vendredi 10 avril 2009

chapitre N-3

De nouveaux foyers de méningites neusocomiales réapparaissaient ça et là, surtout dans les grands grouillements de population comme l'Inde ou certaines mégalopole sud-américaines, où elles faisaient à chaque fois des centaines de milliers voire des millions de morts. Cela se produisait aussi en Europe et aux Etats-Unis, en créant des paniques spectaculaires. Seule une quarantaine stricte déployée rapidement (donc avec des moyens millitaires) permettait d'éviter la propagation au-delà, sacrifiant les gens ainsi confinés (surtout les enfants) et permettant ensuite de réhabiter les lieux après quelques mois, des équipes entrant pour éliminer les cadavres au fur et à mesure. Dans des pays africains où ces mesures n'étaient pas prises, de grandes zones étaient deshommisées par les méningites mais ça ne faisait pas autant de morts qu'à Rio ou Bombay car la densité de population était bien moindre et ses moyens de déplacement plus limités.
Il n'y avait pas de traitements pour ces méningites (mortelles dans 60 à 95% des cas, selon la souche et selon la population concernée: éthnie et état sanitaire préalable)mais il y avait eu assez vite des tests de dépistage des nouvelles souches, dans les pays développés, ce qui avait permis de simplifier un peu les procédures de quarantaine: on pouvait déceler ces nouveaux méningocoques bien avant l'apparition des premiers symptômes donc avant que le porteur ne devînt contagieux. On ne pouvait toutefois pas le traiter mais juste l'isoler et lui fournir des soins paliatifs (il y avait parfois guérison mais le plus souvent décès, surtout chez les plus jeunes enfants) ou l'euthanasier s'il le demandait, dans les pays offrant ce service. De ce fait les voyages furent un peu retardés et renchéris (à cause des tests sur chaque voyageur) mais sans imposer plusieurs jours de quarantaine. Ceci poussait massivement au télétravail et surtout au téléenseignement les pays qui ne l'avaient pas encore généralisé, la scolarisation étant fortement propagatrice des méningocoques, faute de pouvoir faire des tests (qui prenaient tout de même plusieurs heures, pour faire se multiplier les quelques méningocoques du prélèvement (s'il y en avait) dans un incubateur adéquat) sur chaque enfant chaque fois qu'il s'y rendait.
Ces reprises de contagions "en divers endroits" avaient encore fait baisser la consommation mondiale de pétrole, car moins de gens prenaient l'avion, vu le temps perdu et le surcoût des analyses de sang. L'autre facteur de baisse de consommation venait du recours croissant au téléenseignement et au télétravail, qui fut profitable aux ventes d'équipement Lioubioutchaï dans les pays n'ayant pas un réseau terrestre gratuit (ou très peu cher) à débit suffisant.
Le marché de la drogue devait lui aussi affronter un concurrent électronique redoutable: la "puce du bonheur", implantable dans le cou (par exemple) et agissant dans certaines zones du cerveau via des fils très fin conduits sous la peau. L'appareil conçu initialement pour remplacer les analgésiques chez les patients souffrant de douleurs chroniques (officiellement. On pensait qu'il s'agissait surtout de retombées de recherches pour rendre les soldats suffisament peu sensibles à la douleur pour leur permettre de s'opérer eux-mêmes en cas de besoin, ceci sans engourdir, car les signaux du toucher non douloureux n'étaient pas perturbés) avait été diversifié pour bien d'autres effets neurologiques. A quoi bon payer pour des produits chimiques aux effets éphémères et accompagnés de beaucoup d'effets indésirables si une puce et une télécommande pouvait remplacer tout ceci, sans repayer à l'usage, en obtenant à la volonté tel ou tel effet?
Il n'y avait pas d'effet secondaires chimiques mais le dispositif était dangereux si on l'utilisait au volant ou pendant des tâches nécessitant une bonne vigilance et des gestes sûrs. L'autre effet secondaire pouvant poser problème était de se sentir tellement bien dans le "bonheur électronique" (chacun pouvant l'y trouver en dosant tel ou tel effet: l'appareil pouvait rendre les "services" d'une vingtaine de drogues connues) que l'on oubliait jusqu'à la faim et la soif. Même sans en arriver là, la possibilité de "planer" hors du monde n'importe où et à tout moment représentait une concurrence non seulement pour les drogues (alcool inclus) mais aussi pour divers loisirs, y compris la télévision. Les fonctions hallucinogènes (puisque le type d'effet était "à la carte" au gré de l'utilisateur) pouvaient s'avérer plus captivantes que des jeux vidéo ou des films. Cela pouvait donc tarir une partie du marché de VTP, comme l'avaient déjà fait certains jeux vidéo auprès des "non vivants" qui ne faisaient plus que ça.
Autant le marché du "cybersexe" rapportait à BFR, seul à produires les éléments élasto-actifs en ebsep utilisés dans tous les bons équipements (ceux jugés satisfaisants par les utilisateurs) et pour fabriquer des corps articifiels réactifs crédibles au toucher, autant celui du bonheur électronique ne rapportait qu'à l'entreprise russe qui le fabriquait. Certains pays avaient officiellement interdit cette "drogue numérique" mais n'avaient pas des lois pour obliger les gens qui se l'étaient fait implanter ailleurs à désactiver le dispositif. Tout au plus pouvaient-ils interdire son usage pendant telle ou telle activité, comme c'était déjà le cas du téléphone portable. De plus l'intérêt médical du dispositif (utilisé à bon escient) n'était constesté que dans les pays dont le gouvernement était encore complice d'un lobby pharmaceutique: de l'avis des médecins non financés par les laboratoires chimiques, l'avantage par rapport aux analgésique et aux psychotropes était écrasant puisque l'on maîtrisait exactement le dosage, la chronoprescription et l'adaptation aux mesures de réactions de l'organisme: correctement programmé, ce dispositif pouvait soulager une douleur (à partir du moment où il était possible de cibler précisément la zone réceptrice dans le cerveau) sans induire de somnolence ni de sensations trompeuses, en plus de l'innocuité pour le système digestif.
Grâce au CNS, à la déflation (spectaculaire dans l'immobilier) et à l'énorme baisse des dépenses publiques, des millions de Français n'avaient à travailler que deux jours par semaine (en moyenne) pour obtenir un pouvoir d'achat correspondant autrefois au smic. Parmi eux, surtout des jeunes et des gens sans enfants. "L'ancien régime" semblaient avoir pour but de parquer le plus possible des gens dans des études le plus souvent inutiles, puis dans du travail à plein temps. L'ELR prônait l'inverse: que le progrès économique et technique devait libérer les gens du travail et des études, en diminuant le coût de la vie pour avoir moins besoin de gagner de l'argent. Ceci parce qu'il y avait bien moins de dépenses inutiles, de travail inutile (essentiellement dans le secteur public, tout particulièrement l'ex-"éducation nationale"), de revenus injustifiés (tout particulièrement les "régimes spéciaux" du secteur public) et de bouches inutiles: tous les enfants qui n'étaient pas nés depuis 1998, ainsi que les suicidés, les réémigrés (ou émigrés sans avoir immigré), le recours massif à la peine de mort plutôt qu'à la prison longue et les travaux forcés faisant des peines une ressource pour la collectivité au lieu de lui être un coût. L'éradication du tabagisme, la création de grosses taxes sur le sucre (direct ou dans les produits), le sel et les mauvaises graisses alimentaires avaient déjà des effets importants sur les dépenses de santé. Ces résultats économiques et sociaux (bien plus de gagnants que de perdants) n'étaient pas la seule explication de la faiblesse des oppositions politiques, essentiellement composées de partis extrémistres déterminés mais petits et sans possibilité d'alliance entre eux. C'était aussi parce que l'on ne pouvait plus s'enrichir par la politique: revenu plafonné à la médiane nationale nette (de tout prélèvement) pour les élus (donc ayant tout intérêt à l'augmenter, ou à faire baisser le coût de la vie, ce qui revenait au même "net en poche"), interdiction de financer un syndicat ou un parti politique autrement que par les cotisations de ses adhérents, surveillance "contrôle fiscal continu" stricte des revenus et patrimoines de tous les élus ou décideurs intermédiaires du secteur public pour détecter aussitôt les corruptions: se faire creuser une piscine privée "en douce" aux frais des travaux d'une municipalité ne pouvait plus passer inaperçu, surtout dans un revenu plafonné à la médiane nationale. Autrefois, les revenus très élevés des élus faisaient que personne ne s'étonnait de leurs signes extérieurs de richesses, ce qui permettait à de gros pots-de-vins de ne pas se remarquer.
Les vénaux ayant été évincés (s'étant évincés d'eux-mêmes) du domaine politique et public, ne restaient que les gens convaincus de leurs idées et prêts à faire beaucoup d'heures pour les mettre en oeuvre sans en tirer de "sur-revenus". D'où le maintien de l'ELR (qui était un parti à idéologie forte), du PNF (et ses croix gammées, légales puisque la faucille et le marteau de la LCR n'avaient pas disparu), de la LCR, de "France Verte" (qui prônait l'arrêt total des importations de combustibles fossiles (uranium incus) "pour prouver aux gens par la réalité vécue que l'on pouvait très bien s'en passer"), etc. Les partis prônant de la "pseudo-gauche-caviar molle" ou de la "pseudo-droite-étatiste molle" ne réussissaient pas à motiver des candidats non vénaux donc n'avaient pas réussi à repasser la barre des 1% aux dernières élections, bien qu'il existât potentiellement un électorat bien plus important pour ces tendances. "France Verte" voulait appliquer du jour au lendemain les objectifs de l'ELR à dix ans, le PNF s'était fait couper l'herbe sous le pied sur l'immigration (l'ELR l'avait vidée "comme un lavabo" sans prendre la moindre mesure "raciste") puis l'eugénisme (avec la responsabilité génétique parentale qui les mettait sous une telle épée de Damoclès en cas de procréation non triée que très peu passaient outre, sauf en s'installant dans un pays voisin s'il les acceptait) et l'autorisation des importations d'embryons suédois. Restait les mesures directement racistes ou antisémites: l'ELR n'en avait pas prises, mais les gens de culture à forte natalité avaient dû y renoncer ou quitter le pays, d'une part, d'autre part la "judéocratie" dénoncée par le PNF et bien d'autres (depuis qu'il n'y avait plus de "délit d'opinion" en France, la liberté d'opinion étant désormais totale, comme aux Etats-Unis: seule la diffamation nominative pouvait être poursuivie) était bien plus discrète qu'autrefois depuis que l'on ne faisait plus fortune dans les médias (sauf les actionnaires) la médecine (en particulier ceux "causant dans le poste") ni le droit du fait du service public juridique instauré par l'ELR et la réécriture "en clair" (pour raison d'introduction dans les systèmes experts informatiques encadrant et parfois remplaçant les juges) de tous les textes de loi, l'abolition de la jurisprudence (la Cour de Cassation n'avait plus ce pouvoir: elle devait soumettre au Parlement les cas pouvant nécessiter une précision de l'utilisation d'une loi dans un cas inédit, sans pouvoir en décider elle-même: le système judiciaire retournait strictement à son rôle d'applicateur du droit sans pouvoir désormais le modifier).
Le système socio-fiscal français avait convaincu beaucoup d'épargnants et d'investisseurs européens (voire de plus loin) de venir se domicilier fiscalement chez nous (à l'inverse de ce qui se passait avant), d'où des recettes fiscales importantes via un taux d'imposition faible (et uniquement sur le "vrai net", y compris net du coût de la vie de base) sur un plus grand nombre d'assez gros (voire très gros) contribuables. L'ELR avait calculé que ça marcherait à condition que le différentiel fût important par rapport à la moyenne européenne, grâce à la réduction spectaculaire des dépenses publiques il l'était. L'Angleterre et d'autres pays avaient fait de même mais sans pouvoir pousser la défiscalisation sensiblement plus loin, or il restait à la France l'atout géographique ("au centre de tout", en Europe), climatique (ni trop chaud, ni pluvieux toute l'année), l'excellent réseau de télécommunications rapides à fibres optiques, à "gratuité rationnée" comme le Lioubioutchaï mais transportant plus (ce qui était facile avec un réseau terrestre par rapport à des satellites) tout en se contentant d'un appareillage individuel moins cher (pour la même raison), la continuité garantie (pas de grèves "obstructives") des services publiques, une densité de population inférieure à la plupart de ses voisins et un taux de délinquance sur les personnes et biens passé lui aussi sous la moyenne européenne, ainsi que des "nuisances courantes" (pollution de l'air, niveau sonore dans les zones habitables, bouchons sur les routes) elles aussi réduites. Les célébrités qui appréciaient déjà avant cela nos lois strictes sur le "droit à l'image" (anti-paparazzi) avaient désormais aussi des raisons fiscales de venir s'installer en France. La chute spectaculaire des rémunérations des acteurs et actrices américaines depuis quelques années (concurrence des productions de VTP et Bollywood ayant poussé les producteurs américains à ne plus proposer de millions de dollars pour un rôle, quelque fût la notorité de l'acteur) n'avait pas suffi à en faire des "petits contribuables": la différence fiscale par rapport aux Etats-Unis restait très supérieure au surcoût de la vie en Europe par rapport à là-bas (le dollar ne remontant toujours pas). L'autre motivation était que divorcer sur le sol français (et y rester) permettait de le faire aux conditions françaises, donc sans pension alimentaire, mais à condition de ne pas avoir eu d'enfants sinon le divorce était très difficile à obtenir et pouvait (selon l'analyse de la situation par le logiciel gérant les cas de divorces) provoquer le transfert de tout ou partie de la propriété des "biens communs" aux enfants, surtout s'il y en avait encore au moins un qui fût mineur dans son pays d'origine (s'il y était resté) ou en France (s'il s'y établissait avec ce parent). On vit ainsi beaucoup d'Américains riches venir divorcer en France et y résider (au moins officiellement) pour ne pas se faire "plumer" par leur épouse comme cela eût été le cas dans leur Etat d'origine (cette législation variait beaucoup à l'intérieur même des E.U.). Les Américains accusaient le fisc français d'accorder ce droit aux étrangers de façon à leur permettre de s'y installer avec toute leur fortune, en cas de divorce, le partage des biens communs (s'il n'y avait pas d'enfants) étant fonction de la contribution financière de chacun à leur aquisition: une épouse n'ayant pas eu de revenu (et n'y ayant pas investi de fonds propres) n'avait droit à rien. C'était en étudiant les factures (s'il y en avait), les déclarations fiscales américaines (s'il s'agissait d'Américains) antérieures et qui avait le plus contribué à rembourser un emprunt immobilier, par exemple, que l'estimation des "mérites" au partage était faite. Par contre, s'il y avait des enfants, ceux-ci avaient priorité (partielle ou totale) sur les biens communs, ce qui dissuadait généralement le divorce au profit de la simple "décohabitation matrimoniale": les enfants (s'ils résidaient en France) gardaient l'usage de l'habitation existante (si c'était une location, c'était le parent ayant demandé la décohabitation qui devait continuer à payer le loyer, les deux si c'était par consentement mutuel), les parents devant "se débrouiller pour habiter tour à tour ailleurs". L'expérience montrait que bien des couples se contenaient, dans les faits, de cette "décohabitation", voire revenaient à des périodes de cohabitation à temps partiel (certains jours seulement), voire (si le logement était assez grand, ce que l'effondrement du marché immobilier rendait moins inaccessible qu'autrefois) décidaient d'une ou deux pièces "réservées" chacun, avec clefs ou codes (l'expérience montrait que ça marchait surtout si chacun avait sa salle d'eau et ses WC, voire un coin cuisine) car cela suffisait souvent à relâcher les tensions induites par la cohabitation quotidienne: statistiquement la plupart des gens ayant déjà cohabité volontairement n'étaient faits ni pour la vie en couple quotidienne, ni pour la solitude totale, donc ne se satisferaient ni de rester "vraiment ensemble" ni de divorcer "pour de bon".
Malgré la baisse du dollar, les vélos produits sans main d'oeuvre dans les usines Kermanac'h (avec pneus increvables, transmission par arbre, freins à tringles, suspensions) s'exportaient bien aux Etats-Unis, où le prix public des carburants restait très au dessus des habitudes américaines, malgré la baisse récente du cours (en euro) du pétrole par baisse de la demande mondiale. La France exportait bien plus de pneus de vélos (l'ebsep revenait un peu plus cher que le caoutchouc, maintenant, vu la baisse des cours, mais c'était le meilleur matériau pour faire de l'increvable de bonne qualité sans être trop lourd ni trop dur) que de vélos, y compris vers l'Inde: l'Inde exportait beaucoup de vélos, triporteurs et tricycles, mais importait les pneus increvables les équipant (y compris pour le marché intérieur). Les engins cyclables les plus vendus aux Etats-Unis étaient de fabrication indienne (et non amérindienne), chaussés de pneus increvables français.
L'interconnexion directe (sans changer de train) des réseaux ferroviaires européens avait beaucoup progressé. On n'allait pas encore jusqu'en Finlande avec le TGV au départ de Paris, mais désormais un seul changement suffisait: au Danemark, pour prendre une rame suédoise passant ensuite sous la Baltique. C'était plus long qu'en avion, mais légèrement moins cher, la taxation "plein pot" du kérosène dans toute l'Europe y ayant contribué, taxe européenne affectée en partie à la mise en compatibilité "temps réel" des réseaux ferrés transeuropéens. Le temps perdu pour les tests sanitaires était le même en train (transfontalier) qu'en avion, donc semblait moins long par rapport à un trajet en train. Ces rames (qu'elles fussent italiennes, françaises, allemandes, suédoises...) étaient aussi conçues pour faciliter le télétravail, en ayant des antennes pour y connecter du matériel Lioubioutchaï (sinon ça ne fonctionnait pas de l'intérieur du train) et des prises pour les ordinateurs.
Erwann repassa tous les tests d'aptitudes de VTP, pour voir ce qui avait changé. La surprise fut l'augmentation des mesures intellectuelles, dans tous les domaines (et pas uniquement la mémoire: apprendre le finnois puis plusieurs rôles en même pour devoir en jouer les scènes en vrac le même jour l'avait logiquement "bodybuildé") mais aussi l'aptitude à résoudre des problèmes logiques et géométriques. Avec des tests conventionnels, son QI eût été estimé à 141, ce qui était illusoire (il le savait) mais l'augmentation par rapport aux anciennes mesures, elle, était significative: son cerveau faisait-il des stocks de neurones avant que Huntington n'y commence un remake de "massacre à la tronçonneuse"? Ou l'alimentation optimisée par BFR avait-elle aussi agit "à l'intérieur de la boite", en plus d'être bénéfique pour la machinerie et la carrosserie? Ses aptitudes physiques avaient augmenté, ce qu'il estimait normal: ce fût le contraire qui l'eût surpris: il était encore en croissance, à l'époque des tests de sélection. Même la souplesse, déjà excellente, avait encore progressé, alors qu'en général c'était antinomique avec la prise de muscle et la consolidation de la charpente.
Après les tournages de juin, avant de partir en Finlande, il fut recoiffé dans une des variantes de son "style de base" à la fois confortable et géométrique: cette fois, on ne lui demandait pas de continuer "loin dans la HF", ce qui l'arrangeait car sinon il aurait eu les cheveux trop longs, de son point de vue, pour le "mondial" de rinnepallo de novembre, surtout s'il pleuvait: pour le tournois inter-nations, il n'avait pas plu donc le style HF (puisque pendant le début du tournage de Durgavok) pouvait aller aussi. Quand Sophie eut fini (en lui passant une soufflerie d'air froid sous les cheveux, comme pour un chat d'exposition):
Sophie- tu ne fais pas de photos dans les calendriers de charme, toi.
Erwann- il n'y en a pas, au rinnepallo. Mais Vittorio m'a signalé que cette photo-là avait été tirée en poster et utilisée ça et là sans l'accord de VTP.
Il chercha via l'ordinateur dans la BDD de VTP et l'extrayit: l'instant "composition d'ombre et lumière oblique" dans le match de boxe de "Chargeur Camembert".
S- tu es étrangement beau sur cette photo, c'est vrai. Jeune brute germanique la bave aux lèvres, à la fois calme et férocement déterminé: le prédateur qui sait que la proie ne pourra pas s'échapper. Ca peut plaire aussi bien à des filles qu'à des garçons.
E- la scène a été conçue pour passer par cette image: ce n'est pas un hasard. L'absence d'une partie de l'éclairage, alors qu'un ring de boxe devrait l'être de tout autour, et même mes cheveux qu'ils ont un peu déportés en post-production pour participer à cet effet: je l'ai appris après. Il y a des "tableaux" de ce genre dans beaucoup de films de VTP, et plus encore dans ceux de Tarsini.
S- oui, mais Tarsini on s'y attend: aligner l'attitude d'un personnage sur la perspective des monuments en arrière-plan, c'est typique. Tarsini est un Albert Speer qui n'a pas trouvé son Hitler.
E- c'est méchant, ça. Speer n'avait fait que plagier les créations mussoliniennes. Tarsini, c'est autre chose.
S- c'est très mussolinien aussi.
E- pas uniquement: il y a aussi du Druillet.
S- surtout quand c'est de la HF ou de la SF: tes préférés.
E- j'ai aussi beaucoup aimé Gamma, surtout comme spectateur: il n'y avait eu de grand film de combats aériens en stéréoscopie. Par contre, ce n'est pas le premier à mettre en oeuvre le Horten 229 contre des B17 et même des B29: il y avait déjà eu des films en synthèse moins chère.
Grâce à VTP et VTPSF, il avait revu un grand nombre de fois Gamma (en stéréoscopie, bien sûr), surtout pour ces scènes-là (qui représentaient à elles seules 58% du total du film, entrelacées d'autres thèmes). C'était somptueux autant de l'intérieur des chasseurs à réaction allemands que des bombardiers américains (avec l'énorme débit de munitions des mitrailleurs de tourelles) ou en vue d'ensemble "dépassée de toute part par des avions emplissant le ciel". La densité d'avions avait été mesurée via des films d'actualités d'époque (tant allemands qu'américains). Sauf que la qualité d'image était celle de ce nouveau millénaire, à laquelle s'ajoutait la "force de frappe" visuelle de la stéréoscopie.
Au fil des ans, "Gamma" avait rattrappé puis dépassé "Le crépuscule de Rome", au point d'approcher le demi-milliard d'entrées (que "Drakkars et dragons" avait largement franchi).
Pour le voyage, il s'était procuré dans le stock d'accessoires de VTP des lunettes monoverre (de faible hauteur) pas assez sombres pour faire "veut être incognito", mais assez pour créer de l'intimité et ne pas être gêné par ce soleil scandinave estival insistant. Il espérait qu'il ne serait ainsi pris que pour un Attéen en supposant qu'il y en avait d'autres dans ces pays-là et que personne n'imaginerait rencontrer le vrai dans le train. Il serait habillé "chic structuré décontracté", chemise violette, pantalon d'un gris presque noir (mais moins salissant qu'un noir pur). Il n'aurait pas de raison de sourire, donc ça ferait un indice de moins. Avant de partir, il rencontra Hillevi, coiffée très court (le même jour, puisqu'il ne l'avait pas vue ainsi avant), en "hérisson à contresens": tout de même pas aussi court que feu Seppo, mais c'était une variante "Hillevi" de ce modèle, qui ne produisait pas du tout la même impression sur Hillevi: ça ne la durcissait pas du tout, malgré sa morhologie de championne de tennis suédoise. Si Sophie ne lui en avait pas parlé, c'était qu'elle ne l'avait point revue ainsi. VTP22 avait bien d'autres stylistes.
E- en fait comme ça, tu me fais penser à une autre actrice, mais je n'arrive pas à me souvenir laquelle.
H- non: tu as dû la voir dans un magazine. Karin Tuvegran: elle est mannequin au Danemark, elle a fait des publicités pour des bijoux et des montres, tu t'en souviens peut-être. C'est une ancienne photo d'elle qui m'a fait deviner que ça m'irait aussi.
Erwann se souvenait de la publicité mais il ne connaissait pas le nom de cette fille "hillevienne", ni ne savait qu'elle était danoise.
E- sauf qu'elle n'est pas aussi blonde que toi, en vrai, je crois.
H- exact! Entre châtain clair et "tout juste blonde". Elle était éclaircie, à cette époque. Donc c'est bien elle dont tu te souvenais.
E- [carressant Hillevi, à rebrousse-poil puisque déjà coiffée ainsi] ça fait plus vrai avec du vrai...
H- une "lapalissade".
E- non, parce que parfois le faux fait plus vrai que le vrai, si tu vois ce que je veux dire, et c'est à ça que l'on repère que c'est du faux. Même quand ça vient d'être fait et qu'il n'y a pas de racines détectables, il manque certains reflets, certaines nuances.
H- il y a du faux qui arrive à le reproduire, mais c'est plus cher et plus long à faire, surtout dans du très court, je suppose, car on ne peut pas jouer sur les recouvrements de matière. C'est curieux que tu sois si expert en classification de vraies et fausses blondes, car en général les garçons ne s'intéressent pas en priorité à ce qu'ils ont déjà.
E- sauf dans les pays où il en a très peu. Réflexe de conservation d'espèce en voie de disparition, peut-être, d'où la recherche d'authenticité.
H- ici, je dirais plutôt en voie d'apparition, vu les tonnages d'embryons suédois que vous importez. Mais à l'époque où tu as pu commencer à étudier l'aspect des autres, il est vrai que ce n'était pas le cas. Je me demandais d'où tu savais ça, car ce n'est pas Sophie qui aurait pu t'en parler: VTP n'a jamais fait de décolorations, c'est même une de leur fiertés par rapport aux autres sociétés de production.
E- je sais, sinon ils ne seraient pas allés me chercher dans le laboratoire d'arômes artificiels de BFR.
H- et il n'y aurait jamais eu de films avec Erwann d'Ambert...
E- il y en aurait eu tôt ou tard avec des importations nordiques: lors de la crise du téléphone mobile, ils auraient deviné qu'il y aurait plein de jeunes chômeurs finlandais disponibles et bon marché.
H- Småprat à base de Finlandaises...
E- il y a des Finnosuédoises: c'est leur seconde langue nationale.
Il était prévu qu'Hillevi joue dans un film de VTPSF, mais un peu plus tard, puisqu'Erwann ne s'y rendait pas directement: il revisiterait d'abord un peu la Suède. Hillevi pouvait faire de même, et l'accompagner, de sorte qu'ensemble on le remarquerait moins que seul (même si elle pouvait être prise de loin pour Karin Tuvegran, par les gens ignorant que cette dernière n'étaient plus coiffée ainsi). Elle le réexamina avant le départ:
H- en fait, mine de rien, tu fais tout le temps attention à ton image, même hors des films.
E- contamination par VTP, mais plutôt par les sitcoms, bien que je n'y joue pas. N'oublie pas que les gens peuvent plus souvent me voir sur un terrain de rinnepallo qu'au cinéma.
H- donc ce sont les stylistes de VTPSF qui ont étudié la tenue des joueurs de Juustomeijeri...
E- oui.
H- je disais ça pour de rire! Au fait, je croyais que les sponsors n'étaient pas permis, au rinnepallo.
E- il n'y a pas de publicité dessus.
H- et il y a tellement de beaux garçons à Juustomeijeri, à croire que la maîtrise du ballon cubique n'est pas le seul critère de recrutement.
E- c'est surtout que le rinnepallo est un excellent entraînement pour les acteurs, donc il y a beaucoup d'acteurs de VTPSF dans l'équipe: comme c'est bénévole, il faut avoir un autre revenu.
H- ça explique que vous ayez la plus belle équipe de rinnepallo de la planète.
Parce qu'elles sont bien plus rares que les équipes de foot, ne corrigea-t-il pas.
E- surtout la meilleure.
H- quand tu y es: l'équipe de France a gagné, cette année, mais uniquement parce que tu ne jouais pas avec les Finlandais.
E- statistiquement, on ne peut pas dire ça: les autres fois, la Finlande avait gagné.
H- Juustomeijeri rend vraiment bien, à l'arrêt comme en action.
Hillevi savait qu'il passerait voir Pia (qui avait été prévenue: Hillevi avait proposé de loger ailleurs, mais Pia avait dit qu'elle pouvait venir aussi), et il n'y avait pas de jalousie: Stéphane n'appartenait à personne donc il pouvait fréquenter tout le monde (l'une comme l'autre le savaient), et puis Hillevi avait envie de voir cette "sommastuga" pleine de chats. La compagnie vaguement maternelle (mais sans possessivité) d'Hillevi pendant le voyage lui ferait du bien, de même qu'en Finlande, d'où l'acceptation immédiate de sa suggestion. Ceci d'autant plus que VTP22 conservait sur place Viljami, qui après avoir joué dans les "Durgavok" serait réemployé (avec Alexandre, Emiliano et divers autres, dont Kare importé aussi) dans une "télésuite" (trois épisodes) de HF de tonalité plus "tous publics". Il serait donc un peu plus seul que d'habitude en Finlande cet été. Il réalisa alors que l'équipe de Finlande (qui utilisait nombre de joueurs de Juustomeijeri) avait dû jouer sans Kare ni quelques autres "empruntés par Durgavok", ce qui avait pu faciliter la victoire française.
Du fait des costumes et maquillages typiquement "disco" du groupe Småprat, il était plus facile à ses membres (surtout séparément) de se faire "oublier" en civil que pour les acteurs de VTP. Hillevi avait joué dans divers téléfilms (dont la série "Chasseurs d'ombres") et films, mais ce n'était à cela que l'on pensait en premier, dans le grand public, et moins encore avec la coiffure "Karin Tuvegran". Elle attirerait toutefois bien plus l'attention que Stéphane, qui passerait pour un Attéen "de série", même si cela n'assurait pas l'indifférence: il n'y en avait pas tant que ça en Suède, même si les approximations (pas émilianométriques mais pas trop loin de l'être) n'étaient pas rares. Il y avait déjà une rumeur "Erwann et Hillevi", qui n'avait jamais été confirmée ni démentie: "démentir serait déjà donner une information privée", leur avait dit VTP. Ce sujet n'était jamais évoqué dans les interviews (fort rares) d'Erwann, et quand elles l'avaient jadis été dans celles de Småprat, Hillevi avait répondu "ça ne vous regarde pas". Le film XXY (dans laquelle "HF" signifiait plutôt "héroïque et familial" puisque c'était une histoire très animée mais "tous publics") où elle devenait lui puis redevenait elle, et ainsi de suite (avec quelques interférences résiduelles, parfois) avait semblé à certains confirmer qu'il y avait quelque chose entre ces deux-là. Quelque chose, mais quoi? Et s'ils étaient demi-frère et demi-soeur via la Finlande, en fait? La Suède, c'était juste en face, et ceci aurait pu expliquer cet air de famille. Cette rumeur concurrençait l'autre, depuis XXY.
Erwann s'aperçut qu'il carressait bien plus souvent la tête d'Hillevi qu'avant qu'elle ne fît cette coupe. D'habitude, c'était surtout elle qui le câlinait ou le carressait.
Hillevi- en fait, ça semble bien te plaire.
Erwann- dans l'absolu, non, mais pour le moment ça a encore l'attrait de l'inédit: ça me donne envie de toucher.
H- alors que sur un garçon tu n'oserais pas.
E- si: sur Atte, en 1998, mais pas comme je le fais là: c'était juste une fois, pour voir comment ça faisait. Surtout que lui, c'était plus court et rainuré, si tu te souviens.
H- alors que sur moi, aucun tabou: ce n'est pas juste pour voir, c'est parce que tu aimes ça.
E- pour le moment, oui, mais quand ça sera moins court ça perdra de son attrait tactile.
H- donc il faut que je garde ainsi.
E- je n'ai pas dit ça.
Ce fut dans le train suédois, au Danemark, qu'Aymrald trouva un magazine "people" allemand qui titrait "Erwann d'Ambert condamné à mort", avec une photo extraite de "Citées oubliées: Nord" (déjà publiée à une autre occasion) et un schéma du brin d'ADN en cause, montrant la répétition quarante fois de la séquence "CAG". Il estimait peu probable que la fuite vînt de VTP: "eux doivent l'avoir détecté depuis des années", sauf par trahison suite à une perte d'emploi parmi ceux qui savaient. Un tel article tombait sous le coup de la loi en France mais pas dans certains autres pays. L'article, derrière son titre "choc" ne disait pas trop bêtises: il lui accordait statistiquement dix à quinze ans de sursis, "voire plus avec un peu de chance" en ajoutant: "vous risquez de le retrouver encore dans plus d'une centaine de films avant qu'il ne soit incapable de jouer de tels rôles". "Par contre, il a déjà des cheveux blancs", ajouta-t-il mentalement.
Occupé à lire il n'avait pas réalisé que tel qu'il tenait le magazine, son image était visible en couverture. Ce fut en suédois que la jeune fille (qu'à l'époque des expéditions en Audi 100 moribondes il eût regardé avec bien plus d'attention, mais il avait tellement vu de Suédoises (ou équivalentes) plus que parfaites chez VTP et VTPSF...) en face de lui s'adressa à lui, en le tutoyant (l'usage suédois):
- tu lui ressembles un peu, mais en plus jeune. En plus tu as les mêmes cheveux que lui [Aymrald savait qu'une Suédoise distinguait mieux les nuances de blond que le Terrien lambda, et que la sienne n'était pas la plus répandue]. J'espère que tu n'as pas toi aussi ce gène-là.
Cette Suédoise avait un visage sympathique (évoquait Elina en plus doux) et des cheveux "blond blé" (ou "caramel", et non "finlandais") en "carré long" soyeux, mais les dents pas très bien rangées (résultat d'une orthodontie charlatane?) et au moins 15kg de trop.
Une Finlandaise ne se fût probablement pas adressée à lui, mais les Suédoises avaient la communication plus facile, surtout au début de l'été. Aymrald retourna le magazine: effectivement, la détermination héroïque du personnage de HF et l'éclairage "de fin du monde" lui donnaient l'air d'avoir quelques années de plus, en plus d'être habillé et coiffé autrement. Le dessin des lèvres et les pointes des canines (il lui avait légèrement souri quand elle s'était adressée à lui) pouvaient donner l'impression à la Suédoise que "si ce n'était lui, c'était son petit frère", mais elle ne s'attendait tellement pas à le rencontrer en vrai dans ce train que son premier réflexe avait été "ce garçon lui ressemble beaucoup".
Aymrald- [dans un suédois évitant soigneusement l'accent français ou finnois, l'un comme l'autre plus "carré" qu'en Suède] ça ne cause pas de problème de santé avant la quarantaine ou même plus tard: ils l'écrivent, là. Lis-tu l'allemand?
Magdalena- non, hélas. [toutefois elle avait au moins compris le titre et, dans l'article, qu'il s'agissait d'une maladie génétique, ou alors un magazine suédois l'avait aussi mentionnée] Je suis sûre que l'on t'a souvent dit que tu lui ressemblais.
A- j'avoue que j'ai vu tous ses films.
M- moi, pas encore [elle réfléchit, consultant mentalement une liste] vingt-et-un, plus les épisodes de "Cap sur Mars", mais je trouve que Niels apportait un je ne sais quoi de plus au personnage. Sais-tu faire les mouvements comme dans les films?
A- pas dans le train: il faudrait avoir de la place. Est-ce ton acteur préféré?
M- un des préférés. J'aime beaucoup les films avec Erwann d'Ambert, mais je préfère quand même Vittorio Cario.
Ceci n'étonna pas Aymrald: il était moins exotique que Vittorio, pour une Suédoise, et sans l'étiquette "Latin coquin". Magdalena ajouta:
- si ce n'est pas indiscret, es-tu d'origine comme ça, ou as-tu fait un petit peu de chirurgie esthétique?
A- cela se voit-il?
M- mmm... Non. Mais à moins que tu sois le vrai, la probabilité d'en rencontrer un autre... A moins qu'il y en ait beaucoup en France.
Son accent n'était donc pas assez suédois pour dissimuler son origine. Il croyait jusqu'alors qu'il était difficile de distinguer un reste d'accent français d'un reste d'accent allemand, en suédois. Toutefois l'altération de l'intonation n'était pas la même. L'autre explication était que par référence à Erwann d'Ambert l'origine française était la première hypothèse venue à l'esprit de Magdalena. Il se demandait si elle pensait qu'il était le vrai et trouvait plus pratique de faire comme si c'était "un qui lui ressemblait beaucoup" pour avoir matière à conversation sans se trouver en position de "fan", ou si elle croyait avoir affaire à un sosie. En Suède, on pouvait trouver quelques "Attéens" (VTP ne les avait pas tous recrutés, supposait-il), et certains avaient pu chercher à accentuer leur ressemblance avec Atte (à l'époque) ou avec lui.
A- si j'étais le vrai, que cela changerait-il?
M- je te demanderais où l'on peut recontrer Vittorio Cario.
A- dans les studios de VTP.
M- je voulais dire hors des tournages.
A- je ne sais pas.
Ce qui était vrai.
M- tu ne saurais pas, ou tu n'aurais pas le droit de me le dire si tu le savais?
A- les deux!
Magdalena cessa de le questionner, mais contina à le regarder, le plus souvent par réflexion dans la vitre (le soir tombait), parfois en vrai, tandis qu'il avait mis ses lunettes à immersion, reliées à son ordinateur, pour travailler agréablement dans le train. Les lunettes ne cachaient pas entièrement la vision réelle: elles y superposaient le graphisme virtuel. Il étudiait les simulations d'une nouvelle variante de l'ebsep qu'il allait pouvoir bientôt tester en vrai pour les mécanimaux et humanoïdes de cinéma.
Ce fut plus tard, en Suède (Magdalena était déjà descendue) qu'il vit circuler dans le train un Attéen quasi-émilianométrique (sans lui ressembler assez pour être confondu, sauf par les myopes), de style "valérien" et habillé "médiévo-manga". Il avait parfois aperçu de tels personnages en Finlande, mais c'était le premier qu'il croisait en Suède. Ce train continant vers le tunnel sub-baltique, ce personnage pouvait aussi être finlandais. De ce qu'il avait pu mémoriser visuellement (pas question de le suivre du regard: ne pas attirer l'attention, surtout si (comme c'était problable) c'était un fan), Aymrald estimait que ce garçon-là était plus proche de Knut que de lui-même ou d'Atte, mais ça devait suffire pour faire effet auprès des Suédoises dans le "monde réel". Il savait que l'autre ne s'attendait pas à renconter le vrai à bord du train, et supposait qu'il n'avait dû voir en lui qu'un autre Attéen. Sauf qu'une fois arrivé à son niveau il s'assit sur le siège qu'avait quitté Magdalena. Ca ne devait pas être par hasard. Erwann reprit donc le magazine, pour voir. Björn avait déjà l'impression que si ce n'était le vrai, le dessin des lèvres était le même. Ca plus le titre du magazine: c'était au moins quelqu'un cherchant à ressembler à une autre version d'Erwann d'Ambert:
B- "Le Crépuscule des nouilles"?
Björn l'avait dit en français. Aymrald releva ses lunettes "monoverre" en serre-tête (geste typique du moniteur de ski qu'il jouait dans "Danger Nouilles"), sourit légèrement ("sourire carnivore") et répondit en suédois:
A- "mort radieuse": il sera tourné en juillet.
Björn eut encore un doute, mais non: en plus de connaître d'avance les tournages (mais ça pouvait être pure imagination...) il ne devait pas exister de sosie ressemblant à ce point, à moins qu'il eût un frère jumeau.
B- [discrètement] les acteurs prennent le train, maintenant?
A- il y a trop de paparazzi dans les aéroports. Ici, les gens peuvent penser que je lui ressemble, mais si je suis discret, il ne pensent pas que c'est le vrai. C'est toi qui est remarqué, dans ce train.
Il rabaissa les lunettes, revenant à son personnage précédent. Aymrald avait un peu mieux observé Björn: il aurait été recalé à l'Emilianomètre, estimait-il, mais pas tant que ça. Les proportions semblaient y être (par contre pas moyen d'estimer la musculature ou un peu de couenne sous ce déguisement), l'essentiel de la géométrie aussi. Attéen sous-émilianométrique, mais en soi déjà assez réussi. Du vrai blond nordique (sourcils idem, mais pas le même tracé qu'Erwann), sans les reflets glacés mais d'assez bonne qualité (l'implantation n'était pas la même, toutefois, ce qui aurait été plus difficile à voir s'il avait été coiffé comme lui), un dessin de la bouche évoquant plus Knut qu'Erwann, une bonne denture (peu arquée et sans dépassement des incisives centrales), un nez tout à fait émilianien, le dessin des yeux "pas vraiment ça mais déjà mieux que la moyenne". Un bleu pâle assez banal en Suède, mais la couleur n'était pas le critère le plus important. Bref, un bon bilan global même pour un Suédois, et même s'il n'aurait pas été classé "premier choix" par VTP. VTPSF l'aurait probablement pris pour jouer dans une série ou faire un rôle annexe dans de la HF, au moins à vue: restait à savoir s'il aurait été apte à jouer ces rôles.
B- [voyant qu'Erwann l'observait] j'avoue que je me suis fait refaire le nez. Il était un peu moins comme ça avant.
Aymrald était embêté par "un peu moins comme ça": si Björn avait eu un nez laid, se le faire refaire, OK, mais si c'était jusque parce qu'un peu moins attéen, ça devenait inquiétant. Se faire charcuter juste pour essayer de lui ressembler (alors que c'était impossible: sa version de base était "globablement compatible", mais certaines choses ne pourraient être changées au point de l'imiter). Ou alors (espérait-il): "un peu moins comme ça" était un euphémisme pour "pas du tout comme ça": dans ce cas, Björn avait eu raison de le faire refaire.
A- ne fais rien à tes dents: si pour une soirée tu veux m'imiter un peu plus, il existe des pointes souples que l'on colle ou emboite aux canines. Ca fait illusion, et surtout, ça évite de se déchirer les lèvres avec des facettes en dur.
B- ça t'es déjà arrivé?
A- quand j'étais petit. Maintenant, j'ai l'habitude.
B- je n'aurais rien fait à mes dents, déjà que les lentilles m'iritent les yeux: j'avais essayé, pour avoir les yeux verts... Je croyais qu'ils t'intensifiaient le vert par ordinateur, mais maintenant, je sais que non. Quelle est ta taille réelle?
A- 1m87. Tu fais peut-être un peu plus.
Assis, nettement. Debout: à vérifier.
B- 1m89.
A- très bien! Il y a des gens qui pensent que je suis plus grand. D'autres que je ne fait qu'environ 1m80, donc ce n'est pas un critère précis pour les spectateurs.
B- j'ai aussi fait beaucoup de musculation.
A- ah non: ça, c'est pour ressembler à Torbjörn, par exemple. Moi, je fais juste de la natation, et sans essayer de battre des records.
B- je suis encore loin d'avoir la musculature de Torbjörn.
Bien que Lauri l'eût remplacé chez VTP, Torbjörn, médiatisé par le rugby et d'autres apparitions médiatiques, restait souvent cité.
A- n'essaye pas, car ensuite, si jamais tu arrêtes, ça devient du gras. L'essentiel, c'est de manger sain, et de bouger sans chercher à faire spécialement du muscle.
B- j'adore le Saumonix, et en plus, c'est bon marché. Si ce n'est pas indiscret, préfères-tu les Finlandaises ou les Suédoises?
A- je ne donnerai pas d'information privée, mais tout le monde sait que les Finlandaises sont plus froides.
B- et en plus, Paris-Helsinki en Audi 100, ça doit être encore plus difficile.
A- je n'ai jamais possédé d'Audi 100, mais un de mes camarades d'études en avait une et nous avons essayé d'aller en Suède avec. Le moteur a lâché en Allemagne.
B- ça, je le savais.
Pourtant Björn n'avait pas vu Kergatoëc, et Erwann n'avait pas joué dans Objectif Suède. Des renseignements sur lui avaient donc été récupérés à Centrale Dinard: peut-être à cause de sa nomination comme second rôle du voyage en Suède le plus raté? Dans ce cas Björn savait peut-être aussi, pour le nauffrage.
A- sais-tu aussi comment s'est passé le suivant?
B- nauffrage du ferry.
A- bien. Quelle voiture?
B- 305 GRD Break.
A- numéro d'immatriculation?
B- je ne sais pas: il n'y avait pas la photo. Je pense que ça se terminait par 22.
A- perdu: 33.
B- ce n'est pas en Bretagne, ça. 29, 22, 56, 35, je crois, et le 35 n'est pas côtier.
A- exact, mais beaucoup d'élèves n'étaient pas bretons.
Si Björn était allé jusqu'à mémoriser les numéros des départements bretons, son intérêt pour lui ou pour VTP22 était loin d'être "banalement fan". C'était un expert.
B- je comprends.
A- as-tu participé à des castings en Suède?
B- oui, mais je n'ai pas été pris parce que je suis maladroit et je manque de mémoire. Du moins pour les textes. Pour la géographie, j'ai toujours été bon, à l'école. Capitale du Mozambique?
A- je ne sais pas, mais mon ordinateur me le dira. Pour le Burkina Fasso c'est Ouagadougou: ça, je m'en souviens, parce que c'est un nom amusant.
B- Sénégal?
A- Dakar: Paris-Dakar...
B- Congo?
A- Brazaville
B- Zaïre?
A- je ne sais pas.
B- je comprends: vous apprenez surtout vos anciennes colonnies.
A- peut-être.
B- je rêve d'aller un jour en Centrafrique pour manger de la chair humaine.
A- euh... Bangui. La chair humaine, on dit que ça a le goût du cochon. Si ça se trouve, c'est ça qu'ils servent aux touristes, en leur faisant croire que c'est de l'humain.
B- non: l'humain coûte moins cher, puisqu'il n'y a pas à l'élever. Il cuisinent les clandestins et les gens qui ont fait des enfants sans permis. Au fait, Silmät est pire que "Viande urbaine", je veux dire plus malsain.
A- Silmät est finlandais. Viande Urbaine était un projet de Lucien Venant.
Avant de quitter le train, Aymrald lui offrit dans un étui souple des lunettes identiques aux siennes sauf qu'un peu plus sombres (VTP lui en avait fourni quatre paires, à sa demande, au monoverre plus ou moins sombre) car effectivement, il lui ressemblerait bien plus avec, puisque le regard était sa partie la moins "ambertienne" (et même la moins émilianienne). Aymrald n'avait rien contre ces sosies (surtout si ce n'était pas ridicule, s'ils avaient une bonne connaissance de sa filmographie (pour ne pas faire d'erreur de déguisement) et que leur comportement ne lui portait pas tort), bien au contraire: on les remarquait plus que lui, sauf dans ses périodes "HF", et même: il ne s'habillait pas ainsi dans la vie courante. Ce Björn allait-il porter ces lunettes, ou les garder précieusement dans une boite comme une relique? La seconde option eût été bêtement fétichiste, car il n'y avait pas d'autographe dessus [ni même ses empreintes digitales: Aymrald ne les avait pas essayées, puisqu'il n'avait ces quatre paires que depuis hier. En fait il n'avait touché que l'étui] et on pouvait certainement acheter les mêmes en Suède. Björn avait été raisonnable (aucune allusion à Huntington, contrairement à Magdalena, pas de question perso après que la première n'eût pas abouti) mais nullement timide: en fait il avait bavardé avec lui comme avec un autre fan rencontré pour la première fois dans ce train. Ce qu'Aymrald trouvait plutôt sain.
Björn se procura les mêmes lunettes dès qu'il le put, et conserva précieusement "celles du train" chez lui, dans une petite boite en plastique transparente qui avait initialement contenu des stylos feutres (au fond de la boite, le billet de train correspondant, plié), tout en utilisant l'étui pour transporter "la copie", et, ce faisant, y effaça au fil des frottements d'usage toute trace de l'ancien propriétaire. Il ne raconta pas qu'il avait rencontré "le vrai" dans le train car il estimait que personne ne l'aurait cru: inutile de passer pour un menteur (et vantard, en plus), vu qu'il n'en avait aucune preuve.
Aymrald n'allait pas directement en Finlande: il loua une voiture et parcourut la Suède pour la voir mieux que du train. C'était une Donova 500: ce modèle fiable et économique tant à l'usage qu'en entretien était devenu fréquent dans la location "premier prix", en particulier près des grandes gares. Il rendit visite à Pia, comme prévu.
P- je préfère quand tu en gardes plus, mais bon, je suppose qu'il faut renouveller les personnages, pour VTP.
A- il y en a plus que ce qu'il te semble. Brosse-moi pour faire partir la laque, tu verras. Mais pas avec la brosse des chats! Tiens...
Sachant que Pia aimait le brosser comme un chat, il avait apporté une brosse à "doigts" souples. Pia ne se le fit pas dire deux fois, et le brossa en tous sens, tout en s'arrêtant pour le gratouiller sous le menton ou le masser ça et là, brièvement. Aymrald regrettait de ne pas pouvoir ronronner: encore une infériorité de l'homme par rapport au chat.
P- qu'il est beau qu'il est gentil qu'il est doux qu'il est parfait mon Aymrald (elle ne l'appelait plus Stéphane depuis qu'elle avait découvert ce prénom bien plus exotique voire médiéval). Enlève ta chemise "glace au cassis": ce serait dommage de la froisser.
Aymrald enleva. Elle le pétrit comme pâte à pain (mais avec moins de gourmandise que Flavia: c'était plus délassant, avec Pia).
P- en fait, dans tes films, quand on ne te connaît pas, on n'a pas bien le temps de voir à quel point tu es parfait.
A- parfait... Il y en a qui choisiraient quelqu'un d'autre comme exemple de perfection: c'est une question de goût. Et en prime, j'ai une minuterie d'autodestruction enclenchée...
Aymrald était sûr que Pia était au courant: elle devait tout suivre le concernant.
P- tout le monde en a une, même si pour les autres le règlage est plus difficile à deviner, et il y a encore beaucoup de temps avant que la tienne n'arrive à zéro. Bon, disons l'Attéen parfait, à part ce petit problème. Ce que je voulais dire, c'est que VTP s'en sert peu.
A- ils ont raison, parce que sur tant de films ça lasserait. Là, on n'a pas trop de moi à l'écran, ou trop vite, ou alors on était trop absorbé par tout ce qui se passe pour penser à m'examiner, donc si on m'apprécie, on a envie de me revoir dans le prochain. Et en même temps, si on ne m'apprécie pas, ça ne gêne pas: le film ne compte pas dessus pour plaire.
P- laisser les fans sur leur faim pour leur donner envie d'y revenir...
A- et ne pas m'imposer inutilement aux non-fans: j'y suis lorsque que le scénario a besoin que j'y sois pour faire ceci ou cela, comme les autres. On choisit qui on veut, ou même personne et on se laisse porter par le film.
P- donc jamais tu n'auras un rôle romantique.
A- ou alors ce sera pour me transformer en crapaud au premier baiser: il faut que ça soit utile au scénario.
P- plutôt transformé en chat.
A- non, parce que le public aussi préférerait le chat, surtout les enfants. On l'a vu dans "La planète des chats".
P- mon film préféré. Je sais que "Drakkars et dragons" est bien meilleur, et beaucoup d'autres, mais celui-là semble avoir été pensé pour moi.
A- 41 185 402 entrées: tu n'es pas la seule à penser ainsi.
VTP s'était tellement habitué aux scores à 8 et souvent 9 chiffres qu'en dessous de trente millions la production considérait que ça n'avait pas marché (tout en étant très rentable). Toutefois, plus Kerfilm lancerait de "grosses cylindrées" chaque année, moins la plupart d'entre elles ferait de scores à neuf chiffres au cours de leur carrière: le public n'était pas extensible, surtout dans les pays où le cinéma restait cher. De plus, Bollywood progressait chaque année en qualité (même si pour le moment c'était loin d'être du "Kerfilm", techniquement: le coût très faible de la main-d'oeuvre incitait moins à la robotisation, et seul BFR maîtrisait la production de l'ebsep sur mesure, pour les surfaces électroanimées réalistes habillant les robots humanoïdes ou non) et en originalité: il n'y avait pas que les Américains qui y sous-traitaient leurs projets. Hollywood (via Bollywood) s'était mis efficacement à la stéréoscopie (au début, c'était uniquement dans les dessins animés en synthèse) et avait son propre stocks d'Emilianiens (la machine fonctionnant suivant des critères voisins de ceux de l'original, sans avoir eu connaissance du logiciel), car en cherchant bien, on pouvait en trouver partout, y compris en Californie: pas besoin de faire un casting "fédéral". Parmi elles et eux, deux demi-soeurs et un demi-frère d'Erwann, via Eetu.
Aux Etats-Unis, le "cas" Erwann d'Ambert avait fait la couverture (sans son autorisation) de bien des magazines (certains sérieux, d'information scientifique, d'autres hélas plus "people"), dont un qui le représentait en transparence avec une bombe à retardement dans le cerveau (à l'ancienne: paquet de dynamine, minuterie à gros chiffre rouges et fils apparents). Le titre "Huntington: the fatal countdown". La corrélation fut vite faite entre ce diagnostic et d'autres tests génétiques sur des filles et garçons un peu plus jeunes (d'un à trois ans) ayant souvent un air de famille avec lui (et parfois les dents): les descendants d'Eetu, via la banque de sperme californienne. D'où le titre "Bug from Finland", sur un autre magazine, et la notion "d'Ambertiens" (il aurait fallu dire Eetuiens) pour ceux qui avaient quelque chose de lui visuellement et les 40 CAG. Huntington était pourtant bien plus rare en Finlande qu'en Europe de l'Ouest et du Sud, mais l'ascendance française était exclue puisque c'était un donneur 100% finlandais qui était à l'origine des Huntington issus de cette banque de sperme.
Des émissions médico-scientifique l'évoquèrent, rappelant qu'il y avait eu une possibilité (hélas manquée: l'intervention américaine n'était pas réversible, en cas d'échec, contrairement au procédé français de la même époque) de sauver Michael J Fox du Parkinson, alors qu'il n'existait aucun traitement (même expérimental) contre Huntington.
En Suède encore, Aymrald visita (une partie était ouverte au public, avec commentaire multilingue par des oreillettes) l'un des centres d'élaboration d'embryons suédois destinés à l'exportation. Il n'y vit pas les rangées de bocaux qu'il imaginait (façon production en grande série de yaourts en verre) et n'eût pas à enfiler un scaphandre "NBC" pour pouvoir visiter (alors qu'il comptait sur cette hypothèse pour visiter incognito): c'était une machinerie compacte et caissonnée, autour de laquelle les visiteurs et guides circulaient sans précautions sanitaires particulières. L'embryon suédois était une industrie sérieuse, donc moderne, à très haut rendement, sans main d'oeuvre autre que pour l'entretien du matériel.
Depuis l'info Huntington, il était probablement devenu pour quelques temps un sujet de potins "people", alors que jusqu'alors ces médias s'y étaient peu intéressés. Un sujet pour médias "people" mais pas un de leurs sujets préférés, et moins encore durable: ça restait anecdotique, puisqu'une fois que l'on savait qu'il avait ce gène fatal, que dire de plus? Ca ne lui nuirait pas avant (environ) 2020, donc ça ne modifierait pas la suite de sa carrière: il avait déjà dit dans une interview que "dans moins de dix ans, tous les films seront tournés sans acteurs humains, d'abord en mélangant le virtuel et les robots réalistes, puis en virtuel intégral quand la puissance infographique le permettra pour moins cher par image que la robotique réelle et les paysages réels".
La part tournée par les acteurs humains avait déjà nettement diminué par rapport aux "Miroirs du temps" (où il y avait du virtuel "chaque fois que possible" mais pas encore de robotique réaliste, sauf pour quelques cascades, d'où l'absence de scènes d'action équestres), chez VTP. Les acteurs de VTP passaient bien plus de temps à travailler comme techniciens (ou ingénieurs) qu'à jouer et même, maintenant, qu'à s'entraîner à jouer. Erwann aurait pu jouer simultanément dans une quinzaine voire une vingtaine de films si VTP n'avait pas eu aussi l'usage de lui comme ingénieur dans ces tournages, et s'il y avait eu tant de gros films tournés simultanément, ce qui était loin d'être le cas. Il lui arrivait toutefois de jouer une vingtaine de personnages le même mois, dont seuls quelques-uns "tel que", le reste étant de la téléanimation ou de la substitution d'apparence sur "capture de mouvement".
VTP louait des salles automatisées et quelques techniciens (deux à cinq suffisaient en tout en pour tout, au lieu des dizaines et souvent centaines de noms mentionnés autrefois dans les génériques d'émissions de plateaux et jeux où pourtant (selon VTP) il était parfaitement inutile d'employer tant de monde. Le cadrage automatique (grâce à des transpondeurs cibles non visibles portés par les personnages prévus), l'éclairage idem, et même le nettoyage automatique de tout l'ensemble (sièges étudiés pour) faisait que vu la réduction forte (par effet de concurrence) des budgets des divers producteurs de télévisions pour de telles émissions, c'était désormais tourné "à la VTP" (chez VTP ou chez un concurrent ayant adopté la même rationnalité "chasse au gaspi") d'où une facture divisée par dix à trente par rapport aux anciennes pratiques. VTP proposait aussi du faux public, soit entièrement simulé (ce qui était le moins cher), soit mécanisé, ce qui permettait d'en mettre aussi du vrai dans d'autres parties des gradins quand l'émission le souhaitait. Un système de grutage précis des sièges (déverrouillage électromagnétique de l'assise) permettait d'amener sur le plateau tel ou tel membre du "public" (c'était lié au système permettant d'ôter tous les sièges sans intervention humaine pour reconfigurer le lieu pour autre chose), effet "télésiège" spectaculaire tout en étant techniquement simple. D'autres animations comme l'élévation, l'abaissement ou la translation de grandes portions de gradins pour aggrandir le plateau ou passer de la configuration "amphithéâtre" à "stade" avait aussi convaincu nombre de producteurs de jeux télévisés (sauf en extérieur ou dans un lieu spécifique) de ne pas s'adresser ailleurs pour la réalisation. Le tout pour bien moins cher qu'un tournage d'émission en configuration fixe à l'époque des innombrables "emplois inutiles". VTP avait construit vingt-huit installations de ce type en France et cent deux dans l'ensemble de l'Europe, en plus de celles utilisées pour des productions VTP. Tout était simulé préalablement avec les producteurs locataires pour établir les délais (s'il fallait créer de nouveaux décors), les tarifs et s'assurer que cela fonctionnerait, avec détection des angles morts indésirables, des points de vue indésirables (donc où il ne fallait pas mettre de gradins), etc. Ceci avait supprimé (depuis plusieurs années) quantité d'emplois techniques télévisuels mais en avait créé d'autres, en particulier chez les sous-traitants préfabriquant ceci ou cela pour VTP puisqu'au total il y avait bien plus d'émissions tournées: c'était cette baisse massive des coûts qui avait facilité la multiplication des chaînes de télévision faisant autre chose que repasser des séries et films déjà vus maintes fois sur d'autres. Désormais, une émission de débat télévisé ou de "sujets d'actualité" (ou "de société") ne coûtait pas plus cher, hors reportages, que sa version radio, si l'on exceptait les frais de vêtements (mais qui étaient souvent sponsorisés) et de maquillage des invités, tout en permettant beaucoup de mouvements de caméras (sans caméraman: le réalisateur gérait tout ceci aussi simplement qu'un réseau de train miniature bien conçu), de changements de points de vue, d'incrustations de fonds illustrant les propos en cours (comme dans un "JT"), etc.
Aymrald vérifia ce qui se disait sur lui dans divers documents disponibles via le Lioubioutchaï (l'internet n'était plus utilisé que par 18% des "cybernautes" dans le monde, essentiellement des Américains) et se rendit compte qu'il y en avait aussi d'illustrés par des photos extraites de matchs de rinnepallo: ces diverses apparences pouvaient inciter les gens (du fait le l'actualité toute récente sur Huntington) à examiner un peu mieux les "Attéens" qu'ils pouvaient croiser (surtout dans les pays où ils n'étaient pas trop rares) et donc à l'identifier. Revenu en Finlande (par le tunnel ferroviaire) et ayant retrouvé les ronronnements de Gorak, ravitaillé et pétri une ou deux fois par jour par Mika en son absence. Cet été, Mika était revenu à un style court avec bel effet surplombant, comme il était dans Gamma.
Erwann- toi, ça rend bien, mais regarde ce qu'a fait Hillevi.
Il lui montra dans l'ordinateur ce qu'il avait filmé avant de partir, puis au cours du voyage.
Mika- et bé... Mais j'ai déjà vu une fille comme ça. De VTP?
E- non: une Danoise, mannequin dans une pub.
Elfes et trolls était une série de HF finlandaise plus ou moins inspirée de l'univers Tolkien ou "Donjons et dragons" mais aussi des "Miroirs du temps" car il y avait des passages d'une époque à une autre et une machinerie souterraine géante. Beaucoup de bestioles mécaniques sur lesquelles Mika continuerait à travailler (Viljami et quelques autres étaient en ce moment en France) mécanimaux rentabilisés ainsi après (ou avant, parfois) utilisation dans les grandes productions Kerfilm. Il trouvait que "Elfes et trolls" devenait un peu répétitif, mais après tout, tant qu'assez de télévisions achetaient les nouveaux épisodes, VTPSF n'avait pas de raison de l'arrêter. Il y aura bientôt une nouvelle saison de "Lobosibirsk", parce qu'entretemps les scénaristes avaient eu de nouvelles idées. VTPSF commençait aussi une série à la "Tonnerre de feu" ou "Supercopter", mais avec un hélicopter dérivé du Kamov 50: plus impressionnant. Le pilote ne serait pas toujours le même, car chez VTP/VTPSF on n'hésitait pas à tuer les personnages que les spectateurs auraient cru "récurents", dans les séries. Ca relançait l'intérêt et créait un vrai suspens dans les épisodes, contrairement aux séries dont les récurrents s'en sortaient toujours, quelqu'invraissemblable fût la solution ou les erreurs commises par les ennemis.
Aymrald se souvint que Mika aussi (de même qu'Oskari et Viljami) avait appris à piloter des hélicoptères. Le Kamov 50 "black shark" avait été un élément fort de la série "Commando 22". L'effet de nouveauté s'était émoussé, entretemps (Kermanac'h [en tout petit] puis Eurocopter [en plus grand] avaient d'ailleurs sorti des hélicoptères basés sur le même principe, depuis) mais dans le cadre d'une série télévisée d'espionnage par hélicoptère (donc plus proche de "Tonnerre de feu" que de "Supercopter") pourquoi pas?
Au lac, il y avait un coin qui restait à l'ombre des arbres: le soleil finlandais restait longtemps en l'air, mais ne montait jamais aussi haut qu'en France. Les gens y allaient peu car ils préfèraient l'eau moins froide, donc en plus elle était plus propre. Ce n'était pas comme la mer: il y avait peu de mouvement, donc elle mettait longtemps à se mélanger sur l'ensemble du lac. Le lac n'était jamais "chaud", savait Erwann: juste moins froid en été. L'eau lui sembla bien froide: question d'habitude, puisqu'elle était moins froide que quand il s'y était baigné en mai. Ce fut Mika qui le tira d'une main pour remonter sur le ponton: Erwann était transi et "à plat". Il avait dû nager trop longtemps: Mika était déjà réhabillé et lui frictionna aussitôt le dos, excellente initiative. Erwann songea qu'il faudrait installer des rouleaux à démarrage automatique, pour rendre ce service aux gens sortant du lac qui n'avaient personne sous la main pour le faire. Il se souvint qu'il y avait déjà pensé mais oublié de faire un dossier pour BFRSF/VTPSF. Oui, bien sûr, il y aurait le problème sanitaire des rouleaux. Quoique si c'était un système dans lequel on clipait sa propre serviette, le rouleau lui-même serait facile à tenir propre.
Erwann- [appuyé des deux mains à la balustrade qui servait souvent à attacher les poignées des sacs de sport] si tu peux, frotte plus fort: j'en ai besoin.
Mika- c'est déjà bien rouge: si je continue, ça va laisser des marques.
E- je ne marque pas, et ce n'est pas une rape à fromage.
Erwann prit la serviette, la passa devant lui, pour que Mika (en tirant, cette fois) frictonnât ainsi l'avant du torse. Le seul inconvénient d'avoir des extrémités anti-engourdissement était que l'on continuait plus longtemps (grâce à ce confort) à dépenser de la chaleur. Par contre ça lui aurait permis de remonter seul sur le ponton, alors qu'un baigneur aux mains très engourdies n'y fût pas parvenu et aurait dû viser la berge, souvent boueuse (d'où l'utilité des pontons).
E- jambes, maintenant, si possible. Le haut, ça commence à aller, je continue seul.
M- il te faudrait un valet de bain! Ou une machine à frictionner.
E- il faudra surtout que je sorte plus tôt: ne pas confondre lac et piscine, même l'été.
Une fois rentré et s'être sèché les cheveux à l'air frais de la soufflerie à grande vitesse il s'installa confortablement devant la télévision avec Gorak sur lui: le finnois aussi demandait à se "remettre à l'eau": c'était une langue tellement anti-naturelle pour qui n'en était pas natif que les reflexes avaient du mal tenir sans une pratique quotidienne. Il arrivait à se sentir "chez lui", ici (surtout grâce à Gorak), mais pas tout à fait pour la langue, bien qu'il la parlât presque sans effort dans ses domaines habituels. Il eût une idée de photo "de calendrier": personnage allongé ventralement sur un lit (confortable d'aspect) avec un chat bien installé sur le dos, la tête échouée entre les homoplates, un peu tournée de côté. Il serait bien plus facile de réussir une telle photo avec un faux chat, sans aucune sophistication technique puisque censé dormir. Puis il passa voir ce qui se tournait dans VTPSF.
Aymrald espérait que ce peuple avait gardé son indifférence habituelle à autrui "du moment qu'il ne dérangeait pas", vis à vis de Huntington. Cela semblait effectivement être le cas: rien ne semblait avoir changé, toutefois comme les Finlandais exprimaient rarement ce qu'ils pensaient ça ne signifait pas que la perception qu'ils avaient de lui n'avait pas changé. Il espérait ne pas être vu comme un "mort en sursis", d'autant moins que beaucoup d'autres gens pouvaient décéder (sans avoir un gène responsable de cela) d'ici qu'il fût atteint: accident, épidémie de méningite, infarctus, suicide, meurtre... Il estima qu'il arrivait continuellement d'autres infos plus intéressantes que celle-ci qui, donc, n'intéresserait par la suite qu'une partie de ses fans, ainsi que des gens s'intéressant à la chorée de Huntington (qu'ils en aient ou non dans leur famille). D'autres acteurs avaient été atteints d'autres maladies incurables (y compris Parkinson) sans être âgés et on n'en parlait presque plus, bien qu'ils ne fussent pas encore morts.
Cette actualité "perso" allait effectivement retomber très vite (sauf dans les documents qui parlaient habituellement de lui: il en existait sur quiconque était connu, ne fût-ce qu'un peu) et il n'y eût rien sur sa visite au centre d'embryologie suédois. Rétrospectivement il avait craint une rumeur du genre "se sachant porteur du gène Huntington, Erwann d'Ambert envisagerait l'adoption d'un embryon suédois".
Ce fut ensuite Kare qu'il rencontra le permier en revenant au terrain de rinnepallo (le terrain d'été. Il y en avait un autre, couvert) de Juustomeijeri.
Kare- alors, on revient nous espionner en prévision de la coupe du monde?
Kare n'était donc pas d'un silence ni d'une sobriété karéenne, cet été.
Erwann- c'est nécessaire: nous n'avons pas réussi à vous battre, cette année.
K- notre défaite contre l'Argentine a surpris tout le monde, ici. Nous pensions que vous étiez les seuls à pouvoir peut-être nous battre, mais les Argentins apprennent très vite.
E- ils sont très rapides. C'est génétique, dans ce pays: même quand il fabriquaient la R4, il y mettait un compte-tours. D'origine, pas rajouté par l'acheteur. On dit que la Corée du Sud a une excellente équipe.
K- pour jouer au rinnepallo de table?
E- il ne faut pas s'en moquer: en matière d'entraînement électronique, ils ont tout ce qu'il faut et même probablement plus.
K- ça, sûrement. Pour la coupe du monde de football, la France a-t-elle des chances?
E- plus qu'il y a quatre ans, mais moins qu'en 1998.
K- en 2002, ce n'était pas brillant. Certes, la Finlande ne vaut pas grand chose en football, mais d'habitude, les pays d'Europe latine font un meilleur parcours.
Deux jours plus tard, il participa au match de rinnepallo (Mika aussi) contre Helsinki et Juustomeijeri perdit. Ca pouvait venir du manque de sérieux de certains Finlandais pendant le mois de juin, supposa Aymrald.
Il retrouva "l'autre lac" (moins fréquenté donc plus propre, l'été), où toutefois VTPSF souhaitait qu'il n'allât pas seul, donc souvent avec Mika et parfois Viljami, quand il revint en Filande. Viljami ("au delà de Valériac", cet été) était quelqu'un de facile à vivre: moins "huître" que le Finlandais lambda (Mika inclus), sans être aussi "vivant" qu'Atte. A première vue, on aurait pu penser qu'il manquait de personnalité, mais ce n'était pas ce qu'en aurait dit Stéphane: c'était un "sans problème" et pas ennuyeux pour autant. Sous cet air décontracté, Viljami s'entraînait fort sérieusement pour tout ce que VTPSF lui faisait faire dans souvent de petits rôles (mais très nombreux) dans des séries ou téléfilms locaux, ainsi que la technique (machinerie de trucage, participation à la robotique animalière, etc). VTPSF savait que le public [même s'il existait des fans de Viljami] ne le considérait que comme un ersatz d'Atte (ou d'Erwann) et continuerait de le voir comme tel malgré ses progrès, donc l'utilisait plus fréquement que "centralement". De ce fait, il n'était pas si souvent prêté à VTP "qui avait déjà Knut et autres pour ça", répondait VTPSF. Viljami avait aussi intégré l'équipe officielle de Juustomeijeri, après avoir fait partie de l'équipe "bis" car cet entraînement était fort utile pour les scènes de poursuites et d'évitement dans les films, selon VTPSF. Viljami avait fait de tels progrès qu'il avait fini par être parmi les remplaçants de l'équipe officielle, tout en jouant souvent contre elle (dans la "bis") aux entraînements. Par ailleurs, VTPSF le rendait plus disponible pour des interviews, tant que ça ne donnait pas dans le "people" c'est à dire des considérations autres que le cinéma (technique ou rôles) ou le rinnepallo. VTPSF/VTP ne prêtaient pas leurs acteurs pour des publicités autres que celles pour des produits BFR ou d'entreprises associées (Kermanac'h, parfois), toutefois (mais parce que c'était une prestation bénévole) Viljami avait été prêté comme mannequin pour un défilé de mode entièrement conçu à partir d'éléments (le plus souvent textiles: vêtements, revêtements de meubles, etc, mais pas uniquement) recyclés et que les gens pouvaient reconstituer chez eux, le mode d'emploi étant disponible sur le lioubioutchaï après le défilé. Ca ne faisait pas "bricolé maison": tout avait été conçu par informatique pour combiner optimalement quantité de pièces assez faciles à faire une à une, sans demander de virtuosité pour l'assemblage (juste de la patience) et obtenir des résultats plus seyants de bien des élucubrations présentées par des couturiers cousus d'or. Cela avait eu lieu dans huit grandes villes finlandaises et cinq en Suède. Kare avait aussi participé à trois des défilés. Il y avait 76% de filles pour 24% de garçons, en tout (le défilé était mixte, pour ne pas avoir à en faire deux donc ne pas relouer de local) car il y avait bien plus de variations possibles dans les tenues féminines. Les mannequins ne marchaient pas comme s'ils avaient un train à prendre (contrairement à ce qui se faisait dans tant d'autres défilés) de sorte que l'on avait vraiment le temps de voir les modèles, dont des faisceaux laser (visant automatiquement les parties du vêtement, grâce "tout bêtement" à des transpondeurs cousus dessous) accompagnait le commentaire technique, ainsi qu'une projection sur plusieurs écrans de la salle du truc ou de l'astuce de réalisation à utiliser à cet endroit. Les deux principes étaient que ça ne devait pas coûter cher et que les gens devaient pouvoir les copier: une mode basée sur l'invitation au plagiat, et non à l'achat.
On aurait toutefois pu critiquer un point: mettre tout ceci sur des Emilianiennes et Emilianiens finlandais n'était pas aussi réaliste, en "effet rendu", que sur n'importe qui pris au hasard dans la rue (même finlandaise), alors que c'était destiné à n'importe qui (y compris à la trentenaire un peu au dessus de son poids aux cheveux filasse et au regard vide). L'utilisation de ces personnages "vus à la télé" (voire "vus au cinéma") servait à attirer le public et surtout les médias, but largement atteint.
La baisse des rémunérations et le chômage rendaient cette initiative opportune, de l'avis de la plupart des gens: s'habiller chic et moderne (voire futuriste: la gamme allait du plus sage au plus "manga") rien qu'en récup et avec un peu d'huile de coude (ou de machine à coudre). Tout avait été étudié pour ne pas gêner les mouvements et ne pas poser de problème de lavage, ce qui était souvent le point faible de ce genre de création: c'était lavable en machine à 40°C (voire plus, selon les matériaux).
Juustomeijeri avait toutefois perdu son enclavement "Finlande profonde" depuis que la voie ferrée, promise en 1926 puis en 1962, était devenue une réalité (en grande partie grâce à BFR, qui en avait besoin pour les marchandises et mettre fin aux accidents de camions de lait en plein hiver) et que c'était le site de la plus grosse centrale électrique (géothermique, en plus) du pays. VTPSF recrutant surtout du très finlandais (à la demande de VTP) et de surcroît émilianométrique, la plupart de ces personnages habitaient maintenant sur place, d'où une auto-caricature de la population de Juustomeijeri.
Les autorités finlandaises continuaient de discuter de l'opportunité de se lancer dans un programme eugéniste pour l'exportation d'embryons, cette industrie ayant permis à la Suède de mieux passer la récession mondiale que bien d'autres pays. Quelques initiatives privées existaient déjà, elles n'avaient pas été interdites, mais tant qu'il n'existait pas de label ou de certification officielle de l'Etat finlandais garantissant la qualité des embryons, le client mondial continuait de faire plus confiance aux souches suédoises. De plus l'affaire du "bogue finlandais" aux Etats-Unis était une contre-publicité envers son éthnie dont la Finlande se fût bien passée, alors que pourtant Huntington y était bien plus rare que dans l'Europe "classique". La Suède exportait maintenant 1,4 millions d'embryons certifiés par an, générant chacun une rentrée nette de devises équivalente à 5130 euros en moyenne. C'était donc devenue la première industrie de ce pays, loin devant les meubles en kit. Les Etats-Unis étaient maintenant le plus gros client de la Suède pour les embryons, loin devant l'Allemagne, puis l'Angleterre, l'Espagne et la France, bientôt dépassée par l'Italie et la Russie. C'était en France qu'il y avait le plus gros pourcentage de naissances issues d'embryons suédois, mais sur moins de naissances, au total, que chez ses voisins, l'enfant étant devenu un luxe, car outre les impôts sur les familles, il y avait les nouveaux droits des enfants contre leurs parents (avec la médiation des assistantes sociales ou autres si l'enfant était très jeune) qui faisait que devenir parent n'était même plus une source de pouvoir. L'ELR estimait avoir fait tomber la dernière zone de non-application des droits humains: la famille.
L'assexualité croissante des jeunes filles puis jeunes femmes françaises ne signifiait pas toujours non-désir d'enfant, mais vu ce que cela coûtait et les obligations de disponibilités qui s'y attachaient (il n'était plus permis aux parents de cumuler deux emplois à plein temps hors de chez eux, ni à un parent isolé de faire plus qu'un temps partiel: trois jours par semaine) elles y réfléchissaient à deux fois, en plus de devoir d'abord accumuler assez d'épargne pour cela: les prêts aux particuliers avaient été très fortement restreints dès fin 1997, ce qui avait contribué à l'assainissement économique et aux excédents commerciaux par déflation.
Dans les grands films de VTP, il n'était généralement pas mentionné l'existence d'une famille (ni parents, ni enfants, ni conjoint) pour les personnages principaux (ni non plus son absence: le sujet n'était simplement pas évoqué) car "on n'a de temps pour cela que dans les séries télévisées", répondait VTP quand certains exégètes de sa production avaient posé la question. "Des héros à l'ancienne", avaient jugés certains: "comme les personnages de bandes dessinées, d'ailleurs beaucoup des films de VTP sont issus de BD ou de projets de BD ébauchées par des scénaristes ne sachant pas dessiner, et qui avaient trouvé la solution dans le cinéma, via VTP". C'était souvent le cas: BD classiques ou en images virtuelles (de plus en plus souvent, car il y avait bien plus de gens sachant programmer la 3D que dessiner directement). Le public semblait avoir adhéré, après des décénies d'allourdissement familial ou matrimonial (y compris les "ex-") dans les scénarios du cinéma conventionnel, au point que même certains films d'action américains en étaient empâtés. "Le cinéma reste un évènement, même s'il n'est plus un luxe, donc les gens n'y vont pas pour voir une émulation de leur vie quotidienne", avait estimé dès le début VTP. "Il leur faut un grand bol d'air, et s'en prendre plein les yeux". D'où l'investissement dans le style le plus dépaysant: la HF (la SF pouvait l'être aussi, mais elle était moins "fantaisie", usuellement). Ex-acteur de série de SF ("Cap sur mars") et n'ayant rien du Français lambda, Erwann d'Ambert leur avait semblé être un des vecteurs possibles de cette offensive, de même que Zhao, Manfred, etc. Le film écrasait visuellement ses personnages au profit de ses paysages, constructions (antiques) et machines géantes, mais ils n'y étaient pas inutiles, du point de vue du public.
Le film "Jakt" connaissait un succès persistant, dans lequel on pouvait trouver à la fois l'influence de "Délivrance" et de "Mad Max", au grand dam de l'office du tourisme norvégien qui estimait que ça dissuadait les gens de le visiter. La série finlandaise Aquavit avait ridiculisé les Vikings norvégiens à longueurs d'épisodes, puis le succès mondial "Drakkars et dragons" n'avait employé aucun Norvégien (seuls des paysages avaient été filmés sur place avant tournage), d'ailleurs il n'y en avait toujours pas chez VTP (contrairement aux Danois et Suédois) ni VTPSF. Pendant ce temps, le Saumonix avait tari le marché du saumon fumé d'élevage norvégien (quelques puristes choisissaient encore du saumon sauvage écossais, mais le saumon "industriel" avait été quasiment effacé par l'ersatz de BFR), aidé aussi par la révélation de l'utilisation de farines animales dans les élevages de saumons, bien que l'on n'eût pas encore diagnostiqué de prion dans ces poissons. A la télévision, un journaliste-chroniqueur norvégien avait dit:
- je ne sais pas ce que BFR/VTP a contre nous: on doit être un des rares pays d'Europe à ne jamais avoir été en guerre contre la France et ce ne sont même pas nos ancêtres qui sont allés piller leurs côtes: c'étaient des vikings danois. VTP le sait et pourtant fait partir l'expédition de Norvège, soit-disant parce que les paysages sont plus beaux qu'au Danemark... Ca, côté carte postale filmée, ils ne dévaluent pas notre pays, mais "Jakt" à l'air de dire qu'il serait bien plus sûr sans Norvégiens.
Le prochain grand projet Kerfilm était "la planète des rats", film pour lequel il fallait construire nombre de rats géants dotés du maximum de souplesse de comportement et d'auto-adaptation aux situations à jouer (pour gagner du temps sur la mise au point de celles-ci). Le problème s'était posé pour les humains (jouant le rôle des rats de notre monde, dans celui-ci): nus, ou vêtus? On choisit de les "ratifier" pour résoudre le problème: une fourrure grise, rousse, noire ou blanche sur tout le corps, y compris (en très fin) partout sur le visage, tout en gardant une morphologie, des traits et des cheveux humains (assortis au pelage) et en ajoutant une queue (parce qu'esthétiquement ça faisait mieux), mais une queue cylindrique en fourrure façon singe grimpeur, et non rat. Les rats, eux, n'avaient pas de queue (tout le reste restait rat, par contre, y compris la fourrure) seraient habillés, souvent en blouse blanche puisque beaucoup de scènes auraient lieu dans les laboratoires (mais il y en aurait aussi dans les égouts, avec des rats égoutiers en bottes et cuissardes, et des petits humains velus les évitant silencieusement). Divers acteurs réels y joueraient et seraient retraités par infographie, grâce à des quadrillages sur eux pour synchroniser la production de la fourrure sur les traits, et même le corps vu de près: de plus loin, il suffisait d'enfiler un pyjama de fourrure moulant, l'infographie ne se chargeant alors que des raccords avec le reste. Il y aurait aussi des robots et du totalement virtuel. Les femmes étaient aptes à se reproduire vers deux mois et engendraient six à dix bébés chaque mois (en moyenne).
Les chats, eux, ne changeait pas (certains rats en avaient), sauf qu'ils chassaient l'humain, de même que les serpents venimeux que les rats introduisaient pour deshommiser dans les recoins trop étroits pour les chats.
C'était l'occasion d'une vision lilliputienne où quantité d'animaux ordinaires devenaient des périls terrifiants: les pies, par exemple. Les humains avaient une certaine intelligence dans les stratégies de furtivité, d'infiltration, de test des appâts empoisonnés (un goûteur était sacrifié) ou même certains sabotages, mais pas au point de confectionner des armes ou des pièges. On n'en verrait jamais un attrapper quelque chose pour frapper avec.
Erwann jouait maintenant chez VTPSF un rôle consistant (cinquième, en temps présence à l'écran, mais deuxième pour les scènes d'action) dans "Mort radieuse", un film de trafic d'armes et de matières radioactives de l'ex-URSS, prétexte à de nombreuses poursuites (dont une avec des motos armées de roquettes), fusillades, escalades d'installations dans des usines désaffectées, d'attaque par des chiens tueurs, de prise d'ôtages (là aussi, les preneurs d'ôtages se mettaient à en exécuter dès que la police essayait de les "embobiner": "ce nouveau mensonge vous coûte un nouvel ôtage") ou l'irradiation des membres d'une bande rivale puis de trois policiers (lors d'une perquisition) par de faux lingots d'or (juste plaqués) faits de déchets à haute activité issue des opérations d'entretien des sous-marins, et conservés dans un coffre (qui était en fait doublé de plomb, et pas juste d'acier) pour sembler avoir de la valeur. Violent, "noir", mais non sans humour bien que pas immédiatement perceptible quand on était entraîné par le feu d'action. C'était surtout en revoyant le film que l'on riait ça et là, d'autant plus que l'on se demandait comment on avait pu ne pas remarquer ceci ou cela, ce qui pouvait inciter à re-revoir pour découvrir d'autres finesses ou parodies de moments forts d'autres films (y compris "en quatrième vitesse").
Parmi les nouveaux acteurs de VTPSF, beaucoup n'était pas vraiment émilianiens (pour meubler dans les films), car l'infographie savait s'en accomoder, depuis quelques années, dans une certaine mesure (pas "tout et n'importe quoi", car la stéréoscopie gardait ses exigences, sous peine d'effets involontairement comiques, mais sans exiger du "presqu'aussi virtuel en vrai qu'à l'écran") mais il y avait un nouvel Attéen, Nikolai (prononcer Nikola-i) Sikiö, 1m82, yeux bleu pâle, coiffé court touffu aspect "foin", la matière première étant proche de celle de Timo. Il avait été mis à l'entraînement dans l'équipe "C" de Juustomeijeri et dans les épreuves dérivées de "Commando 22" (série qui n'avait pas repris), elles-mêmes inspirées de l'entraînement de la nouvelle armée française. Erwann le rencontra dans un de ces entraînements (qu'il continuait aussi). Nikolai était moins grand et n'avait que 21 ans, donc encore une marge de progression, s'il était à croissance lente comme souvent les Finlandais. Assez costaud (déjà de l'entraînement avant, donc) et les yeux d'un bleu pâle "azote liquide" moins remarquable que le "bleu-des-mers-du-sud" d'Atte (ou celui déjà assez défini de Viljami), mais qui achevait de frigorifier le personnage (pourtant attéen et non karéen ni autre "trop sérieux"). Dentition: "rien de particulier" au bon sens du terme, ce qui à soi seul aurait été une particularité rare en France (avant travaux). Une vague fossette au menton, ce qui rappela à Stéphane le personnage qu'il avait dérivé de lui-même (robotiquement et infographiquement) pour d'autres tournages. Neuf ans d'écart... Il se sentit un peu vieux, ne réalisant qu'ensuite qu'à vue on n'y pensait pas (sauf en comparant à des photos de lui d'il y a neuf ans). Toutefois, au parcours d'épreuves, le "nouveau" était loin derrière, donc l'agilité et l'économie d'efforts inutiles dans le mouvement (au profit de l'aptitude à en enchaîner sans relâche) n'était pas une question d'âge. Nikolai parlait aussi peu qu'un Finlandais standard, les textes à dire dans les tournages devant dépasser à eux seul le reste de son débit quotidien.
Nikolai avait eu un problème d'alcool vers 18 ans (l'âge où l'on pouvait en acheter plus facilement) et perdu son permis fraîchement passé. On lui avait déjà signalé (des copines, une cousine) sa ressemblance avec des personnages de films de VTPSF et cette année, après avoir compris que dans le contexte économique général actuel les études ne menaient à rien, il avait fini (sans y croire) par passer le concours, après s'être renseigné et beaucoup entraîné y compris à avoir une attitude rassurante pour les recruteurs: c'était le premier rôle à apprendre et à savoir "contre vents et marées": il avait eu des infos (par des candidats recalés) sur les tests de destabilisation psychologique. Il avait été attiré assez jeune par le nazisme (sans toutefois entrer dans un de ces mouvements: les skins lui semblaient être des crétins imbibés de bière) et avait adoré Gamma (il avait alors seize ans) tout en s'étonnant qu'ils aient pris quelqu'un à peu près comme lui (Atte, puis Erwann) pour jouer le nouveau héros du IVème Reich et non un personnage plus martialement prussien: plus proche des statues d'Arno Brecker. Mais pris par le film, il avait vite cessé d'y penser, admirant les prouesses techniques et l'emphase des combats. Il connaissait déjà diverses productions VTP (dont bien sûr Drakkars et Dragons, tourné par VTPSF directement en finnois) mais cette fois, il lui semblait que VTP n'avait pas fait que concevoir un scénario: ils avaient ressuscité (selon Nikolai) un rêve. Son attrait pour la statuaire nazie et certains personnages de ce genre (qui n'étaient pas non plus les Karéens: c'était plus austère, plus sec, pas juste plus impressionnant) pouvaient relever d'une vague homofascination, mais qui ne débouchait sur rien d'autre. Il n'était même pas sûr qu'il aurait préféré ressembler à ça: il admirait, mais savait que ça demandait beaucoup plus d'entraînement (en plus d'avoir déjà la structure génétique: ce n'était pas la sienne) qu'il n'aurait été prêt à en consentir. Toutefois, il s'entraîna pour être au moins à la hauteur des acteurs "de sa propre catégorie", car là, il savait qu'il risquait d'y être comparé: on le lui disait de plus en plus souvent, en grandissant. VTPSF trouvait peu d'Attéens réussissant la série des tests, et pas juste l'émilianométrie. Les Karéens utilisables étaient moins rares, peut-être parce que plus sérieux, statistiquement, et ayant tendance à s'imposer une meilleure discipline abdominale.
Découvert ce jour-là par Nikolai, Erwann d'Ambert évoquait ce qu'il jouait dans certains de ses films, mais en vrai, constata-t-il: il lui semblait avaler les obstacles et épreuves de cet entraînement avec une facilité qui donnait envie de l'imiter, ce qu'il ne fallait pas surtout pas tenter avant d'avoir soigneusement étudié au simulateur comment il s'y prenait, avait rappellé le moniteur: si c'était ça la trentaine pour les gens comme eux, ça n'avait rien d'inquiétant. Il lui parut d'une attitude détendue sans "fausse bienveillance", moins encore de paternalisme: il était juste un autre rouage de la machine à films VTPSF, un rouage prêté par VTP mais qui s'y emboitait comme s'il avait toujours été là. Erwann se voyait plutôt comme un rouage de VTPSF prêté à VTP pour les "Kerfilm", car il travaillait plus de jours par an (surtout à la technique, parfois comme acteur) pour VTPSF que pour VTP.
Un peu après le début du tournage de "Mort radieuse", il y eut (entrelacé) celui de "Le septième ciel ne répond plus": un film de piraterie aérienne visant à prendre un milliardaire russe en ôtage à bord du "Septième Ciel", un A340 sous pavillon de complaisance servant de bordel volant pour VIP. Au cours d'une scène (après la première moitié du film) suite à laquelle non seulement pilote et copilote étaient tués, mais les asservissements de gouvernes détruits, Yuri (Mika, qui jouait son frère aîné mais "pas très futé" parmi les preneurs d'otages) disait à Sergeï (Erwann) qui venait de le mettre aux commandes:
Y- mais je ne pilotais qu'un tank, moi, à l'armée!
S- (manipulant les manettes des moteurs) justement: c'est exactement pareil, sauf qu'il y a deux chenilles à droite [lui mettant une main dessus] et deux chenilles à gauche [idem]. On n'a plus que ça pour piloter l'avion, donc c'est toi qui est le plus qualifié. Si tu accélères, il monte, si tu laisses ralentir il descend. Y'a pas plus simple!
Y- mais les instruments, je n'y connais rien.
Les écrans vidéo composant l'instrumentation principale des A320-A340 étaient éteints.
S- aucune importance: la plupart ne marchent plus. [montrant un cadran classique] ça, c'est l'altimètre. En mètres, comme chez nous. Ca, c'est le compas. Et là, la jauge de carburant, mais ne t'inquiète pas, il y en a largement assez. Tu n'as besoin de rien d'autre, et il fera jour pendant tout le vol, donc tu n'as qu'à piloter à vue.
Le père de ces deux-là (dirigeant l'opération) était joué par Ville Mäkinen, un quicagénaire d'1m92 ayant visiblement manqué de précaution vis à vis du soleil, dans sa jeunesse (sa peau paraissait plus: "vieux pêcheur", ce que l'infographie savait maintenant gérer, pour les versions virtuelles du personnage, sans noyer les ordinateurs) mais sans négligence abdominale ni érosion capillaire (style "Torbjörn dans Gamma" assez réussi) et partant d'une géométrie vaguement karéenne (de thème général). VTPSF l'avait déjà maintes fois utilisé dans des séries locale: policières, d'horreur, mais aussi pour faire un père armé jusqu'aux dents (la Finlande était presque aussi laxiste que le Texas pour la détention d'armes) se lançant dans une traque vengeresse (un trème très latin) suite au viol et à la noyade de sa fille. C'était son premier rôle important (il en avait déjà eu de plus "satellites") dans un film de cinéma. Ville avait déjà eu deux petits cancers de la peau (ne nécessitant qu'une intervention locale) et ferait tôt ou tard un mélanome, supposait VTPSF. On l'utilisait donc plus souvent qu'avant, et dans des rôles plus étoffés, car il serait hors d'usage (estimation statistique) bien avant que Mika ou Erwann fussent frappés par Huntington. Ayant appris pour Erwann, VTPSF avait discrètement testé l'ADN de Mika (la parenté entre ces deux-là était visible, même si Erwann ressemblait plus à Viljami, si on ne tenait compte que de l'aspect) et découvert qu'effectivement ils étaient demi-frères et que lui aussi avait les 40 CAG. Test de Viljami: non apparenté et non porteur. Nikolaï: non plus. VTPSF avait découvert aussi cette parenté et Huntington chez un de ses plus beaux "attéo-karéen", Väïnö Kelly, qui jouait dans "Elfes et trolls" (entre autres), ainsi que chez Iina Ruuska (une sorte de Hillevi locale, d'allure générale, mais souvent vue avec des tresses "bavaroises"). Eetu n'avait donc pas saupoudré de l'ADN qu'en Californie. Un cas en France (VTPSF ne savait pas qu'Adrien en descendait aussi), huit (en tout: car d'autres avaient été découvert suite à la publication de photos d'Eetu, depuis cette info) en Finlande, des centaines aux Etats-Unis. Théoriquement, Huntington n'avait que 50% de risque de transmission, mais chez les "Ambertiens" (comme on les appelait maintenant outre-Atlantique: "Ambertians") le taux atteignait 85%, de même qu'il y avait 68% de garçons donc seulement 32% de filles issues de ce "Lebensborn" commercial. Ca apportait de l'eau au moulin des anti-eugénistes: "sélection rien que sur l'apparence, sans vérifier s'il y avait un bogue dans le processeur", même si pour le moment les Ambertiens étaient (en moyenne) nettement en meilleure santé que les non-Ambertiens (en moyenne): métabolisme produisant moins de radicaux libres à activité égale, etc. Le biais statistique pouvait venir du fait que le chromosome 4 contaminé d'Eetu avait peut-être aussi une responsabilité dans l'apparence, donc que les autres auraient moins cet air de famille (dans diverses variantes, mais il semblait y avoir eu une sélection des mères aussi, d'où beaucoup d'à peu près attéens, karéens ou entre les deux) donc ne savaient pas qu'ils venaient de là.
S'il n'y avait eu qu'Erwann de condamné d'avance par Huntington, la presse américaine n'en eût pas tant parlé. C'était parce des tests ADN avaient déjà eu lieu (pour d'autres raisons: souscriptions d'assurances-vie, etc) chez des descendants de ce donneur finlandais (comme chez ceux qui n'en descendaient pas) que l'on savait déjà qu'il y avait une souche porteuse. D'où: "il semble qu'avant d'émigrer aux Etats-Unis, Eetu soit passé en France: l'acteur franco-finnois Erwann d'Ambert a aussi ce chromosome". Et certains d'y voir l'explication du nombre de films (72%) où son personnage était tué (sans s'attarder sur son décès, toutefois), ainsi que de son goût pour le déguisement en mort-vivant: cela fit supposer qu'il le savait déjà, et que peut-être VTP aussi. Toutefois beaucoup des personnages joués par d'autres dans des productions "Kerfilm" étaient tués aussi, et il n'était pas celui qui avait joué le plus de morts-vivants: il y en avait eu bien plus dans les séries de VTPSF, ainsi que dans "Chasseurs d'ombres" (VTP), série qui ne l'avait utilisé que dans le "pilote", ou il était tué mais sans revenir en mort-vivant. Toutefois, on se souvenait surtout (par l'impact massif de ces films) du "Drakkar fantôme" et de "Tarsilvar", en matière de morts-vivants.
Les laboratoires exportant des embryons suédois (ou des bébés issus de vaches porteuses) rappelèrent que le dépistage de Huntington (ainsi qu'une énorme liste d'autres maladies génétiques, même quand elles n'étaient ni inévitables ni incurables) faisait partie des contrôles embryologiques imposés par la loi suédoise sur la responsabilité génétique: "nous ne sommes pas finlandais!". En fait les parents biologiques d'origine finlandaise (il y en avait, en Suède) n'étaient pas refusés: les tests ADN sur les donneurs, puis sur l'embryon (en cas de recombinaison ou d'altération imprévue d'un chromosome initialement sain) évitaient tout problème de ce genre: seul ce que la science ne savait pas encore repérer via l'ADN et qui n'avait causé aucun problème de santé aux ascendants (familles maternelle et paternelle) risquait encore de passer.
VTP était très ennuyé de cette affaire: cela allait "particulariser" Erwann dans l'esprit du public, donc risquait de diminuer son "intégration naturelle" dans les films: si on pensait à Huntington, on pensait à l'acteur, au lieu de penser au personnage et au scénario, ce qui était très mauvais: VTP n'aimait pas les acteurs en tant que tels. S'il y en avait eu plusieurs autres capables de jouer ces rôles-là, il eût été bien moins utilisé. VTP en avait perdu bon nombre, au début, du fait de la rémunération très basse par rapport à toutes les autres productions cinématographiques d'une certaine envergure: même des acteurs secondaires de sitcoms brésiliens étaient mieux payés, à la fin des années 90. Erwann n'était jamais allé voir ailleurs, lui, d'où son perfectionnement constant dans l'art de suivre les rails (de plus en plus "grand huit") des tournages VTP, mais pouvait-on encore l'utiliser dans de grands rôles sans avoir le panneau "40 CAG" mentalement fixé dans le dos, du point de vue du public? Ce n'était pas impossible: d'autres acteurs avaient pu (surtout aux Etats-Unis) continuer à jouer de grands rôles malgré des casseroles autrement plus gênantes: délinquance, voire prison, drogue, alcoolisme, violences conjugales, appartenance notoire à une secte... Erwann n'était pour rien dans Huntington et ce gène n'aurait absolument aucun effet pour encore au moins dix ans, probablement quinze, voire plus. Toutefois, comme justement il n'y était pour rien, il ne fallait pas qu'il "fît pitié": "le pauvre: dernière décénie avant Huntington. C'est pour ça que VTP se dépèche de lui faire jouer beaucoup de rôles avant qu'il ne puisse plus maîtriser ses gestes". Surtout pas! Si les médias continuaient dessus (pas sûr: les sujets inédits cessaient vite de l'être et donc de faire vendre, estimait VTP), y aurait une interview à ce sujet, VTP la préparant par correspondance avec lui, en la réétudiant de temps en temps, pour voir à froid si ce que l'on avait pensé utile à dire sur le moment était réellement opportun. Pour le moment, mettre Erwann dans des productions finlandaises contribuait à le banaliser visuellement donc à faciliter "le rôle efface l'acteur et l'action se remarque plus que les rôles". Dans les "Durgavok" (dont les sorties s'étaleraient sur 2007) non plus il n'était pas le seul de son éthnie, donc ça devrait marcher, ces films étant plus spectaculaires que "Mort radieuse" donc pouvant plus facilement utiliser un peu n'importe qui (pourvu qu'il ait l'air du rôle) n'importe où (pourvu qu'il pût jouer les scènes) sans trop laisser le temps d'y penser. Erwann pourrait donc refaire de la HF, de la SFF et certaines SF, ainsi que tout ce qui ne serait pas trop individualisé, contrairement à "Gamma" ou "Viande urbaine". Le jeu indirect (robot ou personnage changé par infographie) restait possible dans tous types de rôles.
Les commandes des moteurs étaient mal placées par rapport au siège (c'était le manche à balais, désormais inutile, qui était devant) pour une manipulation fréquente à deux mains, mais des avions avaient réellement pu être maîtrisés et même posés ainsi (avec beaucoup d'anticipation des manoeuvres), donc ça n'avait rien de farfelu. L'A340 était un quadriréacteur moins gros et plus moderne que le 747, mais qui se trouvait désormais facilement d'occasion en raison de la crise du transport aérien, d'une part, et de la réussite russe sur ce marché avec son très tros porteur bi-fuselage à bas coût. VTP avait construit une version numérique, pour les vues en vol et la tentative d'atterrissage (neige et brume, ce qui rendait la synthèse moins coûteuse) tandis que l'intérieur avait été copié (en version "croisière rose" donc où beaucoup de groupes de sièges étaient remplacées par les "tentes" servant aux prestations des hôtesses, sans couper la vue d'un bout à l'autre: c'étaient des compartiments plaqués aux hublots) pour pouvoir le secouer dans tous le sens: le "vu de dedans" n'était que le fuselage, donc rien de gênait pour lui faire faire des tonneaux avec la machinerie omnidirectionnelle "de fête foraine" dérivée de celle déjà utilisée pour "Cap sur Mars". Le film était confié à VTP car les Finlandais feraient de bons Russes (comme d'habitude) et que dans les réalisations de ce genre (où faute de place la caméra n'aurait pas autant de recul, sauf bien sûr pour les vues externes), VTP souhaitait "diluer" visuellement Erwann parmi d'autres nordiques. La machinerie de retournement et les effets spéciaux (blessures, projections d'objets sortis de la soute suite à l'explosion ayant rompu le plancher soute/cabine et les commandes de gouvernes) donnaient de la consistance au film, qui commençait comme une grosse farce coquine pour virer peu à peu dans le film catastrophe avec pirates de l'air éliminant des ôtages, sauf que cette fois, c'étaient aussi eux qui avaient le problème de devoir piloter un avion sans gouvernes et de tenter de le poser. Certaines des prostituées de luxe étaient en fait des agents des services secrets suédois infiltrés pour tenter d'arrêter deux gros traficants de drogues qui étaient aussi à bord (ça, les détourneurs russes n'en savaient rien) de sorte qu'ensuite il y avait traque, embuscade et élimination progressive de membres des deux équipes, tout en faisant bien plus de dommages collatéraux parmi les "clients" et les "hôtesses" du Septième Ciel. Aucune arme à feu n'était utilisée, les uns et les autres sachant que ça pouvait causer une dépressurisation: c'étaient surtout des armes à air comprimé à fléchettes toxiques (pour les Russes), des armes électriques et aérosols ("hôtesses" des services secrets suédois) et de part et d'autre des couteaux de toutes sortes ainsi qu'une cane étrangleuse (du genre "pour pittbulls"). L'explosion du plancher était dûe à la femme d'un passager qui voulait se débarrasser de lui (ayant découvert qu'il s'agissait d'une "croisière rose") en piégeant sa valise. Placée au sommet d'une pile sous le plafond de la soute, un peu avant les ailes, elle avait provoqué cette grosse déchirure sans éventer l'extérieur. Les plateaux repas et divers objets trouvés dans la soute servaient aussi d'armes ou de boucliers aux uns et aux autres, ainsi qu'aux passagers qui n'étaient pas tous passifs, surtout les deux traficants de drogue albanais. Puisqu'il y avait pour l'essentiel une unité de lieu (sauf ce qui se passait avant l'embarquement) VTP estimait qu'il ne fallait pas dépasser 1h45. Il durait 1h40. Le personnage le plus présent était Selma, jouée par Veera Rossi, variante plus froide de Nelli, coiffée "carré mi-long" et habillée... comme il fallait pour avoir l'air d'une hôtesse dans une "croisière rose". Sergeï mourrait (d'une allergie aux cacahuètes, en ayant gobé par mégarde lors de la traversée d'un trou d'air. Au tout début, quand un de ses camarades lui en proposait, tandis qu'ils étaient cachés dans la soute, il l'avait dit) 32 minutes avant la fin (soit à 68% de la durée totale), mais il restait encore trois détourneurs russes et trois agentes des services secrets suédois. Aucun des six ne survivraient, et le gros marchand de meubles qui tentait de poser l'avion (en ne disposant pour cela que du dosage de la puissance des réacteurs) y parvenait presque, mais faute de pouvoir utiliser les aérofreins l'A340 finissait par sortir de la piste (que de plus il avait prise bien après son début) et percutait un hôtel (pourtant pas dans l'axe, mais la neige sur le champ prolongeant la piste l'avait fait dévier sous l'effet du vent de travers) alors que le film pouvait donner l'impression que ça allait réussir. Il n'explosait pas, mais comme pour se rassurer d'être sorti en vie un armateur norvégien sorti par l'une des portes les plus en arrière allumait un gros cigare sans s'être assez éloigné: les vapeurs de kérozène s'embrasaient et l'avion avec où il y avait encore 26 personnes, les blessés lors de la collision n'ayant pas pu sortir par leurs propres moyens et les secours mettant du temps à arriver, car la radio étant HS (un coup involontaire de sagaie affricaine dedans, arme trouvée dans la soute par un des passagers, via le trou du plancher) l'aéroport n'avait pas pu être mis en état d'alerte.
En principe le kérozène n'était pas si volatile que ça (surtout par temps froid) et seule la chute du cigare dans une coulée aurait pu provoquer cela, mais comme de ce côté un réacteur tournait encore (son voisin était déjà éteint avant l'atterrissage, et c'étaient le nez et l'autre aile qui avaient percuté l'hôtel), son souffle pouvait soulever du sol et brasser un mélange explosif: on voyait la combustion "en l'air", façon torchère, remonter à contre-courant (ce qui ralentissait le phénomène: on aurait réellement eu le temps de le voir, estimait VTPSF), sans revenir vers le moteur (trop de souffle) mais en biais vers l'avion, passer dessous puis provoquer l'explosion puisqu'ayant atteint les réservoirs. D'habitude on ne fumait pas dans les productions VTP/VTPSF, même une fois sorti de l'avion. L'armateur ne le savait pas, d'où la catastrophe, pourraient penser les plus observateurs. C'était une épave d'A340 ayant effectivement connu un accident que VTP avait loué avant de la rendre aux récupérateurs de métaux, pour le tournage après la collision avec l'hôtel (qui n'était qu'un décor rapidement installé, et dont l'infographie allait restituer tout le réalisme, en n'ayant qu'à suivre (pour se synchroniser aux mouvements de caméras) le quadrillage coloré peint sur la façade (plus simple) de ce décor. Les réacteurs (déjà revendus par le récupérateur) étaient factices (on avait juste installé une soufflerie électrique puissante dans ces deux faux: ça suffisait) et ce n'était pas l'épave réelle qui explosait (les démolisseurs souhaitaient récupérer et revendre les sièges, les hublots, etc): ça se faisait par synthèse. VTP/VTPSF n'abusaient pas des explosions, et quand il y en avait, il fallait qu'elles fussent aussi réalistes que possibles: la reconstitution s'était faite en la comparant à des images réels d'accidents aériens aboutissant à une explosion après arrêt au sol.
La recherche d'une épave présentable avait conditionné le choix de l'avion. La production souhaitait un quadriréacteur, mais en fait le scénario aurait marché aussi avec un biréacteur: il aurait juste fallu supprimer la scène où l'intérieur gauche avalait un cormoran (lors d'un passage à basse altitude pour échapper aux radars) et s'arrêtait, provoquant un virage involontaire avant que Yuri ne comprenne et arrête son symétrique. Le problème était alors qu'il fallait rester presqu'à fond tout le temps sur les deux moteurs restants et que l'avion ne pouvait remonter que lentement, après toute perte d'altitude, puisque c'était uniquement la vitesse qui agissait dessus. Sergeï revenait voir et lui expliquait qu'il aurait un peu plus de puissance en réallumant l'intérieur droit et en réduisant (sans l'arrêter) l'extérieur droit, puisque l'extérieur gauche marchait et donc exerçait un couple de pivotement supérieur à celui de l'intérieur droit. Par contre, la régulation globale de puissance devenait plus compliquée, car il fallait agir de façon différente sur les trois pour rester équilibré. C'était donc avec seulement deux moteurs que le marchand de meubles tentait de poser l'avion, puisqu'il ne s'agissait plus de remonter, à ce stade, mais juste de stabiliser la descente et de bien viser la piste. VTP/VTPSF ne l'avaient pas sorti en version cinéma, parce que "les films de détournements d'avion, les gens en ont beaucoup vu, alors ils ne vont pas aller au cinéma pour ça surtout avec tout ce que nous leur proposons d'autre cette année". Parmi les trucages ne faisant pas "téléfilm", il y avait les vingt secondes d'apesanteur offertes (plusieurs fois) aux passagers de la croisière rose par le pilote en mettant l'avion en vol parabolique (technique réellement utilisée pour des expériences de l'Agence Spatiale Européene, mais avec un avion plus petit). Ceci nécessitait de la synthèse pour réussir à faire flotter naturellement les vêtements (ou plutôt les draps...) et les cheveux des hôtesses, ainsi que tout le reste. Raison pour laquelle les verres avaient des fonds aimantés et devaient être vidés avant la scéance d'apesanteur. Un oubli créait un "patatoïde" de vodka tremblottante qui dérivait dans la cabine avant de mouiller une des hôtesses quand la gravité reprennait. Il y avait plus d'effet "difficiles" que dans un film de catastrophe aérienne habituelle, mais malgré cela, le succès en salles eût été modeste, estimait VTP, ou n'aurait pu se faire qu'au détriment d'autres lancements. Les preneurs d'ôtage encore dans la soute ne savaient pas que ces scéances "paraboliques" auraient lieu, donc se trouvaient privés d'appuis (alors que toutes les caisses et bagages étaient attachés, eux) et partaient à la dérive, se cognant diversement quand cet effet cessait (pas d'un seul coup, mais trop vite pour donner le temps à certains de s'orienter correctement pour retomber). Comme la manoeuvre avait lieu plusieurs fois (avec surgravité au moment de la "ressource" à pleine puissance) deux d'entre eux vomissaient (flux jaunâtre partant en traînées flottantes dans l'apesanteur momentanée). Les passagers, eux, avaient tous eu droit à des comprimés pour éviter ça, lors de l'embarquement.
L'apesanteur était le "plus" offert par une croisière rose en avion, quand le pilote maîtrisait bien la manoeuvre. C'était grâce à cet effet (entre autres), inédit dans ce type de film (des retournements, oui, mais de l'apesanteur fidèlement simulée, non, à la connaissance de VTP) que la décision avait été prise de le tourner pour le cinéma, quitte à le passer à la télévision assez vite s'il ne draînait pas les foules. Le thème du bordel volant luxueux devait lui aussi renouveller le genre, et était l'occasion de mettre en scène les filles les plus "trop pour être vraies" de VTPSF en moins habillées que d'habitude (sauf les parties de films ayant pour lieu une plage). Le film n'en montrait pas au point d'être interdit aux enfants, et tout en étant le cadre d'une certaine violence, resterait "grand public" car surtout divertissant. En salle, les effets visuels pouvaient éventuellement donner la nausée à certains spectateurs influençables, donc VTP avait veillé à limiter les vues longitudinales lors du tangage: c'étaient elles, habituellement (et surtout en stéréoscopie), qui pouvaient remuer certains estomacs, et non des vues de profil ou obliques de ce qui se passait dans l'avion. Il y avait aussi des vues longitudinales de ce type (y compris lors des basculements en apesanteur), car elles rendaient très bien en stéréoscopie, laquelle "prouvait" visuellement que les objets en apesanteur n'étaient reliés à rien, mais pas trop souvent ni trop longtemps. Le retournement était possible sans trucage numérique, lui, puisque la machinerie externe pouvait retourner le faux fuselage dans lequel c'était tourné, et tout son contenu. Lors de l'embarquement, c'était l'épave qui avait été utilisée (du bon côté), l'avant endommagé étant reconstruit par infographie durant cette scène qui n'était pas longue. Les preneurs d'ôtages, eux, embarquaient cachés chacun dans de longues caisses censées contenir du matériel vidéo, des projecteurs, etc, destinés au tournage d'un film (érotique?), d'où le poids et la manipulation avec précaution. Les caisses avaient été modifiées pour pouvoir être ouvertes par l'intérieur.
Vues du côté passagers (et hôtesses) les séquences d'apesanteur, accompagnées de musique planante (rappelant celle du groupe "Air", mais made in Millénium, sans plagiat réel) avaient un côté "clip vidéo" qui s'ajoutait à l'ambiance coquine et luxueuse de la première partie du vol.
Outre les tournages de juillet, Aymrald travailla à l'amélioration de l'équilibre dynamique des rats géants de "la planète des rats", qui serait tourné à l'automne. VTPSF assemblait d'autres mécanimaux pour les parcs de loisirs et des cirques.
Tout en restant essentiellement mécanicien à tout faire chez VTPSF, Mika avait eu en juillet des rôles dans plusieurs téléfilms locaux: un videur de boite de nuit, un holligan (ou néonazi?) habillé de cuir et maniant la batte de base-ball sans y jouer, un policier ripoux, un dresseur de combats de chiens, un maître-nageur sauveteur (seul rôle "positif" du lot) et un footballeur acheté pour marquer un but contre son camp, que l'on retrouvait ensuite dans une carcasse de voiture au fond d'un lac: beaucoup de personnages "consommables" de séries et téléfilms mais fort actifs pendant leur rôle. Des rôles pour lesquels Nikolaï ne semblait pas encore prêt, selon VTPSF, d'où l'opportunité d'y utiliser le "nouveau Mika", même si pour certains l'ancien aurait pu convenir. Il s'appliquait à ces rôles, qui n'étaient pas si faciles et qui l'intéressaient beaucoup: jouer des "enflures" était plus divertissant. Maître nageur? Sans valoir un Karéen bien entraîné, Mika était le plus costaud des Attéens disponibles, et pouvait avoir l'air plus "finlandais" (au sens froidement ennuyeux) que Viljami: presque autant qu'un Karéen, bien que ne leur ressemblant pas, tout en pouvant faire presque aussi "bon vivant" qu'Atte quand il prenait une autre attitude.
La finale France-Italie et la catastrophe, avec le coup de boule de Zidane.
Erwann- il aurait pu attendre la fin et le lui mettre en sortant, quand même!
Mika- "la vengeance est un plat qui se mange froid". Oui, c'est dommage. Surtout, il fallait écraser l'Italie, c'était la meilleure façon de se venger. Donc ne pas chercher le carton rouge.
E- je ne sais pas ce qu'il a pu lui dire. Parce que Zidane, normalement, ce n'est pas quelqu'un de violent.
M- on ne le saura probablement jamais.
D'où l'apparition d'un "tube de l'été" aussi imprévu qu'opportun: "coup de boule".
E- on les a au moins dérouillé au rugby, quand même.
M- ce n'est pas pareil: le foot vaut beaucoup plus, surtout entre voisins latins, de ce que j'en sais. L'Italie a-t-elle déjà battu le Brésil?
E- je ne sais pas: il faudrait consulter les archives. L'Allemagne a déjà battu le Brésil.
M- mais elle n'était pas en finale cette année, et le Brésil non plus: le vent tourne.
E- c'est sûr, il aurait mieux vallu rencontrer le Brésil en finale, plutôt que l'Italie: les Brésiliens ne se comportent pas comme ça.
M- on dit que le match qui vous a le plus traumatisé, c'était France-Allemagne en 1982.
E- j'avais six ans, mais je m'en souviens. C'est l'arbitrage qui a été criminel: n'importe quel arbitre un peu moins vendu aux Allemands aurait sorti Schumacher avec un carton rouge, et dans le temps qui restait, on leur mettait 8 à 1, sans gardien de but... Malheureusement, je suis né trop tard pour voir la marche sur la Lune et assez tôt pour voir ça. Après, en 1986, il y a eu une belle demi-finale France-Brésil. J'avais dix ans. Nous l'avons perdue après les prolongations mais sans rancune: c'était un très beau match, et les Brésiliens étaient trop fatigués pour gagner la finale ensuite. D'ailleurs cela aurait été pareil pour nous, si nous avions battu le Brésil: cette demi-finale ne pouvait être qu'une victoire à la Pyrrhus. C'était un plus beau match que la finale que le Brésil n'était plus état de gagner.
M- douze ans après, vous l'avez eue, la finale France-Brésil. Mettre trois à zéro au Brésil, ce n'est pas rien. Nous, à part le rinnepallo et le championnat du monde des rallyes, côté compétitions mondiales... Et encore: depuis qu'il y a Sébastien Loeb, nos pilotes ne gagnent plus le championnat du monde.
E- parce que vous en avez trop de bons. Nous, quand il gagne, c'est toujours le même, vous, ça varie, donc aucun n'accumule assez de points.
M- ça peut jouer, c'est vrai.
Le "nouvel Attéen", Nikolaï, poursuivait son entraînement et était aussi devenu moins "finlandaisement fermé": il accompagna Erwann au lac. Pour voir comment il nageait, supposa ce dernier: il s'était peut-être bien entraîné lui aussi, donc il ne faudrait pas être surpris d'être dépassé, si cela se produisait. En fait Nikolaï ne s'était pas encore mis à la monopalme (au début, c'était difficile voire inefficace, avant de trouver le bon rythme non seulement des jambes, mais de l'ensemble du corps) et se contentait de grandes palmes classiques. Erwann n'eût pas de difficulté à garder de l'avance (pas plus que nécessaire) tandis que Nikolaï devait avoir allumé quelques voyants oranges voire rouge en tentant de le suivre, vu son état "quasi-zombie" au retour sur le ponton (Erwann le hissa d'une main): il avait dû se saoûler d'oxygène en respirant trop pour de trop grands efforts. Il prit la serviette de Nikolaï dans son sac (noué par les poignées à la balustrade, comme cela se faisait souvent), l'en emballa et le frotta fortement (surtout le dos) parce que c'était ce qu'il aurait souhaité qu'on lui fît s'il avait terminé dans cet état et sans avoir peut-être la réserve d'énergie de le faire lui-même. Puis les épaules, les bras (un par un) jusqu'aux mains pour les "déblanchir". Quand Nikolaï changea un peu d'expression et de couleur (plus rose, en particulier les doigts) il estima qu'il pourrait continuer seul. Ce qu'il fit, mais moins énergiquement. Puis, en rentrant:
E- il ne faut pas attendre d'avoir épuisé ses réserves, sinon on risque carrément de couler, en cas d'essouflement total au milieu du lac. C'est déjà arrivé: il y a parfois des noyades par épuisement ou hypothermie, ici, parmi les touristes, car l'eau reste plus froide que celle d'un bord de mer en plein soleil.
Il savait que Nikolaï venait de la côte balte, au nord de Turku. Puisque ce nouveau n'était pas (ou plus) fermé comme une huître, inutile de perdre par noyade un des rares interlocuteurs potentiellement disponibles.
N- j'avais oublié l'histoire des doigts antigel: je ne sentais plus les miens, mais je pensais qu'en nageant énergiquement ça allait les réirriguer.
E- peut-être, mais quand il n'y a plus d'énergie, on ne peut plus rien faire énergiquement.
Cela ne dura pas longtemps et ils repartirent vers les studios de VTPSF. Nikolaï allait à l'entraînement virtuel pour les rôles.
"Les machines oubliées", premier des "Durgavok" sortit le 26 juillet (ce qui montrait qu'il avait pu être massivement "préproduit": quantité de scènes, en particulier les combats de vaisseaux, étaient achevées avant le tournage avec acteurs) et connut un succès mondial à la hauteur des moyens mis en oeuvre: le public semblait donc estimer que ça ne faisait pas double-emploi avec les SF, HF, ou SFF précédentes. SFF pour "science-fiction fantaisie", puisque ne s'embarassant pas d'hypothèses initiales réalistes, tout en en respectant la logique ensuite. Les autres seraient lancés avec des intervales d'environ quatre mois.
Cet été, un nouveau jeu de "télé-réalité" était apparu, en France: "la loi de la jungle". Des candidats connaissant les risques et enjeux étaient lâchés sans aucun équipement technique dans une forêt clôturée, dont tout le gibier gros et moyen avait été éconduit préalablement, soit par ultrasons l'effrayant, soit par capture directe au filet. Ils disposaient chacun d'un révoler à six coups mais ne comportant que trois cartouches au début du jeu, ainsi que d'un couteau. Ils ne pouvaient se nourrir que de cueillette, de petits animaux et insectes, ou de chair humaine, en plus des points et des trois nouvelles cartouches acquis chaque fois qu'ils tuaient un autre candidat (en plus de celles trouvées éventuellement dans l'arme du mort), mais en perdant une partie de ces points et cartouches (voire plus) si le décès n'était pas immédiat: il fallait donc tuer net, ou à défaut, achever très vite. La production disposait d'une télécommande décapitant par collier explosif (peu puissant, mais suffisant) la victime si elle mettait plus de trente secondes à mourir, le prédateur maladroit était aussitôt éliminé du jeu. Si au contraire il avaient réussi une prédation rapide, il pouvait consommer une partie de la viande sur place, le reste étant mis en chambre froide par la production pour être restitué en fin de jeu aux survivants, selon la règle de l'héritage. Toutefois, aucun ne connaissait le capital des autres joueurs, à moins d'avoir été témoin de la prédation. Les colliers servaient aussi de traceurs pour permettre à la production et aux téléspectateurs de suivre en temps réel les joueurs. De nombreux contrôles par huissers et experts de l'espionnage électronique avaient vérifié (avant de donner le feu vert) qu'il n'existait aucune astuce permettant à la production d'avantager tel ou tel joueur en lui transmettant des informations (en particulier sur la position des autres). Chaque joueur portait (sur les épaules, par fixation au collier) plusieurs micro-caméras qui filmaient en permanence autour de lui, y compris dans le noir total, mais sans lui montrer ce qui se passait derrière lui ni transversalement: il n'avait pas d'écran de contrôle. Ceci permettait à la production de ne rien manquer des attaques: on avait le point de vue de l'attaquant comme de l'attaqué. Tout candidat pouvait à tout moment quitter le jeu (les mains vides), en composant un code, à condition de ne pas avoir été repéré à ce moment par un autre sur le point de l'attaquer. Il n'y avait pas d'équipes: c'était chacun pour soi, d'où la nécessité de se déplacer à l'insu des autres pour rester en vie.
Des chasses à l'homme (télévisées ou non, avec le même principe de candidats tous prêts à prendre ce risque dans un lieu clôturé) avaient déjà été légalisées dans quelques pays africains et est-européens, mais c'était la première dans la "vieille Europe". Les producteurs (qui n'étaient pas VTP) se demandaient quelle serait l'audiance, car bien qu'ayant reçu un entraînement de prédation et de furtivité de base (comme une formation commando accélérée) lors de leur sélection pour l'émission, les joueurs n'étaient ni des acteurs, ni des mercenaires professionnels donc nul ne savait s'il y aurait, ou non, le dynamisme et le suspens espéré. Le montage de "morceaux choisi", accompagné d'une musique de fond adéquate, arrangerait un peu les choses pour les "résumés quotidiens", mais cela suffirait-il à passionner des téléspectateurs? Ceux-ci avaient bien d'autres choses à voir depuis qu'il n'y avait plus de "néants plats" à l'écran ni de séries soporiphiques omniprésentes aux temps ou plusieurs chaînes vivaient de la redevance (supprimée). Le premier épisode fit comme prévu un gros score: l'attrait de la nouveauté, en plus de la présentation des candidats (qui ne serait pas renouvellée ensuite, sauf, s'il y avait lieu, via leur nécrologie): le thème pouvait attirer beaucoup de monde, mais ce monde s'attendait un peu à être déçu.
En Angleterre, il y avait un jeu non mortel (sauf accident) mais évoquant la guerre, tant par le bruit que par le son: la "Formule Tir". Il s'agissait de courses utilisant des voitures de Formule 3000, moins chères que les F1, dotées de mitrailleuses (avec des balles à blanc) couplées à des lasers pilotés par ordinateur, tandis que les carrosseries, ailerons et casques comportaient des capteurs et des flashs électroniques simulant les impacts, ainsi que des fumigènes simulant les fuites d'eau (radiateur: vapeur blanche) ou des dégâts aux moteurs (fumée bleu-noir, parfois des flammes tourbillonnantes). Un système pouvait dégonfler d'un coup ou progressivement tel ou tel pneu si l'informatique estimait qu'il avait été touché.
L'informatique calculait très précisément les tirs, les effets déjà spectaculaires (sans être exagérés) étaient encore raffiné par infographie (en temps réel) pour la retransmission télévisée.
Tout ceci rendait en fait les courses peu dangereuses, car au lieu d'être à un chouïa de créer un accident par une tentative de dépassement à la limite, le poursuivant préférait généralement le canarder s'il lui restait des munitions et s'il parvenait à "l'aligner". La meilleure trajectoire n'était donc pas la plus "automobile" mais la moins prévisible par les poursuivants, et il était parfois judicieux de se laisser doubler (coup de frein forçant l'autre à éviter... et passer devant) pour passer de proie à chasseur.
Les crevaisons (en fait dégonflement via une électrovalve, suite à un tir que l'informatique estimait avoir touché le pneu) étaient le seul incident réel, mais les pilotes y étaient habitués et les jantes prévues pour supporter mieux de rouler nues que celles habituellement utilisées en F1, ce qui permettait une rentrée au stand à allure réduite sans effondrement complet de la garde au sol: c'étaient des "fers d'usure" recourbés qui produisaient plein d'étincelles orange sous l'arrière (ou l'avant) du côté affaissé, mais sans créer un frottement empêchant de continuer.
Cette formule qui avait beaucoup de succès télévisé nécessitait des pistes beaucoup plus larges, pour éviter de rendre les tirs trop faciles: il fallait pouvoir se déporter largement et revenir "comme un avion mais sur roues" pour que ce fût intéressant à observer.
Des voitures équipés de mitrailleuses voire de roquettes étaient un classique des jeux vidéo, mais en vrai en plein air sur un vrai circuit (vrai sauf qu'il n'y avait pas de projectiles, tout en réussissant à en donner l'impression y compris pour les spectateurs sur place) c'était inédit, beaucoup plus "présent" d'où le succès des retransmissions dans la plupart des pays qui ne l'avaient pas censuré pour raison "déontologiques".
L'Australie avait emboité le pas, mais avec des avions évoquant ceux de la guerre de 14 (sauf que construits avec des matériaux modernes et des moteurs à la fois fiables et peu coûteux d'entretien, sans être plus puissants), y compris au son. Fumigènes et mêmes "trous électroéjectables" préparés dans les carlingues et les ailes (donc pas exactement à l'impact théorique du tir, mais qui s'en rendrait compte à vue?). Seul l'écrasement au sol n'était pas directement visible: un pilotage automatique faisait atterrir hors champ l'avion abattu (le pilote éliminé n'en ayant plus la commande manuelle), derrière un des endroits où une explosion créant beaucoup de fumée cacherait sa disparition.
Il y avait toutefois un doute (pour les avions comme les voitures, mais surtout les avions) dans l'esprit d'une partie du public: chacun menait-il sa course ou son combat exactement selon ses propres buts, ou l'ensemble était-il pré-scénarisé pour en donner l'illusion "mais en plus intense"? Une question qui existait pour tous les jeux de téléréalité, mais beaucoup moins pour les chasses à l'homme jusqu'à mort réelle, à moins de recruter des suicidaires pour jouer les perdants prévus par un scénario.
Pour remédier à la difficulté de trouver des circuits de compétition de grande largeur pour permettre aux voitures d'éviter les tirs en louvoyant sans se percuter entre elles, l'Autriche adapta ce principe à des motos de compétition: l'inclinaison en virage accentuait l'impression "avion de chasse" des prises de vues embarquée. Cette fois, il n'y avait pas de dégonflement rapide du pneu "touché", pour raison évidente de sécurité, mais un dégonflement progressif signalé au pilote par un gros voyant, l'obligeant à ralentir et rejoindre son stand (sauf s'il était abattu entretemps) à vitesse très réduite pour en changer. La moto était un "parent pauvre" des sports mécaniques à la télévision, ses compétitons étant bien plus rarement retransmises que celles sur quatre roues. L'adaptation sous forme de jeu à élimination par mitraillage (de part et d'autre du phare) avait aussitôt séduit les annonceurs ainsi que certaines marques des "vraies" compétitions et une partie de leurs pilotes: les courses de motomitrailleuses intéressaient plus le public que les courses de moto normales, semblait-il. Une moto était une cible bien plus étroite qu'une voiture, et disposant d'une piste proportionnellement bien plus large: bien moins de tirs touchaient au but, donc la partie "pilotage" restait prépondérante. En Russie, il y avait eu l'hiver dernier des épreuves de motoneige en forêt avec tirs à balles réelles, mais où l'AK47 était tenu par le pilote et non fixé au véhicule, ce qui rendait la visée bien plus difficile (le sol était rarement plat), à moins de s'arrêter donc de devenir une cible facile pour les autres, et se faisant donc au détriment au pilotage, puisqu'il fallait lâcher le guidon pour pouvoir viser et tirer, donc être sûr qu'il n'y aurait aucune correction de trajectoire à apporter pendant ce laps de temps, ni de bosse déviant l'un des patins directeur de l'engin. D'où bien plus de gamelles (parfois graves) que de blessures (ou décès) par balles.
Il n'y eut pas d'interview d'Erwann d'Ambert cet été, à l'occasion de la sortie du premier "Durgavok", car il y en avait déjà eu une petite (avec les autres membres de l'équipe) suite à la victoire de la France au tournois inter-nations. Certes, France comptait 9 455 licenciés de rinnepallo contre 235 471 de rugby et plus de deux millions de footballeurs (amateurs et pro), mais le rinnepallo ne passait pas 24 fois moins à la télévision donc son taux de médiatisation rapporté au nombre de pratiquants était élevé. L'info sur Huntington n'était alors pas encore en circulation.

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