vendredi 10 avril 2009

chapitre N-47

Plus mystérieux encore, Florian, le compositeur de Millénium (qui faisait aussi de l'instrumental non chanté), au point que certains croyaient que c'était un pseudonyme utilisé par l'architecte Tarsini (lui aussi mystérieux) pour ses créations musicales: les oeuvres de Florian allaient bien avec celles de Tarsini: c'était tout aussi délirant, mais jamais "décousu" ni "bancal", contrairement à la musique "expérimentale": il y avait en même temps du monumental, on était emporté par le mouvement, dans une mer musicale avec des creux de vingt mètres, on pouvait être surpris mais pas perdu. Ca se buvait comme du classique ou du JMJ, mais avec un punch plus wagnérien, voire plus Sparks. Ca, c'était du Millénium "tarsinien", "druillesque" ou "sparksiate", selon le moment. Millénium savait aussi faire du moins difficile (voire impossible) à karaoker: c'était ce que VTP avait commandé pour les génériques de séries télévisées puis les morceaux des Bifidus. Toutefois seule une mélodie sur deux était "karaokable" par un amateur (quitte à la transposer vers sa propre tessiture), chez Bifidus: les cinq personnages avaient été choisis pour couvrir quatre octaves, comme Adrien (qui simulait chacun d'eux, mais sans faire des choses que le Bifidus correspondant n'aurait pas pu faire dans ses bons jours après un entraînement sérieux. Adrien imitait suffisamment leur timbre pour que l'on pensât que c'était eux), tessitures relayées que Florian utilisait pour les morceaux les plus "Milllénium" du 20-titres "Rayon frais" des Bifidus. Il y en avait donc pour les fans, karaokable à la maison, et aussi pour les non-fans, à écouter en voiture ou en faisant autre chose, sans se préoccuper de savoir si c'était un "boysband". Les versions en langues étrangères tendaient aussi à ce but: dire les mêmes niaiseries pour minettes en italien semblait tout de suite profond et romantique, voire lyrique.
VTP avait aussi choisi des personnages bien plus "zéro défaut", chacun dans leur thème, que la concurrence française. L'ambiance fantaisie-manga donnée au groupe visait à ne pas insister là-dessus, et aussi à pouvoir éventuellement procéder à des "changements de joueurs" en cours de saison sans que cela ne casse l'ambiance. Des fans râleraient, mais les médias se réintéresseraient à Bifidus pour servir la primeur de cet évènement au public.
Même ce qui semblait "imprévu" était en fait prévu, dans le scénario des Bifidus. La prod supposait que Knut repartirait en Suède avant la fin du groupe (durée estimée: un an et demi, prolongeable si ça se vendait encore) et ne le remplacerait pas "pièce pour pièce", même si "pour de rire" on pourrait emprunter Friedrich d'Au vent du large pour quelques apparitions d'intérim, quitte à réhabiller tout le groupe avec des gilets de sauvetage pour l'occasion.
BFR et VTP semblaient indifférents aux remous politiques en cours: quoiqu'il advînt, les gens ne cesseraient ni de manger, ni de regarder la télévision.
Début septembre 1996 Aymrald (1m814) fut expédié dans la filière québécoise de BFR, au titre de la "coopération et aide technique". BFR lui avait dit: vous préférez le Canada, ou perdre dix mois en vrai service militaire: déporté, tondu, encaserné, corvée de patates, corvées de chiottes et marche-ou-crève par n'importe quel temps avec un gros sac? Le dernier bastion du véritable esclavage pour ceux dont le seul crime était d'être né garçons: même les taulards n'étaient plus astreints aux travaux forcés... (En fait il existait un autre esclavage légal: l'école, pour les moins de 16 ans. Moins "à la dure" mais bien plus long que le service militaire). Il ne subirait rien de tout ça dans l'usine québécoise, où au contraire il continuerait à apprendre des choses professionnellement utiles, lui disait-on, et surtout, un an de Canada, ce n'était pas inutile dans une carrière professionnelle.
En fait BFR aurait pu le faire exempter, comme beaucoup de personnages VTP en échange de certaines recherches d'utilité militaire faites par l'entreprise. Mais il leur fallait quelqu'un au Canada pour remplacer pour pas cher une "fin de mission", et il n'aurait peut-être pas accepté d'y aller spontanément.
BFR lui apprit ce qu'il avait à savoir là-bas: d'abord ne pas rire de leur accent, ne pas se croire plus intelligent qu'eux, imiter leur vocabulaire local, ne pas s'étonner de ce que les recettes BFR locales fussent différentes: "cette usine fabrique aussi pour une chaîne de fast-food américaine. On n'aurait pas pu pénétrer le marché américain directement, mais dans les accords de l'Alena l'usine canadienne peut le faire sans problème". On lui fit un cours de québécois, à la fois pour lui rôder l'oreille (l'accent était tellement spécifique que parfois ça pouvait être difficile à extraire) et pour les particularités de vocabulaires. "N'imite pas leur accent: ça risque de passer pour une parodie, mais il vaut mieux connaître toutes les particularités linguistiques". On lui dit, entre autres, ce que signifiait "gosses" en québécois, d'où le sens imprévu d'une phrase comme "il n'y a pas assez de place pour mes gosses dans ce char" (voiture).
On l'avertit du bilan calorique de certains plats locaux "à essayer pour voir, mais pas tous les jours".
Le travail était moins intéressant qu'à Rennes, plus technicien qu'ingénieur, mais entre ça et l'armée, y'avait pas photo, même si c'était mal payé (coopération et aide techique: un moyen pour les entreprises françaises de s'offrir de la main d'oeuvre qualifiée pour pas cher). Contrairement à ce qu'il croyait, cela ne concernait pas que des pays sous-développés. Il découvrit qu'il y avait beaucoup d'obèses au Canada: l'avertissement de BFR sur les plats locaux n'était donc pas abusif. L'usine n'était qu'à une centaine de mètres d'une ligne de bus rejoignant la ville (dix minutes de bus environ). Aymrald eut beaucoup de mal à se faire aux mesures américaines: dans un contexte francophone, c'était d'autant plus déroutant. Si on l'avait envoyé en Angleterre ou aux Etats-Unis, il s'y serait attendu, mais là, c'était antinaturel au possible.
Toutefois comme BFR utilisait des machines soit allemandes, soit Kermanac'h, et quelques équipements japonais ou coréens, tout l'outillage était métrique et les systèmes de mesures aussi (de même que les garagistes locaux devaient l'utiliser pour les voitures japonaises ou allemandes). Ce n'était traduit en mesures américaines que sur les emballages. C'était à l'extérieur de l'usine qu'il continuait à sous-estimer les distances. 5 miles, ça faisait 8 km. Il fallait y penser à chaque fois pour ne pas mettre 60% de temps de plus que prévu. Il ne cessait donc de passer d'un monde professionnel métrique à un monde civil qui ne l'était pas.
L'expérience pouvait sur certains points être intéressante: le pays était beau, peu peuplé, et pas si méfiant à l'égard des Français que ce qu'on lui avait dit. BFR lui avait dit que les Québécois nous considéraient comme paresseux, fraudeurs, infidèles, sales et prétentieux (donc qu'ils préféraient les Belges, comme immigrants francophones), donc qu'il vallait mieux faire profil bas pour s'y intégrer. Et qu'ils n'avaient pas totalement tort vu les "invendus" sociaux qui tentaient leur chance là-bas, après que l'on eût jadis déjà utilisé cette province pour se débarasser d'une grande quantité de rustres voire de délinquants bretons ou normands s'intégrant mal à la France d'alors: on les envoyait "en face". Pas en Angleterre: de l'autre côté de l'océan, pour occuper le terrain convoité par les Anglais, justement.
D'où une éthnie qui avait des points communs avec celle de la région d'origine d'Aymrald, mais pas du tout la même culture. Aymrald pouvant être aussi sérieux qu'un Allemand dans son travail fit de son mieux pour ne pas conforter la mauvaise réputation du travailleur immigré français sur place. Il avait l'avantage de ne pas être un travailleur immigré, mais détaché par BFR Rennes, qui le rémunérait directement et s'occupait de toutes les formalités. Il s'évertua même à être aussi appliqué et discret qu'un Finlandais, car il supposait qu'ils étaient aux Allemands, en rigueur professionnelle, ce que les Allemands nous étaient. Et puis quand ça ne lui plaisait pas (en particulier par rapport à Rennes), il s'imaginait subissant ce que subissaient quotitiennement les trouffions pour encore moins d'argent et trouvait sa situation tout à fait confortable.
Un nom comme Aymrald Dambert intriguait moins au Québec qu'en France. Il n'avait pas la particule et ne prétendait pas l'avoir, mais ici ça comptait peu, de toute façon. Il s'habitua petit à petit à l'usine, aux alentours, à l'accent local, observa, mémorisa, apprécia l'espace qu'il n'y avait pas en France. La neige, les animaux, la cuisine (en n'en abusant pas), le paradoxe d'une société hyper-américaine (mesures, voitures, commerces, mode de vie) bien que francophone et "provincialement francophone".
On ne lui avait pas fourni de voiture mais un abonnement aux transports publics locaux qui marchaient plutôt bien, contrairement à ce qu'il avait entendu dire de leurs homologues américains.
Il put visiter le pays en train (autant utiliser le plus possible l'abonnement multiréseaux), qui hélas n'allait pas partout. Il put même se rendre aux Etats-Unis (ne payant que ce qui sortait du réseau canadien), en particulier à Detroit, qui était proche de la frontière: les formalités étaient moins difficiles (même pour un non-Canadien) par le sol d'un pays de l'Alena que par air ou par mer, et lui avaient été entièrement expliquées à l'usine.
Les quartiers industriels de Detroit étaient plus mal entretenus que ce à quoi il s'attendait. On lui avait même marqué sur le plan de la ville les zones à éviter pour un touriste. Le Canada semblait plus sûr et plus civilisé (au bon sens du terme, ce qui ne signifiait pas "bétonné"): même le Canada anglophone.
En avril, il visita New York, bien que l'ayant si souvent vu à la télévision, d'en haut comme d'en bas, qu'il pensait que ça n'apporterait pas grand chose de plus en vrai. C'était moins dépaysant que Detroit, effectivement: New York ressemblait en grande partie à ce qu'il en connaissait à distance, et le reste faisait probablement partie des zones qui lui avaient été déconseillées en rouge sur le plan. N'ayant pas de voiture, il prit le métro: c'était différent mais pas pire que certaines lignes parisiennes. Il y avait toutes sortes d'Américains, donc il y en avait aussi des comme lui, dans le tas, donc on ne pouvait pas savoir s'il était un touriste, sauf quand il camescopait des points de vue que les New-Yorkais côtoyaient sans les regarder, mais que des Américains d'autres Etats (par exemple des habitants de Detroit) auraient eux aussi filmés.
La côte Est possédait l'un des rares réseaux ferroviaires électrifiés et relativement rapides du pays. Il l'utilisa plutôt que l'avion, pour visiter d'autres villes comme Boston. Il remarqua que ce train de la compagnie Amtrack utilisait une locomotive suédoise, du groupe Asea, et non américaine.
La côte ouest: trop loin, trop cher. Il irait peut-être une fois, mais il n'en était pas sûr. L'ambiance était correcte, et Aymrald fut bien accepté après qu'on eût constaté qu'il était "sérieux comme un Suisse" et ne portait aucun jugement sur le pays par rapport au sien. Il put enfin travailler comme ingénieur (niveau de base, donc sans équipe sous lui) en complément du titulaire au lieu d'être toujours sur ce dont personne ne voulait s'occuper... comme un stagiaire.
Il vit les érables se couvrir de feuilles rouges, puis petit à petit le froid s'intaller.
Pendant ce temps, la mauvaise saison donna l'occasion à VTP de tourner des épisodes non maritimes (on réparait les bateaux, on faisait des simulations informatiques, de temps à autre une sortie quand la météo le permettait) et de diminuer ainsi le temps de tournage par épisode pour chaque personnage, ces scènes "en cale sèche" prenant bien moins de temps à préparer. Encore un peu, et "Au vent du large" serait devenu un "sitcom", mais il restait de l'extérieur, et c'était filmé de moins près, même en intérieur, pour que l'on voie bien les bateaux en travaux). Friedrich était reparti en Allemagne en septembre (pour ses études).
Le stage (car d'une certaine façon Aymrald était redevenu stagiaire, au moins côté rémunération) se déroula sans surprise: il y avait beaucoup de travail et il en fit sa part correctement. Il eut l'occasion d'aller en Californie fin septembre 1997, dans une Pontiac Firebird noire à vitres fumées qu'il reconnût aussitôt: vue dans K2000. Son propriétaire l'avait équipée à peu près comme dans la série télévisée: un tuning respectant l'esthétique extérieure plutôt réussie du modèle d'origine et un intérieur encore plus futuriste car il s'agissait d'instrumentation virtuelle par petits écrans à cristaux liquide couleurs comme dans un Airbus A320. Affichage par rétroréflexions sur le pare-brise, vision infrarouge (la rampe à diodes décorative comportait surtout 480 diodes infrarouge, non visibles mais efficaces de nuit) permettant de rouler tous feux éteints "très utilie en cas de poursuite", une suspension relevable à air comprimé (comme les "voitures sauteuses" mexicaines) qui permettait réellement, en déclenchant l'avant puis l'arrière avec un léger retard fonction de la vitesse, de sauter par dessus un obstacle jusqu'à 40cm ("16 pouces") sans le toucher des roues ni du dessous, un train arrière à roues indépendantes emprunté à une épave de Corvette (quitte à modifier la suspension pour sauter, autant l'améliorer aussi côté tenue de route). Certes, elle n'était pas à l'épreuve des balles et ne conduisait pas toute seule, mais il y avait un pilote automatique agissait sur le frein et l'accélérateur (ce qui suffisait puisque c'était une boite automatique) ainsi que la direction assitée pour pouvoir suivre le véhicule précédent à distance suffisante tout en lâchant le volant et les pédales. Aymrald supposa qu'il y avait d'autres gadgets mais que Paul-Emile (ses parents étaient-ils fans de l'explorateur?) ne lui montrait pas parce qu'illégaux: des trucs à la James Bond, certains étant à la portée d'un bon bricoleur.
En route pour la Californie à bord d'une voiture de série télévisée: intéressant, d'autant qu'il y avait plus classiquement la climatisation avec réfrigérateur de bord, une sono huit hauts-parleurs, que les modifications de la suspension ne l'avaient pas durcie et que son propriétaire ne se prenait pas pour Mad Max sur route réelle.
Officiellement il s'agissait d'aller voir l'un des responsables achats de Speed-O-Meatic, l'une des chaînes de restauration rapide cliente de BFR Canada. Paul-Emile, 28 ans, était un des "technico-commerciaux" de la boite, raison pour laquelle il devait surveiller sa ligne: il faisait partie de ceux ne semblant pas avoir de problème de poids. En fait ils auraient pu y aller en avion, mais BFR Canada avait accepté d'inclure le temps de trajet en voiture dans la mission, Paul-Emile étant un bon élément professionnellement.
Paul-Emile le laissa même conduire un peu, ayant verrouillé le système avec sa télécommande pour être sûr qu'il ne dépassât pas la vitesse autorisée: "les Européens ne s'habituent pas à devoir rouler aussi lentement dans de si grosses voitures sur des routes si larges et bien droites", l'avait-on averti. La Firebird n'était pas une énorme Américaine et répondait plutôt bien, suite aux améliorations pratiquées par Paul-Emile. Aymrald s'habitua assez vite. Ce qui lui parut dangereux, c'était le tout automatique. Non que la voiture prit des initiatives imprévues, mais parce qu'elle n'en demandait pas assez au conducteur (même pas de surveiller la pression du pied sur l'accérérateur, régulateur enclenché) à part tenir le volant (direction un peu trop assistée, en plus) pour rester sur la route. Route longue, monotone, parcourue à la moitié de la vitesse qui aurait rendu la conduite stimulante dans une voiture de cette taille: somnolence assurée.
Ce fut un bip dans les deux haut-parleurs de l'appuie-être et une secousse dans le dos qui le réveillèrent. Paul-Emile se doutait que cela arriverait, en roulant avec du ABBA règlé pas trop fort, et savait que sa voiture s'en apercevrait, tout en maintenant la trajectoire grâce aux pointillés de la chaussée: en plus du radar pour maintient d'une distance suffisante par rapport au véhicule précédent s'il y en avait un (là, il n'y en avait pas), des capteurs visant de chaque côté, sous les rétroviseurs, se servaient de la réflexion de faisceaux lasers meilleure sur les bandes de marquage que sur la chausssée pour pour corriger si le conducteur cessait de le faire, tout en tentant de le réveiller. S'il ne se réveillait pas (crise cardiaque) le système aurait freiné bien droit tout en allumant les feux de détresse. Il avait installé ça pour son propre usage (il lui était déjà arrivé de se rendre compte qu'il venait de dormir pendant quelques secondes. Si un imprévu était survenu pendant celles-ci...) et ayant constaté que ça marchait avait laissé Aymrald découvrit par lui-même l'intérêt de ce dispositif.
Le vrai point noir de cette voiture restait la consommation, son V8 à arbre à cames central étant loin de la modernité de celui auquel les Cadillac récentes avaient eu droit (le "North Star" 2x2 ACT en alu). La boite automatique trop classique (3 vitesses sans verrouillage de convertisseur) aggravait le bilan, que seul les prix incroyablement bas des carburants locaux rendait supportable. De plus, le réservoir n'était pas plus gros que celui d'une familiale européenne d'où des arrêts fréquents à la pompe, malgré la vitesse de croisière modeste imposée par la règlementation américaine.
Paul-Emile avait remplacé les sièges de façon à pouvoir en faire de vraies couchettes assez confortables en continuité avec la banquette arrière: outre l'appuie-tête, les rebords "baquet" en position assise pouvaient se replier, donnant une surface à peu près plane, ce qui leur permit de se relayer au volant en ne s'arrêtant que pour les pleins (trop fréquents). Aymrald savait depuis ses voyages vers la Suède que l'on ne dormait pas si efficacement que ça dans une voiture (contrairement à un train) donc qu'ils finiraient par somnoler au volant, mais puisque cette K2000 était prévue pour y réagir, le risque était faible.
Ce ne fut qu'en Californie que Paul-Emile prit deux chambres de motel pour pouvoir arriver frais et dispo à son rendez-vous d'affaires, à San Francisco. Il déposa Aymrald au "SM Word", étant sûr que ça l'intéresserait: le garage de Los Angeles fondé par un fan de la SM qui faisait même refabriquer des pièces que certains collectionneurs européens commandaient ici, faute de les trouver encore chez Citroën. Il n'y avait pas que des SM, mais aussi d'autres Citroën, même aussi improbables ici que l'Ami 6 (si, si, il y en avait une) ou le fourgon "H" de police parisienne, dans sa livrée d'origine: une restauration pour un collectionneur local qui collectionnait les cars de police du monde entier (il avait donc aussi l'Estafette bleue de notre gendarmerie, le minibus VW vert et blanc "Polizeï", etc). Il existait des collectionneurs de tout, en Californie, même de tanks en état de rouler, d'où la présence de quelques chars soviétiques et même chinois sur le sol américain.
Paul-Emile passa le récupérer en fin d'après-midi. La "K2000" ne semblait pas surprendre les passants: non seulement elle était loin d'être la seule à avoir été "customisée" ainsi (extérieurement. Peu avaient l'équipement technique fonctionnel de celle de Paul-Emile, mais avec les vitres fumées, qui s'en rendait compte?), mais surtout on voyait circuler des véhicules bien plus inhabituels que le service de Mines français n'aurait jamais homologués.
Paul-Emile accepta de filmer Aymrald venant se garer près du camescope avec la K2000 et en sortir. Il lui fit même "refaire la prise" en le filmant avec son propre camescope.
Le lendemain, ils allèrent à un autre rendez-vous d'affaires, cette fois ensemble, Aymrald représentant (à son niveau) la "maison mère": la direction mondiale située à Rennes. Paul-Emile lui avait dit qu'il n'aurait rien à dire, juste à taper les données dans l'ordinateur portable et approuver ou refuser discrètement ce que Paul-Emile dirait à son interlocuteur (avec un petit code gestuel convenu): "ils vont penser que Rennes t'a envoyé pour me surveiller, puisque tu es français. Ca me donnera un bon prétexte pour ne pas pouvoir accorder certains rabais qu'ils vont me demander". Aymrald comprenait pourquoi on lui avait demandé d'emporter un costume d'aspect "soviétique". Paul Emile lui conseilla de se laquer les cheveux dans un style aussi glacial que possible. Trop jeune et frais de toute façon, et en se regardant dans un miroir, avec le costume (prêté par un collègue de BFR Canada de même taille que lui) il trouva qu'il avait l'air d'un jeune exécuteur de la mafia soviétique. "C'est à peu près le rôle que j'attends de toi, mais sans prendre l'accent russe. L'accent français suffira".
Là était donc la raison de sa présence dans le voyage: jouer le rôle du jeune "méchant" aux ordres de la direction mondiale, prêt à taper sur les doigts du négociateur canadien s'il était trop souple. Et même peut-être de son envoi chez BFR Canada: Rennes n'avait pas choisi n'importe quel "coopérant d'aide technique", mais un ayant déjà été acteur. Il répéta le rôle consciencieusement avec Paul-Emile et un copain américain à lui (il connaissait des gens à Los Angeles, au fil de ses missions) qui jouait le rôle de l'acheteur de Speed-O-Meatic, le tout filmé par le camescope de Paul-Emile sur pied. Une fois le scénario rôdé et les prises de vues repassées et critiquées plan par plan, l'équipe était prête, à ceci près que l'on pouvait pas prévoir exactement sur quel produit le véritable acheteur serait le plus coriace. Le faux acheteur avait quelque chose de peu crédible avec son piercing à l'arcade sourcilière, son "bouc de trois jours" (si ça avait été par oubli, il n'y en aurait pas eu que là) et ses cheveux gominés. Plutôt un personnage de série télévisée (second couteau vite tué dans une série policière) qu'un commercial.
Ceci se déroula à peu près comme répété: comme prévu, Paul-Emile put profiter du "véto français" sur certains rabais pour en accorder d'autres (moins coûteux vu la quantité de produits concernés) grâce à la conservation de marge obtenue sur les postes clefs de la négociation. Cela donnait l'impression à l'acheteur que Paul-Emile aurait été trop conciliant la dernière fois, au point de se voir escorté par un jeune superviseur français envoyé de là-bas pour éviter que cela ne se reproduisît.
Aymrald découvrait que même dans des négocations aussi professionnelles que les prix des surgelés et lyophilisés en gros, il existait une part importante de mise en scène. Il défendait les intérêts de la France face aux Etats-Unis, dans ce rôle, donc l'avait effectué avec soin. Il ne fallait surtout pas perdre ce client, tout en baissant le moins possible les marges. Pour avoir cette fonction de superviseur aussi jeune, et avec ce nom "Aymrald d'Ambert" (que l'interlocuteur n'avait pas vu écrit), il pouvait supposer qu'il était le fils d'un des actionnaires de BFR, envoyé pour remettre un peu d'ordre dans les agissements de la filiale canadienne. Aymrald ignorait ce que son interlocuteur supposait: il avait juste fait ce qui était prévu et ça semblait avoir marché.
Il y eut une autre négociation de prix dans l'après-midi, avec l'un des concurrents du précédent, puis trois autres avec des chaînes d'hypermarchés locales. Même si (improbable car "pas de la même crêmerie") les acheteurs en discutaient ensuite entre eux le duo Paul-Emile + Aymrald avait eu le même rôle tout le temps donc ça ne semblerait pas bidon.
Repos dans un autre motel, puis retour routier au Canada, se relayant au volant. A un moment, Paul-Emile lui dit que Derek Cunningham, l'un des acheteurs pour hypermarché, semblait avoir bien plus regardé Aymrald que lui, bien qu'à ces moments-là Aymrald n'eût pas de rôle particulier.
Aymrald- oui, j'ai vu. J'ai pensé qu'il ne croyait pas que j'étais réellement là pour te surveiller. Je n'ai pas vraiment le physique de l'emploi, même comme agent du KGB breton.
Paul-Emile- si, justement. Cunningham t'a a-do-ré. Il est resté aussi professionnel que possible, mais il ne t'oubliera pas de sitôt. En plus "emerald" ça veut dire émeraude, en anglais. Tu as dû lui faire des trous dans le cerveau, avec ton regard, au point qu'à son autopsie on nous accusera de lui avoir refilé de la vache anglaise.
A- tu veux dire que...
Paul-Emile- oui, sinon j'aurais emmené une Suédoise. Ca t'embête?
A- tant qu'on ne me demande pas de participer... Mais ça sert à quoi? J'avais le rôle du froidement méchant, tu m'as dit.
Paul-Emile lui dit que c'était un adepte de SM et qu'il ne s'agissait pas de voitures ("chars"). Par la suite, Aymrald rembobina mentalement l'histoire et trouva que Paul-Emile, tout en ayant pas eu d'attitude spéciale avec lui, l'avait beaucoup filmé. Certes, il fallait vérifier l'exécution du scénario, donc refaire des prises. Mais beaucoup filmé quand même. Pour revendre les films à qui? A son copain américain aux airs de second couteau d'opérette?
Après tout, ça n'avait guère d'importance: il avait posé vêtu (strictement et "ennuyeusement", même). N'importe qui pouvait magnétoscoper ses apparitions moins ennuyeuses dans "Au vent du large" et phantasmer dessus, si tel était son phantasme. Il pensait pourtant qu'il ne correspondait pas à l'imagerie homo de l'époque utilisant surtout des garçons coiffés très court, voire ras, vêtus moulant et souvent sans manches, mais il supposa que des phantasmes plus calmes, plus romantiques, ne se satisfaisaient pas de ce stéréotype "gay".
Dans Centrale Dinard, il avait entendu dire qu'il y avait des lesbiennes ("comment faisaient-elles concrêtement? Avec des carottes, ou des bananes?") mais pas d'homos détectables.
C'était une découverte concrète pour Aymrald: bien sûr, chez VTP on leur avait dit qu'il y aurait aussi ce genre de fans, mais il n'en avait jusqu'alors jamais rencontré. C'était un concept, et non des individus réels. L'intérêt que lui portait Paul-Emile était tout aussi virtuel, mais il avait un nom, une fonction, une apparence: ce n'était pas un individu théorique. Raison de plus pour faire celui qui n'avait rien deviné: si Paul-Emile se sentait "découvert", ça pourrait nuire à son aisance dans ses performances professionnelles, donc à BFR. Mais Paul-Emile aurait aussi bien pu ne rien lui dire pour Cunningham. C'eût été tellement plus simple... Donc c'était pour voir ce qu'il en penserait. Au point que Cunningham n'y était probablement pour rien, ayant juste surveillé Aymrald parce qu'il l'inquiétait, avec son air trop jeune, trop froid et trop rivé à son ordinateur. Tout n'était que mise en scène.
"Tant qu'on ne me demande pas de participer" avait mis les choses au clair, alors qu'il avait juste dit ça pour ne pas prendre position sur le sujet, ayant entendu dire qu'à Los Angeles tout coexistait avec tout. Restait une question: qui avait décidé de l'envoyer à bord de la K2000 de Paul-Emile? Lui, ou la direction (sans savoir, ou en sachant pour s'amuser)?
Autre scénario: tout ceci était une mise en scène (Paul-Emile y jouant ce rôle) conçue par BFR dans le cadre de la "destabilisation psychologique", pour le tester. Ca ne l'aurait pas étonné de la part de BFR/VTP, y compris les conversations qu'il n'était pas censées avoir été entendues mais qui pouvaient avoir été jouées juste au moment où il pourrait les entendre "à l'insu de leurs auteurs". Tout était peut-être aussi faux que la poudre d'amande chimique dans les millefeuilles à la frangipane de BFR ou le "Délice de Kerisper".
Aymrald devenu un peu plus attentif découvrit mi-octobre 1997, vers la fin de son stage canadien que Paul-Emile avait d'abord dit qu'il vaudrait mieux prendre quelqu'un de plus âgé, mais que la direction avait dit qu'il fallait prendre Aymrald puisque BFR l'avait envoyé de Rennes, déposant ce faisant une bouteille de Cognac dans la voiture d'un alcoolique. Là était le sadisme (sauf si c'étaient entièrement un rôle conçu par BFR): c'était peut-être ce que Paul-Emile avait voulu lui laisser deviner en prenant Cunningham comme prétexe pour parler de SM "qui n'était pas une voiture". Si ce n'était pas un rôle, il en aurait conçut une certaine sympathie pour le personnage qui en plus de lui offrir un voyage en K2000 et faire découvrir le sanctuaire californien des SM, avait su gérer efficacement (les négociations avait été réussies, comme l'avait confirmé la direction française à la direction canadienne) une situation qu'il aurait probablement préféré ne pas se voir imposer tout en ne la trouvait pas totalement déplaisante en même temps.
A sa place, avec une "bombe" suédoise à bord (si c'était cet effet qu'il faisait à l'autre: "sinon j'aurais emmené une Suédoise"), Aymrald aurait-il su rester 100% professionnel? Non, puisqu'il avait lâchement abandonné son objectif finlandais, à Stockholm, pour rentrer en compagnie de deux d'entre elles.
Alors il fallait devenir aussi stable sur ses rails que ce gars-là (ou que le rôle que lui avait confié BFR): la prochaine fois, il ne renoncerait pas avant la Finlande, même si la route s'en éloignant était bordée de Suédoises faisant du stop en bikini. Ce qui n'interdisait pas d'en emmener une en Finlande, surtout si elle l'y conduisait avec autre chose qu'une Audi 100.
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De retour en France, début juillet 1997, il apprit qu'il y avait eu une dissolution au début de l'année, en raison de la mise en examen de nombreux ministres, et que c'était le parti de "droite verte" ELR (Ecologie Libérale Républicaine) qui avait la majorité à l'Assemblée Nationale, suite à cette longue série de scandales de corruption dont les dossiers avaient continué de faire surface comme de grosses bulles de méthane. Les juges s'étaient jetés dessus comme des vautours et les grands partis classiques (ceux qui avaient eu le pouvoir et avaient donc trempé dans ces magouilles, tout particulièrement avec le lobby immobilier, nucléaire, et pharmaco-médical) avaient subi un élagage sans précédent, car les dénoncés se vengeaient en sortant leurs propres dossiers (soupçonnant qui les avait donnés) ce qui envoya aussi sous les verrous pour longtemps les responsables des syndicats règnant jusqu'alors "plus fort que l'Etat" (comme les dénonçait depuis des décénies l'ELR) sur tous les services publics.
L'ELR s'était implantée depuis longtemps dans un très grand nombre de communes par réduction des dépenses inutiles, lutte réelle comme le tapage nocturne, les crottes et aboiement de chiens (y compris de jour), les stationnements obstructifs (tout en supprimant le stationnement payant, quand il y en avait un, au profit du retour à la zone bleue vidéosurveillée, ce qui évitait d'envoyer des contractuelles juste faire le relevé: le logiciel (simple) encadrait en rouge tout ce qui n'avait pas bougé depuis la durée autorisée à cet endroit. Pas besoin de disque: la vidéo datée servait de preuve), interdit les parts fixes de facture d'eau (il y avait même un "plafond social" sur les 10 premiers m3 annuels, sachant qu'un individu un peu économe consommait moins que ça alors qu'une famille moyennement négligeante dépassait les 240 m3 annuels), idem pour les ordures ménagères: ce n'était pas au poids, mais au nombre de ramassages demandés.
Bennes à ordure électriques (fabrication Kermanac'h, qui produisait toujours des utilitaires spéciaux, et pas uniquement militaires, à prix intéressant), cette motorisation convenant très bien à des véhicules s'arrêtant tous les dix ou vingt mètres (sans crissement de freins ni rugissement de moteur ensuite) sur des parcours captifs où les échanges d'accus étaient prévisible. Dans les communes plus étendues, minibus à seuil bas (accessible aux personnes âgées et handicapées, contrairement aux "mégabus" sévissant dans la plupart des agglomérations), électriques eux aussi.
Electricité rechargée par éoliennes: le monopole EDF ne permettait pas aux communes de vendre directement leur courant aux habitants, mais pour tout ce qui était éclairage public, alimentation des bâtiments, recharge de véhicules, outillage de jardinage (d'autant plus qu'il y avait dans les communes ELR une règlementation très sévère sur le jardinage motorisé: uniquement de 9h à 12h et de 15h à 18h, et avec un niveau sonore banissant les moteurs deux-temps, à moins de les insonoriser au point de les rendre trop lourds pour des tronçonneuses et taille-haies d'entreprises, d'où passage à l'électrique par les entreprises... ou recours par les particuliers aux services municipaux s'ils ne le faisaient pas avec leurs propres outils électriques. Le ronron plus régulier des quatre-temps des tondeuses était accepté), rationnement automatique des gros consommateurs d'eau (et uniquement eux) en cas de sècheresse: priorité à ceux qui avaient le moins consommé jusqu'alors, etc.
Suppression des cantines scolaires classiques (très rentables pour les sociétés les gérant, donc très chères pour la municipalité, chères aussi pour les parents, et consternantes dans l'assiette: ce qui n'y était pas mauvais au goût y était mauvais pour la santé car du coup les enfants ne prenaient que ça: les frites et les produits panés) au profit d'un système de distributeurs au prix de gros (contrairement à l'usage habituel où les produits en distributeurs étaient plus chers qu'en hypermarché).
Il y avait globablement une amélioration de la qualité de vie et une baisse de la fiscalité locale (sauf ce dont la ville n'était pas responsable: le départemental et le régional), d'autant plus que les amendes infligés sans complaisance (y compris aux familles de notables) pour les nuisances sonores et sanitaires (les crottes de chiens) amélioraient les finances de la commune, de même que le paiement "plein pot" des grosses consommations d'eau, autrefois infligées à tous les abonnés via la part fixe de l'abonnement, idem pour les ordures ménagères (encore moins chères si on triait bien).
Mise à "un sens et demi" de toutes les rues jadis en sens unique: contresens pour vélo, comme ça se faisait aussi dans quelques communes non ELR, quitte à limiter le stationnement. L'ELR aurait bien aimé instaurer l'obligation "à la japonaise" d'avoir une place de stationnement hors domaine public pour posséder une voiture, mais les communes françaises n'avaient pas ce pouvoir. Toutefois la zone bleue (plus ou moins longue selon les endroits, mais jamais plus de cinq heures) revenait un peu à ça, car contrairement à un système payant il était impossible d'acheter du temps supplémentaire: il fallait déplacer le véhicule, sinon le système le verbalisait. "Le stationnement payant revient à louer le domaine public aux riches", proclamait l'ELR tout en étant de droite. De droite, oui, mais populaire, donc anti-privilèges.
Ces mesures qui supposaient juste de faire un bras d'honneur à certains lobbies (qui n'avaient déjà pas financé l'ELR, préférant les grands partis, alors ça ne coûtait rien) et certains notables locaux s'avéraient gagnant-gagnant en donnant une ville plus agréable (sauf pour les sans-gêne, désormais frappés d'amendes systématiques), plus efficace (en particulier le service de minibus zéro consommation (recharge par les éoliennes municipales) accessibles avec fauteuil ou béquilles) et moins chère.
Grâce à cela, l'ELR avait conquis depuis les années 70 plus de la moitié des petites communes, surtout avec la hausse récente du prix de l'eau et l'explosion des scandales de corruption municipale qui s'en était suivi, et un certain nombre de villes plus importantes, ce qui contrairement aux autres partis de "second rang" lui avait peu à peu permis de s'implanter au Sénat, celui-ci étant élu par les élus locaux.
L'effondrement du château de cartes côté députés avait déclenché une vague de votes protestataires: les gens plutôt satisfaits de l'ELR au niveau communal trouvaient que c'était une moins mauvaise solution que tout le reste, les élus ELR étant surveillés de près par leur parti et dénoncés immédiatement au moindre pot de vin détecté, contrairement à ce qui se faisait ailleurs, quitte à perdre provisoirement les municipales.
Les réformes n'avaient pas traîné, à coup de 49-3 chaque fois que nécessaire: abrogation des ordonnances de 1945 sur la justice des mineurs (désormais, seul la gravité de l'acte comptait), suppression de la CSG (et remboursement de celle-ci à toutes les victimes de son effet rétroactif sur les plans d'épargne ou PEA ou autres placements initialement défiscalisés ouverts avant l'instauration de celle-ci, et qui n'aurait donc jamais dû s'y appliquer. Ca ne concernait pas les plans ouverts après création de la CSG, ces épargnants-là sachant d'entrée de jeu quel serait leur sort), suppression des allocations familiales, du quotient familial, de la notion de "foyer fiscal" par retour à une imposition individuelle comme dans la plupart des pays d'Europe, ce qui simplifiait énormément sa gestion et permettait la retenue à la source pour les salariés. Suppression totale des charges sociales, remplacées par une TVA sociale: quantité d'économistes connaissaient depuis longtemps les vertus d'un tel système (que le Danemark avait d'ailleurs commencé à appliquer) mais divers lobbies s'y étaient toujours opposés. Intégration réelle de la Sécurité Sociale dans l'Etat: suppression de la "gestion paritaire" qui avait donné lieu à tant de faux frais, d'inefficacité et surtout du maintient des charges sociales, génératrice de chômage et de déficit commercial, effet que la TVA n'avait pas: "c'est le seul impôt dont les importations ne sont pas exonérées". Impôt sur le revenu ramené à 20% quelque soit le niveau, avec une franchise égale au Smic annuel (sinon ce n'était plus un "salaire minimum", selon l'ELR, si on l'amputait d'impôts comme c'était le cas pour le smicard solo) quelque fût la nature du revenu. Taxation dégressive dans le temps des plus-values: 100% de la plus-value réalisée le jour même, puis décroissance jusqu'à zéro au bout de cinq ans pour les actions, dix ans pour les obligations et quinze pour l'immobilier, déduction faite de l'inflation, ce qui jusqu'ici n'avait jamais été le cas pour les plus-values financières: l'ELR avait su bien expliquer au public que le système existant revenait à faire payer les petits épargnants de longue durée même s'ils avaient perdu de l'argent par rapport à l'inflation, tout en sous-taxant spectaculairement la spéculation à court terme si nuisible à l'économie et à l'emploi. Désormais c'était l'inverse: les aller-retours boursiers dans la journée ne rapportaient plus rien, tandis que l'épargne "de garde" était progressivement défiscalisée, sans avoir à s'engager dans un "PEA" ou équivalent, et surtout nette d'inflation: un placement rapportant moins que l'inflation (y compris de l'argent sur un compte passif) pouvait être déclaré comme déficit.
L'ELR ne risquait rien financièrement à l'offrir, car ses réformes aillaient avoir un effet nettement déflationiste: suppression du crédit à la consommation, qui revenait à sacrifier ses futurs revenus pour acheter de l'éphémère, et qui plus était, majoritairement importé, donc détruire de l'emploi et aggraver les déficits publics. Ceci revenait aussi à supprimer les crédits non affectés (car il auraient pu être dilapidés en consommation), en particulier les "crédits révolving". Le crédit ne restait légal que pour l'immobilier (mais il fallait 50% d'apport personnel, désormais) et l'outillage professionnellement justifiable, avec là aussi 50% d'apport personnel. On ne pouvait plus s'acheter une voiture à crédit, par exemple.
Restriction du droit de grêve dans tous les services publics en situation de monopole de droit ou de fait: constituait désormais une démission par abandon de poste (donc aucun droit au chômage, etc), sauf si la grève ne perturbait pas la continuité de service dûe aux usagers. En clair: "faites grève pour emmerder la direction si vous voulez, mais si vous emmerdez les usagers, vous êtes chômeur non indemnisé et c'est vous qui aurez à ndemniser de votre poche des usagers". Sanction aussi pour l'entreprise: révocation immédiate de la concession d'exploitation du domaine public (par exemples les rails, les câbles électriques, etc) en cas de non satisfaction de l'obligation de résultat (et non de moyens, désormais) lié à cette concession, la grève ne faisant pas partie des cas de force majeure.
Réciprocité des peines: en cas de non-fourniture du service public à un usager en règle, il n'y avait pas simple remboursement, mais application de l'amende qu'aurait subi cet usager s'il avait utilisé le service public sans le payer. A ces entreprises d'estimer si elles maintenaient des amendes aussi élevées qui leur reviendraient comme un essaim de boomerang à la première défaillance non justifiée par un "vrai" cas de force majeure (catastrophe naturelle, terrorisme...), ou décidaient de les réduire.
Réciprocité des peines aussi pour "outrage à citoyen" par magistrat ou agent de la force publique, dans les mêmes conditions et les même sanctions, par principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, ce qui n'était pas le cas jusqu'alors.
Suppression de toutes les restrictions de la liberté d'expression ne relevant pas de la diffamation personnelle ou commerciale sans preuves. "Suicide mode d'emploi" était désormais disponible en France, et un parti nazi utilisant la croix gammée aurait été à l'identique du parti communiste, sa faucille et son marteau. Les propos racistes, homophobes, misogynes ou autres ne pouvaient plus être condamnés, ce qui laissait la justice plus disponible pour condamner les actes. De plus pouvoir se défouler verbalement diminuait le nombre de passages à l'acte, alors que si on pouvait être condamné rien que pour des mots autant porter des coups... Les statistiques confirmèrent cette théorie.
Même le négationisme n'était plus condamné: "il se ridiculise de lui-même quand on le laisse s'exprimer, alors qu'en l'étouffant l'Etat fait croire qu'il y aurait des vérités gênantes à cacher".
Sur ce point de la liberté d'expression, la France s'alignait à peu près sur les droits constitutionnels américains, moins favorables à l'Etat qu'aux citoyens.
Suppression de l'exception tauromachique sur les mauvais traitements à animaux, avec de longues peines de prison pour toute transgression. Nombre d'arènes se reconvertirent dans le rodéo taurin (maîtriser puis immobiliser l'animal sans le blesser), qui, lui, était autorisé sous contrôle vétérinaire et attira plus de pubic, preuve que le lobby tauromachique était minoritaire même dans ces régions.Taxe d'entassement des animaux d'élevage, rendant financièrement suicidaire l'élevage en batterie. Les agriculteurs avaient fait bien assez d'économies par l'aboliton des charges sociales (la TVA réduite sur l'alimentaire le restant... mais uniquement pour les aliments peu sucrés et peu salés, désormais) pour pouvoir embaucher du monde et acheter du terrain pour s'occuper des animaux dans plus d'espace. Permis de chasse beaucoup plus difficile (nécessitant de prouver sa capacité à abattre un sanglier du premier coup, et non le blesser) et interdiction de la chasse à moins de 2500m des habitations et des routes, sauf mur de protection suffisant. Les sociétés de chasse durent donc construire des murs de 5 mètres autour des parcelles (ce qui ne supprimait pas totalement le risque de balle perdue: seul un toit aurait pu le faire, mais le réduisait déjà significativement), en particulier au bord des routes les longeant, et même ainsi il fallait être à plus de 1500m d'une habitation. Pénétrer sans autorisation sur la propriété d'autrui avec un fusil chargé était désormais classé "attaque à main armée" et condamné de la même façon. Les munitions devaient être ôtées dès que l'on quittait la zone de chasse. Interdiction de la chasse à l'arc pour le gibier de plus de 5kg, ces projectiles étant trop rarement mortels (mais très douloureux) pour les animaux de plus grande taille. L'ELR avait règlementé sévèrement la chasse mais ne l'avait pas totalement interdite, car la prolifération de certaines espèces comme les sangliers auraient posé problème, problème que l'introduction de loups ou de lynx n'aurait pas résolu, cette proie étant trop coriace (les prédateurs auraient mangé autre chose). Tout acte de chasse devait désormais être filmé (en visant la proie: installer l'objectif sur l'arme, par exemple) pour éviter toute contestation. Il en était de même pour la police, équipée de caméras fixées à l'épaule, ou sur le casque pour les forces spéciales. Tous les permis de chasse devaient être repassés avant la fin de l'année, avec les nouvelles épreuves d'identification d'espèces en condittions visuelles de sous-bois (et pas en plein champ bien éclairé) et de précision de tir. Présentation des armes deux fois par an à la gendarmerie locale pour éviter les disparitions non signalées.
Certains critiquèrent certains aspects techniques cette réforme: l'utilisation d'une visée vidéo qui pouvait être à infrarouges pour éviter les erreurs de cible en sous-bois et la nécessité d'être bien meilleur tireur qu'avant revenait à recruter et équiper de futurs "snippers" nocturnes, bien que la chasse de nuit restât interdite. Certes, tout tir (réussi ou pas) devait être enregistré et conservé trois ans, sauf dans les stands de tir, mais il y avait des moyens de se procurer des munitions supplémentaires sans qu'elles fussent comptabilisées.
Réforme radicale des "tribunaux de commerce": les mandataires de liquidation ne touchaient plus la moindre commission: encore un lobby foulé aux pieds par les réformes de l'ELR.
Retour au système métrique dans l'aviation commerciale, militaire et de loisirs, en tirant partie de ce que la préconisation de l'Aviation Civile Internationale était le système métrique, les unités anglo-américaines n'étant qu'une dérogation qui était devenue du "provisoir définitif" dans les faits, depuis l'éqoque où les seuls constructeurs d'avions de ligne étaient américains. Ceci allait diminuer quelques temps les vols, le temps de reprogrammer une partie de l'instrumentation: (pour les avions de ligne modernes, c'était juste une option dans le logiciel d'affichage, qui souvent existait déjà en métrique pour le marché russe) ou de la changer ou dupliquer pour les modèles anciens: ajouter un afficheur électronique en mètres (pour l'altitude) et mètre/seconde (pour la vitesse horizontale et ascencionnelle) pouvait éviter d'avoir à démonter le tableau de bord, surtout pour les modèles de collection. "Si encore tout était en pieds et en pieds par seconde, ça pourrait avoir un sens, mais ce n'est pas le cas du tout, ce qui impose des calculs extrêmement compliqués et antinaturels". Aucun problème international, puisque c'était la préconisation "de base". De plus, à l'occasion de cette réforme, tous les avions (de toute taille) durent être équipés d'un afficheur numérique de consignes de vol: tout ce qui était transmis par voix par la radio faisait perdre du temps et pouvait conduire à des erreurs, alors que l'affichage persistant (et pas juste pendant qu'il était dit) de consignes de vol à l'approche d'un aéroport ôtait toute ambiguïté, et pouvait même prendre en main le pilote automatique (pour les avions qui en avaient un) pour guider l'atterrissage du sol dans des conditions difficiles. Ce dispositif peu coûteux et facile à installer (il extrayait ses données de trois fréquences radio déjà utilisées par les aéoports, par sécurité, sans que le signal incrusté fut audible pour l'oreille humaine) devint obligatoire aussi pour les avions étrangers se posant ou redécollant en France. Ceci résolvait du même coup le problème des unités: les consignes de vol étaient transmises en métrique mais un boitier récepteur pouvait les traduire dans d'autres unités pour les compagnies aériennes non métriques.
La transmission numérique des plans de vol fut très vite adoptée dans de nombreux pays d'Europe: c'était un projet qui était en gestation depuis longtemps, retardé par des discussions sur des normes. La France avait posé ses propres normes et mis le système en place: il fallait maintenant faire avec pour desservir cette destination, avec un "plus" sécuritaire incontestable: c'était le même principe que la répétition en cabine des signaux et consignes de vitesse dans les trains.
Les brevet de pilotes privés devinrent moins coûteux mais beaucoup plus difficiles à passer: certes, il n'y avait plus le problème des unités non métriques, mais il fallait affronter toutes les situations d'urgence qui risquaient de se produire, et ceci sur chacun des types (un type pouvant inclure plusieurs modèles de différents constructeurs, heureusement) d'avions pour lesquels on avait besoin de passer le brevet. Moins coûteux, parce que tout ceci se faisait en simulateur animé (fauteuil à verrins et écrans semi-panoramiques), sans risque donc sans assurance (or c'était un poste de dépense très lourd pour les aéroclubs) ni moniteur (le logiciel s'en chargeait) tout en pouvant être mis dans les situations difficiles: rafale de vent transversale à l'atterrissage, mauvaise visibilité, défaillance moteur, défaillance d'un volet ou d'une gouverne (un avion pouvait être maîtrisé avec les autres, si l'on savait comment s'y prendre, à condition que la gouverne défaillante ne soit pas bloquée dans une position fortement braquée). "Encore un peu et ils demanderaient de poser un Rafale réacteurs à sec sur le pont d'un porte-avions par gros temps".
C'était bien plus difficile qu'avant, y compris pour les ULM qui utilisaient un autre type de simulateur, dans le cas des système à commande pendulaire, et ça allait faire baisser les tarifs d'assurances tout en augmentant la sécurité. Seuls ceux ayant réussi toute la série au simulateur passaient une épreuve finale dans l'un des avions réels correspondant à la simulation, d'où la nécessitée de quelques cours finaux en avion réel après la longue série d'apprentissage au simulateur à restitution de mouvements.
Si on avait la place chez soi, on pouvait louer un simulateur aux normes officielles (ce qui restait bien moins cher que de louer un avion ou de faire le même nombre d'heures avec moniteur), avec boite noire, et s'entraîner intensivement à la maison. On pouvait aussi l'acheter puis le revendre.
Pendant les 500 premières heures de vol suivant le brevet on ne pouvait survoler que de l'eau ou des terrains non bâtis et sans voies à grande circulation. Le croisement des voies ferrées et voies routières à grande circulation devait se faire à angle droit. Toutefois, l'épreuve au simulateur comportait l'atterrissage d'urgence sur une route, en devant en repérer une qui n'ait pas de ligne électrique ni téléphonique et assez peu de trafic pour être vu à temps et présentant des dégagements permettant de ranger l'avion (aviation privée légère, donc manoeuvrable au sol à la main, sur sol plat).
Les normes d'insonorisation furent appliquées comme pour les véhicules terrestres ("enfin!" dirent les riverains d'aérodromes). Les avions et ULM étaient testés au décollage puis en vol, écoutés par des sonomètres au sol. Plus un avion faisait de bruit, plus son créneau horaire d'utilisation était restreint (décollage et atterrissage, le second pouvant demander une remise plein gaz en cas de mauvaise approche donc pouvant être bruyant lui aussi) et plus il devait voler haut, ou loin des zones peuplées. Pour pouvoir utiliser un avion de façon moins restreinte, il fallait le mettre au normes d'insonorisation (silencieux de ligne d'échappement de type automobile, doublure du compartiment moteur...). Si ce n'était pas possible (pas la place, manque de puissance) il fallait se contenter des petits créneaux horaires où les avions bruyants étaient tolérés, créneaux dépendant de la répartition des habitations alentours. Ces créneaux étaient prévus surtout pour permettre des vols d'entretien des modèles de collection, en regroupant cette production de bruit sur une tranche peu gênante (10h-12h, par exemple, mais ça dépendait des conventions locales) Toutefois, les constructions réalisées après la mise en service régulière de l'aérodrome (sans création ultérieure de nouvelles pistes ou fonctionnement dans des horaires plus étendus qu'initialement) n'étaient pas prises en compte, les gens s'étant installés là en acceptant consciemment la nuisance (sinon ils n'auraient pas construit ou racheté ici).
Dans les faits, la métrification ne diminua le transport aérien commercial que pendant une dizaine de jours: pour ne pas perdre trop de vols, les compagnies ne traînèrent pas les pieds: cette mise à jour (pas uniquement la métrification, mais aussi l'affichage en cabine en clair des consignes de vol transmises numériquement en plus des indications orales) était peu coûteuse, et comme elle était devenue indispensable pour voler dans l'espace de contrôle aérien français (aéroports, mais aussi "couloirs" de vol) il n'y avait pas moyen de faire autrement. Cette diminution des vols était bonne pour l'environnement, avait déclaré l'ELR, ce qui avait conduit un membre de l'opposition à répondre "si c'était cela le but, il faudrait rechanger d'unités tous les mois".
Le permis de conduire fut lui aussi virtualisé (simulteurs pouvant être bricolés à peu de frais dans une carcasse de voiture tronçonnée et instrumentée, montée sur verrins) et rendu grâce à cela plus difficile, avec freinage d'urgence sous grosse averse, etc. Plus difficile mais moins cher, car on n'avait plus à passer nécessairement par une auto-école: on pouvait s'entraîner chez soi sur ordinateur (sans la simulation des vraies commandes, mais pour l'apprentissage du code en circulation réel c'était déjà une formation efficace), puis avec un volant à retour d'effort, un levier et des pédales (équipement déjà disponible pour des jeux vidéo) et présenter graduellement les épreuves, qui étaient bien plus facile à organiser pour l'administration ainsi. On ne passait pas le permis en une fois, mais en dix fois, du plus simple (code sur écran en mouvement réel, et non sur diapos arrêtées) au plus compliqué (simulateur mobile de conduite en ville, avec petites fautes commises par d'autres usagers, éblouïssement, etc).
Le permis n'était valable que pour les voitures ayant moins de 60kW (environ 80ch DIN) par tonne, et ne pesant pas plus d'une tonne. Par contre, il pouvait être passé à n'importe quel âge: il n'y avait plus de notion d'âge minimum.
La mesure impopulaire fut qu'une épreuve de contrôle de conducteur tous les quatre ans (puis plus rapprochée si le contrôle de santé le spéficiait, sans notion explicite d'âge) au simulateur (règlé pour se rapprocher autant que possible des caractéristiques du véhicule conduit habituellement par l'examiné) ou sur circuit (quand il y en avait un à proximité), gratuite et obligatoire, fut instituée, le permis de conduire (y compris ceux déjà passés) n'étant plus à validité perpétuelle sans aucun contrôle. On ne demandait pas de le repasser complètement, mais de passer un test vérifiant que le conducteur savait toujours conduire et avait pris en compte de nouvelles règlementation éventuelles (gyratoires, etc). En cas d'échec le permis était suspendu jusqu'à remise à niveau et réussite, et devait être repassé entièrement si cela faisait plus de huit ans.
Tout en diminuant le coût de préparation de l'examen pour les candidats capables, la réforme du permis de conduire eût pour effet d'en délivrer 42% de moins par an et par millier d'habitants: il fallait apprendre non seulement à conduire ordinairement mais aussi à réagir à l'imprévu, là était la difficulté. L'ELR avait trouvé anormal qu'il y ait une épreuve de freinage d'urgence au permis moto et pas au permis auto, alors que ce dernier concernait bien plus de monde. De même, le permis auto ne devait pas donner accès directement à n'importe quelle voiture: comme pour les motos (et les camions), il y avait des niveaux.
C'était sur cette amélioration spectaculaire de la formation, et du contrôle post-formation, que l'ELR comptait pour permettre l'assouplissement d'une répression routière trop administrative, sanctionnant plus ce qui était interdit que ce qui était dangereux. Un "permis grande vitesse" fut créé, pour les véhicules rapides et leur utilisation sur les portions à limitation de vitesse désormais assouplie (là où il n'y avait aucune difficulté de configuration des lieux).
Interdiction de tout financement sur fonds publics des "régimes spéciaux" donnant plus que le régime général à historique de cotisations et date de départ égaux. Le financement n'était possible que par augmentation des cotisations des travailleurs de ces entreprises publiques, ce que bien entendu ils refusèrent d'où réduction des pensions à ce qui était réellement collecté, par "tassement": un niveau maximal avait été fixé, en fonction de la collecte réelle, le supplément n'étant plus versé. Ces travailleurs pouvaient aussi quitter leur statut (devenant simples employés comme dans le privé, sans garantie de l'emploi ni autres avantages) pour bénéficier de la participation de la TVA sociale aux retraites du privé.
Il y eut des grèves, désormais illégales si elles interrompaient le service, d'où dégraissage massif spontané: une telle grève valait désormais démission avec non-respect du préavis. Il y avait encore (le temps que la suppression des charges sociales au profit de la "super TVA" fit son effet) une masse de chômeurs (surtout jeunes) largement suffisante pour remplacer ces grévistes au dela du dégraissage souhaitable ainsi obtenu. Avec statut privé, pour ces embauches. Les entreprises de service public avaient obligation de remplacer les grévistes, désormais, d'autant plus facilement que de ce seul fait ils avaient démissionné, du point de vue légal, depuis les ordonnances de juin 1997 sur la priorité de la continuité du sercice public sur le droit de grève.
Division par quatre à l'horizon 2001 du budget par élève de l'Education Nationale, repaptisée "Enseignement Public", les termes "Education" et "Nationale" ensemble ayant des relents fascistes selon l'ELR. "Enseignement public" était neutre, comme "Transports publics". Tout recrutement d'enseignants avait cessé (le Capès ne donnait plus d'emploi), la France en ayant beaucoup trop, et très mal utilisés, par rapport à un pays comme la Finlande, qui était en tête des résultats scolaires dans les tests internationaux (où la France était proche de la queue) tout en dépensant trois fois moins par élève que la France. Arrêt du financement de toutes les filières "de loisirs": histoire de l'art, sociologie, psychologie, etc. Ce qui n'était pas utilite à l'économie nationale devait être laissé au privé, et non financé par l'impôt.
Les profs hurlèrent, mais c'étaient les grandes vacances et la rentrée avait été reportée au 1er octobre, à la grande joie des élèves, car trop de jours de classe par an fatiguaient trop donc empêchaient de bien apprendre, selon l'ELR qui rejoignait en cela les théories Kermanac'h qui avaient fait leur preuves par les résultats. De même, le "zapping de matières" était supprimé: une seule matière par semaine, ce qui allait formidablement alléger les cartables au grand bénéfice des colonnes vertébrales des enfants, et de leurs capacités d'absoption: moins de dispersion donc moins d'oubli, et comme chez Kermanac'h une partie de l'horaire réservé à l'approfondissement, ceux qui avaient déjà compris finissant leur journée plus tôt. Développement massif du téléenseignement gratuit, grâce à la reprise en main par l'Etat de la gestion de France Télécom.
Non seulement il n'y avait plus de facturation fixe de l'abonnement, mais tout était tarifé au temps réel, sans taxe d'accès (ou première minute surfacturée), ce qui s'appliquait aussi à tous les autres opérateurs, téléphonie mobile (encore marginale) incluse. Les communications nécessaires au téléenseignement et à l'accès aux services publiques étaient gratuites, puisque le réseau était sur le domaine public donc déjà maintes fois payé et repayé par les contribuables.
On passa le Minitel à 16 000 bauds (au lieu de 75 ou 600 d'origine), ce qui restait moins que certains modems informatiques et on l'améliora pour en faire un outil de téléenseignement en temps réel efficace: au lieu d'un terminal totalement passif comme jusqu'alors, c'était un micro-ordinateur rudimentaire mais capable de décompresser des sons, des images et surtout de faire du dessin vectoriel pour ne pas avoir à transmettre d'images "telles que". La puissance graphique était proche d'une console de jeu de l'époque, tout en étant moitié moins cher car vu le marché à couvrir, l'appel d'offre avait mis de très nombreux constructeurs de micro-ordinateurs du monde entier en concurrence, pour en retenir cinq, histoire de ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier tout en assurant un marché assez vaste à chacun pour faire des économies d'industrialisation.
Le Minilog ressemblait à un ordinateur portable, avec écran plat (de résolution "de base": 640x480) tactile (là était l'un des atouts) et donc la souris était remplacée par deux leviers articulés en tous sens, ce qui était bien plus pratique à l'usage: un seul levier suffisait à remplacer une souris, tout en ayant des fonctions supplémentaires (en particulier l'enfoncement de la tige à ressort et la rotation du bout) tout en offrant de grandes possibilités de dessin, avec un peu d'habitude. On pouvait donc utiliser les menus en touchant l'écran du doigt ou en visant avec un levier.
L'ELR espérait ainsi couper l'herbe sous le pied d'Internet, instrument estimé trop américain (ce qui était encore plus vrai à l'époque), trop compliqué à installer et utiliser (vrai aussi, à l'époque), beaucoup trop cher à l'usage et fonctionnant trop mal sur les lignes françaises (hélas, c'était tout aussi vrai). Le Minitel qui s'était endormi sur ses lauriers n'avait besoin que d'une remise à niveau (sans dépasser les techniques très grand public courramment disponibles en 1997) pour garder l'essentiel du marché: moins cher que d'acheter un ordinateur classique plus un modem, car en particulier les logiciels déjà développés par les informaticiens de l'ELR ne coûtaient rien: aucune licence. Le système était une simplification des "Linux" de l'époque (en ôtant tout ce que 95% des utilisateurs, même programmeurs intensifs, n'utilisaient jamais), mais avec plus de fonctions graphiques (en particulier l'OpenGL complète, avec coprocesseurs graphiques dédiés) pour être plus convivial.
Système de télécommunications adapté à la mauvaise qualité du réseau français, tout en fonctionnant vite là où c'était techniquement possible. Utilisation de numéros comme pour le téléphone: on pouvait appeler quelqu'un, ce qui était impossible avec internet: son appareil, s'il était en veille (zéro consommation: c'était comme pour un téléphone ordinaire la sonnerie qui enclenchait le relais) recevait les messages comme un répondeur, et pouvait les trier en fonction des numéros. Le numéro dépendait uniquement de la ligne, et non d'un "fournisseur", donc on ne pouvait pas en utiliser plusieurs depuis une même ligne pour envoyer de la pub que le destinataire avait déjà bloquée.
Le système n'était pas gratuit (sauf services publics comme le téléenseignement) mais facturé uniquement au débit: la technologie utilisée (par "paquets") ne monopolisait pas de ressources publiques quand on était en attente: grande différence avec Internet, le téléphone et l'ancien minitel. Le "paiement au poids" rendait égaux devant la facture les utilisateurs sur ligne médiocre et ceux sur réseau modernes de centre ville: que l'on mit une minute ou un quart d'heure à obtenir des données, ça coûtait la quantité de données obtenues. Avec un système "heures creuses" temps réel: le tarif au "ko" de l'instant était indiqué en haut de l'écran, au lieu d'être selon une grille horaire fixe. La ligne étant liée à la facture, et le transport d'un nombre ayant un encombrement insignifiant, le coût consommé s'affichait lui aussi en temps réel en haut.
L'appareil pouvait être loué ou acheté (2670F, ce qui était plus proche d'une console de jeu que d'un ordinateur bas de gamme de l'époque, surtout compte tenu de ce que c'était un portable), la location étant alors déduite de l'achat, ce qui était une façon de permettre l'essai à peu de frais.

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