme en plus c'était rémunéré, rien que des avantages: une "sexo-école" dont la monitrice payait l'élève. D'autant que souvent (version "soft" à tarif économique) elle se contenait de lui raconter des tas de choses en le caressant comme un chat: ça lui revenait sûrement moins cher qu'un psy tout en lui faisant plus d'effet. Ses copains du Dynamo de Dinan qui profitèrent souvent de cette voiture (ils n'étaient pas nombreux à en avoir une, parmi les "moins de 21 ans") ignoraient tout de son financement. William ne savait pas que d'autres avaient des anecdotes pas plus avouables, voire moins.

. Alexandre Galliot, lui, s'était vengé de son père par ses propres moyens: à neuf ans, il avait compris que si l'électricité avait un point d'entrée et un point de sortie dans le corps, elle provoquerait une douleur intense mais ne tuerait pas, si le trajet ne passait ni près du coeur ni près du cerveau. Il avait alors bricolé, à l'aide de deux grands clous, de bouts de jante de vélo (en aluminium) et du fil d'une lampe hors d'usage qui était à la cave une arme qu'il avait plantée de façon à ce que les clous pénètrent de part et d'autre de la braguette de son père, obtenant les hurlements de douleurs et les contorsions qu'il espérait. En essayant de saisir l'arme son père s'était repris du 230V dans les mains et n'avait donc pas pu se défendre. Alexandre avait retiré un instant cette fourche à deux dents pour la replanter, replanter et replanter un peu autrement dans cette zone. Il était sûr que cet homme de béton insensible la douleur devait tout de même y être sensible là, et dans les yeux, mais les yeux c'était trop haut et puis il en aurait besoin pour travailler (il était employé de bureau dans une agence immobilière), alors que ce qu'il avait entre les jambes non seulement ne servait à rien mais contribuait à le rendre stupide et méchant: si on devait castrer les chiens dangereux, ce n'était pas par hasard, idem pour les boeufs par rapport aux taureaux. Un père boeuf serait moins souvent fou-furieux-frappeur. Le père hurla, hurla jusqu'à se que sa voix déraille, comme Alexandre quand il hurlait de douleur sous les gnons patenels. Alexandre replanta l'arme électrique 27 fois pour espérer avoir cautérisé suffisamment les testicules et endommagé aussi la verge, car si son sexe ne fonctionnait plus, son père cesserait d'être soumis à sa mère et se mettrait à la cogner, quand il serait contrarié, au lieu de lui cogner dessus pour se défouler. Il avait deviné (en écoutant des émissions de radio et en discutant avec d'autre) ce que William n'avait fait que constater après l'intervention efficace de son entraîneur. C'était pour cela que sa mère défendait jamais Alexandre, elle non plus. Il avait terriblement peur de ce père qui devenait fou furieux sans aucune raison, et qui en même temps se laissait constament humilié par sa mère: cette lopette minable lui faisait honte. Ce n'était pas un homme, ça. Les hommes, les vrais, savaient se faire respecter de leur femme. Sur ce point au moins les Musulmans montraient le bon exemple, estimait Alexandre après en avoir discuté avec une fille de sa classe: "les hommes adultes sont extrêmement forts, comme des gorilles, il faut que le courant pénètre profond et longtemps dans la chair pour arriver à les faire vraiment souffrir. Ensuite une fois planté dans les couilles, il faut en profiter pour l'arroser d'essence et le brûler vivant". Toutefois Alexandre voulait le vaincre, le faire souffrir atrocement et l'humilier mais pas le tuer. Parce que s'il le tuait il y aurait une enquête, et parce qu'une fois mort il ne profiterait pas autant de sa victoire qu'en l'ayant vivant et détrôné. Quand son père épuisé de hurler rauque (il souffrirait plusieurs jours d'une extinction de voix) s'écroula, il cessa de l'électrocuter (son but n'était pas de le tuer, mais de lui infliger une punition dont il se souviendrait toute sa vie: chacun son tour), l'arrosa d'essence (il avait prévu le seau d'avance) et brandit un briquet:
- ne m'approchez pas. La prochaine fois que vous me frapperez, vous aurez intérêt à me tuer, parce que si je ne suis pas mort je vous crèverai les yeux. Et si vous me tuez, vous irez en prison où il y aura des types beaucoup plus forts que vous qui s'amuseront à vous cogner comme vous aimez tant me cogner.
. C'était la première fois qu'Alexandre vouvoyait son père, le texte ayant été appris d'avance et conçu par François-Xavier, un camarade qui souhaitait lui aussi se venger de ses parents. Le vouvoyer était un moyen de prendre ses distances, considérer que ce n'était plus son père mais un petit dictateur minable enfin déchu.
. Avoir vaincu le frappeur fou restait le plus beau jour de sa vie: c'était donc possible! Le plus étonnant fut que son père (qui perdit la totalité de son sexe, cautérisé en profondeur à tant d'endroits, et resta incontinent) ne se vengea pas (Alexandre pensa qu'il avait dû prendre au sérieux la promesse de lui crever les yeux, en voyant que son fils était plus rusé que lui et prêt à tout pour ne plus jamais être frappé, y compris mourir pour l'envoyer en prison se faire cogner et sodomiser par de gros costauds tatoués. Or cet homme très lâche, puisque soumis à sa femme et cognant sur un incomparablement plus faible que lui, n'en prendrait pas le risque) et devint bien plus calme par la suite, osant répondre des vacheries bien ciblées à sa femme (mais posément, sans devenir furax, sans hésiter toutefois à lui mettre une solide paire de claques quand elle lui caissait les pieds) et il considéra Alexandre comme si c'était le fils d'un voisin ou un neveu au troisième degré: avec une indifférence paisible, chacun disant "vous" à l'autre et n'abordant que des sujets ne concernant ni eux, ni l'électricité: Alexandre ne cherchait pas le conflit, puisqu'il avait obtenu ce qu'il voulait: le frappeur fou n'existait plus en tant que tel. La situation était devenue calme, donc ne rien faire pour la modifier. De plus, via le changement d'attitude de son père, Alexandre se trouvait vengé de sa mère, qui l'avait si volontiers offert à la violence de son père. Maintenant c'était elle qui prenait (pas aussi fort, à l'échelle d'une adulte, qu'Alexandre n'avait pris comme enfant, mais c'était déjà ça), et, étant lâche elle aussi (par définition) et incapable de gagner sa vie, elle n'osait pas divorcer.
. Ce fut en en bavardant avec d'autres, à l'école, dont William, qu'il comprit que l'ère de la libération des enfants (qui avaient alors en France un statut légal inférieur à celui des Nègres dans l'Amérique sudiste, estimaient-ils: un "bon" adulte venant en aide à un enfant fugueur risquait la prison, comme jadis ceux qui auraient caché des Juifs: l'Etat français restait une abjection) approchait: on pouvait vaincre les parents. William ne savait pas qui l'avait aidé mais pensait que ça avait rapport avec le rubgy, puisque c'était arrivé le lendemain du jour où le soigneur avait constaté les marques de coups et qu'il lui avait dit que c'était son père. Et qu'il apprenait aux petits à se défendre y compris contre des agresseurs adultes: comment les faire tomber, comment les blesser aux yeux où à l'entrejambe, seuls points faibles à la portée de la force d'un enfant. Alexandre obtint (facilement, vu que ses parents n'avaient plus le pouvoir) d'être inscrit à ce club où William et l'entraîneur l'intéressèrent aussi au rugby, occasion d'apprendre à devenir brutal sans être inutilement méchant. Et ils en aidèrent d'autres (du club ou pas) à résister à l'occupant: "Il faut se défendre: on est des Palestiniens en territoires occupés, et les parents sont aussi lâches et puissants que l'armée israëlienne". Des enfants bretons qui n'avaient aucune ascendance proche-orientale ni d'affinité avec l'Islam se référaient spontanément à l'oppression subie par les Palestiniens par la disproportion "délirante" des moyens de frappes des uns et des autres. Il fallait donc devenir terroristes pour faire payer ses exactions à l'occupant. Ce qui avait enfin été fait, dans le cas de leurs parents. Alexandre estimait avoir "guéri" (et pas seulement "puni pour punir") son père via l'émasculation électrique, William avait été débarassé du sien. Ils avaient en même temps eu la lucidité de ne pas tuer ni causer de handicap lourd (paralysie, cécité) pour que le rôle économique des parents pût continuer et éviter ainsi la DDASS qui pouvait être encore pire qu'une "assez mauvaise" famille.
. Ils n'étaient pas les seuls à s'être vengés de leur parents, y compris dans l'équipe: Romain Le Morzadec (1m95, 116kg) avait attendu bien plus longtemps. A 15 ans il avait passé sa mère à tabac, en lui cassant ensuite un par un les doigts des deux mains, tellement elle l'avait frappé, puis lui avait rasé la tête: "c'est ce qu'on fait aux salopes qui couchent avec l'occupant". ce qui l'avait déterminé à faire tant de musculation était de pouvoir un jour cogner son père: à 17 ans il était déjà plus grand que lui, mais n'avait pas sa force. Un jeune pouvait-il acquérir la force d'un homme de quarante-deux ans? C'était à force d'efforts qu'il s'était bâti, patiemment, et deux ans plus tard, le jour où il avait constaté qu'il pouvait soulever plus facilement que son père la dalle de béton couvrant le compteur à eau, il lui avait d'abord fait par surprise une clef au bras, par derrière, le lui désarticulant, puis l'autre, puis s'était mis à le battre quotidiennement, à l'humilier et à le forcer à manger des ordures grouillantes de larves: "avec les intérêts tu me dois au moins mille litres de larmes, et je te garantis que tu vas réapprendre à pleurer". Cela fonctionnait: cet homme terrible, dans la force de l'âge, pleurait à la fois de douleur et de rage de perdre son pouvoir sur son ex-souffre-douleur. Contrairement à Lefar, Le Morzadec n'avait pas deviné qu'il aurait surtout fallu lui détruire l'entrejambe: la violence de la plupart des pères venait de là, de même que leur dépendance sexuelle à leur femme.
. Etienne Tronscorff (2m01, 109kg) s'était vengé plus tôt (14 ans, alors qu'il n'en avait pas du tout la force) et anonymement: un sac sur la tête, serré autour du cou, alors qu'il arrosait des plantations illégales (c'était leur voisin qui le disait) le long de la clôture et un coup de burin (enfoncé à la masse) entre les vertèbres: paraplégie définitive. Le voisin avait un alibi à ce moment-là: filmé par la caméra de surveillance d'un distribteur de billets. C'était irréfutable, mais justement ça tombait un peu trop bien: le père en fauteuil roulant soupçonnait qu'il ait fait agir quelqu'un à sa place, ce qui bien sûr était impossible à prouver. Etienne fut fou de joie d'apprendre que son père était invalide et dès qu'il fut seul avec lui flanqua un coup de bûche par derrière du côté de la tête, au dessus de l'oreille, là où ça sonnait terriblement et causait des acouphènes (ça, il s'en souvenait tellement...) après avoir glissé une branche dans les roues du fauteuil, et maintes autres revanches. Ainsi il semblait exploiter la perte de pouvoir physique de son père et non l'avoir causée. A part Lefar et Galliot qui était complices, aucun ne savait ce que les autres avaient fait. Lui, par contre, sa mère était battue aussi (moins que lui, mais battue) donc il ne fit rien contre elle. D'ailleurs elle laissa parfois son père macérer plusieurs jours dans ses propres excréments pour se venger. Pour une femme battue, il existait au moins cent enfants battus. La France étant un pays latin, la soif de vengeance était immense. Très peu en avaient l'opportunité, mais ça arrivait plus souvent que les statistiques officielles ne l'avouaient: souvent, dans les campagnes, ça se règlait sous forme d' "accident domestique", "accident de chasse", "accident du travail": chute d'une échelle, par exemple. Claude-Hubert Keraven (1m86, 85kg) avait tué son père en l'étranglant avec une canne étrangleuse reliée à une perceuse en démultiplication vissage. L'anneau était par le côté de la canne (une tringle à rideau trouvée aux "encombrants), et formait boucle croisée, un bout relié à l'extrémité de la tringle à rideau dépassant de la boucle (qui restait bien ouverte car c'était du fil de fer et non une corde ou un câble), l'autre à un écrou bloqué par une forme en bois à un des taquets coulissant de la tringle pour l'empêcher de tourner. Perceuse fixée à la tringle par ses deux poignées, avec du fil de fer bien torsadé.
Il avait attrappé son père par derrière avec le fil de fer et appuyé sur la gâchette. La tige filetée serrée dans le mandrin avait tiré l'écrou qui avait tiré le fil de fer jusqu'à s'enfoncer dans la peau du cou. Le père avait eu des soubressauts et était mort. La police conclut qu'il avait été étranglé avec du fil de fer par quelqu'un de très fort (le dispositif tendait le fil de fer de part et d'autre, donc n'appuyait pas directement sur la nuque: pas d'autres traces que le fil de fer) ce qu'à dix ans Keraven n'était pas du tout: le moteur, la démultiplication fournie par la pignonerie de la perceuse puis par la tige filetée s'en étaient chargés pour lui. Dispositif démonté et dispersé ensuite. "Crime de rôdeur", conclut-on. Un rôdeur devait être en train de voler quelque chose dans le garage quand le père l'avait surpris, et pour ne pas être dénoncé il l'avait étranglé avec du fil de fer: il y en avait, pendu au mur non loin du mort, un grand rouleau du même type et dans le même état d'oxydation que les traces dans le cou. Et bien sûr il avait coupé puis emporté le morceau utilisé pour ne pas laisser d'empreintes. La mort de son père avait mis sa famille en difficultés, mais l'essentiel pour Keraven était de ne plus être frappé. Et si jamais sa mère se remariait avec un homme méchant, il savait maintenant que l'on pouvait tuer un adulte car ceux-ci étaient trop sûrs d'eux pour se méfier assez d'un enfant, et qu'il fallait agir un jour où l'on n'était pas en colère, de façon à pouvoir bien préméditer, sans se presser. Bien sûr, il faudrait le tuer autrement et ailleurs ("le Colonel Moutarde, dans la véranda, avec le chandelier"), pour que l'on ne fît pas le rapprochement, mais ça, il avait largement le temps d'y réfléchir: pour le moment, aucun remariage n'était en vue.
. C'était Yannick Kerdazenn qui avait suggéré à Alexandre de tenter le casting itinérant (qui allait bientôt passer ici, en 1995) de VTP.
. Effectivement, Alexandre passait à l'Emilianomètre, pas avec une note aussi élevée qu'Emiliano, mais suffisante (ce qui était déjà très rare statistiquement chez les candidats). Ce qui lui vallut une première apparition comme cadavre dans le tiroir d'une morgue, puis de tourner dans une série télévisée, puis une autre, puis quelques petits rôles dans des téléfilms (parfois, il jouait juste un "homme de main" rapidement tué). Avoir un caractère relativement maléable était idéal pour VTP: il s'adapta vite à leurs méthodes de tournage et ne prit pas d'initiatives. Il partait de temps en temps à la Défense pour des sessions de tournage (il n'y avait pas encore de studio "VTP22"), voyage payé, (en seconde classe, tout de même) et revenait jouer au rugby le week-end. Il n'était pas un acteur important pour eux, et c'était du rugby amateur, à l'époque donc ça n'avait pas été jugé incompatible. Yannick Kerdazenn intéressa aussi VTP. Son apparition la plus inattendue avait été dans "Le Crépuscule de Gomorrhe" (sorti en 2002) où il "gomorrhisait" Vittorio (allongé dessus, face à face) après lui avoir lèché le sternum, le cou et le côté du visage. Il lèchait puis gomorrhisait toutefois un faux Vittorio animé (actroïde), d'autres prises étant tournées avec le vrai. Yannick avait hésité à prendre le rôle, mais il se passait tellement de choses osées dans ce film avec tellement d'acteurs et actrices que ça ne lui semblait pas gênant d'y être aussi (il y avait six joueurs du DD utilisés dedans), et tant qu'à faire dans une scène avec Vittorio: l'acteur Kerfilm le plus connu dans le monde après Erwann d'Ambert qui n'y jouait pas. Celui-ci était en Finlande à cette époque.
. Dans la distribution finale, Georg Krüger, Kerdazenn, Galliot, Le Clézio, Yvinnec et Le Manac'h (on n'utilisait pas que les grands formats) posaient côte à côte nus avec chacun un ballon de rubgy tenu devant, photo en noir et blanc façon "calendrier du SF" (mais stéréoscopique, comme tout le film) alors qu'à l'époque il n'était prévu d'en faire à Dinan. C'était bref, avec le nom inscrit au dessus de chacun, simple clin d'oeil à l'emprunt des rugbymen pour de petits rôles dans ce film qui utilisait 176 acteurs et actrices (y compris occasionnels comme eux) sans compter les figurants artificiels et les personnages qui étaient des modifications infographiques d'acteurs réels. Il y avait aussi huit joueuses du F15 de Dinan, VTP aimant les filles musclées dans ce genre de rôles.

. Cette année serait bien plus difficile pour le DD: le club breton n'était plus "la surprise venue de D2" mais la référence à battre, donc était étudié sous toutes les coutures et sa faiblesse principale (le jeu au sol) était impitoyablement exploitée: le DD encaissait plus d'essais en ce début de saison que dans la précédente, n'en marquait pas plus et si pour le moment les drops (et pénalités, car peu d'autres clubs s'étaient mis à un jeu aussi "propre") compensaient, ce ne serait peut-être plus le cas d'ici les phases qualificatives. Le DD restait toutefois écrasant en mêlée (y compris quand les Krüger n'y étaient pas, ce qui montrait qu'il n'y avait pas que la force pure mais aussi la technique, dans cette supériorité) et en touche, son "contre" continuant à être le plus efficace du championnat pour confisquer des lancers adverses (20 à 75% selon adversaire) tout en n'ayant perdu que 6% de ses propres lancers. Cette supériorité en précision et coordination de jeu sur les phases "de conquête" (y compris les récupération de chandelles) et une discipline japonaise expliquaient en grande partie comment le DD dominait au score sans sembler très offensif sur le terrain, même si quelques joueurs comme Kerdazenn ou Lefar mettaient un peu plus d'animation sur le terrain en tentant et souvent réussissant des percées. Ces percées se concluaient plus souvent par des tentatives de drops que d'essais, sauf si la défense s'était mal organisée et que l'essai semblait "assez probable" au bout de cette percée. C'étaient généralement les autres joueurs de l'équipe qui faisait un signe discret à l'un de ces ailiers ou centres "de choc" qu'il y avait une possibilité d'y aller, donc que la prochaine passe lui serait destinée, généralement via une "feinte de passe": le joueur qui semblait en être le destinataire apparent évitait le ballon pour le laisser atterrir dans les mains de son véritable destinataire, ce qui lui faisait déjà gagner plusieurs mètres sur le temps de réaction des adversaires. Sans cette coordination d'ensemble, les percées souvent spectaculaires d'un Kerdazenn, d'un Lefar ou d'un Hultgren n'auraient pu avoir cet opportunisme ni cette efficacité. C'était ce qu'en retenait le public, même si sur l'ensemble d'un match ces joueurs étaient plus souvent utilisés en défense, que ce soit en impact, en travers, ou en poursuite, et aussi pour récupérer des chandelles en sautant à la manière d'un "15". Le DD gardait l'habitude d'entrer moins loin (que la moyenne) dans le camp adverse (sauf vraie opportunité, en particulier une mêlée proche de l'embut permettant de former un "maul" puissant) grâce au nombre de joueurs ayant un bon pourcentage de réussite de drops. Lors du premier match de ce Top16, c'était par ce "canardage" (et grâce aux fautes adverses) que le DD avait battu l'USAP à Perpignan. Il n'y avait pas eu d'essai breton. La défense au ras de l'embut et les interventions sans faute (le sans faute restait un impératif, fort difficile dans cette "zone grise": il y aurait de temps en temps des "fautes" imaginaires sifflées contre Dinan, dans ces phases de jeu, savait le club breton) dans les mêlées ouvertes avait fait des progrès, contrairement à ce que laissait supposer le nombre d'essais subis plus élevé qu'il y a un an à la même période de l'année: Dinan remédiait petit à petit à ce point faible, mais ceux qui n'avaient pas assez pensé à l'exploiter l'an dernier (connaissant mal voire pas du tout ce club) insistaient plus sur ces phases de jeu (quand ils réussisaient à avoir le ballon: c'était surtout ça, le problème, avec Dinan) et obtenaient donc plus d'essais, en moyenne, qu'à la même période de l'an dernier. "Nous ne serons pas très bons au sol cette année ni peut-être la suivante, mais nous pouvons devenir moins mauvais", avait dit l'entraîneur spécialisé dans ces phases de jeu. Il y en avait huit à Dinan, avec le renfort des systèmes pour les phases de jeu où c'était possible, en particulier la touche, les passes, les drops, les transformations, les "cad-deb"/percussions/raffut/placages (il fallait les étudier en même temps pour savoir décider sur l'instant quelle manoeuvre marcherait le mieux: cad-deb/raffut/percussion/passe quand on avait le ballon, percussion/placage pour neutraliser l'adversaire qui l'avait), et les mêlées. Le "pas facile à modéliser", en particulier les rucks, devait se contenter d'un entraînement plus classique, la "rotoscopie" permettant toutefois de suivre en temps réel la gestion des appuis ainsi que les risques de torsion encourrus par les membres de ceux qui étaient sous le tas.
. La course "rinnepalliste" de Lefar dans la demi-finale contre Toulouse avait été minutieusement étudiée par les adversaires du DD, car il n'était pas le seul Breton à faire ça et eux le faisaient beaucoup mieux que leurs adversaires: cette technique "boule de flipper" était pour partie dérivée du rinnepallo, en particulier (vu le manque d'adhérence dans ce jeu) le rebond contre adversaire pour mieux changer de direction et aussi savoir choisir lequel tamponner (et de quelle façon) pour pouvoir s'arrêter aussitôt (et sans risque de chute) et trouver l'instant de tenter un drop. En fait la parade consistait à faire du "cad-deb sans ballon": donner l'impression au porteur du ballon que l'on allait le percuter, puis le manquer délibérément ce qui ne lui permettrait pas d'y prendre appui donc l'empêcherait soit d'aller là où il le souhaitait soit de s'arrêter assez vite pour avoir le temps de tenter un drop, devenu une spécialité bretonne. Cela obligeait les 3/4 "lourds-rapides" bretons à avoir un "itinéraire bis" de prévu (ou avoir prévu à qui faire une passe) si la percussion/prise d'appui était refusée par l'adversaire que rien n'obligeait à rester sur les rails.
. L'étude attentive des habitudes de jeu de Kerdazenn, Hultgren et Lefar (ceux dont la masse nécessitait de trouver de tels rebonds pour rester maniables à grande vitesse) avait permis à certains de les piéger: escamoter le joueur "cible" de la manoeuvre (pour ça, il fallait longuement étudier les courses à rebonds (par raffut ou percussion) des Bretons pour avoir de bonnes chances de prévoir lequel) tandis qu'un autre le prenait par le travers sur cette continuation de trajectoire imprévue. C'était le meilleur moyen de les mettre par terre sans prendre de risque, le temps qu'ils reconçoivent leur "plan de circulation et de passes" pour en tenir compte. La course à rebonds humains évitait aussi de forcer transversalement sur les appuis dont de trop solliciter les chevilles et les genoux lors des changements de direction. Au rinnepallo, ça évitait de glisser.

. Les appareils électriques auto-adaptatifs de massage (tables à rouleaux articulés "intelligents", qu'Erwann connaissait déjà, dans VTP puis au rinnepallo) et d'électrostimulation du Dynamo de Dinan avaient remplacé une grande partie des massages mutuels des joueurs, qui initialement économisaient du personnel au DD tout en constituant en même temps un travail de musculation des mains et bras pour celui qui faisait le massage. Pour la résorbtion de l'acide lactique dans les muscles des membres les appareils à la fois massants et vibrants conjugués à l'électrostimulation adaptative s'avéraient plus efficaces que les mains. On les utilisait même sur le terrain, au cours des matchs, sous forme de manchons reliés à une valise (accumulateur, pompe hydraulique, processeur) qui permettait en même temps de faire du froid ou de la chaleur (selon les besoins) pour "requinquer" un petit pépin n'imposant pas une sortie. L'appareil était homologué car il n'utilisait aucun produit chimique. L'une de ces valises servait d'appareil d'échographie portatif, pour mieux évaluer des dégâts éventuels (ligaments, par exemple) bien que ces blessures fussent très rares au DD, et ainsi mieux décider de continuer ou remplacer le joueur pour éviter d'aggraver son cas. Ces appareils étaient surtout utilisés pendant la mi-temps pour contrôler l'état des joueurs et pour décontracter les muscles pour permettre une récupération partielle plus rapide pendant ces dix minutes. Ceci augmentait un peu l'autonomie des joueurs et surtout la prévention des pépins en seconde mi-temps, via le check-up automatisé: l'entraîneur estimait mieux ainsi vers quel moment de la seconde mi-temps il faudrait procéder aux remplacements de tel ou tel, sauf imprévu.

. Dans ce calendrier du club, il y avait en tout 80 photos de 24 des 32 joueurs utilisés par l'équipe principale de Dinan. Les personnages ne regardaient pas vers l'objectif, donnant l'impression qu'ils ne savaient pas qu'ils étaient photographiés. Peu de photos d'intérieur.
. Cela attirait l'attention sur un point: il devait y avoir eu une part de recrutement à vue dans l'effectif de Dinan (ce qui était vrai car beaucoup des récemment formés avaient d'abord eu de petits rôles dans VTP, ce qui avait permis de tester leur sérieux et leur efficacité d'apprentissage gestuelle, point important pour le système d'entraînement du Dynamo de Dinan) car sans être tous des Emilianiens ils étaient mieux que la moyenne de ce que l'on trouvait dans ce sport. S'y ajoutaient la qualité scientifique de l'alimentation conçue au cas par cas par BFR et la surveillance de l'état de santé pendant tous les entraînements.

. Alexandre Galliot ("Angel"), le 8, était pris à peu près de face nu dans un désert de cactus cierges: il en chevauchait un, se tenant d'une main au morceau qui remontait en chandelle devant lui (gros symbole phalique, pouvait-on interprêter), tout en bloquant sous son autre avant-bras un morceau de cactus en forme de ballon de rugby. Photo en anaglyphe (donc ne permettant pas de percevoir les vraies couleurs), permettant de bien rendre les "coutures" épineuses des cactus. Bel effet de perspective avec les autres cactus cierges et les plateaux rocheux au loin. Il posait aussi en "penseur de Robin", assis sur un rocher au pied d'un phare, en pleine mer, le ressac lui éclaboussant les pieds.

. Le 13, Vincent-Hubert Keraven (1m86, 98kg), était en intérieur (mais on voyait des arbres puis la mer par la grande baie vitrée coulissante en aluminium) en train de faire sauter une crêpe, ce qui plaçait la crépière "au bon endroit" (un peu inclinée) tandis que la crêpe montait un peu plus haut que lui, en train de se retourner, ce qui lui permettait de regarder vers le haut et de faire bien entrer la lumière dans ses yeux vert jade.
. Bien que photogénique, Ferry Delamarre ne posait pas dans le calendrier car il devinait que ça aurait déplu à ses parents et dans sa famille, or il n'avait pas de raison de se fâcher avec eux. Par contre ça n'avait pas posé de problème qu'il joue des rôles pour VTP.

. Parmi les images "très bretonnes", entre les rochers pleins de varech, à marée base, où Amaury Le Dortz (n°12, 1m88, 101 kg) posait debout avec une grande épuisette le long de lui, un chapeau de ciré sur la tête comme seul vêtement, et un crabe un peu plus grand qu'un CD en guise de feuille de vigne (se tenant à la peau du ventre par ses pinces. Deux autres crabes lui escaladaient la jambe droite).
. Une quatrième image de Tobjörn le montrait (pour une fois en intérieur) en train de ramper sur le carrellage de la grande cuisine de la résidence de "Danger: nouilles", le corps déjà partiellement enserré de nouilles, en tentant de poser une pastèque derrière le sol en inox de la porte. C'était Bengt qui avait joué dans ce film, mais un grand Suédois costaud pouvait en valoir un autre, dans l'esprit du public. Un autre joueur, sous l'eau, combattait une pieuvre géante dont l'un des tentacules s'était déjà emparé du ballon, un autre lui enserrant la taille. La peau n'était jamais brillante sauf si le personnage était visiblement mouillé par la situation de la photo: on les talquait légèrement (en essuyant tout le surplus) pour donner un aspect plus mat, plus minéral.
. Il y avait aussi, posé sur un convoyeur à rouleaux pour bagages (juste avant le tunnel à rayons X), et suivi d'une grosse valise (on en voyait la moitié) un cube de verre (ou en polycarbonate?) de 49 cm de côté (soit un volume intérieur de 108 litres, en soustrayant l'épaisseur des parois), contenant Torbjörn compressé façon César (mais comme si ça n'avait causé ni échymoses ni saignements, tout en cassant certains os pour bien faire épouser le cube par le corps jusque dans chaque coin). Légende: "voyage en classe économique". Cette création initialement virtuelle avait été matérialisée avec un corps en élastomère déformé, habillé de six faces de verre et fut ensuite exposée (avec le même titre), portion de convoyeur incluse, dans quelques musées d'art moderne et autres lieux d'exposition temporaire. La tête de Torbjörn (vertèbres rompues, vu l'orientation) s'encastrait dans l'angle supérieur le plus proche de l'objectif, le nez écrasé et dévié dans le début de la joue gauche, l'oreille droite "rouleaucompessée". Les cheveux de ce côté partaient par dessus la tête (dessus en grande partie plat désormais) pour s'étaler sous la face supérieure du cube, donc ne cachaient ni le visage ni l'oreille. Des doigts de la main gauche venaient se loger à côté du menton, à droite contre le verre, la main puis l'avant-bras disloqué faisant le tour en passant dessous, avant-bras défoncé aussi par un genou. Un oeil fermé, l'autre ouvert. Il fallait regarder attentivement pour retouver où passait quoi, dans cette compression. Un miroir en arrière du convoyeur montrait la face arrière, avec l'étiquette d'expédition collée. Rien à cacher dans cette image, car ça devait se situer vers le centre du cube, après compression. Les logiciels de VTP avaient permis de faire beaucoup d'essais de compression du corps virtuel en tenant compte de la déformabilité et de la conservation du volume (seules les zones creuses étaient réellement compressibles, les autres n'étant que déformables). Le faux Torbjörn (qui n'était pas un robot car il n'aurait pas à bouger: c'était plus facile) fut alors construit de façon à pouvoir prendre cette forme sans se déchirer ni sembler être une enveloppe creuse en élastomère facile à plier. En même temps, on arrivait à le reconnaître, malgré la déviation du nez, même si déformé ainsi on aurait pu le confondre avec un autre Karéen, mais il n'y avait pas d'autre Karéen au Dynamo de Dinan. Il y avait eu bien plus de photos faites que le calendrier n'en avait utilisé. On pouvait en voir certaines dans le site "bêtisier" du Dynamo de Dinan. On parlait à ce sujet de "calendrier off", où certains joueurs (moins nombreux que dans la version publiée) s'étaient plus "lâchés": comme celle ou Torbjörn posait les bras croisés parmi les menhirs, l'entrejambe caché par une main venue de par derrière, doigts vers le haut, qui n'était donc pas la sienne. En fait elle n'était à personne: c'était une main artificielle de VTP dont le Suédois bloquait l'avant-bras entre ses jambes. Il y en avait une plus "sculpture": Torbjörn et Fritz Krüger vus par le côté, debout nus plaqués enlacés face à face, chacun le menton sur la clavicule de l'autre (la tête de Torbjörn étant du côté de l'objectif), chacun reculant la jambe gauche pour former contrefort en appui sur les orteils. Torbjörn pensait que les Bretons hésiteraient plus à se prêter à ça que l'Allemand, moins réservé et plus disponible pour les gags. Si les photos choisies dans ce bêtisier restaient à la limite (parfois tout juste) de la décence, on pouvait deviner qu'il y en existait d'autres que les responsables du site avaient refusé. La mêlée d'hommes nus était dans le bêtisier, car dans cette position on ne voyait que des dos, des fesses, des jambes et des bras. Idem en empilant les corps dans une mêlée ouverte évoquant un dessin de Dubout.
. Fritz Krüger n'était pas aussi à l'aise que ses deux cousins dans cette ambiance "bons vivants" et préférait jouer aux échecs avec Kerdazenn ou Yvinnec, mais ça devait rester secret car ça aurait dilué son image de brute primaire. Bien qu'ayant initialement des aptitudes intellectuelles tout à fait valables c'était le chômage en Europe et les pespectives de son aggravation qui l'avaient poussé à suivre les conseils de ses cousins et s'orienter d'abord vers l'haltérophilie puis le rugby, bien que peu pratiqué en Allemagne, puis les suivre en France où il y avait un club qui s'intéressait à de tels gabarits avec en plus l'image du "sérieux germanique". Les gens imaginaient Fritz amateur de bière et de choucroute puis faisant la ronde avec ses cousins et d'autres Bavarois en chevauchant bruyamment des chaises autour de la table en fin de repas. Il n'en était rien, mais si les gens le pensaient, "ça ne pourrait pas nuire".

. VTP disposait de moyens de mise en scène et de post-production infographique (d'autant plus facilement que là, il s'agissait d'images fixes) que les producteurs de l'autre "calendrier" n'avaient pas, mais même sans cela, il suffisait de ne pas faire des photos "bêtements posées" en intérieur dans un cadre plutôt morne (ou alors exprès, comme celle de la carcasse accrochée, ou sa variante en format horizontal, sur table de dissection aux mains de deux légistes en blouses, toques et masques) pour intéresser un public bien plus étendu.

. Kévin Mazurier et Vincent Le Manac'h, invités dans une émission "people" de fin d'année (il y en avait encore ça et là) expliquèrent:
Vincent- au début on pensait juste faire les Chipendales sur l'usine marémotrice de la Rance, en tenant chacun un poisson, un crabe ou un autre crustacé comme feuille de vigne, mais Torbjörn et ses copains de VTP avaient déjà eu d'autres idées, comme Kévin vous l'a expliqué. Et bien sûr, il y a des photos stéréoscopiques: tant qu'à ne pas faire de couleur dans la plupart, autant en profiter pour offrir le relief. Au fait: nous ne sommes pas payés pour les photos. Par contre nous touchons un petit pourcentage sur les produits dérivés.
. Vincent et Kévin sortirent chacun un bol à oreilles à prénom, portant le leur, et au fond duquel il y avait une image (très précise: on les reconnaissait) d'un joueur habillé en costume traditionnel (pas toujours dans les mêmes couleurs).
Kévin- ça, dans les autres clubs, il n'en font pas.
. Vincent sortit un paquet de biscuits dont la face en chocolat noir dur (et assez fin) représentait chacun d'eux en "bas relief", dans une attitude "de terrain" (et habillés). Ce n'était pas vendu plus cher que les autres biscuits représentant des voitures, des animaux, des avions, des monuments ou déjà des footballeurs, depuis la victoire de la Coupe du Monde 1998. Il n'y avait pas toute l'équipe de France de football de 1998, car seuls ceux qui n'avaient rien exigé pour être représentés en chocolat (le moulage était précis, en tenue de footballeur dans une attitude extraite d'une photo du match réel) y figuraient.
V- on peut aussi nous manger. Là-dessus on ne touche rien, pour que ça reste au même prix que ceux qui représentent des animaux.
. Une des animatrices:
a- il y a quelques milliers de calendriers de femmes dévêtues et une petite dizaine de calendriers d'hommes dévêtus, dans le monde, il me semble. Le vôtre est attirant mais pas provoquant, peut-être parce que vous ne regardez pas vers l'objectif: on a l'impression de pouvoir vous observer sans être vue.
V- dans les films, les acteurs ne doivent pas regarder dans l'objectif, alors là non plus.
a- il y a aussi des allusions au canibalisme, et pas qu'avec les biscuits.
K- il y a quelques allusions à certains films, et pas que dans la photo avec les nouilles. L'idée que certaines images semblent avoir été extraites d'un film nous intéressait: donner l'impression qu'il y a un avant et un après cet instantané, plutôt que de faire photo posée.
a- que pensez-vous du calendrier de vos concurrents?
V- leur 2002 était plus ludique et plus varié que les suivants. Je pense que leur calendrier marchera mieux que le nôtre sur une catégorie du public, mais que sur l'ensemble nous pouvons intéresser beaucoup de gens qui n'achetaient pas le leur, et pas seulement par la différence de prix ou du nombre de photos.
a- "voyage en classe économique", j'adore.
K- ce n'est pas du virtuel: la scupture est exposée dans le hall de la mairie de Dinan, en ce moment.

. Le "DdD 2004" n'était pas aussi connu du public que "Les dieux du stade" mais était bien moins cher, plus rempli et généralement jugé mieux fait. Il finit par trouver son marché par bouche à oreille, ainsi que la circulation d'images sur le Lioubioutchaï. Dinan ne commercialisait toutefois pas de vidéo du "making of". Il y avait une vidéo "DdD" mais elle retraçait les entraînements les plus techniques des joueurs du club, habillés et équipés, plus divers capteurs et même parfois des exosquelettes (en particulier pour optimiser la frappe de transformations et pénalités) directement issus des méthodes de tournage de VTP. Pour amateurs de rubgy, de robotique (accessoirement) et de techniques, et non pour voir des corps musclés dévêtus. La sortie de cet "autre calendrier" intéressa beaucoup des médias "de futilités" (ce qui vallut à Torbjörn ou autres d'être invités ça et là, et pas uniquement dans des émissions sportives) et la question fut bien sûr posée à d'autres clubs.

. Parmi les critiques qu'Erwann put lire à propos du "DdD 2004":
§§§c'est inventif, esthétique, jamais monotone, et les rares photos que l'on pourrait trouver provocantes ou de mauvais goût, comme la carcasse pendue, se rattrappent par l'humour et la qualité de réalisation: on peut dire que c'est un catalogue d'images originales dont les corps sont un des ingrédients et non la seule finalité. Il y a certainement une bonne dose d'infographie pour créer tout ceci au point que l'on peut se demander si ces morphologies flatteuses sont les vraies, là est le revers du parti pris d'esthétique et de créativité du calendrier de rugbymen bretons.§§§

. Le "rugby industriel" de Dinan avait maintenant fait ses preuves, même si le manque d'effectif ne permettait pas encore d'avoir une vérifable "équipe bis" de niveau suffisant donc imposait de ménager les joueurs les moins remplaçables et de sacrifier un peu les performances dans certains des matchs à domicile et ceux de coupe d'Europe.

. Ce fut le dimanche 2 novembre 2003 qu'eut lieu le match SF/DD. Le score allait-il ressembler à celui de l'an dernier, ou plutôt celui de la finale? Malgré les départs (par rachat) et grâce à de cet été le DD ait déjà reconstitué son artillerie puisque même dans la première ligne "bis" (Giquel-Delamarre-Lecestre) il y avait deux auteurs de drops: le talonneur et le pilier droit. Le DD engageait une ligne de 3/4 lourde, dans ce match: Yannick Kedazenn (106kg), Nicolas Guillevy (1m88, 102kg, un "nouveau promu" cette année, bon au pied lui aussi), Torbjörn Hultgren (109kg), William Lefar (110kg), dont trois "bien expérimentés" et le nouveau (Guillevy) qui avait dû être entraîné "comme pour l'envoyer sur Mars". La charnière centrale gardait les indévissables Le Clézio/Yvinnec (Le Clézio bon buteur aussi, cette année: entraînement intensif), on trouvait Le Manac'h (pas lourd, très rapide et précis au pied: il pouvait aussi jouer 10) en 15, et en première ligne les Krüger rentreraient en 2ème mi-temps pour "tuer le match" puisque c'était la ligne "bis" qui le commençait. "Il va pleuvoir des drops de partout", s'inquiétaient les supporters de Paris, "même leur talonneur bute à 50m", ce qui était un peu exagéré (41% de réussite à 50m pour Ferry: on ne lui confierait pas ces tirs) mais le risque de drop était important de la part d'au moins sept joueurs sur quinze, et "pas exclus" (d'assez près) de quatre autres.
. La consigne fut donnée aux joueurs parisiens d'éviter tout risque inutile: "n'essayez de gagner ce match que si les Bretons jouent mal. Sinon essayez surtout de le finir en bon état pour le suivant". Ce "principe de précaution" conduisit le SF à subir 24 points à zéro (2 pénalités, 6 drops) en première mi-temps, score qui fut porté à 7-45 (un essai parisien, tandis que le DD tapait trois pénalités et quatre drops) en fin de match, mais sans blessé de part ni d'autre. Les joueurs du DD avait bien eu l'impression que le SF jetait l'éponge après avoir combiné une belle action aboutissant à cet essai en force en début de seconde mi-temps "pour sauver l'honneur", et les spectateurs que les artilleurs du DD avaient fait moins d'effort après avoir franchi les 30 points, à la 55ème minute. A la 62ème, on fit juste rentrer les Krüger "par sécurité" et aussi parce que le public (y compris parisien) aurait été déçu qu'ils n'y fussent pas.
. Il y aurait eu au moins quatre essais parisiens (voire six ou sept) en jouant comme dans la finale. Mais en jouant comme dans la finale le match contre l'USAP risquait fort d'être perdu lui aussi. Ce qui était un peu trop visible c'était que l'on avait remplacé tôt certains joueurs parisiens importants, visiblement pour les économiser pour le match suivant, le remplaçant venant plutôt "faire de la figuration" en regardant pleuvoir des drops bretons, comme l'affirmèrent certains supporters dans les forums. Certains comprenaient que leur équipe se fût ménagée pour le prochain match, d'autres trouvaient que c'était ne pas respecter le public que de jouer ainsi: la finale avait prouvé qu'il était possible de faire mieux face aux Bretons. Mieux, sûrement, mais gagner? En face aussi il y avait eu du jeu à l'économie en seconde mi-temps.

. DD/ASM (à domicile) ne s'annonçait pas bien: d'abord l'an dernier c'était la seule équipe que le DD n'avait pas battue (un nul et une défaite), d'autre part un peu trop d'énergie avait tout de même été mise pour aller chercher la prime des 75 points à Paris. Là, c'était le DD qui avait un peu jeté l'éponge pour le match suivant: d'abord, cette équipe ne leur avait jamais réussi: elle ne commettait pas les erreurs qu'exploitait habituellement le DD, ce qui avait réduit le nombre d'occasion de drops. D'autres part il fallait récupérer du match précédent (d'où une équipe "bis" voire "ter" à certains postes) et se ménager pour le suivant. En fait dans ce match jugé "à faible probabilité de réussite" le DD avait fait le "baptème du feu" de six joueurs: la charnière et toute la ligne de 3/4 étaient inédites, et "pas mauvaise" puisque l'équipe n'avait été vaincue que de trois points. Ceci était très bon signe pour le système de formation interne du DD: on obtenait vite des joueurs maîtrisant le fonctionnement des diverses phases de jeu du DD, tapant "plutôt bien" au pied et sachant plaquer sans faute. Cinq des six avaient joué tout le match: les autres changements avaient tous eu lieu dans le pack, qui restait écrasant en mêlée et imprenable en touche, et la rentrée de Le Clézio, Yvinnec et Lefar à la 60ème minute (deux minutes après les Krüger) alors que l'ASM menait: le score était de 24-33, avec deux pénalités et six drops pour le DD, sept essais dont un non transformé pour l'ASM. La défense "préventive" (avant d'en arriver à des regroupements proche de l'embut breton) fut beaucoup plus efficace après ces changements: "on ne passait plus", avec les Krüger (Fritz étant relativement rapide, quoique moins que Ferry et surtout moins longtemps) qui bloquèrent "comme des murs de crash-test" nombre de percées clermontoises, à la poursuite desquels William Lefar excellait aussi. Ce fut lui qui mit les trois drops permettant d'obtenir le nul, après avoir lancé les Krüger comme premier relai offensif pour ouvrir une brèche dans une défense clermontoise devenue moins réactive. La charge du trio Krüger était redoutée, surtout qu'eux n'auraient pas à se ménager, malgré leur masse qui ne les prédisposait pas à l'endurance (mais ce point avait été travaillé "depuis toujours" à l'entraînement pour l'augmenter, en sachant mieux s'économiser quand c'était possible), puisqu'il ne restait que 22 minutes à jouer. Lefar aussi était connu pour "en laisser au sol sur son passage", surtout quand il rentrait en fin de match. La ruche clermontoise attaquée par ces quatre frelons frais et dispos (et pas uniquement par eux, bien sûr) finit par laisser passer trois drops (quatre avaient été tirés, dont trois par Yvinnec qui en avait manqué un, et un par Lefar du milieu du terrain: 50m, à peu près dans l'axe, après une passe de Le Clézio) et ne repartir qu'avec le match nul. Cela démontrait aussi que l'ASM était vincible par le DD, cette année, mais à condition d'utiliser l'équipe "de premier rang", et non les "petits nouveaux" qui avaient montré qu'ils étaient au moins aptes à jouer remplaçants (les titulariser tous les six dans un même match était un défi "limite", par contre) même s'il y avait encore bien des progrès à faire. Ne pas avoir perdu le match avec eux pendant une heure sur le terrain (et trois d'entre eux jusqu'au bout) était bon signe.

. En novembre, Alexandre Fresnel retourna en France où il tourna Lancelot dans la HF (de scénario et financement américains) "La table ronde" réalisée par Westfilm. Ce n'était pas de la HF, mais du "Médiéval fantastique". La HF n'était pas précisément située dans le temps mais on pouvait la supposer antérieure à l'an 800, voire 500, puisqu'inspiré par l'Europe franque païenne, après la chute de l'empire romain. Elle pouvait aussi (et souvent) se situer dans un "passé parallèle" avec un contexte de société différent, comme dans "Le crépuscule des gueux" qui serait tourné au printemps 2003. VTP n'avait pas puisé dans l'univers "Tolkien" (façon "Donjons & Dragons"): s'il y avait des "trolls" voire des "elfes" dans certaines HF "Kerfilm", c'était parce qu'ils étaient présents dans des mythologies européennes.
. Alexandre gardait de son expérience finlandaise l'image d'un pays froid (ça, ce n'était pas une surprise) et extrêmement sérieux, y compris par rapport à l'Allemagne où il avait fait des séjours linguistiques dans sa jeunesse: il s'y attendait, mais c'était encore plus sérieux que VTP qui l'était déjà beaucoup. Toutefois il suffisait de faire comme eux pour y être au moins toléré. Seule Marika (et à moindre échelle Nelli) semblait avoir eu un peu d'intérêt non-professionnel pour lui, mais juste un peu. Certes, c'était la Finlande, et ce n'était pas en juin, mais c'était la première fois qu'il rencontrait une telle indifférence générale: chacun suivait ses rails. Il avait posé la question à Stéphane qui lui avait dit que c'était normal: "c'est un pays sérieux, où l'on économise même les mots".
. C'était d'ailleurs en partie grâce au sérieux "germanique" de l'organisation de ses tournages que VTP avait pu créer VTPSF et y employer des Finlandais qui ne se fussent certainement pas accomodés d'une autre ambiance. Rien n'était laissé au hasard: chacun n'avait qu'à faire exactement ce qui lui avait été indiqué pour aboutir à un résultat satisfaisant, vu l'acceuil des séries et des films par le public: "Drakkars et dragons", qui restait en tête du nombre d'entrées, avait été tourné par VTPSF et non VTP, ce qui décevait d'ailleurs un peu Tarsini qui eût préféré que "Le crépuscule de Rome" obtînt cette place.

. Le match contre le SF (à Paris) resta dans la tradition des rencontres entre ces deux clubs: 14-62 car le public (y compris en fait une partie du public parisien) aurait été déçu par un score plus modeste, partant du principe que le DD allait gagner. "Mais à chaque fois on leur met un essai de plus que la précédente: c'est bon signe", avait dit un joueur parisien. Cette différence de score fut d'ailleurs dépassée dans le match contre Montpelier (à Dinan) gagné 51-0.

. Ce fut le 5 novembre que "L'horizon des Colt" (titre choisi pour le projet "go west") sortit sur les écrans, cette fois partout en même temps, sans donner une semaine d'avance aux salles stéréoscopiques, les Américains ayant obtenu cela dans le contrat.
. "Un faux western tourné en Espagne et dans des studios numériques français, avec le faux Brad Pitt finlandais et aucun acteur américain", commenta un magazine américain à son lancement, ce qui n'empêcha pas le public d'aller le voir en masse. Beaucoup de grandes scènes d'ensemble, avec cavalcades de bisons, charge d'Indiens ou de cavalerie, cow-boys à la poursuite de troupeaux immenses dans des plaines tout aussi immenses. Le format de tournage était du 10240x5000, et non du 8888x5000 comme le plus souvent chez Kerfilm: c'était donc un peu plus large (2,05/1), ce qui convenait bien à de tels paysages et mouvements d'ensemble. Les Américains avaient reçu un produit fini correspondant à leur storyboard animé initial, mais sans avoir pu assister directement à l'essentiel de sa réalisation: juste un peu. C'était donc sans avoir vu le résultat du premier que le second (l'épopée arthurienne, que pour l'instant VTP désignait par "Brocéliande") avait été décidé.
. C'était en raison des péplums déjà réalisés, et après avoir vu que VTP respectait bien un scénario et un rythme de montage qui n'étaient pas les siens (tout en ayant antérieurement donné quelques avis et conseils dessus, ce qui (une fois acceptés par les Américains) avait entraîné quelques changements au profit de la "dynamique" du film, selon VTP) qu'un "remake" de César et Cléopâtre fut commandé chez Westfilm: ça n'avait pas été tourné en stéréoscopie à l'époque, de plus les goûts du public avaient changé par rapport aux péplums des années cinquante et soixante. Aux Etats-Unis, on tournait des "remakes" pour moins de raisons que ça (et pour plus cher), alors puisque Westfilm devait pouvoir le réaliser à un coût raisonnable, le projet qui existait depuis longtemps (storyboard détaillé et chronométré, puis en partie déjà mis sous forme de brouillon virtuel) mais restait simple intention pour raison de coût allait être tourné par Westfilm cet hiver, plutôt que de le confier à Bollywood. Avec Westfilm, il fallait se contenter de 40% de la recette, mais la méthode avait fait ses preuves et le coût de tournage était compétitif.

. Stéphane continua à s'occuper des systèmes mécaniques et hydrauliques d'installations fixes ou mobiles (donc mécanimaux inclus) de VTPSF, tout en servant aussi d'interface France/Finlande sur place, comme il l'avait été chez VTRSF. Il ne retournerait (sauf imprévu) que deux fois par mois chez BFRSF, pour une revue générale des installations et systèmes: Rennes souhaitait garder un vérificateur français sur place, mais n'en avait plus l'usage dans l'usine au quotidien. Bonne discipline alimentaire (de plus en plus facile avec les produits qu'il avait contribué à industrialiser, chez BFR, dont le Kanardix, qu'il préférait au Saumonix déjà succulent), natation fréquente mais sans forcer, variété des travaux et prototypes chez VTPSF, câlins ronronnants avec Gorak: sa vie lui semblait tout à fait agréable ainsi. Il y avait aussi les vols en hélicoptère rechargeable, les parties d'échecs à trois avec Viljami et Roni (parfois Oskari), l'échange de tendresse avec Nelli même si ça ne vallait pas la relation très féline qu'il avait avec Pia, les trajectoires complexes à grande vitesse dans les tunnels et sphères d'entraînement de "tripatins" qui avaient déjà servi (il y avait les mêmes chez VTP22) pour "Géode 565".

. "L'horizon des Colt" suscita beaucoup de débats aux Etats-Unis: certes, il y avait déjà eu dix-neuf films américains à ex-gros budget (et qui grâce à cela se contentaient de bien moins) tournés à Bollywood, le premier ayant été "Double bang", avec le supersonique russe, mais l'arrivée sur ce marché de Westfilm faisait craindre une baisse encore plus importante des coûts de tournage hors Etats-Unis par la concurrence entre l'Inde et la France pour capter les grands projets cinématographiques américains. C'était l'avantage constitué par les "mécanimaux" (en particulier pour les cascades avec chevaux, ainsi que les bisons) et la synthèse "indétectable" des grands paysages (en plus de ce qui avait été prétourné à vide en Espagne) qui avaient été déterminants pour confier "L'horizon des Colt" à Westfilm, car pour le reste, les Indiens auraient probablement pu le tourner, et, de plus, en utilisant des acteurs américains dedans (mais pas des connus, pour réduire le coût) au lieu d'Européens (français pour la plupart) faisant semblant d'être américains dans ce premier "western camembert" d'envergure mondiale.
. L'autre intérêt de Westfilm était la confidentialité: personne ne savait aux Etats-Unis, avant sa sortie, qu'un western de conception américaine y avait été tourné, alors que la présence d'acteurs américains à Bollywood avait attiré l'attention sur les projets qui s'y tournaient. "Brocéliande" qui ne s'appelait pas ainsi était tourné uniquement avec des acteurs européens, et rien n'indiquait que ce ne fût pas une production intrinsèque de VTP parmi d'autres. Il en serait de même pour "César et Cléopâtre". VTP traduisait les dialogues d'origine en français (tourner ainsi faisait gagner du temps, surtout pour apprendre les rôles) puis le doublage serait fait en Irlande ou ailleurs au gré des commanditaires, sauf pour les personnages principaux quand ils seraient vus de près (les Américains mettaient de tels plans de plus d'une seconde, eux) où ce serait dit en anglais.

. Des films tournés en septembre avec Erwann, ce fut "Autobahn" qui sortit le premier, le 26 novembre, sa post-production ayant démarré pendant le tournage, au fil de la disponibilité des prises réelles, en plus de tout ce qui avait pu être pré-produit. Il y faisait Fritz, un des jeunes braqueurs allemands, personnage visiblement inspiré dans sa tenue et son jeu par Chris Shiherlis (Val Kilmer) dans "Heat" (y compris dans la façon de tirer tout en changeant de position), mais dans un contexte européen des années 70.
. Stéphane le vit chez VTPSF, d'abord en français puis en allemand (beaucoup de personnages étaient censés être allemands, bien que peu des acteurs le fussent) puis en finnois. Il y avait tellement d'action et de cascades qu'il fallait au moins trois projections pour profiter de tout, après s'être laissé emporter par l'histoire dans la VF. Après l'avoir ainsi vu dans trois langues, il était sûr que ce film marcherait. On n'y faisait pas fumer les pneus pendant plusieurs secondes au démarrage comme dans un film de poursuites américain: l'adhérence des voitures européennes (y compris propulsions) était bien meilleure (tout en ayant moins de poids mort à lancer), et ce n'était pas un film de "drift". Par contre, certains virages étaient pris façon "rallye", de même que la prise d'épingles au frein à main (ce qui avec une BMW 30 CSL obligeait à débrayer en même temps, mais quand c'était bien fait ça restait efficace). VTP avait cassé bien moins de voitures, camions, autocars et autres véhicules (dont deux hélicoptères de type "Alouette II" et une "Gazelle" (ce modèle venait de sortir, à l'époque)) que le film n'en donnait l'impression, car même la préparation d'une épave pour ne pas en avoir l'air au moment d'être cassée prenait du temps, donc ajoutait un coût par rapport aux situations où l'on pouvait le faire en virtuel. C'était filmé (placements de caméras, trucages, synthèse) avec des moyens techniques qui n'existaient pas dans les années 70 où pourtant il y avait déjà eu de grands films d'action. Il n'était donc pas difficile de faire mieux, visuellement, à partir d'un scénario qui était déjà captivant à l'état de storyboard. Certains plans en hélicoptère, de nuit en ville, pouvaient évoquer "Tonnerre de feu": et pour cause, le prototype de ce film américain (de 1983) était en fait une Gazelle recarrossée, dont la queue à fenestron restait bien reconnaissable (y compris les petits ailerons complémentaires).

. Il avait aussi vu deux fois "la part du feu", avec lors de la première l'attrait de le découvrir ex-nihilo, puisqu'il n'y avait pas joué. Il trouvait ce film excellent: Tarsini y avait bien sûr glissé ses projets ou rêves (détruits, comme souvent) mais même sans cela le film était à voir et à revoir, estimait-il. Ce n'était pas pompé sur "Backdraft", alors que "Autobahn", faisait divers clins d'oeil à des films connus, y compris "Le casse" avec la poursuite en voitures dans les escaliers.

. La prochaine sortie (3 décembre) fut "Jakt", de VTPSF, un "road-movie" ne donnant pas envie d'aller voyager en Norvège, malgré la beauté des paysages dont le film profitait aussi, en particulier dans les plans pris en hélicoptère au dessus de l'eau du fjord pour montrer certaines scènes de poursuites sur une route excarpée, sinueuse et pentue le bordant. Cela avait comme d'habitude était filmé avant, et la poursuite avec les Hell's Angels norvégiens ajoutée ensuite, sans que l'on pût s'en rendre compte à l'image, même en faisant des pauses dans la version haute définition, ce que le public ne pourrait pas faire: il ne pourrait le faire que dans la version vidéo, quand elle sortirait. Il n'avait rien vu de tel en le tournant, comme souvent en raison de l'importance de la pré- et post-production, en plus des scènes inconnues de lui car n'y jouant pas, même si dans Jakt il en jouait un gros pourcentage. Le film lui plut, son personnage hollandais n'ayant pas la tâche facile (ce n'était pas un aventurier chevronné) et le scénario étant fort sombre, sa vivacité et l'ensoleillement intense (ça se déroulait en une seule après-midi, très longuement éclairée, l'été en Norvège) évitant toutefois d'en faire un film "noir". Sa scène la plus "erwandambertienne" était quand il était sur la galerie de l'Audi 100 (conduite par son copain), en frappant les assaillants avec l'ancre tournoyant au bout de sa chaîne, dont l'autre bout était fixé à la voiture pour ne pas être emporté une fois l'ancre ancrée dans un motard. La traque se poursuivait en forêt après que l'Audi, plusieurs voyants rouges allumés suite à des chocs précédents (dont le passage sur une Harley après l'avoir percutée de l'avant, ce qui en passant dessus provoquait une fuite d'huile lors du choc sous le carter) et devenue difficile à maîtriser avec deux pneus à plat du côté gauche (côté du précipice) eût à son tour dévalé dans le fjord. On pouvait penser à "Délivrance", "Mad Max 1" et "Duel", d'ailleurs VTP y avait pensé aussi, mais la barbarie norvégienne sur ces routes sinueuses, interminables et isolées de tout (sauf aux bouts) rendait l'histoire plus crédible: pas moyen de passer ailleurs, ni d'obtenir des secours. La seule fois où le téléphone portable "passait", la police, à l'autre bout, disait (entre policiers):
- des Allemands?
- non: des Hollandais.
- laisse tomber: ces gens-là viennent avec toute la bouffe dans leur caravane et ne sont pas de bons clients.

. Le 6 décembre 2003, Dinan écrasta à domicile le Munster 51-17: un essai de Romain le Morzadec, deux de William Lefar + un drop, deux drops de Valentin Yvinnec, deux drops de Yannick Kerdazenn, un drop de Vincent Lemanac'h, plus trois pénalités tirées par Yvinnec et une (de 55m) tirée par Amaury le Dortz. Le Munster marqua deux essais et une pénalité.

. Stéphane vit aussi des épisodes de "Lobosibirsk" qu'il n'avait pas encore eu le temps de voir, ainsi que de bien d'autres séries de VTP et VTPSF. Il ne serait jamais finlandais, mais "finnocompatible": il pouvait s'accomoder de la vie en Finlande (sans en imiter toutes ses particularités), et la Finlande semblait bien tolérer sa présence, avec une sorte d'indifférence bienveillante, lui semblait-il: on ne l'avait pas laissé mourir dans le froid dans le lac, à ses débuts, alors que c'eût été si facile. Il y avait eu la crainte qu'en cas de disparition du nouveau superviseur BFR renonçât et délocalisât, mais tout de même.

. "Au delà de la muraille" sortit le 17 décembre, dernière des HF jouées cette année, avant les cinq à tourner en 2004. C'était aussi celle qui mettait en oeuvre le plus de trucages mécaniques et hydroélectroniques: non seulement (quand c'était techniquement possible et financièrement acceptable) ça économisait de la synthèse par rapport à faire aussi réel en virtuel, mais en plus ça facilitait la tâche des acteurs, qui voyaient ce à quoi ils étaient confrontés, même sans voir d'autres parties qui n'existeraient qu'ensuite, en post-production.

. Il commençait déjà à étudier ses scènes de la série "Chasseurs d'ombres" qui serait tournée l'été 2004. Le public l'avait découvert via deux séries télévisées: "Au vent du large" et surtout "Cap sur Mars". VTP le mettait dans une toute nouvelle, disposant de bien plus de moyens, bourrée de gore, de fantastique et bien sûr d'action.

. Autre projet, pour le premier semestre 2004: "Multivers", de la SF via des univers parallèles dans lesquels les choses auraient évolué autrement, donnant prétexte à beaucoup de batailles spatiales sans que tout fût automatique, les vaisseaux interplanétaires ayant été mis au point avant l'informatique de forte puissance. Il fallait veiller à ce que cela ne ressemblât ni à Stargate, ni à Galactica ni à "La guerre des étoiles", tout en intéressant au moins autant le public.

. Serranix avait prouvé, chez VTP, qu'il revenait moins cher de faire de la SF avec des vaisseaux spatiaux que de la HF (nécessitant décors naturels, chevaux, etc), mais il restait plus difficile de trouver des scénarii de SF utilisant cela que des scénarii de HF, d'où le nombre important de HF tournées, non sans succès, et l'acceuil enthousiaste du mélange de ce genre et du péplum. Serait-ce encore le cas pour "Le mur d'Hadrien"?

. Autre voie possible, les utopies planétaires: après la planète creuse et la planète plate, ainsi que la répétition sans fin d'une alvéole (Alvéole 75), quoi d'autre qui ne fît pas loufoque? Il pouvait y avoir la planète plate à répétition sans fin, ou "tore sans courbure": pas de concentration des méridiens en un pôle, car ce serait une ligne. Ou une planète torique, avec un creux central comme une pomme étrognonée?
. On pouvait aussi garder la planète sphérique mais la noyer: certes, il y avait déjà eu "Waterworld", mais ce film avait été un flop. Il n'était pas difficile de faire mieux, avec un scénario plus vaste, en particulier la mise en oeuvre de toutes sortes de sous-marins et batyscaphes pour aller piller (ou récupérer, si c'était chez soi) les richesses englouties. L'excès d'eau pouvait scientifiquement être apporté par la queue d'une comète, faite de "neige sale" selon les astronomes), restait à trouver un titre: "Abysses" avait déjà servi. VTP n'était pas encore sûr de tourner ce film, les premiers scénarii proposés n'ayant pas convaincu la direction.

. Comme "Les cités oubliées" comportaient finalement peu de SF et surtout de la HF, un autre mélange SF/HF restait possible sans redondance avec ce qui avait été ou le serait prochainement.

. Parmi les divers projets existant déjà à l'état de storyboard (VTP en avait plein, dont certains déjà à l'état de dessins animés simplifiés), ce fut finalement "Le Crépuscule des Gueux" (il faudrait trouver d'autres titres dans d'autres langues) qui fut réservé, pour le premier semestre 2004. Une histoire de chasse aux gueux pour nourrir des monstres tapis dans des forteresses et fournissant en échange de cette pitance le pouvoir aux seigneurs les alimentants. Le bon vieux thème des sacrifices humain et du pouvoir reposant sur l'alliance avec une force maléfique. Ici, plusieurs étaient en concurrence d'où la rivalité des chasseurs de gueux, quand ils se retrouvaient sur les mêmes terres.
. La capture massive de gens au filet avait déjà eu lieu dans "Les N voyages de Robert Trebor" et surtout "la planète des singes", mais ça marcherait encore, en fournissant de beaux rôles avec de grandes épées pour Erwann d'Ambert et quelques autres. On verrait les gueux copuler comme des Bonobos, pour expliquer leur prolifération (ce qui rappellerait, pour ceux ayant vu le film et se souvenant de cet épisode, "les Sexus et les Poucus", sauf que là, tous auraient des mains à cinq doigts) donc leur abondance malgré la chasse (ou pêche, puisqu'au filet?) fréquente. Le problème des chasseurs était que les monstres souterrains voulaient des proies vivantes: celles tuées accidentellement pendant la chasse ou le transport ne pouvait servir qu'à nourrir le bétail (réduites en petites boulettes par des machines mûes par de grandes roues à aubes) ou comme engrais.
. On ressortit encore un autre projet, datant de 1998, lui: "les remous du temps", le troisième opus possible (mais sortant du cadre de la HF et demandant bien plus de moyens techniques que VTP ne pouvait en mettre à l'époque) dans lequel certains personnages allaient se retrouver dans un futur modifié, dont bien sûr Rolvar: il suffirait de le reprendre à un moment où il serait encore vivant, et si Erwann avait six ans de plus, tant mieux: maintenant il était bâti pour le rôle, donc pourrait être moins habillé et ne pas utiliser de talonnettes. A l'époque, il n'en utilisait déjà pas dans les scènes d'action rapide où l'on n'eût pas pu vérifier sa taille, mais sinon, oui.
. Ca permettait à la fois de ressortir "une équipe qui gagne" et d'engendrer une variante contemporaine de notre monde. "Le Capital" avait été un roman à succès (une sorte de "1984" antérieur) sans fonder de mouvements totalitaires, donc le communisme ne s'était pas instauré en Russie (la révolution avait eu lieu classiquement, conduisant à une pseudo-république corruptocratique bien moins dangereuse pour ses habitants et le reste du monde), puis Hitler avait été reçu à l'Académie des Beaux Arts de Vienne donc n'avait pas fondé le nazisme. Les deux fléau politques du XXème siècle évités? Oui, mais sans avoir la paix pour autant, car des guerres basées sur des intérêts plus classiques s'étaient perpétuées en Europe, aboutissant à une toute autre distribution des cartes, avec des lois différentes. Les voitures non plus n'étaient pas les mêmes, bien qu'ayant l'air récentes.
. Toutefois, Tarsini trouva que c'était une mauvaise idée: il ne voulait pas que l'on "rallonge la sauce" des miroirs et reflets du temps. Cela ne se ferait donc pas. Il y aurait donc "Les cités oubliées" (quatre films), "Le mur d'Hadrien" et "Le crépuscule des gueux".

. On pouvait maintenant faire tout un repas de Noël avec des ersatz satisfaisants au goût (ainsi que de consistance et d'aspect), bien moins cher et bien moins lourds pour les artères ou le ventre que les aliments traditionnels. Le faux chocolat BFR marchait très bien aussi, y compris dans ses variantes aux noisettes (artificielles), noix, amandes, nougat... L'une des réussites de l'année, selon Stéphane, était un nouveau faux fromage aux fausses noix, délicieux sur des tranches de (vrai) pain noir.

. Le 28 décembre 2003, naissance dans un des laboratoires d'embryologie de BFR de deux enfants "presque clônés", car ils différaient de l'original par la suppression de dix-huit séquences "CAG" sur quarante, au locus p16.3 du gène IT15 d'un des chromosomes 4. Remplacer la totalité du chromosome 4 eût été plus facile, mais aux effets secondaires inconnus, à part l'élimination du problème visé. En ne modifiant que cela, BFR s'assurait de la conformité à l'original, à part l'ADN mitochondrial bovin (c'était cela qui avait tant facilité les recherches sur le clônage humain: ne pas avoir besoin d'ovocytes humains, en plus de ne pas avoir besoin d'utérus humains) et le désamorçage de la bombe à retardement. Il avait fallu 228 essais (dont onze avaient abouti à des implantations) pour deux naissances saines: pas de prématurité (et pour cause: le cycle de gestation bovin pour embryon humain était sous contrôle), aucun problème de santé à la naissance. Les boutures embryonnaires conservées dans l'azote liquide permettraient ensuite d'en refaire d'autres (bien plus facilement) si les premier jumeaux donnaient satisfaction, auquel cas la concurrence avec la Suède pourrait commencer.

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