vendredi 10 avril 2009

chapitre N-45

La chute de l'immobiliser faisait que même pour certaines familles de trois enfants, ex-chouchouttes de l'ancien système, la baisse du coût de la vie (en location ou projet d'achat) dépassait ce qui était perdu en avantages familiaux et réductions en tous genres. Le gain était très net pour les familles de deux ou moins, que l'ancien système favorisait peu: c'était le troisième qui "remboursait" les deux premiers, dans l'ancien système. Grands gagnants: les célibataires sans enfants, le quotient familial ayant été aboli... d'ailleurs beaucoup d'autres pays n'en avait pas.
Le divorce était devenu plus difficile tant qu'il y avait des enfants de moins de dix ans, au delà c'étaient eux qui décidaient du sort de la famille, et non les parents. On ne pouvait plus tirer avantage d'avoir demandé un divorce: le conjoint de l'ayant pas demandé était seul à pouvoir obtenir une pension ou une "prestation compensatoire". Une commission de révision des prestations compensatoires déjà en cours supprima 81% de celles-ci (et 100% de la transmissibilité)
Il y avait bien d'autres réformes qui avaient eu lieu, comme la répression routière centrée désormais sur les psychotropes (alcool, canabis et autres drogues, médicaments) que sur la vitesse. Il y avait désormais des alternances de portions limitées à 110 et à 160, sur autoroute, en les choisissant selon la configuration des lieux: l'exemple allemand alternant du 120 et de l'illimité diminuait fortement le risque de somnolence induit par une vitesse constante. En cassant périodiquement le ryhtme, on recréait (mais en moins lent) l'effet des traversées de village sur les nationales, où la somnolence était bien plus rare que sur autoroute. Rétablissement de la responsabilité des piétons pour les conséquences des fautes commises par eux. En particulier, enfreindre le code de la route avec un enfant dans une poussette donnait lieu à sanction pour "mise en danger de la vie d'autrui", puisque tel était le cas: les mères utilisant leurs enfants comme boucliers humains pour passer en tort s'en voyaient retirer la garde, en plus d'une grosse amende, et bien sûr de prison si ce comportement aboutissait à un accident. La mère (ou le père) allait aux Assises pour avoir poussé leur enfant (sur pieds ou sur roues) dans la circulation et qu'ils avaient été tués ou gravement blessés. Les députés ELR avaient considéré qu'il y avait intention de tuer, exactement comme si on poussait l'enfant sous le métro.
Le port du casque ne restait obligatoire sur les deux-roues motorisés que pour le passager éventuel s'il n'y avait pas un dossier arrière fixe de hauteur suffisante (car là, il y avait un risque de chute arrière, donc sur la tête, assez important), tout en restant recommandé avec visière (ou au moins des lunettes de protection "industrielles") au delà de 50 km/h, surtout sur routes pouvant émettre des gravillons au passage d'un autre véhicule.
La ceinture de sécurité n'était obligatoire que s'il y avait plus d'une personne à bord du compartiment du véhicule: si l'arrière était séparé de l'avant (limousine, par exemple), un chauffeur seul et un passager seul n'en avaient pas l'obligation. L'obligation en cas de plus d'une personne dans un compartiment venait de ce que l'on pouvait tuer ou blesser gravement autrui si on était projeté dessus faute de ceinture. L'ELR savait que la plupart des gens continuerait à mettre la ceinture (car c'était peu contraignait et que l'efficacité dans les chocs moyens était largement constatée). Quand au casque à moto, les gens le mettraient probablement sur route (le risque de gravillon étant grave pour les yeux, mais déjà fort douloureux en dessous ou en dessus) mais moins en ville, en particulier sur les petits scooters et cyclos, or l'anonymat fourni par un casque (surtout intégral, plus esthétique et plus anonymisant) facilitait grandement les infractions, donc les accidents comme l'avaient constaté les Italiens lorsqu'ils l'avaient imposés sur les petits deux-roues motorisés, non immatriculés. Il aurait fallu imposer un numéro personnel de chaque côté pour éviter cela.
L'augmentation du taux d'accidents de nuit par rapport au jour, depuis janvier 1993, servit d'argument "massue" au nouveau gouvernement pour réinterdire les codes blancs sur route, y compris pour les touristes: de même qu'autrefois nombre de touristes anglais aposaient un film platique jaune sur leurs optiques, les autres véhicules en transit durent faire de même, cette infraction étant la plus facile de toutes à constater, sans le moindre appareillage spécial. Même système pour les véhicules déjà vendus en France avec des phares blancs (depuis quatre ans et demi), avec, selon le cas: changement de l'ampoule, doublage du verre ou insertion d'un filtre à l'intérieur. Quatrième solution: diminuer la puissance d'éclairage blanc (à trop forte persistance rétinienne) en mode code, par exemple en intercalant une résistance diminuant de 35% l'intensité lumineuse émise. A puissance d'éclairage égale, la lumière jaune ou orangée permettait de bien mieux voir les piétons, entre autres, comme l'avait montré depuis longtemps son utilisation dans certains carrefours urbains. De plus elle induisait beaucoup moins de halos par temps de pluie et surtout de brouillard que le blanc (d'où l'utilisation fréquente d'antibrouillards jaunes dans des pays où cette couleur n'était pas obligatoire). L'Europe? Elle n'avait jamais obligé les Anglais à rouler à droite ni les Allemands à se limiter à 130, donc elle ne put rien faire non plus contre la réinterdiction des codes jaunes en France. Seulement pour les codes: quand les phares étaient séparés, ils pouvaient être blancs, puisqu'ils n'étaient utilisés ni face à quelqu'un ni par pluie ou brouillard. L'un des points forts de cette mesure était qu'elle permettait aux constructeurs de monter des lampes à vapeur de sodium, d'un bien meilleur rendement que les phares halogènes classiques. Les lampes jaune-orange de l'éclairage urbain, sous forme miniature: ampoule ou règlettes lumineuses. Puis ce furent les DEL: les blanches étaient encore chères et marginales (nécessitant une composante bleue en plus du vert et du rouge), alors que les jaune "haute luminosité" étaient déjà des produits grand public. Un pays inattendu suivit la France dans le jaune: la Suède. Les experts suédois avaient remarqué depuis longtemps que le jaune soulignait mieux les reliefs et distances sur routes enneigées: même principe que les lunettes de ski, d'où l'utilisation de codes jaunes, sans obligation, par certains Suédois, surtout du nord. Les véhicules neufs vendues en Suède durent être équipées de codes jaunes à partir du 1er janvier 1998. Toutefois les véhicules initialement équipés en blanc pouvaient le rester. Dès l'annonce de la réforme française, un fabricant suédois s'était aussitôt mis à produire les remplaçantes à vapeur de sodium des modèles classiques de lampes (H1, H3, et la H4 sans avoir à ajouter de globe autour). Etait-ce pour donner un coup de pouce à ce producteur national que la Suède avait imposé le jaune à son tour? Les détaillants finlandais proposèrent ces ampoules aussi, la Finlande les autorisant sans les rendre obligatoires.
Les radars furent utilisés surtout pour mesurer les distances entre véhicules consécutifs, par rapport à la vitesse, au lieu de verbaliser la vitesse en tant que telle: 80 "à la colle" sur autoroute, suspension de permis, 180 libre loin devant, pas d'amende. C'était à la fois beaucoup plus efficace pour réduire les accidents et beaucoup mieux accepté par les conducteurs.
Plutôt que le retrait de points frappant en retard pour souvent des infractions peu dangereuses mais répétées, l'ELR avait décidé de pratiquer des suspensions immédiates de courte durée: une semaine pour un point (sans amendes: les amendes ne faisaient pas grand choses aux riches et "atomisait" les pauvres, alors que le temps était le même pour tout le monde, d'où l'efficacité uniforme des suspensions), et retrait pour les infractions comme l'alcool ou les psychotropes au volant. Les riches risquaient de pouvoir s'offrir un chauffeur pendant les suspensions? Pourquoi pas: ça ferait des emplois intérimaires que l'Etat n'aurait pas à financer, et puis le résultat sécuritaire serait le même: retirer temporairement un conducteur négligeant de la circulation.
Ces suspensions avaient un effet très pédagogique en permettant aux convenants légers (ayant commis un "suivi de trop près", mais pas "à la colle", par exemple) de goûter à ce que serait une perte de permis, alors qu'avec les points ça restait théorique jusqu'au jour où ça tombait.
Le permis pouvait être passé avant 18 ans, désormais, sur examen, la formation étant proposée gratuitement sur simulateur dans les établissements scolaires (et points de contrôles, pour les "hors école") aux bons élèves comme prime aux résultats. Si on réussissait le code et la conduite (seules les dernières leçons étaient en véhicule réel, une fois le niveau acquis au simulateur, d'où des économies énormes au grand dam du "lobby" des auto-écoles) à 14 ans, on pouvait conduire une voiture à 14 ans.
Autre modification: on n'assurait désormais plus une voiture en responsabilité civile (uniquement en dommages), mais un conducteur. Même pour louer une voiture, il fallait avoir une assurance personnelle conducteur. Le loueur pouvait la proposer, mais ça permettait de louer moins cher aux conducteurs qui avaient déjà la leur. C'était logique car le risque était lié bien plus au conducteur qu'au véhicule. L'assurance véhicule dépendait, elle, uniquement des coûts de remise en état de celui-ci dans les accidents les plus courants. L'assurance conducteur pouvait être limitée à certains type de véhicules: par exemple ne pas être valable pour ceux ayant un rapport poids/puissance inférieur à une certaine valeur. Pour simplifier, les véhicules avaient été classés en catégories (comme les motos) et on s'assurait pour la catégorie la plus haute que l'on serait amené à conduire.
Ainsi si A avait un accident avec une voiture prêtée par B, le malus serait sur l'assurance conducteur de A, et non l'assurance véhicule de B, ce qui était bien plus juste. Ce serait d'ailleurs l'assurance conducteur de A, dans ce cas, qui rembourserait les dégâts causés au véhicule de B. Il était donc moins risqué de prêter sa voiture qu'avec l'ancien système, par exemple les parents aux enfants.
Les conducteurs n'ayant jamais eu d'accident responsable, ou pas depuis cinq ans (et rien ayant causé de blessures graves depuis dix ans) pouvaient s'assurer en responsabilité conducteur auprès de l'Etat pour beaucoup moins cher que les autres compagnies, mais c'était limité aux véhicule de catégorie 1 ou 2: petite citadines ou familiales à motorisation modeste pour leur taille. En cas de sinistre responsable, on ne pouvait plus être assuré par l'Etat. Après deux ans, on pouvait moyennant un supplément raisonnable conduire les véhicules de la catégorie 3: routières non sportives, monospaces, 4x4 légers, etc.
Cette mesure fut extrêmement populaire auprès des jeunes conducteurs, jusqu'ici saignés à blanc par les assureurs sans voir eu le moindre accident. Populaire et incitatrice à la prudence: au moindre choc responsable, on en était éjecté, en plus d'avoir un malus rendant très difficile de s'assurer ailleurs.
Seule la troisième chaîne, parce qu'à découpage régional, resta dans le secteur public et certaines tranches horaires furent confiée aux régions, tandis que les programmes du soir devenaient ceux d'Arte. Certains contenus "intelligents" de la 5 furent reportés sur la 3, remplaçant de façon bien plus intelligente les "bourrages" de début d'après-midi et d'heures creuses de cette chaine. La télévison publique (entièrement sur le canal de la 3, désormais) avait interdiction d'acheter des téléfilms, séries ou des jeux: seuls ceux appartenant au secteur public (par exemple "des chiffres et des lettres") continuaient. Pour le soir, seules des oeuvres de la Communauté Européenne ou de certains pays "exotiques" (une fois par semaine) pouvaient être achetées, ainsi que quelques films américains (dans le créneau "exotique") à condition qu'ils fussent inédits à la télévision française (publique ou privée) et âgés d'au moins cinq ans, ce qui éliminait tous les "gros machins" déjà passé sur les autres chaînes tout en laissant leur chance aux cinéastes américains "dérangeants". Pour les autres films et téléfilms, ils ne devaient pas avoir été diffusés sur une chaîne herzienne française au cours des cinq dernières années (mais ils pouvaient être récents, si inédits).
Ce fut le matin sur la 3 que l'émission d'un quart d'heure: "réussir son suicide", produite par l'Etat, fut diffusée, expliquant comment ne pas se rater (et surtout ne pas voir de séquelles si ça ne marchait pas ou si on était dérangé pendant l'aventure), avec des comparatifs. Il y avait aussi "le pilori de la DGCCRF": tout ce qui était fraudes contre les simples citoyens (codes-barres dans les commerces, artisans malhonnêtes, agents immobiliers verreux, tromperie voire danger de la marchandise en particulier dans les restaurants) était montré en clair, avec photos en gros plan du coupable, son nom, son adresse, son numéro "siren" et de sécu, etc. Ceci chaque fois que la DGCCRF verbalisait un cas intéressant. C'était l'une des rares administrations dont le personnel avait augmenté: beaucoup d'ex-enseignants (en particulier de "ZEP") s'y étaient reconvertis. L'ELR avait abolit toute notion de "corps" dans la fonction publique: on y était réaffectable et recyclable en tous sens, moyennant des stages de reconversion, ce qui permit boucher les trous de certains services avec les bosses (bien plus nombreuses) des autres, en plus de n'avoir pas recruté. L'ELR avait dit avant les élections que la DGCCRF et l'inspection du travail étaient "scandaleusement" maintenues en sous-effectifs dans une volonté de ne surtout pas inspecter certains lobbies favorables aux grands partis au pouvoir. La Cours des Comptes voyait elle aussi ses pouvoirs étendus, en particulier celui (pour la première fois de son existence) de prendre directement des sanctions contre les auteurs de gaspillages d'argent public, que ce fût dans une administration locale ou nationale. Il s'agissait là aussi de "priver de sang frais les lobbies vampires" qui finançaient une partie de la classe politique "classique". L'effondrement du chiffre d'affaires de l'immobilier (non seulement la spéculation, mais aussi la difficulté, désormais, d'obtenir de nouveaux permis de construire et un "coup de torchon" sur les pratiques d'appels d'offres des marchés publics) avait mis ce secteur en difficultés, même si certains grands groupes faisaient assez de bénéfices sur des marchés étrangers pour s'en tirer. Le secteur pharmaco-médical avait lui aussi vu ses bénéfices se rétrécir, au profit des comptes de la Sécurité Sociale qui était désormais une simple branche du Ministère de la Santé, de l'Environnement, de la Pêche et de l'Agriculture, et non un organisme fonctionnant "à côté" de l'Etat comme autrefois.
Les autres chaînes fûrent privatisées, en particulier la 2 et les heures de nuit de la 3 (0h-8h) BFR racheta une "tranche" de la 2: 16h-20h, d'autres tranches horaires étant rachetées par d'autres entreprises, la plus chère étant 20h-24h et la moins chère 0h-4h. BFR (donc VTP) disposait enfin de son propre canal de télévision grand public (ni par satellite, ni par câble) où contairement à ce à quoi le public s'attendait il n'y eût pas que de la pub pour des produits BFR: il n'y en avait pas plus qu'avant, les espaces publicitaires étant loués à d'autres annonceurs (non alimentaires, certes) pour rentabiliser la chose.
Le rachat de la tranche 16h-20h de la "2" avait fait débat dans le directoire de BFR: c'était un investissement coûteux (trois fois moins cher que la tranche 20h-24h, mais tout de même) et apparemment peu rentable puisqu'au lieu de vendre ses séries télévisées à telle ou telle chaîne VTP allait se couper l'herbe sous le pied en pratiquant l'autoconsommation. Certes, il n'y avait plus à payer pour passer la pub, et il y avait les recettes des autres annonceurs (les séries VTP de la tranche 18h-20h avaient bien plus d'action et aucun "politiquement correct" contrairement à ce qui pouvait passer dans cette tranche jusqu'alors, même si l'on restait loin du porno ou du gore). Le pari de VTP était la réduction du temps scolaire, par réduction du nombre de jours de classe, d'une part, et la tendance à en faire une grande partie à la maison, avec le nouveau système par Minilog. Le temps de disponibilité des jeunes (cible principale (mais pas unique) des productions VTP) devant la télévision dès 16h (voire un peu avant) s'en trouvait nettement augmenté.
TGP 2 (Télévision Grand Public 2), nom de la société, ne dissusait pas que des séries télévisées: ça dépendait des jours. Il y avait aussi des émissions "science pratique", "science & cuisine", des jeux intéractifs par Minilog (sans la moindre surtaxe) où après avoir répondu correctement à la première étape le candidat était rappelé par la chaîne (grande différence entre le Minilog et Internet: on pouvait être appelé, comme avec un téléphone) donc jouait sans frais de communications, en plus des gains qu'il pourrait obtenir par la suite. Il n'y avait jamais plus d'un quart d'heure de jeux par jour (et pas tous les jours).
Une sorte de "RMI jeunes" fut crée: calé à 1/4 du Smic, il était destiné à ceux n'ayant pas commis de délit, ayant au moins leur bac, n'ayant pas d'enfants, s'engageant à ne pas acheter de tabac ni d'alcool (ni bien sûr d'autres drogues), à ne pas contracter d'emprunt, les amendes étant lourdes en cas de fraude, et ne se déclarant pas comme chômeurs. Ce n'était pas cumulable avec les bourses d'études (ce qui eût pour effet de désengorger celles-ci de ceux qui n'y stagnaient que parce que c'était le seul moyen d'avoir une sorte de "RMI jeunes" dans le système antérieur) mais c'était cumulable avec tous les revenus légaux non salariés: en particulier celui qui créait sa propre affaire (souvent modeste) conservait cette allocation, même s'il réussissait, et même s'il cumulait avec des placements. Sans trop le proclamer, l'ELR considérait que le salariat était une forme d'assistanat, puisque seul l'employeur prenait le risque financier (même si la boite perdait de l'argent, les salaires étaient versés). En étant travailleur indépendant ou associé (donc avec la part de risque), on bénéficait d'un régime fiscal plus favorable (1,5 smic de franchise d'impôt, au lieu d'un) et de cette allocation du quart du smic.
Ca s'appelait "CNS": Complément Non Salarié. Ca remplaçait aussi le RMI classique qui lui aussi était désormais réservé aux gens sans enfants et cumulable avec les revenus non salariés uniquement. Quitter son emploi pour se mettre à son compte c'était jusqu'alors sauter de l'avion sans parachute, avait expliqué l'ELR, alors qu'avec le CNS il y avait désormais un parachute, et ceci même si on arrivait à voler de ses propres ailes, de façon à ne pas "récompenser l'échec" comme un CNS sous condition de ressources l'aurait fait. Si ça marchait, on bénéficait en plus de la franchise de 1,5 smic au lieu de 1 smic sur le revenu total (hors CNS, en plus) avant impôts. Si ça ne marchait pas, on était en dessous de la franchise "salarié" donc ça n'apportait rien de plus: juste le CNS.
L'ancien système, selon l'ELR, incitait fortement les pauvres à faire au moins trois enfants (deux n'étant pas "rentables" en allocations et tarifs réduits), voire cinq et plus, le nouveau les incitait à ne pas en faire avant d'avoir une certaine aisance financière, ce qui donnerait un bien meilleur sort à ces enfants éventuels.
Les allocations chômage étaient plafonnés à 0,7 smic quelque fût l'ancien salaire supérieur ou égal au Smic: "un directeur d'usine au chômage ne rend pas plus de services qu'un manutentionnaire au chômage, donc ne doit pas toucher plus". Ca incitait les ex "gros-salaires" au chômage à accepter un poste à salaire moyen alors qu'avec l'ancien système l'accepter les aurait appauvris, d'où enfermement dans le chômage jusqu'à la fin de droits. Comme il n'y avait plus de charges sociales, on ne pouvait plus dire "j'ai payé une assurance chômage": celle-ci s'appliquait via la TVA, donc sans considération d'emploi. Après un an plafonné à 0,7 smic on passait au CNS si on cessait d'être demandeur d'emploi (ce qui toutefois n'interdisait pas d'en chercher).
Toutefois ces mesures n'avaient pas encore d'effet au moment où la baisse réelle (et non par renoncement pour toucher le CNS) du chômage par l'augmentation spectaculaires des exportations avait eu lieu: il y avait bien plus de gens ayant un emploi solvable (c'est à dire non financé par l'impôt) qu'avant, la raison étant très simple: TVA au lieu de charges sociales, donc exportations bien moins chères (tout en rapportant autant au constructeur, donc à ses employés), et en même temps chute du marché intérieur à la fois par la hausse du prix des importations (qui n'étaient plus exonérées de charges sociales puisqu'incorporées à la nouvelle TVA) et par la suppression du crédit à la consommation: on n'achetait plus de voitures à crédit, d'où moins de ventes sur le marché intérieur. Comme les constructeurs français avaient bien plus augmenté leurs exportations (car le marché extérieur était bien plus vaste et solvable que le marché intérieur, dès que l'on y vendait à un prix attractif) qu'ils n'avaient perdu de parts de marché intérieur (c'étaient les importations qui avaient le plus plongés: elles n'étaient plus dopées par l'exonération de charges sociales pratiquée jusqu'alors: le Danemark avait déjà démontré que ça marchait en vrai, et pas uniquement en théorie) il y avait eu des embauches dans les usines: ingénieurs, techniciens, ouvriers. De plus il était bien moins rentable de délocaliser qu'avant, car réimporter la production délocalisée n'échapperait pas à la TVA sociale: la même (à "prix nu" égal) qu'en produisant sur place. Seul les pays à salaires très bas restaient intéressants pour délocaliser, si on prenait en compte de coût de l'invertissement industriel et des transports.
Quant aux recettes fiscales, malgré la baisse massive de bien des prélèvements (droits de succession abolis, ainsi que la redevance télé, la taxe professionnelle, l'impôt sur les bénéfices réinvestis en outil de travail "prouvé", etc), elles avaient augmenté par l'attractivité fiscale que constitutait pour les gros revenus des pays voisins le taux unique d'impôt sur le revenu de 20%: la "flat tax", théorie déjà en vogue mais refusée jusqu'ici par les gouvernants français de tous bords, et bien ça marchait: la matière taxable avait fortement augmenté. 20%, c'était même mieux qu'en Suisse. Certes, certains produits étaient devenus très chers: téléphones portables, hifi, vidéo, informatique, car entièrement importés donc n'ayant pas bénéficié de la suppression des charges sociales (qu'ils ne payaient déjà pas) avant application de la TVA sociale. Mais on n'achetait pas ça tous les jours, et surtout, on pouvait très bien les garder plus longtemps, au lieu de les renouveller prématurément: la France n'avait pas besoin d'acheter des télévisions (ou fort peu), ces appareils ayant une durée de vie dépassant largement leur durée d'utilisation habituelle (sauf chez les pauvres, qui attendaient qu'elle lache pour en chercher une autre d'occasion, d'occasion pour éviter la redevance, or elle n'existait plus). La redevance télé n'avait pas entièrement disparu: elle était remplacée par une taxe sur la publicité (tous surpports: y compris affiches, radio, presse): la mane était telle qu'il n'y avait pas besoin d'une taxe "écrasante", et une grosse taxe sur les récepteurs neufs qui avait encore plus contribué à freiner les ventes et à recréer des emplois de réparateur de télévisions et magnétoscopes (le magnétoscope étant un dispositif récepteur, sauf ceux n'ayant pas de tuner, comme les vieux portatifs pour caméra à fil, il était taxé aussi): l'argent jusqu'ici perdu pour la France à jeter (frais de collecte et d'élimination, en plus) et remplacer (donc importer, donc appauvrir le pays) était désormais dépensé (tout en en dépensant moins: il n'y avait pas tant de pannes que ça) en main d'oeuvre (les pièces pouvaient être prises dans les épaves, sauf pour les modèles où c'était toujours la même qui lâchait) pour les faire durer. En main d'oeuvre sans charges sociales: il n'y avait de TVA (la grosse) que sur les pièces.
Dans le secteur automobile aussi, on était revenu à passer plus de temps de main d'oeuvre pour changer moins de pièces: l'ancien système taxait six fois plus la main d'oeuvre que les pièces, alors que désormais seules les pièces étaient taxées (et la marge prise par le patron en plus du salaire de l'ouvrier, s'il y avait lieu, mais pas le salaire lui-même). On démontait plus plus changer moins. Moins de gaspillage et plus d'emploi: là était la recette "gagnant/gagnant" (sauf pour les importateurs, car ils écoulaient moins de marchandises qu'avant) du système.
L'ELR annonçait donc que la France avait commencé à rentrer dans la "société de conservation": consommer moins, faire durer, réparer au lieu de remplacer, réutiliser autrement au lieu de jeter. Ne pas faire les enfants dont on n'avait pas l'intention de s'occuper réellement et qui ne trouveraient pas d'emplois ensuite. Ne plus construire pour ne même pas réussir à loger une population en expansion sans fin: diminuer la population (la "désimmigration" avait bien fonctionné, bien avant les premiers effets de la dénatalité) pour résoudre le problème de logement sans avoir à en construire. Les emplois créés par l'exportation avaient avalé bien plus que ceux (souvent à la limite de l'esclavage) supprimés dans le BTP, puisque ça avait aussi pompé dans le chômage de masse et les "faux emplois" (ceux subventionnés par l'Etat pour cacher le chômage, selon l'ELR). Baisser le coût de la vie (le coût médian) pour enrichir les gens sans perdre en compétitivité.
Le plus spectaculaire (et le plus consternant à la fois pour la gauche, qui était idéologiquement contre, et la "droite" classique, qui n'avait jamais osé le faire) c'était l'effet de la "flat tax": des étrangers fortunés venaient s'installer en France, apportant une mane fiscale qui sans cela ne serait jamais passée par chez nous. Des entreprises aussi: absence de charges sociales (divisant par deux le coût du travail sans baisser les salaires. La suppression de la CSG les avait même augmentés, "net en poche"), défiscalisation totale des bénéfices réinvestis dans l'outil de travail réel (et pas des bureaux de luxe ou des voitures de fonction...), disparition des blocages de services publics par les grèves, baisse des coûts de télécommunication. Pas besoin de devenir un vrai "paradis fiscal": il suffisait d'être moins "enfer fiscal" que les voisins. Même vis à vis de l'Angleterre le mouvement s'était inversé. Inversement les familles nombreuses non capables de se procurer un revenu suffisant étaient allées voir ailleurs. Comme prévu: "débranchez l'électroaimant, la limaille retombe".
BFR en tirait avantage, d'abord comme toutes les entreprises de main d'oeuvre par la suppression des charges sociales, mais aussi comme producteur d'électricité indépendant, puisque le monopole n'existait plus. EDF était proche de la faillite à cause de l'obligation de financer seule son "régime spécial" et le refus de l'Etat de donner désormais le moindre centime pour le nucléaire: "énergie trop chère à l'installation, trop chère à l'usage et trop chère à l'élimination". Les forages géothermiques (spécialité BFR, initialement pour cuire les aliments gratuitement, plus tard pour l'électricité, en forant plus profond avec de meilleures analyses sismiques) s'étaient multiplié, cette énergie renouvellable étant la plus stable (ne dépendait pas du tout de la météo) et la plus rentable dès que l'on avait besoin d'une forte puissance. L'énergie éolienne convenait aux utilisations dispersées: pour éviter d'avoir à stocker l'électricité, il fallait stocker l'énergie mécanique sous forme pneumatique ou hydropneumatique dans de gros réservoirs haute pression enterrés servant aussi de support à l'éolienne. Ni l'Etat ni les entreprises privées n'avaient misé massivement sur le solaire, pour une raison simple: avec les techniques connues à ce jour, produire les cellules consommait plus d'énergie (sans oublier la pollution d'eau de l'industrie du silicium) qu'elles n'en restituerait pendant leur espérance de vie. Ca n'avait de sens que pour de petites installations isolées où l'on n'allait pas tirer des câbles, et mal placées pour une éolienne.
L'ELR n'avait jamais promis de sortir d'un coup du nucléaire et ne l'avait pas fait. Il s'agissait d'éliminer une à une les installations les moins rentables (celles commençant à coûter cher en entretien, par vieillissement) en les remplaçant surtout par des économies d'énergie "La France pourrait très bien fonctionner avec trois fois moins d'éléctricité, tout en augmentant ses exportation de produits industriels", avait annoncé l'ELR, mais aussi par de la géothermie et localement des éoliennes "tambours à aillettes" (bien plus rentables et plus solides que les "hélices").
Il y avait aussi des inconvénients pour BFR dans le système ELR: moins d'enfants, c'était dans quelques années moins de grignotteurs à la maison. Toutefois le marché français ne représentait que 9% de l'activité mondiale du groupe. De plus, en n'ayant plus accès au crédit pour acheter des appareils coûteux et souvent inutiles (l'ancien pouvant rester en service), le budget alimentaire des familles se trouvait augmenté d'autant: le tout-TVA avait freiné l'essort du téléphone portable, des baladeurs MP3, des lecteurs de DVD et autres gadgets de hautes technologies. Il fallait épargner pour les acheter, ce qui donnait le temps de réfléchir. De plus les prix de ces "bidules" allaient reprendre leur pente descendante (la TVA sociale avait créé un saut vers le haut, mais la pente reprenait, depuis ce pic) donc attendre pour les acheter permettrait d'acheter mieux pour moins cher, plus tard. C'était déjà vrai avant l'ELR, mais comme il n'y avait plus de crédit à la consommation, ce comportement devenait général: on ne pouvait plus dépenser là-dedans l'argent que l'on n'avait pas encore gagné.
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Aymrald découvrait peu à peu tout ceci en écoutant les médias et les gens: des pour et des contre, selon leur situation personnelle. Avec cinq enfants on était contre, sans on était pour. Entre les deux, d'autres considérations pouvaient jouer: ceux qui avaient acheté un logement à crédit un peu avant se retrouvaient à payer pour longtemps pour un bien qui n'avait plus du tout la valeur de revente prévue. Certes, si on vendait pour racheter, ça s'équilibrait, car on rachèterait aussi moins cher et les "frais de notaire" avaient été supprimés: on pouvait faire enregistrer les titres de propriété en préfecture, comme les voitures, et ça ne coûtait pas plus cher qu'une carte grise, par rapport à la valeur du bien. C'était aussi plus rapide et plus sûr: les administrations conservaient mieux les doubles de leurs archives que certains notaires. Cela faisait partie de la tendance "remettre la fonction publique au service du public", de l'ELR. Les fonctionnaires devaient aider les gens dans leurs formalités administratives (tout particulièrement les non salariés, les "à leur compte" ayant jusqu'alors un véritable parcours du combattant à entreprendre) au lieu de leur compliquer la vie, désormais. Les formulaires nécessaires pouvaient être imprimés à la demande par n'importe quel guichet, accompagnés de la notice "en langage clair courant" pour les remplir. Ca évitait de stocker des tonnes de formulaires dont nombre seraient jetés si jamais on modifiait ce formulaire entretemps, et de devoir aller les chercher "au four et au moulin" quand on en avait besoin.
On pouvait aussi préparer son formulaire chez soi, avec le Minilog, en obtenant par le "système expert" intégré tous les conseils et explications nécessaires (pouvant être plus détaillées que l'on n'aurait pu en mettre dans la notice imprimée). Ce type de communication n'était pas facturée par le réseau, car ça désengorgeait d'autant les guichets réels, tout en encombrant très peu le réseau (par rapport à une conversation téléphonique, c'était insignifiant). On venait alors dans un "point validation" avec la disquette (ou autre support de données), le formulaire en bonne et dûe forme était pondu (rempli par ce qui avait déjà été vérifié par le serveur Minilog) sur papier filigrammé pour garder une trace écrite en double exemplaire: les gens n'avaient pas confiance dans le "tout virtuel", et l'ELR non plus. L'autre exemplaire était conservé par la machine et archivé comme copie de référence par rapport à la transmission numérique directe: la rapidité de l'électronique, mais avec la "traçabilité" du papier comme garde-fou.
Ceci avait permis de retirer beaucoup de fonctionnaires "internes" (chargés de vérifier manuellement les dossiers, alors que l'entrée sous forme informatique permettait la vérification directe) et les rendre "publics": pour expliquer aux personnes âgées, aider les mal voyants, etc. Tout en ayant cessé d'en recruter, l'administration marchait mieux et surtout semblait moins "dans sa tour d'ivoire" par rapport aux usagers: moins de queues aux guichets.
L'ELR avait aussi abrogé tout un tas de lois oubliées et souvent contradictoires avec d'autres (d'où les chicanes de jurisprudence qu'elles pouvaient engendrer: ça, c'était fini) et beaucoup d'autres avaient été réécrites en "langage clair public": il n'y avait plus besoin d'avoir fait six ans de droit pour les comprendre. "Nul n'est censé ignorer la loi", mais jusqu'alors bien des lois ignoraient ceux qui étaient censés en prendre connaissance. De plus le Minilog fournissait l'assistance juridique par système expert permettant d'avoir une bonne estimation des diverses lois s'appliquant à un cas particulier, et la fourchette de probabilité du résultat d'une action en justice, selon que les portions non "automatiques" de telle ou telle loi étaient appliquée au maximum ou au minium, ce qui fournissait nombre de combinaisons. Ca ne remplaçait pas totalement l'avocat, mais permettait de ne pas se faire mener en bateau par celui-ci, et il y avait des cas où ça le remplaçait à coup sûr.
On voyait poindre le spectre d'une justice entièrement par ordinateur. Là aussi il y avait des pour (en finir avec le "à la tête du client" et "selon l'humeur du juge ce jour-là"), et des contre: bogues, piratages, les logiciels n'étaient pas assez sûrs pour leur confier entièrement cette tâche. Les deux avaient raison, restait à trouver le bon dosage: le logiciel empêchait l'arbitraire humain (le "deux poids deux mesures"), mais le bon sens d'un jury populaire pouvait servir de garde-fou si un logiciel boguait, ou, pire, avait été biaisé par un Etat malhonnête. L'ELR semblait efficace et économique, mais pour ce qui était de l'honnêteté, on ne le saurait qu'à l'usage, à long terme: les "affaires" des autres avaient mis beaucoup de temps à fendre leur coquille pour éclore au grand jour. Le consensus de l'opinion était pour retirer du pouvoir aux juges, qui avaient les défauts à la fois de l'homme (subjectif) et de la machine (trop loin de la réalité vécue).
Toutefois c'était grâce aux juges (devant lesquels des dossiers étaient ressortis de leur tombe, un peu partout) que les grands partis s'échangeant jusqu'alors le pouvoir avaient été décapités et éparpillés.
L'ELR avait surtout diminué le rôle de la jurisprudence, qui revenait à créer du droit sans vote des législateurs, ce qui était contraire, selon l'ELR, à un fonctionnement sain de la démocratie. Si l'application de certaines lois posait problème dans des cas de ce genre, la Cour de Cassation ne pourrait plus statuer seule: elle devrait renvoyer la loi devant le parlement, en session d'urgence, pour trancher. Non pas sur le cas jugé, mais sur le sens à donner à cette loi quand il n'était pas assez clair. Des non-élus (les magistrats de la Cour de Cassation) ne devaient plus pouvoir modifier les lois à leur idée (la "jurisprudence" revenait à ça, dans les faits) sans accord parlementaire: séparation des pouvoirs.
Diminution aussi du pouvoir des "juges d'application des peines": les peines prononcées par un jury ne pouvaient jamais être réduites sans l'accord d'un jury (procès en révision), par contre les conditions de détention pouvaient être ajustées (mais pas de la liberté provisoire si le jury ne l'avait pas accordée). De même, les psychiâtres ne pouvaient plus relâcher un criminel ou violeur leur ayant été confié: s'ils ne l'estimaient plus fou, ils devaient le remettre à la justice, qui déciderait alors qu'en faire. Inversement, l'hospitalisation d'office était désormais impossible sans procès en bonne et dûe forme: on ne pourrait plus être interné sans avoir droit à une vraie enquête de police, un avocat, une procédure d'appel, etc. On ne pourrait pas l'être sans avoir porté gravement tort à autrui. Les psys pouvaient donner leur avis, mais seule la justice incarcérait (éventuellement en psychiatrie) ou libérait, ce qui selon l'ELR avait mis fin à beaucoup d'abus dans les deux sens: innocents "mis au goulag psy" par bras long de l'entourrage, criminels dangereux relâchés sous prétexte "psy".
Il était désormais très difficile de mettre quelqu'un en détention provisoire sans preuves formelles (matérielles avérées, pas juste un témoignage, ou flagrant délit), et ça ne pouvait pas durer plus d'une semaine (au delà, et dès le début en l'absence de preuves formelles, il n'y avait que la "résidence surveillée" avec bracelet électronique pour limiter la liberté d'un accusé non encore jugé), ce qui libérait de la place pour ne pas relâcher prématurément les gens réellement condamnés.
L'interdiction de fumer était totale en prison (détenu et gardiens), très facile à détecter électroniquement, ainsi que de toute combustion (source d'incendies et d'émeutes, entre autres). Il était impossible d'obtenir des moyens financiers de l'extérieur, pour créer une égalité sociale de la détention. Seul le travail carcéral permettait d'obtenir des éléments de confort. Un détenu par cellule, quitte à les cloisonner: après tout, les chambres d'étudiants étaient bien plus petites que des cellules, mais au moins on y était seul. Tout ceux qui n'étaient pas physiquement dangereux (même très malhonnêtes) pouvaient être mis dehors avec surveillance électronique pour faire de la place. Tout ceux qui étaient physiquement dangereux (même très jeunes) devaient être retirés de la circulation. Il y avait un consensus large de l'opinion sur ces deux points. Les prisonniers ne devaient rien pouvoir apprendre les uns des autres en matière de trucs et astuces de délinquance, et il fallait supprimer toute occasion d'instaurer une hiérarchie entre détenus: il devaient tous être maintenus au niveau de base, sans pouvoir sur quiconque. Là aussi, le consensus populaire était vaste, de droite à gauche. D'où le cloisonnement insonorisé. Selon l'ELR, un prisonnier ne devait avoir de communication qu'avec l'administration et une partie du monde extérieur (avocats, parloirs...), au point de pouvoir se croire seul détenu. Des cellules uniques avaient été créées dans les sous-sols de nombre de bâtiments publics non pénitentiairre pour l'incarcération dispersée, bien plus sûre et efficace en "non-école du crime" que l'incarcération concentrée, tout en déconcentrant celle-ci d'autant. Cela permettait aussi d'être moins loin de ses proches pour les visites autorisées.
Perte de revenus importante pour certains gardiens par impossibilité désormais des trafics (on ne pouvait plus les mettre sur le dos des parloirs car c'étaient des parloirs vidéo: ça marchait sans avoir à se déplacer, et de ce fait rien ne pouvait y circuler), mais selon l'administration "ça n'avait jamais existé à part dans des films, donc personne n'y perdait".
Diminution du nombre de gardiens nécessaires: les détenus ne se rencontrant plus (plateau repas servi en cellule, promenades à heures différentes, dans des portions compartimentées de la cour) il n'y avait plus de risque de bagares ni de complots et c'était à peine plus difficile à gérer qu'un hôtel. Voire plus facile: les clients ne risquaient pas de partir sans payer tout en embarquant le peignoir comme souvenir. Il y avait de ce fait beaucoup moins de personnel de nuit: juste en cas d'urgence médicale.
L'ELR disait qu'en recréant une micro-société de condamnés dans les prisons, le système antérieur normalisait la criminalité, du point de vue des détenus, voire la valorisait. Cette micro-société ne devait donc pas pouvoir exister: des individus compartimentés, seuls condamnés n'ayant de communications qu'avec des non-détenus.
Ca marchait: le taux de récidive avait été divisé par quatre, surtout pour les jeunes (divisée par sept), que l'on incarcérait bien plus facilement qu'avant ("même délit même peine" que pour les adultes), sans avoir besoin de les garder longtemps quand la "dangerosité" ne l'exigeait pas. En sortant, le délinquant n'avait rien appris en prison sur l'art de mieux délinquer. Il ne s'était consitué aucun réseau de relations douteuses. Il était resté seul à s'ennuyer, ou à travailler comme seul détenu (pas d'ateliers multi-détenus) parmi des non-détenus, ou seul avec un tas d'ordures à trier, des appareils hors d'usage à démonter et classer, etc. Le travail supplémentaire accompli pouvait accélérer la libération, ce qui était motivant. Il n'y avait plus de "mesures éducatives" pour mineurs dans le cas d'actes méritant la prison: au contraire, il prenait du retard, de cette façon, et le savait. Pour avoir droit à des cours, à des exercices qui seraient corrigés à l'extérieur, il fallait fournir plus de travail (productif) que demandé. Cela avait été critiqué mais avait contribué à dissuader la récidive: tant qu'à faire d'être enfermé seul, beaucoup auraient préféré pouvoir rattrapper un peu leur retard d'études, s'ils en avaient un. Le voir s'aggraver rendait la peine plus sinistre, au point de trouver intéressant de trier des ordures ménagères pour éviter d'avoir à penser à autre chose et obtenir quelques cours. De temps en temps il y avait de la lecture, dans ces ordures mal triées: des magazines, des journeaux, des modes d'emploi en plusieurs langues... Il n'y avait pas la télévision ni de radio, dans les prisons ELR. Celui qui en aurait rafistolé une avec plusieurs épaves n'aurait rien capté: cage de Farraday. Tout au plus aurait-il pu s'en servir pour écouter une cassette trouvée, à condition de trouver aussi des piles encore valides (pas de prise électrique). Il fallait que le temps parût très long, pour ne pas avoir besoin d'allonger les peines (faute de place). On pouvait acheter des livres ou des magazines, en ayant travaillé assez, des méthodes de langues ou de la nourriture autre que le "plat du jour", insipide pour ne gêner personne mais qui du coup ne donnait pas de plaisir à manger. Ca avait très peu de goût, une consistance de polenta ou de purée un peu dure (pas de risque de renverser par maladresse), c'était nutritivement complet, hypoallergénique, facile à digérer, ça n'attaquait pas les dents et se mangeait sans couverts autres qu'une cuillère en plastique qu'il fallait garder (une neuve par semaine), contrairement au plat à remettre par la trappe. Il y en avait trois différents au cours de la journée (nutritivement) mais qui se ressemblaient beaucoup d'aspect, de non-goût et de consistance. De quoi motiver à travailler plus pour pouvoir choisir autre chose. Le minimum d'hygiène était fourni gratuitement (rationné, mais suffisant si on faisait attention), contrairement à l'usage très critiqué des prisons avant l'ELR: mini-savon, dentifrice (restituer le tube vide), une mini-brosse à dents pour deux mois, papier hygiénique, serviette de toilette échangée une fois par mois, pince large à épiler ou coincer-couper (selon le bord utilisé. Ca pouvait aussi servir de coupe-ongle, si on était patient): par sécurité, on ne pouvait pas fournir de rasoir à ceux qui en avaient besoin, et puis un taulard avait du temps à tuer...
Théorie de l'ELR: les jeunes délinquaient surtout en groupes, donc être seul à s'ennuyer dans un contexte invariable leur semblerait très long. De plus, rompre ainsi les groupes isolait, ensuite, les sortants: la bande éventuelle avait évolué sans eux, il n'y étaient plus attendus, les codes locaux avaient changé (ça changeait très vite): la réinsertion dans la délinquance s'en trouvait compliquée, surtout qu'il y avait traçage électronique longtemps après, avec détection des "associations de malfaiteurs" (deux traceurs trop proches). Quand c'était possible, on les relâchait "à déplacements restreints" dans un autre département, où ils n'étaient rien, ne connaissaient personne, donc n'auraient pas les "bases" pour délinquer efficacement tout en pouvant s'y réinsérer honnêtement sans traîner leur "étiquette" locale. Il y avait un cas du sept de récidive, mais c'était incomparablement moins qu'avant avec la non-incarcération de ces délinquants mineurs. Une semaine de prison à l'isolement, suivie d'une "délocalisation", pouvait suffire à casser le "cercle de réussite par la délinquance" d'un débutant dans cet art. A condition de le faire tôt, avait toujours dit l'ELR. Le même système s'appliquait quelque fût l'âge et le sexe. La détention cloisonnée insonorisées supprimait aussi la notion de prisons de femmes ou d'hommes: on pouvait tout mélanger pour mieux utiliser les locaux disponibles.
Supprimée aussi, la "confusion des peines": deux crimes, deux condamnations, strictement additives. Pas de "prix de gros" pour récompenser les "sérial killers". D'où des peines incompressibles pouvant dépasser le siècle, garantissant une perpétuité inviolable: même un procès en révision (moins difficile à obtenir qu'avant, depuis l'ELR) annulant l'une des condamnations n'invalidait pas les autres. Pour sortir, il fallait autant de procès en révision que de condamnations.
Quant au service militaire (Aymrald s'était renseigné sur ce qu'il était devenu, ayant été envoyé au Québec en "aide technique" au lieu d'avoir à le faire) il n'avait pas disparu mais avait changé: il était mixe (comme en Israël), durait quatre mois (pouvant être fait en deux étés pour ne pas casser les études supérieures, ce qui rendait les repports inutiles, du même coup) et on n'y prenait plus n'importe qui: il s'agissait de former des commandos d'interventions en petits groupes efficaces et bien coordonnées, et non du "trouffion", du fantassin chair à canon. Ca ressemblait à un jeu de guerre en terrain réel, avec de fausses armes (l'informatique déterminait ce qu'aurait été le tir réel avec l'arme réelle dans ces conditions) mais lourdes comme des vraies et avec du recul: le tir était à l'eau, avec un calibre augmenté, pour fournir une masse induisant un recul. Il y avait bien plus d'observations, d'infiltrations et de sabotage que de tirs directs: l'ELR savait que les guerres utilisant encore des gens (et non des missiles guidés informatiquement) étaient dans les villes: la guérilla urbaine, y compris sur son propre territoire. Les méthodes militaires classiques y marchaient mal (surtout quand les civils ne faisaient pas partie des ennemis, mais que certains pouvaient se cacher parmi eux, en utiliser comme boucliers humains): l'entraînement était donc proche de celui du GIGN, mais moins dur physiquement (sinon il y aurait eu peu de candidats admissibles). Beaucoup de techniques modernes, comme les caméras à transmission cryptées permettant de voir les uns par celles des autres (montrer quelque chose d'où on était à quelqu'un qui n'y était pas vallait mieux qu'un long discours), des motocross pliantes à deux roues motrices hydrostatiques, permettant un roulage silencieux pendant deux kilomètres après avoir utilisé le moteur thermique (déjà discret, mais pas autant que l'hydrostatique), etc. Uniformes identiques et missions identiques pour garçons et filles. Du coup on ne tondait plus les garçons non plus (ou alors il eût fallu tondre les filles): la coupe "règlementaire" était au bord du casque, comme dans certains autres pays européens. Le côté intéressant de la formation (on aurait rarement l'occasion de jouer à ça dans un autre contexte) et le temps raisonnable qu'elle prenait faisait qu'il y avait plus de candidats que de place (en particulier un nombre inattendu de filles): quatre candidats pour une place, d'où un examen d'entrée recalant 75% des candidats. Pari gagné: pas besoin de le rendre obligatoire, ça faisait le plein tout seul (principe du champ de patates de Parmentier: examen d'entrée sélectif donc intéressant d'y entrer...).
Ceci parce que l'on n'y gaspillait pas le temps des apprentis commandos: il n'y avait aucun temps mort de "casernement": ils dormaient assez (discipline stricte dans les dortoirs, vidéosurveillés), puis ils travaillaient des situations de terrain ou au simulateur. Les tâches non militiaires (nettoyages, litterie) étaient affectées à des condamnés à des travaux d'intérêt général, qui, eux, n'avaient pas accès à la formation "commando". Ce n'était pas destiné à n'importe qui et il fallait avoir planché avant l'examen tout ce qui pouvait être fait hors terrain, avec des manuels et des logiciels disponibles via le Minilog.
En rempilant, on pouvait accéder à des trucs plus intéressants, comme apprendre à guider à l'insu de l'ennemi des drônes terrestres ou volants, voire piloter un hélicoptère pour les meilleurs (l'ALAT en avait, tout en faisant partie de l'armée de terre). La marine avait sa propre version, comportant une formation "nageurs de combat". L'armée de l'air était uniquement professionnelle.
Du coup il n'y avait pas à rémunérer ça mieux que l'ancien service militaire (moins de la moitié du smic): les gens n'y venaient pas pour l'argent, mais pour ce que l'on y faisait. Le recrutement comportait aussi des tests psy de façon à ne pas prendre des "fous de la gâchette": ce n'était pas l'objectif.
Aymrald aurait préféré rester chez BFR jusqu'à cette réforme, faire quatre mois de formation commando (à condition qu'on l'y prît: pas sûr, même si être peu sensible au stress était un atout dans la sélection) et retourner chez BFR que l'expérience canadienne qu'il avait trouvée trop longue (en plus d'être sous-payée) et ne lui avait pas appris autant de choses qu'on le lui avait fait croire. Si seulement ça s'était passé en Finlande... Mais il ne pouvait pas deviner la victoire de l'ELR ni ce qu'allait devenir le service militaire, en plus de ne plus être obligatoire.
L'ELR ne voyait aucun intérêt dans le rôle de "creuset social commun" que l'on avait attribué à l'armée antérieurement: ça, ça pouvait être le rôle de l'école, mais à l'armée, l'efficacité militaire était la priorité, et la seule: si on n'avait trouvé que des mordus de jeux vidéo et de "paintball" dans les bons candidats à l'examen, on n'aurait pris que ceux-là. Il n'y avait pas non plus de quota garçons/filles: seul l'examen et la première semaine de mise à l'épreuve faisait le tri. Il se trouvait que 37% de filles avaient été reçues: la sélection physique n'était pas sur l'athlétisme mais essentiellement sur l'agilité et la "furtivité" de déplacement, tandis que l'aptitude aux jeux de tirs et à l'orientation en site réel d'après un plan était généralement plus masculine.
Aymald en découvrait tous les jours, sur les réformes de l'ELR. Il découvrit aussi des choses sur BFR en étant envoyé deux mois (sorte de stage interne, mais payé "ingénieur" (deux smics, chez BFR) cette fois) dans la centrale géothermique des Landes, qui datait de 1934 (le premier forage local), d'abord pour tout cuire à la vapeur (pas directement celle du forage: il y avait un échangeur) gratuitement, puis en forant un second puits plus profond (5km) en 1939 grâce au savoir-faire acquis, de la vapeur haute pression turbinable. Même la recherche pétrolière ne forait pas si profond, à l'époque. Non qu'elle n'aurait pas su le faire, mais surtout parce qu'elle trouvait du pétrole bien plus près de la surface: à quoi bon chercher des gisements profonds tant qu'il y en avait de moins profonds?
Il s'était parfois demandé si on cherchait à diversifier ses compétences, où si on n'avait pas vraiment l'usage de lui, en fait, surtout si BFR ne l'avait recruté qu'à la demande de VTP qui ne l'avait pas recontacté après le Canada: ils avaient probablement trouvé un remplaçant équivalent et disponible à plein temps.
Le boysband Bifidus continuait: cet été 1997, le mouvement n'était pas encore à son apogée. Millénium avait déjà rôdé le troisième album des Bifidus, qui sortait maintenant, en prévision de Noël. Ca s'appelait "la cerise sur le gâteau". Knut était toujours à bord. Le groupe était toujours aussi "publicitaire" et peu crédible, mais c'était le point de vue de quelqu'un qui n'avait pas suivi leur actualité depuis un an. Ca marchait, Bifidus, et pas uniquement les ventes grâce aux albums bien remplis par Millénium pour pas cher, encore moins chers en collectionnant des "points Bifidus" sur divers emballages BFR. Ca marchait même côté fans en délire, courrier timide et passionné. La totale. Tout en étant encore plus "bidon" que la concurrence, car ça restait un vecteur commercial BFR qui ne s'en cachait pas.
Bifidus avait bénéficié d'un clip grandiose, au décor mussolino-druillesque imaginé par Saverio Tarsini: "L'Atlantide". Une Atlantide futuriste, maintenue au dessus des flots par d'énormes rotors antigravitationnels logés dans ses sous-sol. Système dont les roulements lâchaient, d'où le plongeon, la dislocation et le nauffrage de l'Altantide, avec une musique wagnéro-tarsinienne conçue par Millénium: cette fois, on avait dit à Florian: "pour ça, il n'y aura jamais trop de notes".
Toute la mise en scène était en images de synthèse, y compris les personnages quand ils n'étaient pas vus de près (d'où l'intérêt d'utiliser des personnages des sitcoms VTP et de Bifidus, qui semblaient déjà faits par ordinateur), or on ne les voyait pas souvent de près car Tarsini voulait surtout montrer ses projets les plus audacieux, dans ce clip. BFR s'en doutait, mais à superproduction donnée, on n'allait pas mégoter sur le manque de plans rapprochés. Il n'y avait pas que les Millénium, dans le clip: 255 jeunes personnages de chez VTP y servaient de fourmis écrasées par la chute des blocs de marbre, de cristal et de granit dans la dislocation finale.
Ca ne ressemblait pas à un clip de "boysband", et la musique moins encore: c'était en fait un pur produit Millénium, dans un univers totalement tarsinien, où les Bifidus faisaient de la figuration parmi d'autres, mais comme c'étaient leurs voix (plus des coeurs féminins pour les effets "stratosphériques" lyriques ajoutés) qu'Adrien avait imité en autant de passes que nécessaire, ce fut présenté comme un clip des Bififus, bien que la chanson "telle que" fut mise dans un album de Millénium: "Millézim". On la retrouva aussi dans celui des Bifidus mais en deux versions: la version "clip", et une version moins "impossible" utilisant les mêmes "phrases" mélodiques mais sans les enchaîner "en esclalier" vers les nuages ou les abisses. Même ainsi ça restait trop tarsino-millénien par rapport à ce qu'ils pouvaient faire sur scène. Le clip fut diffusé dans de nombreux pays, et souvent primé. Après ça, Bifidus ne pouvait que décevoir, mais étant d'entrée de jeu un groupe né dans le yaourt pour en vendre le public ne lui en tint pas rigueur.
Aymrald remarqua que le style "Friedrich 3" (parfois "2") continuait à être réutilisé par d'autres personnages VTP (changement autorisé à certains). Pour faire ça, il ne suffisait pas d'avoir les cheveux lisses (critère suffisant pour la compatibilté avec l'infographie, chez VTP): il fallait les avoir raides, plantés dru. "Invasion de doriphores", avait commenté Adeline en voyant ça. En fait, ça n'avait contaminé qu'un personnage sur 12, filles incluses.
Alors que seulement 17 épisodes de la saison 1 de "Cap sur Mars" avaient été tournés, les Américains souhaitaient réserver la saison 2, mais apprirent qu'elle n'était pas prévue, et furent étonnés de ce que VTP estimât que ce n'était pas rentable à produire. Pas déficitaire en soi, certes, mais pas rentable par rapport au "tout venant" que l'on aurait pu tourner à la place pour le même prix avec une diffusion plus importante. "Il vous faut combien?" demanda l'un des Américains.
L'équipe de VTP mentionna une somme qu'elle n'estimait pas raisonnable (sans être fantaisiste: c'était deux fois ce qu'il aurait fallu pour que "Cap sur Mars" ait le même retour sur investissement que les autres productions de VTP) et sa grande surprise ça ne sembla pas soulever d'objection. Même quand Catherine précisa, en montrant "Oleg" (qui semblait avoir beaucoup plu, vu sa mise en couverture et la part importante qui lui fût consacrée dans le reportage vidéo réellement diffusé là-bas):
- oui, mais lui, on devra le broyer entièrement dans sa machine car l'empire du yaourt en a besoin et ne pourra pas nous le prêter tout le temps. La discussion fut "au bout de combien d'épisodes": neuf? Pour vingt les Américains signaient. Catherine leur dit: "j'ai remarqué que chez vous, les changements de joueurs dans le même rôle, ça se faisait. Nous avons presque le même dans un boysband (elle afficha Knut en action sur son écran d'ordinateur), on pourra dire qu'ils l'auront entièrement reconstruit après le broyage ce qui explique quelques petites différences".
Les yeux verts? L'infographie s'en chargerait.
Et ce fut ainsi qu'à l'incrédulité de VTP la seconde saison (pas prévue, bien que des scénarii existassent: c'était tiré d'une BD non publiée car de mauvaise qualité graphique mais techniquement inventive conçue par un ingénieur de BFR. Il y avait de quoi faire environ 150 épisodes de 52 minutes) fut pré-vendue aux Américains (et à moitié payée d'avance, pour que VTP accepte d'en lancer le tournage) avec Knut qui prendrait le relais en tant que reconstruction (laborieuse: ça prenait cinq épisodes pour le remettre en service) d'Oleg après 14 épisodes joués par "Erwann d'Ambert". (BFR prêtait Aymrald pour cinq de plus), d'où un coup de théatre (non prévu dans le scénario d'origine) relançant d'autant l'intérêt. Dans l'histoire d'origine, le Suisse remplaçait le Russe comme mécanicien et commettait nombre d'erreurs, ne connaissant pas tous les petits travers de la machine. Dans la série télé, "Oleg reconstruit" n'avait pas conservé toute sa mémoire (et la vodka n'y était pour rien) d'où les mêmes erreurs: ça collait. On fit mourrir le Suisse un peu après, pour retomber sur une structure compabible avec le scénario de tous les épisodes suivants.
En fait Knut serait emprunté à Bifidus, début 1998: celui-ci n'avait plus autant d'horaire à faire qu'au lancement, son rôle étant surtout de faire des prestations dans diverses villes et des passages plateau (une ou deux chansons, parfois des "questions de fans") dans quelques émissions de variétés.
Les grèves de professeurs s'étaient éteintes d'elles-mêmes: ils avaient compris que ça ne servait qu'à faire faire plus d'économies à l'enseignement public tout en popularisant le téléenseignement public par Minilog comme substitut souvent de meilleur rendement: 29% des élèves n'étaient pas retournés en classe, avec l'accord de leurs parents (mais légalement, c'était désormais possible sans leur accord: aux inspecteurs périodiques d'en juger. "Le pouvoir arbitraire des parents sur les enfants diminue au profit d'avis externes plus objectifs", avait prévu et réalisé l'ELR). Ceci justifiait d'autant plus l'arrêt de tout recrutement d'enseignants par l'ELR. Raisons invoquées pour la téléscolarisation (à part la grève): "on apprend mieux comme ça", "il y a trop de violence à l'école" et "ca évite de se lever trop tôt pour les trajets", surtout en zone rurale.
Aymrald jouait cet automne dans les épisodes en cours de la saison 1 de "Cap sur Mars" tout en passant le reste du temps dans le laboratoire "des méthodes, goût et textures" où il faisait du vrai travail d'ingénieur de base au service de son chef de projet, tout en gardant une variante incolore de l'accessoire "Oleg" puisqu'on le connaissait déjà ainsi.
Ayrmald avait toujours fait ce que l'entreprise attendait de lui: c'était VTP qui l'avait demandé à BFR pour jouer dans des séries, BFR avait accepté, Aymrald avait endossé les rôles avec application et même une sincérité apparente qui était probablement ce qui avait plus dans "Cap sur Mars", après "Au vent du large", car selon VTP il n'était pas que beau: des beaux gosses, ils en avait "des trains entiers", grâce au tri émilianométrique, même s'il était le seul autre "bien blond" répondant à tous les autres critères. Knut était toujours là mais Friedrich était reparti en Allemagne fin 1996.
La nouveauté professionnelle de septembre fut qu'il eût former des nouveaux, BFR recrutant maintenant fort peu d'ingénieurs mais juste des jeunes niveau Bac ayant passé des tests d'évalution montrant qu'ils n'avaient pas besoin de faire des études classiques pour travailler ici. Il n'était pas directeur de stage mais son chef de projet lui avait sous-traité la formation de Natalie aux techniques du laboratoire. Une fille comme il y en avait des millions: 1m67, bonnets B, cheveux brun-roux mi-longs, lunettes (typique des étudiantes, ça), visage d'un "anonymat mou". Natalie fut extrêmement studieuse, se concentrant sur ce qui était expliqué tout en faisant de petits schémas et prenant des notes dans un calepin (non électronique) avec un stylomine. Elle ne le regardait que rarement et brièvement, replongeant aussitôt vérifier ce qu'elle notait ou dessinait. Il était occupé à tenter d'expliquer clairement, mais sans simplifier "bêtement", comment marchait ceci ou cela, les principes d'analyse et d'autocorrélations de résultats. La semaine suivante ce fut à Benoît, un stagiaire qu'il eût à expliquer la même chose. BFR semblait faire parcourir plusieurs labos à ses stagiaire de La Défense, maintenant, alors que lui était toujours resté dans le même, pendant son stage de troisième année. C'étaient des stagiaires de deuxième année, puisque c'était en été. Le stagiaire était aussi anonyme d'allure que la stagiaire (et myope lui aussi) et plus grand que lui (1m87). Il n'utilisait pas de calepin, mais réexaminait et quand c'était possible remanipulait ce qu'Aymrald venait de lui montrer: ce Benoît avait donc une mémoire kynéstésique: il apprenait en refaisant les gestes, supposa Aymrald. Il ne s'était jamais demandé jusqu'alors comment tel ou telle apprenait ceci ou cela. Cette petite expérience d'assistant-formateur lui montrait des fonctionnements mnénotechniques différents d'un stagiaire à l'autre. Le troisième, Cyril, un rouquin boutonneux à peu près de sa taille, utilisait un dictaphone. Le quatrième, Fabrice, était un quasi-Emilianien châtain clair tondu (il restait juste un peu de relief devant) avec un clou à tête de bille en inox dans l'arcade sourcilière droite et un autre dans l'aile du nez. Ayrmald ne remarqua pas tout de suite le petit anneau dans l'oreille, les "clous-billes" attirant plus l'attention. C'était aussi le seul à ne pas avoir de lunettes, ce qui laissa à Aymrald l'occasion de voir qu'il avait les yeux bridés et d'un gris-vert pâle. Un personnage amusant qui aurait pu intéresser VTP ("Au vent du large", par exemple) mais Aymrald n'y ferait pas la moindre allusion. A VTP ou BFR de lui proposer un petit rôle s'il y avait lieu. Il prenait quelques notes dans un calepin électronique et refaisait les manipulations après les avoir vues.
Ce fut le vendredi midi que Bruce lui demanda, lors d'une pause:
B- prennent-ils de nouveaux personnages, chez VTP, et y a-t-il la moindre chance que j'en fasse partie?
Bruce s'étant abstenu de dire "tu" ou "vous" (comme les quelques fois où il avait eu à lui parler pour les besoins du stage), Aymrald fit de même, lui expliquant comme si ça faisait partie des expériences du stage:
A- c'est une machine à mesurer tridimensionnelle qui détermine si un candidat convient ou non, en plus des tests de comportement et de mémorisation. Il y a des essais de recrutement le samedi matin, au quatrième étage.
Leur labo était au 42ème. L'information sembla satisfaire le stagiaire, qui ne posa pas d'autre question. Aymrald était sûr que Bruce irait passer les tests, au moins par curiosité. Allait-il le revoir dans une série après son stage, voire pendant? Lui-même avait été mis dans "Au vent du large" pendant son stage, le week-end et certains après-midi en semaine, "prêté" par BFR.
La semaine suivante, Bruce travaillait toujours au labo avec un autre ingénieur tandis qu'Aymrald était chargé d'expliquer le métier à une nouvelle embauchée (et non une stagiaire, cette fois) qui n'était pas ingénieur mais technicienne (en fait c'était suffisant pour ce poste).
VTP avait réussi à tourner 54 épisodes de "Cap sur Mars" en 105 jours, soit presque un en deux jours, ceci grâce à l'abondance de plans en virtuel (tout ce qui était vu de l'extérieur des vaisseaux, et parfois même les personnages quand on n'était pas assez près ou n'avait pas le temps de faire la différence) et livrait ainsi la première saison mi-décembre (le temps de fignoler en post-production). En échange de ça les acheteurs avaient accepté que l'on remplace Erwann par Knut dès le début de la seconde: il était broyé à la fin de la première. De plus, 54 épisodes, c'était beaucoup par rapport à ce que les Américains appelaient une "saison" (20 à 30 épisodes, en général).
Début décembre Erwann joua dans un téléfilm d'héroïc fantaisy où il avait un rôle bref mais actif, consistant à trucider une dizaine d'ennemis avec une épée à deux mains avant de s'écrouler criblé de flèches. Il s'était entraîné pour cela les mois précédents avec un simulateur de combat à retour d'effort ressemblait à celui de Centrale Dinard, jusqu'à ce que le réalisateur décide, vu ses progrès dans cet entraînement, de lui faire tuer plus d'ennemis que prévu et escalader un peu plus d'obstacles: enfin un rôle d'action "comme au cinéma", même s'il était bref et dans un téléfilm à budget "compact".
Pendant ce mois de décembre on lui fit repasser tout un tas de tests. En fait la "Direction des Opérations Extérieures" étudiait ses aptitudes et son comportement depuis avant sa mission québécoise. Les points qui l'intéressaient en lui étaient:
- non perturbé par le stress
- tempérament actif tout en étant "zen" de caractère (rare)
- fidélité professionnelle aux tâches qui lui étaient confiées
- beaucoup de discipline, peu de volonté
- niveau en langues: bon
- niveau en informatique: moyen
- niveau en électronique: moyen
- niveau en mécanique: bon
- ni créateur ni cible de conflits personnels
- intelligence moyenne mais employée efficacement y compris dans l'urgence
- bonne mémoire gestuelle, procédurale (savoir-faire) et linguistique
- résistance exceptionnelle à la transpiration et à l'engourdissement des doigts.
- sait se taire, écouter et mémoriser
- sens moral simplement symétique: "ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse", et "oeil pour oeil, dent pour dent".
- n'essaie pas de séduire et ne semble pas séductible.
- orgueil: non (sinon il n'aurait pas joué dans "Devine qui vient dîner ce soir")
- fierté: réaliste (selon BFR) "ne sous-estime pas l'aide qu'il a pu recevoir pour réussir quelque chose"
- avarice: oui, d'une avarice altruïste: refuse le gaspillage même quand ce n'est pas lui qui paie.
Ceci intéressait tout particulièrement BFR, pour lui confier une nouvelle mission.
- gourmandise: modérée
- ordre/désordre: ordonné mais sans en faire un principe
- hygiène: bonne. Hygiène dentaire excellente
- sportivité: moyenne
La moyenne française donc en dessous de la moyenne européenne
- aptitude à travailler en équipe: supérieure à la moyenne, si les autres font leur part du travail
- sens de l'équilibre: très bon
- résistance au vertige: bonne
- vue: bonne, y compris de nuit
- ouie: bonne directivité. Capacité "séparatrice" moyenne
- goût/odorat: bonne précision, sans être un "nez"
BFR cherchait aussi des gens à qui pouvoir confier le poste de goûteur au contrôle de qualité.
- tendance à se comparer aux autres pour s'évaluer: moyenne
- méfiance en soi: bonne. Ne se croyait pas infaillible et n'hésitait pas à prendre l'avis d'autrui, dans le doute
- ne se fie pas à un seul avis, en l'absence de preuves démontrables
- fidélité à ses propres goûts: élevée
- sympathie: est accepté facilement car son caractère ne dérange pas.
- propension à des comportements autodesctucteurs: non
- capacité à jouer durablement un autre rôle que lui-même: bonne
Aymrald avait un score valable aux tests de QI (159) mais ça n'avait aucune valeur, selon BFR, pour deux raisons: d'abord, chez Kermanac'h, ils en faisaient très souvent comme exercices, des tests de QI. Ceci pour améliorer les scores des élèves dans de tels tests, ce qui flattait la réputation de l'école. Il en connaissait donc toutes les astuces, au point d'être devenues des réflexes: il n'avait qu'à enclencher le pilotage automatique et laisser faire pour réussir le test, même avec une intelligence réelle de petite cylindrée. De plus il fallait corriger ceci par son imperméabilité au stress qui lui évitait de perdre les 20 points (voire plus) de la plupart des autres jeunes en pareil cas. Son QI "corrigé de l'instressabilité" et corrigé de l'effet Kermanac'h (préentraînement à ces tests) était probablement inférieur à 110, comme on le voyait dans des tests au long cours, par observation au travail, où l'aptitude à réussir des tests de QI ne servait à rien. BFR avait estimé 104, ce qui était le score le plus bas de tous ses ingénieurs et même de ses techniciens. "On ne peut pas dire qu'il soit intelligent, mais il dispose de son niveau optimal d'intelligence tout le temps et ne déraille jamais". Grâce à quoi il était efficace et sûr. Sûr, parce qu'il ne prendrait jamais "à chaud" une mauvaise décision qu'il n'aurait pas prise à froid. Il n'était ni inventif (utilement inventif: des choses qui marchent. Tout le monde pouvait être inutilement inventif...) ni astucieux mais comprenait, retenait à réutilisait efficacement les astuces qui lui avaient été montrées. On pouvait donc dire que son intelligence "pure" correspondait à un QI de 104 (100 étant la moyenne nationale de sa tranche d'âge, toutes formations (ou non-formations) confondues), mais que sa capacité à l'utiliser entièrement en toutes circonstances valait un bon 130, score assez banal pour un ingénieur de chez BFR. De plus dans ces circonstances stressantes il ferait moins d'erreurs que bien des gens plus intelligents que lui et garderait une sérénité, une efficacité qui rassurerait une équipe, face à des problèmes: ça, c'était précieux pour la mission à laquelle songeait BFR.

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