vendredi 10 avril 2009

chapitre N-30

L'astroport centrafricain venait de lancer ses premiers satellites pour la météo japonaise et une société de télévision coréenne. La RMC avait fait exploser sa première bombe A au fond d'une mine désaffectée, en ayant convié les observateurs internationaux à faire des mesures (sismiques, surtout) pour confirmer que c'était bien une explosion nucléaire. Doté de l'arme nucléaire (bien que pas encore "H") et du moyen de la lancer, la RMC n'avait plus à craindre une guerre lancée par un pays voisin lui enviant son essort économique. C'était le premier pays d'Afrique à posséder officiellement l'arme nucléaire, même si l'absence de sous-marins lanceurs d'engins n'en faisait pas encore une puissance nucléaire d'engergure mondiale. Il aurait fallu envoyer les bombes par avion ou par missiles basés à terre: plus voyant et plus vulnérable, quoiqu'un camion porte-missile caché sous un surplomb rocheux dans une forêt ou dans un petit bâtiment anodin en béton armé (le ferraillage emêchant d'y repérer une autre masse métallique) ne fût pas détectable avant d'avoir tiré.
La population de ce pays avait baissé de 34% depuis le nouveau régime et ses campagnes de "deshommisation" (il avait suffi de verser des primes pour trouver quantité de chasseurs d'humains), la natalité était proche de zéro (quelques naissances clandestines, enfants élevés cachés), le PNN (produit net: différence entre production et destruction de richesses) par habitant avait été multiplié par six. L'eau courante, l'électricité, la télévision et un réseau ferré modernisé en faisaient un pays bien plus confortable et apte au tourisme: outre l'antropophagie, qui continuait d'attirer des amateurs du monde entier (dont beaucoup de Japonais) il y avait des parcs animaliers que l'on visitait par un système de télécabines à fond vitré (polycarbonate) circulant à quatre mètres au dessus du sol, en silence, permettant ainsi de voir bien plus de choses que depuis un 4x4 ou un autocar. Beaucoup de Français aisés, parmi les touristes: le canibalisme avait été légalisé en France. Ce qui ne l'était pas encore, c'était le commerce de viande humaine.
Stéphane travaillait au simulateur ce qu'il aurait à jouer cette année, sans savoir encore dans quel ordre ce serait tourné.
Viivi avait fait faire une révision partielle de son "515": autour mais pas dessus, laissé en jachère et décoré de pointes carottes (sauf là où c'était plus court: les anciennes lignes) pour réaffuter le dessin initial par un autre moyen.
Stéphane- au fait, qu'ont dit tes parents, la première fois où ils t'ont vu en 515?
Viivi- rien du tout. Comme si je n'avais pas changé d'un millimètre.
S- ceci a-t-il un nouveau numéro?
V- oui: 715. Sonja a embauché un coloriste, car elle n'avait pas le temps de le faire en plus des coupes. J'ai été une des premières à l'essayer. Toi, je te conseillerais juste un petit peu vert, mais pas partout...
S- je ne dois pas jouer à ça: je représente la direction mondiale ici.
V- ah oui c'est vrai. Alors on va essayer sur Timo... Mais assez parlé de futilités, tu as raison. J'ai là quelque chose de technique et de sérieux qui pourrait t'intéresser, même si ce n'est pas lié à l'usine.
Viivi montra à Stéphane une documentation technique des années 30 puis 40: un projet conçu par son arrière-grand-père au profit des Allemands. Il y avait aussi des compte-rendus, et elle raconta pour lier le tout. L'URSS avait fait tant de torts à la Finlande au cours de son histoire (lui volant la Carélie) que tout ennemi de l'URSS était vu comme allié par nombre de Finlandais de l'époque, Hitler inclus, une fois le pacte germano-soviétique dissout. Elmeri Lokinen avait construit avant guerre un sous-marin poisson, qui utilisait une queue motrice (par air comprimé, dans le prototype monoplace) pour éviter les problèmes d'étanchéïté d'arbre d'hélice tout en donnant un meilleur rendement (pousser moins vite beaucoup plus d'eau), le mécanisme multi-articulé façon "dragon chinois" (pour ne présenter d'angle fort à aucun endroit) étant revêtu d'une peau de caoutchouc. Tout le "tentacule" flexible et la queue étaient remplis d'huile, à la fois pour lubrifier et surtout pour empêcher la pression de l'eau de faire frotter la peau de caoutchouc contre les tronçons articulés, ce qui l'aurait usé prématurément en plongée profonde.
L'avant possédait deux nageoires, tandis que le périscope était dans un aileron dorsal. La structure était faite d'un gros tube d'acier bobiné tout le long (sauf le "nez", qui était amovible) et qui servait en même temps réservoir d'air comprimé (480 bars) à la fois pour actionner la queue et tous les éléments mobiles, et pour permettre au pilote (Elmeri) de respirer sous l'eau. Pour raison de rigidité et d'hydrodynamique, il n'y avait pas de kiosque: c'était le bulbe avant qui pouvait s'ouvrir, en surface (sous l'eau, la pression le maintenait fermement appliqué sur ses joints: plus on descendait, plus c'était solidement bouché) pour permettre de sortir par là, grâce à un déplacement de masse vers l'arrière (les accumulateurs, coulissant de part et d'autre du pilote) mettant le sous-marin debout sur sa queue.
Les accumulateurs servaient à actionner les électrovannes, l'éclairage et divers équipements de bord, mais pas à faire naviguer le sous-marin: c'était l'air comprimé qui s'en chargeait. Il n'y avait pas de moteur diesel de surface: c'était conçu pour des plongées locales d'exploration, depuis un navire de surface, ou dans un but ludique: Elmeri espérait, en 1936, arriver à le faire produire en série et le vendre comme on vendait des canots à moteur, avec un compresseur à essence ou électrique restant à quai, ou à bord du navire hôte.
Ca fonctionnait correctement, surtout après l'adonction de deux ailerons avant verticaux supplémentaires actionnés à contretemps de la queue et évitant de soumettre continuellement le pilote à un mouvement de lacet qui devenait vite désagréable: après de nombreux règlages et modifications, le sous-marin pisciforme filait droit.
La queue constituait à elle seule 40% de la longueur, pour avoir un grand bras de levier. En cabrant l'extrémité lors du mouvement dans un sens et pas dans l'autre, on pouvait faire pivoter très vite ce submersible sur place, sans avoir besoin d'avancer, ce qui était impossible avec un sous-marin à hélice (à mons qu'elle fût orientable, ou d'en avoir une transversale, ce qui n'était pas le cas à l'époque).
Idem pour la plongée, en vrillant la queue (vu la longueur de la gaine en caoutchouc, celle-ci le supportait aisément) pour la manoeuvrer comme celle d'un cétacé. L'autonomie du prototype était de 110 km à 35 km/h (19 noeuds, pour les marins). On n'aurait pas pu en faire autant, à masse (donc encombrement, dans l'eau) égale, et moins encore avec une hélice. Vu sa capacité à se mettre d'un coup de queue sur le nez (pour plonger) ou sur la queue (pour remonter), la navigation n'utilisait pas le ballast: c'était un "à peine moins lourd que l'eau". On n'utilisait les ballats que pour faire sortir assez le nez pour pouvoir s'en extraire (le corps passait à travers une membrane fendue, pour limiter l'entrée d'eau dûe à des paquets de mer éventuels) ou pour rester immobile en plongée.
La structure de petit diamètre (puisque monoplace, comme les avions de chasse) et faite de tube à air comprimé enroulé supportait des pressions très élevées: Elmeri estimait que son submersible aurait plus plonger à plus de mille mètres, mais la Baltique trop peu profonde de lui permit pas d'essayer (loin de là): il ne put que se poser sur le fond. L'absence d'hélice était là encore un avantage: aucun risque de la casser sur un rocher, ou de se la prendre dans un filet de pêche coulé.
Ce fut tout ceci qu'il présenta aux Allemands, dans un concept complet: un "cachalot" porte-sous-marins, servant aussi de bâtiment habitable pour l'équipage, avec moteurs diesels pour la recompression en surface, d'où seraient envoyés des "requins d'attaque": Emeri trouvait absurde de faire jouer à des engins aussi lents, coûteux, vulnérables et repérables que les "u-boot" classiques le rôle de chasseur d'attaque pour les convois: "autant envoyer un Zeppelin attaquer des avions": il fallait selon lui séparer la fonction "hôtelerie-atelier-état-major" de celle d'attaque. Des chasseurs monoplaces, conçus uniquement pour ça, transportés au long cours par un porte-sous-marins, qui, lui, pourrait rester immergé bien à l'abri pendant le combat, attendant le retour de ses chasseurs.
Certains ingénieurs allemands avaient déjà proposé l'idée, à laquelle il avait déjà été répondu que les chasseurs auraient du mal à retrouver seul le porte-sous-marins immergé. Toutefois, l'autonomie remarquable du prototype d'Elmeri, et plus encore l'absence de tout bruit d'hélice, permettant une approche surprise, donc une autonomie encore augmentée en n'ayant pas besoin de le faire "nager" à pleine vitesse, intéressa les Allemands. Surtout si Elmeri pouvait réaliser une torpille de même: une torpille ne faisant pas le bruit trop repérable de trop loin d'une torpille, mais celui bien plus discret d'une anguille. La torpille n'avait pas besoin d'être très rapide si l'ennemi ne pouvait pas la repérer avant d'être torpillé. Elmeri étudia même une torpille acoustique, se guidant sur l'Asdic des navires anglais ou américains: ceux-ci seraient victimes de leur système de traque de sous-marins. De plus, si l'on revêtait aussi le nez (et pas juste les parties articulées) du monoplace de la peau de caoutchouc, en intercalant à l'avant une couche de mousse non étanche, pour que l'eau y pénétrât donc ne l'écrasât pas, ça renverrait beaucoup d'échos aux sonars ennemis. Pas plus qu'un gros poisson. De plus, on pouvait utiliser la détection acoustique (passive: écoute) tout en avançant, car les remous amples de la queue motrice n'interféreraient pas avec la recherche d'hélices ennemies. Ca permettrait aussi aux "requins" de rejoindre le cachalot après avoir lancé leur torpilles (et les avoir lancées de bien plus près qu'un u-boot n'aurait pu le faire, puisque sans crainte d'être détectés): il suffisait à celui-ci d'émettre de temps en temps un son beaucoup plus discret que l'Asdic: celui d'un cétacé, tout en pouvant en être distingué par des infrasons spécifiques, filtrés aussi facilement par le récepteur que des stations de radio. Le problème du retour au ravitailleur (air comprimé, torpilles) était ainsi résolu.
Des essais furent faits avec comme "vaisseau mère" un chalutier et une version "de chasse" (plus longue, pour y loger les torpilles) du monoplace. Les torpilles étaient logées sous le bulbe démontable (pour permettre l'entrée et la sortie du pilote, debout dans le monoplace debout, en surface, puis emboité dans un sas caoutchouté sous le navire de surface). Il y en avait six car n'ayant pas besoin d'aller loin et se dirigeant automatiquement vers la sources Asdic ou les hélices (selon le règlage de ses filtres acoustiques) elles n'avaient pas besoin d'être grosses: on frappait plus précisément, là où ça handicaperait le plus l'ennemi. Une fois les hélices et le gouvernail détruits, la proie serait sans moyen d'esquive face à un tropillage classique, de plus loin, par un sous-marin moins petit (donc moins furtif).
Il y eut bien des doutes, des oppositions des ingénieurs sous-mariniers allemands (si toute la flotte existante était bonne pour le musée ou la ferraille, face à une telle innovation) mais quand les pertes sous-marines allemandes attinrent un niveau inquiétant, fin 1943, Elmeri Lokinen obtint un chantier, de l'acier, des ouvriers, du caoutchouc (matière rationnée) pour réaliser des chasseurs comme celui ayant fait ses preuves lors de l'expérience de mai 1942. Hitler y voyait l'arme absolue contre toute tentative de débarquement, à condition d'en avoir un grand nombre: ils attendraient sur le fond, puisqu'une expérience dans l'Altantique au bout d'un câble n'avait décelé aucune voie d'eau à 1400m en l'y faisant nager en huit (et non en rond, pour ne pas vriller le câble) jusqu'à épuisement de l'autonomie. Aucune détérioration perceptible, grâce au remplissage d'huile évitant à la peau déformable de frotter sur les articulations. Ceci n'était pas possible avec une hélice, une rotation "sans fin" s'opposant à la présence d'une peau étanche continue.
Lors du débarquement de 1944, le "vaisseau mère" n'était pas encore prêt, mais 112 monoplaces avaient été construits. Toutefois, il n'y en avait que huit là où le débarquement eut réellement lieu, tapis dans un bunker sous-marin ovoïde (construit à terre et descendu de la surface, à la façon des plate-formes pétrolières, le dessus étant fait de vrais rochers à vraies agles cimentés de façon irrégulière sur sa surface). Ils revenaient s'y appliquer pour obtenir de nouvelles torpilles et de l'air comprimé (par un chargeur automatique sous l'avant) après avoir mené leurs actions. 265 navires alliés (surtout de petites unités de débarquement, mais aussi huit croiseurs ayant participé au pilonnage de la défense côtière) furent coulés de cette façon (les "chasseurs" retournant au bunker reprendre des torpilles à courte portée, sans guidage acoustique car les tacticiens savaient qu'il y aurait trop de bruits d'hélices, en cas de débarquement, pour permettre d'en suivre fidèlement un) mais ce n'étaient que quelques coûts de tapette dans un essaim de guêpe. S'il y avait eu tout le stock de monoplaces d'attaque sur place, les choses auraient été différentes, expliqua Viivi: tous les grands navires alliés auraient été détruits sans avoir le temps de mettre leur barges de débarquement à la mer, puisque les chasseurs n'auraient pas eu à rattrapper et couler celles-ci, étant assez nombreux pour couler la flotte "mère" directement.
Viivi exagérait-elle les vertus de l'invention de son arrière-grand père?
Viivi- non: sur d'autres sites de batailles navales de 1944 et 1945, surtout vers la fin, des exemplaires ont été repêchés du fond en état de marche, juste à cours d'air comprimé pour nager et pour faire respirer le pilote. Dans la Baltique, c'est peu profond donc même en 1945 les Russes ont pu aller voir. Surtout s'ils en avaient déjà un: on peut descendre très profond, avec ça, contrairement à un gros sous-marin à hélice.
Stéphane- mais alors, ça aurait dû être copié.
V- les Soviétiques en ont fabriqué, mais ne l'ont pas dit. Surtout dès qu'ils ont pu les transporter dans des sous-marins nucléaires: ça permet d'aller attaquer n'importe où sans y risquer le gros sous-marin. Les Allemands n'avaient pas réussi à mettre au point le "cachalot" à temps, sinon plus un convoi allié n'aurait traversé l'Atlantique. Ce serait devenu encore pire pour eux qu'au début des attaques des sous-marins allemands classiques, quand ils ne savaient pas les repérer ni déchiffrer les codes de mission. Idem pour les porte-avions américains dans le Pacifique, contre le Japon.
S- et ça serait devenu pire pour l'Europe car les Américains auraient balancé des bombes atomiques en Allemagne, et pas uniquement au Japon. Imagine les retombées, surtout que c'étaient des bombes très sales, à l'uranium et au plutonium.
V- sauf si leur industrie militaire avait été anéantie par les V2 avant. Le projet du cachalot, c'était aussi d'emporter des V2 dedans, mais en plus petits. Tirer à bout portant des côtes américaines sans avoir été entendu approcher...
S- je voudrait en voir un en vrai, de ces sous-marins poisson. Même abîmé. Parce que je n'en ai jamais entendu parler.
V- l'aile volante furtive à réaction Horten, indétectable aux radars, savais-tu que les Allemands en avaient fait voler plusieurs prototypes juste avant de perdre la guerre?
S- jamais entendu parler. Le Messerschmidt 262, oui, mais il est arrivé trop tard et il consommait trop, ce qui ne lui permettait pas d'aller attaquer l'Angleterre vu qu'ils n'avaient plus de bases en France, à ce moment-là.
V- et bien le Horten 229, c'était une espèce de boomerang à fond plat, comme l'avion furtif américain. D'ailleurs ils l'ont copié dessus: ce sont eux qui ont trouvé un des prototypes, malgré les bombardements qui ont dû détruire les autres, ils l'ont emmené secrêtement, pour que les Russes ne le sachent pas, et mis au point leurs propres furtifs comme ça. Il doit encore être quelque part, à moins qu'ils l'aient détruit parce qu'ils n'en avaient plus besoin et ne voulaient pas faire savoir qu'ils avaient été précédés dans ce domaine.
S- on peut chercher sur internet...
Ils trouvèrent un peu de documentation sur le Horten 229, les autres prototypes, celui pas terminé récupéré par les Américains. Stéphane chercha aussi Elmeri Lokinen et trouva. Il y avait là aussi des plans, et il était mentionné qu'un exemplaire était visible à Kiev, en Ukraine, depuis séparation de l'URSS. Un exemplaire de la variante russe de 1948.
V- ou près de chez toi: il doit y en avoir un ou deux d'enfouis dans le sable au large de la Normandie: il doit y avoir tellement d'épaves de toutes sortes, dans ce secteur, que si d'autre navires ont coulé dessus on n'a pas pu les voir. Transporter un V2 avec un sous-marin, ils auraient déjà pu le faire avec les sous-marins classiques. Mais ils n'ont pas eu l'idée
S- ils l'ont forcément eue, mais il devait être trop difficile de stabiliser pour un tir précis: ça ne marchait pas par GPS, ces machins-là, donc à la moindre petite erreur d'orientation de la rampe, au bout de la trajectoire ils tombaient ailleurs. Ca n'aurait pu marcher que sur une mer d'huile.
V- non, mais il leur aurait suffit de se guider par gonio sur les émetteurs radios anglais. Cette technique existait déjà.
S- ça, peut-être. Ce qui est curieux, c'est que l'on ne fasse pas des sous-marins à queue, même pour usage civil, si ça marche si bien.
V- ça coûte cher à fabriquer car il faut beaucoup plus de pièces. C'est pour ça que ça n'intéresse que les militaires: pour ne pas être entendus.
S- pas si cher que ça: nous en avons fait, dans mon école d'ingénieurs. Pas en sous-marin, mais le principe était le même: les queues étaient entièrement sous l'eau. On pédalait au dessus pour actionner les pompes hydrauliques. Le rendement était bon: bien meilleur que celui d'un pédalo.
V- je sais: je l'ai vu sur le site de ton école. C'est pour ça que je pensais que cette histoire pourrait t'intéresser.
S- oui, techniquement c'est intéressant. Si c'est vrai: c'est loin, Kiev, pour aller voir.
V- je n'ai pas pu inventer tout ceci
S- je ne sais pas: d'autres ont pu l'inventer et tu as pu le lire. Je suppose que tu n'as pas connu ton arrière-grand père.
V- non: il est mort en 1960 dans un hôpital phychiatrique soviétique, là où ils reconditionnaient les gens à travailler pour eux en leur branchant des fils dans le cerveau.
S- il existe toute une documentation technique comparative très sérieuse sur les divers types de moteurs gravitationnels triphasés,quadriphasés et pentaphasés de divers pays, leur histoire, leurs qualités, leurs défauts, les systèmes d'alignement, l'effet Berkaïev, les conseils de pilotage et d'entretien, l'histoire des entreprises concurrentes qui les ont construites: c'est passionnant. Or ça n'existe pas: c'est le scénariste d'une série télévisée qui a créé toute cette documentation pour mieux plonger les acteurs dans l'ambiance. Le public n'en voit qu'une petite partie: juste quelques pages de manuel technique ça ou là, mais les manuels ont été écrits en entier, ainsi que les tests comparatifs des revues spécialisées. Tout y est. Si on ne savait pas que les moteurs gravitationnels n'existaient pas, on y croirait autant qu'aux moteurs électriques.
V- la queue de poisson motrice, ça marche: tu en as fait.
S- oui, et il y a dû y avoir des prototypes plus anciens, comme celui de ta documentation, y compris en Finlande. Peut-être même au Moyen-Age: des tas de gens avaient essayé de voler en imitant les oiseaux, donc d'autres ont dû essayer d'aller sous l'eau avec un sous-marin nageant comme un poisson. Par contre, qu'ils aient joué un tel rôle dans la seconde guerre mondiale... On en aurait parlé ailleurs qu'ici.
V- comme du Horten 229?
S- ce n'est pas pareil: les Allemands n'ont pas eu le temps de l'engager au combat. C'est pour cela qu'il est resté secret et que l'on en a si peu entendu parler.
V- non: c'est parce que si j'avais dit que Reinhart Horten était mon arrière-grand-père, tu aurais douté. Même si j'étais allemande. Si ne n'avais pas dit qu'Elmeri Lokinen était mon arrière-grand-père, tu aurais moins douté de ses réalisations.
S- cela se peut. Reste que le Horten 229 n'a pas participé à la guerre, contrairement au "requin de chasse" d'Elmeri Lokinen, selon ce que tu m'as raconté. On aurait donc dû parler bien plus de celui-ci que du Horten 229. Or il y a plus de sites qui mentionnent le Horten 229.
V- ceci parce que le requin de chasse et son inventeur, c'étaient les Soviétiques qui les avaient récupérés. Ils en ont sûrement des nucléaires, maintenant. Ils font naviger des sous-marins à hélices pour que l'on ne pense pas qu'ils ont aussi des sous-marins à queue.
Il visualisa un instant un sous-marin en forme de piano, mais s'abstint de rire: ce qui était décrit dans la doc "Lokinen" était crédible techniquement. Un ingénieur (éventuellement finlandais) pouvait avoir construit ça dans les années 30, et l'avoir essayé avec succès, surtout dans cette mer peu profonde où même posé au fond il était facile de rester encâblé à un navire de surface pour se faire treuiller en urgence en cas de pépins lors des premiers essais. Mais comme l'aile volante Horten, le projet avait dû arriver trop tard pour servir en vrai, ou n'avait eu le temps d'être engagé qu'à très peu d'exemplaires, pour expliquer qu'il n'ait pas été mentionné, contrairement au Me 262, aux V1 et V2, qui étaient eux aussi entourés du maximum de secret militaire mais bien connus partout ensuite.
Le nouveau directeur envoyé par BFR (Kjell, le "petit gros" de l'informatique, n'étant qu'un intérim) était un Finlandais qui provenait de l'usine danoise, où il avait été transféré seize ans plus tôt comme ingénieur de production. Riku Peltonen, 47 ans, avait le ventre de Paakkinen mais pas la barbe, et fut expédié là-bas avec la voiture de fonction qu'il avait depuis peu chez BFRDK: une Volvo 850 gris métallisé, de 1991, équipée du cinq cylindres turbo transversal inauguré à bord de ce modèle. La 850 était partie par bateau deux jours plus tôt. Ville disposait maintenant de la XM, en alternance avec Jerre et Nikolai, Stéphane de la CRT, en alternance avec Kjell, Mika et Olli, selon les besoins de l'entreprise.
Peltonen avait entendu tout ce qui se disait sur BFRSF: que c'était une expérience intéressante, car en pleine évolution, qu'il y aurait des relations publiques à faire non seulement pour l'alimentaire, mais aussi pour l'électricité et les loctations professionnelles ou privées dans le parc, mais que les directeurs y duraient fort peu.
Ce lundi 12 avril 1999, il n'y trouva pas Stéphane mais Audry, qui, tenu au courant au jour le jour des travaux, pu prendre la suite aussi simplement que si ça avait été un relai de rôles chez VTP.
Audry Niederlauterbach était le remplaçant d'origine alsacienne que BFR rôdait intensivement au finnois depuis un peu avant le début de la mission de Stéphane en Finlande. Audry avait un QI nettement supérieur (128 aux tests "durs", ceux qui donnaient 104 à Stéphane car avoir l'habitude des tests de QI classiques n'y aidait pas), était lui aussi peu émotif extérieurement (pas aussi peu que Stéphane, mais presque aussi peu qu'un Finlandais), mesurait 1m92, très simplement et robustement construit, d'une apparence caricaturale, très bande dessinée: mâchoire paraissant plus large que la tête, regard serré-tassé (bleu, mais il fallait être assez près pour le vérifier), cheveux blond-blanc raides lui encadrant le visage jusqu'au niveau des lèvres. Il était facile à dessiner car il était sa propre caricature. Il était encore loin de valoir Stéphane en finnois (qui ne le pratiquait déjà pas "couramment") et utilisait souvent le "souffleur" qu'il portait en holster sous sa blouse de superviseur remplaçant. Certains et certaines se demandèrent s'il avait lui aussi été emprunté à une série télévisée de VTP. Il avait suivi à distance tout l'historique de l'usine depuis que Stéphane y était et BFR souhaitait maintenant l'y essayer pour de vrai. "Encore un prénom à coucher dehors", s'était dit BFR, mais en Finlande presque tous les prénoms français seraient exotiques donc ça n'avait aucune importance.
Il était né le 9 janvier 1973 et était entré chez BFR à 18 ans (en juillet 1991), sur concours "maison" après le bac, et avait donc huit ans d'expérience en partie dans l'usine de Rennes, en partie chez BFRD puisqu'il était bon en allemand. Il n'aurait pas eu l'idée d'apprendre le finnois ni d'aller en Finlande, mais c'était bien payé (salaire doublé net de net) pour ces remplacements (surtout si le superviseur titulaire jetait l'éponge ou était récupéré à plein temps par VTP) aussi avait-il planché intensivement sur la méthode interactive de finnois pour en maîtriser un minimum vital en vue de telles missions. Apprendre le suédois (l'autre langue nationale finlandaise, bien que ce ne fût pas une région suédophone) avait été bien plus rapide, cette langue s'avérant plus facile que l'anglais car sa prononciation était moins bizarre, tout en ayant aussi peu de grammaire.
Il savait tout ce que Stéphane avait eu à faire dans l'usine mais ne l'avait jamais rencontré. Il savait qu'il était parfois emprunté par VTP pour des rôles. Son rôle à lui, pour ce remplacement, serait de tout vérifier comme le faisait Stéphane en l'absence de pannes nécessitant une intervention immédiate. Il avait les mêmes consignes "jamais avec une de l'usine", "ne jamais parler le premier sans nécessité", "montrer sur écran pour ne pas avoir à expliquer en trop de mots", etc.
Il y avait encore beaucoup de neige, début avril, et le lac était encore gelé, même s'il était moins prudent de s'y aventurer en voiture qu'un mois plus tôt. Finlandais et Finlandaises étaient tels qu'ils se les imaginait et les avait vus sur les vidéo l'habituant préalablement au contexte de l'usine. Il estimait peu probable d'avoir l'occasion de parler d'autre chose que du travail, dans un tel pays, comme remplaçant pour seulement trois semaines. Il disposait de la Trielec pour les petits trajets et de la CRT s'il était envoyé en mission plus loin. L'équipe de BFR avait rangé dans des caisses le matériel de Stéphane (literie incluse) et briqué la maisonnette comme un sou neuf pour la prêter non à Audry (qui aurait une des nouvelles, proches de l'usine) mais à Kare, pour mettre à la disposition de celui-ci la salle d'entraînement au combat virtuel. VTP planchait sur une série "légendique" à budjet moindre que "Les miroirs du temps", tournée localement et dont Kare pourrait être un des personnages principaux s'il faisait des progrès suffisants.
Audry savait que la Finlande était un pays bizarre, y avait été préparé par diverses vidéo, mais s'y retrouver en vrai était une expérience étrange, légèrement inquiétante. Il savait que Stéphane n'avait eu de problème qu'avec les défaillances techniques de l'usine, et non avec le personnel ou les autres habitants. L'usine fonctionnait maintenant mieux et la nécessité technique d'un superviseur français semblait moins évidente: mission de surveillance pour la "direction mondiale" plutôt que d'intervention d'urgence.
Il parcourut l'usine en faisant les vérifications demandées, et en faisant professionnellement connaissance avec les chefs de productions. Tout fut sobre, formel, mais moins parfaitement organisé que ça voulait en avoir l'air, détecta-t-il.
Une semaine avant la fin de sa mission, Audry fut invité dans la même émission que Stéphane sur "la Finlande vue par les résidents étrangers" et dit lui aussi qu'il admirait le calme, le sérieux, la ponctualité et la discrétion des Finlandais, qu'il avait été averti qu'il ne fallait pas adresser la parole à un Finlandais sans nécessité, en ajoutant que cette règle était facile à respecter vu la difficulté des déclinaisons. Il dit aussi qu'il avait été prévenu qu'il ne fallait jamais regarder les filles dans les rues et que le sauna était un sport trop dangereux pour les étrangers, ajoutant que si on respectait tout ceci et que l'on veillait à ne pas se faire remarquer, ça se passait bien. L'animatrice (qui devait être une Finlandaise urbaine, car elle parlait facilement) lui demanda alors:
- ne pas se faire remarquer: est-ce pour cela que BFR n'envoie que des blonds?
A- [après avoir préparé sa phrase avec le traducteur portable] probablement mais peut-être aussi parce qu'ils pensent que nous résistons mieux au froid.
Audry avait eu l'impression de réussir à relever le défi: devenir aussi impersonnel et silencieux qu'eux. Les ignorer, le nez dans le boulot, tant que personne ne s'adressait à lui. Un exercice intéressant, le temps d'un remplacement, mais qu'il n'aurait pas souhaité devoir pratiquer toute l'année. Il comprenait maintenant pourquoi certains se mettaient à boire, dans ce pays où la règle était de faire le mort: était-ce plus facile une fois ivre-mort? Il était allé une fois en Suède, en bateau, un week-end, pour se divertir un peu: en Finlande, "même pas la peine d'y penser", l'avait prévenu BFR.
Quand Stéphane revint chez ses parents, il apprit que Dolmen était mort à seize ans d'un cancer intestinal, le 20 janvier. Il avait fallu le faire piquer pour lui éviter de souffrir pour rien. Ils ne l'en avaient pas informé, là-bas, estimant que ça lui porterait un coup au moral alors que ça devait déjà être difficile, la Finlande. Son père ajouta: "ça va être la saison des chatons: il y aura des annonces partout, nous t'enverrons des images si nous trouvons. On ne reprendra pas un tigré: il faut éviter d'inciter à des comparaisons avec Dolmen".
Lundi 12 avril, Stéphane découvrit chez VTP22 (donc dans les meilleures conditions de projection) "Les reflets du temps", tourné en septembre dernier et bien plus post-produit infographiquement, en y rassemblant les effets et paysages qui auraient demandé trop de puissance en trop peu de temps pour la sortie du précédent. Ce film mettait donc la barre encore plus haut visuellement tout en ayant un scénario aussi fouillé et cohérent, puisque prévu dès le début du projet Tarsini de ces deux films. Ceux qui avaient aimé le premier ne pourraient être déçu par le second, à part le manque d'effet de surprise par rapport à ce dont avait bénéficié la première oeuvre cinématographique "Kerfilm".
Il avait maintenant trois tournages entrelacés, qu'il avait continué à répéter en virtuel en Finlande. ll joua un rôle à l'épée à deux mains dans "Les maîtres du fer", de la HF (héroïc fantaisy) mettant en scène une immense ville-aciérie barbare côtière, inspirée d'Usinor Dunkerque, l'électricité et les véhicules à moteurs en moins. Décor (entièrement synthétisé par Tarsini, tapissé de poussière ocre et couvert de brumes souffrées) sidérurgique à tendance volcanique (sans avoir à exagérer: le débouchage d'un trou de coulé d'un grand haut fourneau produisait le bruit d'explosion, les nuées ardentes puis le flot de "lave" d'une petite éruption volcanique). On y coulait, forgeait puis croisait le fer, dans les combats. La prise de cette forteresse industrielle médiévale était l'enjeu du film, les perdants y étant réduits en esclavage. Un film largement (et délibérément) plus brutal et cruel que "Les miroirs du temps", grâce à l'outillage, à la forge produisant toutes sortes d'armes, boucliers et pièces d'armures, aux canaux de fonte en fusion (ainsi que de laitier, dévié pour être versé incandescent sur les assaillants, les gouttes passant à travers les chairs comme dans du polystyrène expansé) et aux énormes machines dont le laminoir entraîné par une immense roue à aube via des trains épicycloïdaux. On voyait aussi une fabrique d'énormes engrenages mais cette fois son personnage n'y finissait pas broyé, le spectateur pouvant s'attendre à cette scène.
Tout ne se passait pas dans l'usine: ça commençait par une épée cassée lors d'un combat, d'un acier spécial impossible à ressouder, d'après le forgeron: "il faudrait chauffer bien plus fort, mais ça, il n'y a que les Maîtres du fer qui puissent le faire".
Le second tournage simultané, qui n'utilisait pas les mêmes installations, était celui de "Peur filante", pour lequel il s'était entraîné à de la frappe sur cibles fixes ou mobiles avec diverses armes pendant ses trajectoires en tripatins. Dans sa bande (celle des "teutons"), il y avait aussi Torbjörn (style HF lui aussi), Atte (coiffé en explosion manga), Niels (avec cinq longues tresses) et un autre Danois, Lars, plus rond, qui était coiffé en exagération du style Leppänen, profitant de ce qu'il était facile de fixer des "extensions" à l'arrière sans que ce montage se remarquât. Il y avait aussi la bande des Yakusa, avec Zhao et d'autres Asiatiques de chez VTP, celle des Congolais (aucun ne venait de ce pays, mais peu importait), avec Manfred, Donatio et deux autres, chacun coiffé différemment des autres ou portant des vêtements bien différents. On trouvait aussi les "Siciliens", avec des variantes d'Emiliano (Emiliano lui-même n'y jouait pas), dont aucun n'était d'origine italienne, de même que les "teutoniques" ne comportaient aucun Allemand (un Suédois, un Finlandais, un Français et deux Danois) et les Yakusa aucun acteur japonais. La cinquième bande était celle des Rouquines, jouées par les Småprat teintes provisoirement en roux et saupoudrées de taches de son (décalcomanies longue durée) comme sur la couverture de leur prochain album.
Outre les attaques purement ludiques (sauf pour les victimes) il y avait du trafic de bébés volés (dans les poussettes) pour les laboratoires, et des missions de dératisation (payées par les bailleurs, y compris parfois la mairie pour ses logements sociaux) consistant à gazer ou tuer de diverses façons (mais sans endommager le logement) les squatters ou les locataires ayant cessé de payer.
Certains immeubles avaient la base de leurs façades de verre incurvées de façon à pouvoir servir de virage relevés. Cela se passait sur une immense "dalle" piétonnière, où ces bandes sévissaient (les personnages étaient toujours impeccables, chacun dans le thème de leur bande) en tuant des passants et aussi en s'affrontant entre elles. Ces poursuites continuaient aussi dans les galeries marchandes (là, ça devenait bien plus glouton en infographie) et dans celles du métro automatique souterrain. Les affrontements avaient aussi lieu avec la police, la présence de la foule rendant les tirs très dangereux, surtout sur des cibles aussi mobiles filant entre de futures victimes de bavures policières.
La "populace" omniprésente dissuadait les policiers de tirer (les rares fois où l'un d'eux avait tiré, une balle finissait dans un ventre de femme enceinte, une autre dans le genou d'une mémère à chien-chien...), alors que dans des espaces plus vides le spectateur aurait pu s'étonner: "mais pourquoi il ne tire pas, ce con?".
La revente des bébés aux laboratoires était très brièvement évoqué, entre deux Yakusa: "pour vendre de nouveaux médicaments, il faut créer de nouvelles maladies sur lesquelles les anciens ne marchent pas, en habituant la maladie aux anciens traitements dans des bébés". Le spectateur avait pu voir que les Siciliens et les Boches le faisaient aussi
Peu à peu, les bandes perdaient des membres. Dans celle d'Erwann, le premier mort était Torbjörn, puis Niels, Atte, restaient seulement Erwann et Lars qui s'étaient avérés les plus doués pour ce type d'acrobaties.
VTP était parti d'un jeu vidéo russe diffusé gratuitement sur AK sous le nom américain "Rollers killers", et, séduit par la fluidité des prises de vues "caméras embarquées" que cela permettrait, l'avait transposé dans un contexte réutilisant une partie de ce qui avait été développé pour Mécanotron, encore enrichi graphiquement (de nouveaux calculateurs avaient été ajoutés entretemps, avec les recettes massives issues des films précédents) tout en veillant à ce que le scénario fût intéressant même sous forme de récit écrit: compter uniquement sur l'impact visuel était une erreur que VTP ne commettait pas, dans ses films. Dans les téléfilms, ça pouvait arriver, ceci en connaissance de cause, l'enjeu n'étant pas le même. "Peur filante" était extrêmement visuel, habillage d'une histoire ménageant suspens, rebondissement et même attachement possible aux personnages. Au spectateur de choisir sur qui miser: l'éventail étant encore plus large que dans les films précédents, même s'il se resserrait au fil des morts violentes ponctuant l'histoire, et sur lesquelles celle-ci ne s'attardaient pas: "le spectacle continue", pas question de filmer des agonies avec dernières paroles à l'attention des copains. VTP avait suivi les expériences de "téléréalité" (Big Brother, etc) déjà tournées dans d'autres pays et avait décidé de pousser directement le concept à sa fin logique: l'élimination des joueurs par décès, tuer avant d'être tué, tout en ayant l'air de marquer des points en tuant d'autres gens. En particulier le coup de pioche en plein ventre d'une femme enceinte, porté par Zhao que l'on voyait converger vers elle à l'issue d'une longue courbe élégante sur le ciment lisse et poli, le corps fortement penché pour équilibrer la force centrifuge. La pointe gluante de sang épais ressortait par le dos. C'était bref, mais ça donnait aussitôt le ton. Au loin, dans les perspectives encore libres entre les tours, des grues construisaient d'autres tours.
L'équipe de VTP22 avait construit nombre de robots patineurs qui servaient pour les scènes d'impact les plus violentes. C'était plus facile qu'un robot marcheur, surtout avec les Tripatins permettant l'accélération longitudinale, sans "pas chassé", voire en motorisant les roulettes, ce qui se ferait aussi pour certaines évolutions des personnages humains, mais c'était plus facile pour les robots, avec un gros moteur électrique logé verticalement dans le mollet, et une descente à joint homocinétique dans la cheville. On pouvait permuter les têtes, regler les morphologies (ossature coulissante de partout, musculature gonflable) de façon à n'avoir que huit robots pour simuler n'importe quel groupe de personnages "roulants" du film, jusqu'à huit simultanément: les supplémentaires pouvaient être du virtuels ou des acteurs réels, car il n'y en aurait que quelques-uns dans l'impact réel à un instant donné. Ceci permetait des scènes très violentes sans trucage, au sens que les collisions et percussions auraient lieu en vrai, à vitesse réelle, au lieu de devoir tricher pour des cascadeurs humains.
VTP ne savait pas si ce film étrange, iconoclaste et visuellement entraînant marcherait: c'était plus frais, vif et ouvert que les films de violences urbaines usuels, tout en étant incompablement plus méchant que les films de glisse urbaine. Ca plairait certainement aux jeunes, mais au delà? Le coût de tournage était raisonnable, VTP sachant déjà mettre en circulation des foules virtuelles qui eussent l'air crédibles même suivies en détail: ça avait déjà servi dans "Mécanotron", mais ici les gens étaient habillés autrement et semblaient plus pressés, plus le nez dans leurs préoccupations, et ayant probablement pris plus de ces neuroleptiques dont les publicités s'affichaient partout sur écrans géants, y compris dans les couloirs du métro. 117 acteurs s'étaient entraînés aux tripatins pour le rôle, 22 avaient été mis dans les bandes (Småprat incluses), quelques autres jouant des policiers équipés de même. Il y avait constament du vent sur la dalle (d'où à un moment l'utilisation d'une voile de planche par Zhao), et pas toujours dans la même direction, chariant quelques détritus fins et parfois des nuages de poussière se déposant sur les vitres des immeubles. Quelques orages et grosses averses aussi (l'effet de l'eau au sol utilisait un nouveau logiciel), mais l'essentiel du temps il faisait sec, avec beaucoup de vent et l'ombre portée de grands nuages se déplaçant rapidement.
Son troisième rôle (tourné pendant les deux autres, ce qui lui laissait encore le temps de faire de la téléassistance pour Audry chez BFRSF) lui prit moins de temps, tout en comportant 100% de scènes d'action: "Revanche nocturne". Le personnage principal de "Revanche nocturne" était Rémi, un petit garçon d'une dizaine d'années, tout à fait ordinaire, n'évoquant pas Erwann enfant (mais passant bien en stéréoscopie, tout en ayant l'air maladif), petit pour son âge, maladroit, myope, peureux, douillet, toujours le dernier ou l'avant-dernier à rester dans le "tas des indésirables" quand on formait les équipes à la gym (la gym scolaire avait été abolie par l'ELR, mais c'était censé se passer avant), qui, certaines nuits, dans ses rêves, voyait le héros de bande dessinée Vindix (joué par Erwann) le venger des moqueries, humiliations et brutalités subies dans la journée. Une nuit, au lieu de voir Vindix, il était à l'intérieur et se voyait poursuivre, traquer et punir ses ennemis. Le matin il se réveillait par terre à côté de son lit, avec un gros bleu au tibia gauche, là où Vindix avait été heurté par un pare-choc de voiture en tentant de rattrapper un de ses ennemis. Il pensait d'abord s'être cogné en tombant de son lit et que c'était cela qui avait suggéré le choc dans le rêve, comme pouvaient le faire certains bruits extérieurs. Le lendemain, il apprenait que celui que Vindix ("vécu" de l'intérieur par lui) avait précipité contre un angle de mur était mort d'une hémorragie cérébrale cette nuit-là. Une n-ième variante du thème du souffre-douleur trouvant un moyen de se venger ("Carie", etc), mais d'une façon inédite, même si le thème de l'action via le rêve avait déjà servi dans "la planète interdite" en lançant le monstre invisible contre les intrus. Vindix avait l'apparence d'Erwann, aussi adroit et rapide que des personnages qu'il avait déjà joués, avec ici plus de détermination et de réussite, mais il n'était pas invulnérable, même s'il se sortait assez bien (comme un héros de bande dessinée) de coups et blessures qui auraient mis bien d'autres hors de combats, et qui n'étaient pas sans conséquences pour Rémi, en version atténuée, certes, mais attestant de la matérialité de ses rêves. Tout en évitant les risques totalement inutiles, Rémi n'avait pas peur de se lancer dans l'action, quand il était Vindix, dans ses rêves. Les décors changeaient à chaque fois, parfois dans la vie contemporaine (sa petite ville) parfois au sommet des tours d'une immense citadelle entourée de lave en fusion, ou poursuivi par une horde de loups-garous dans la forêt sibérienne, suspendu d'un doigt au dessus d'un précipice rocheux grouillant de monstres tentaculaires... De plus ces contextes se transformaient les uns dans les autres (comme ça se produisait dans les rêves), ainsi que les personnages et les objets. VTP pouvait aller bien plus loin dans le spectaculaire à grand frisson que dans ses films précédents car s'agissant de rêve, il n'y avait aucun besoin d'introduire cette situation via un scénario cohérent. Rémi passant plus de temps à vivre (mal) qu'à rêver, Vindix n'était à l'image que du quart au tiers du temps, via ces épisodes brefs, ce qui permettait d'y déployer beaucoup d'effets numériques sans avoir à en truffer tout le film, même s'il y avait aussi ceux que "scénarisait" mentalement, en plein jour, Rémi dans les situations difficiles, sans savoir s'il allait pouvoir en rêver "pour de bon" la nuit suivante. La revanche nocturne avait parfois lieu, mais ne se passait jamais comme il l'avait scénarisée. Il ne parlait jamais (même silencieusement) à Vindix, quand il relisait les BD ou se l'imaginait: il "virtualisait" ce qu'il souhaitait qu'il arrivât. De même Vindix ne s'adressait jamais à lui: Rémi n'existait plus, quand Vindix entrait en action.
Il lui arriva plus tard de rêver de jour en tentant de faire une sieste: les blessures mortelles de son ennemi du jour (coup de hache dans le sternum, dans le rêve) étaient, dans la réalité, issus d'un accident de vélo, le guidon lui ayant défoncé la cage thoracique. Un enquêteur commençait à trouver certaines choses étranges, comme des empreintes digitales ou du sang, dans certain cas, sang qui s'avérait par analyse provenir d'un enfant d'âge voisin ou un peu inférieur à celui de la victime. D'autre part, Rémi ne réussissait pas à chaque fois à rêver de Vindix (même en lisant la BD avant de s'endormir), et s'il en rêvait en n'étant que spectateur du rêve, sans être Vindix (vision "caméra embarquée") au moins au moment de punir l'ennemi, ça ne marchait pas dans la vie réelle. Par contre quand il avait vécu de l'intérieur de Vindix le coup de marteau du côté de la mâchoire de son père, qui l'avait puni injustement, le lendemain celui-ci était au prise avec une terrible rage de dents. VTP avait modérément compliqué le scénario, car il devait rester lisible pour un enfant de dix ans (ou un peu moins) sans être "simpliste". Vindix ne tuait pas toujours ses ennemis: une "bonne correction" pouvait parfois suffire, comme la rage de dents parternelle. Plus tard dans le film Vindix se retrouvait devoir affronter un autre personnage de la BD: "Terrifix", joué par Zhao. Rémi devait alors essayer de trouver qui rêvait de Terrifix et le mettait en oeuvre par ce moyen.
Ca durait 1h50, pour ne pas être "trop long pour les enfants". On ne voyait jamais Vindix en même temps que Rémi, joué par Lucien Penhouet, lequel était le fils d'un des réalisateurs, tout en étant remplacé par un robot réaliste pour certaines scènes comme celles où était frappé, ou trébuchait et tombait, etc. Les caméras filmaient souvent à hauteur d'enfant, ce qui suffisait à rendre le mondre réel plus impressionnant. Autrefois un tel film aurait probablement été interdit en France aux moins de 10, voire 12 ans. Ce ne fut pas le cas, la violence mise en oeuvre par Vindix étant jugée "simple et saine" comme on pouvait en voir dans des films d'aventures "tous publics". Ce n'étaient plus les mêmes commissions qu'autrefois qui délivraient les visas d'exploitation.
C'était le premier film dans lequel Erwann était le seul de sa catégorie ("nordique" et HF: il y en avait toujours eu d'autres, dans ses autres tournages) . Il n'était pas le personnage principal (puisque c'était Rémi) mais le moteur central de l'action. VTP, au vu de l'engouement du public pour cet acteur dans les films qui donnaient le choix entre plusieurs héros possibles, avait pensé pouvoir l'isoler pour ce film qui n'appartenait pas à son univers habituel, mais était en relation avec celui-ci via la BD et les rêves de Rémi.
Il enregistra aussi (bardé de capteurs, comme la dernière fois) des scènes d'action pour le second tome des aventures de Rahan, le procédé "synthèse repassée aux traits" ayant beaucoup plu.
Il vit que VTP avait déniché chez BFRD un culturiste ressemblant d'allure générale à Dolph Lundgren (Rocky IV, Universal Soldier...), mais en format 2m04, 127kg, en plus blond (pas besoin de tricher), coiffé "IIIème Reich" et avec un regard plus "par ordinateur" n'évoquant pas celui de l'original. Il était maintenant chez VTP22, apprenant intensivement le français par méthode interactive et travaillant aux méthodes de tournage maison, après avoir (inévitablement) commencé à La Défense comme nouvelle cible de lancer de pâtisseries dans "Devine qui vient dîner ce soir" et avoir joué les mannequins sans cervelle dans quelques-unes des séries traditionnelles de VTP.
Georg Krüger prenait certainement des produits, pour avoir un tel physique, mais n'y était pas dermatologiquement sensible: ni boutons, ni luisance (il mettait de l'huile pour les démos, mais ça n'avait rien à voir) ni cheveux gras ou dégarnis. Il avait gardé un air "frais", tout en faisant grosse brute d'exposition.
C'était après l'avoir trouvé que VTP avait conçu le scénario "Kerminator", dont le tournage était prévu à l'automne: il fallait rôder entièrement Georg aux techniques maison, construire au moins deux robots à son image, avec des parties destructibles. Ce personnage n'était pas émilianien, mais son côté caricatural contribuait à sa ressemblance avec son modèle virtuel: des "comme lui", on en voyait parfois dans des jeux vidéo. VTP n'aimant pas le dopage lui concorta un régime alimentaire (très bon à manger) suralimenté en protéïnes et un programme d'entretien musculaire par électrostimulation scientifiquement étudiée (pas juste les quatre ou six pastilles adhésives reliées à un boitier). Il ne fut pas interdit à Georg de jouer au rugby (dans le club local de Dinan), contrairement aux acteurs de premier rang auxquels les sports à risque articulaire n'étaient pas autorisés.
Stéphane travailla aussi à ce film: ce serait lui qui télépiloterait le robot à l'image de Georg. Pour cela, il serait inséré dans une structure en aluminium ajouré articulée de partout, avec des verrins, lui tenant le tronc (en deux parties), chaque tronçon des membres et la tête (cercles), ainsi que des gants entièrement articulés à retour d'effort. Pour certaines cascades, ce serait aussi lui qui servirait à piloter la version de synthèse, comme il l'avait fait dans Rahan. VTP avait remarqué qu'il était très précis, sûr et naturel dans ces gestes, tout en suivant un "programme imposé", d'où son utilisation comme modèle de mouvements, aux essais. Peu importait que Georg mesurât 2m04 et pesât 132kg (et ceci sans couenne): puisque c'était un robot, il pourrait avoir des mouvements aussi vifs et félins que ceux d'Erwann, la puissance et la suspension hydropneumatique incorporée aux jambes de ce personnage étant censées le lui permettre. L'informatique était dans le tronc: le crâne était (avant habillage) une sphère verte que le public identifierait tout de suite comme élément du système hydraulique, d'où un jet de liquide vert fluo à travers le front quand un projectile spécial du GIGN réussirait à y faire un trou.
Kerminator serait un projet développé clandestinement par deux ingénieurs d'une usine de robots industriels et machines-outils, ressemblant beaucoup à Kermanac'h sans la partie cycles et véhicules et dans un bâtiment plus tarsinien. Le scénario ne s'inspirait donc pas de "Terminator", puisqu'il n'était pas envoyé du futur. Ceci évitait tout problème de droits, et laissait une libertée totale de tournage à VTP: l'exercice de transposition fidèle qu'avait été Christine avait réussi, tant pour la maîtrise du temps de tournage que les dizaines de millions d'entrées dans le monde (surtout en Europe et au Japon, mais pas uniquement) mais VTP n'allait pas rééditer la chose: dans ses propres scénario, la société de production de BFR pouvait ajouter toute ce qu'elle trouvait utile.
La question se posa alors: et si (à condition qu'il progressât assez) on confiait dans le futur les rôles de HF à Georg plutôt qu'à des gabarits plus courants comme Erwann ou Niels?
- surtout pas: "à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire". Erwann, Niels ou Knut, c'est du beau, du vaillant, de l'adroit et du rapide, mais pas déloyalement grand ni barraqué, ou alors il faudrait avoir une vingtaine d'acteurs du gabarit de Georg pour rééquilibrer le jeu: ça finirait par nous revenir cher en viande rouge. Lui, justement, il peut soulever l'un de nos héros d'une seule main comme Dark Vador, voire un de chaque main. A côté de lui, même Torbjörn fait figure d'étudiant à lunettes.
L'autre inconvénient de Georg avait été mesuré au banc d'effort et d'endurance: c'était une musculature développée pour les efforts statiques et "explosifs", comme l'haltérophilie, et non pour enchaîner une série de scènes d'action acrobatiques sans fatigue: son coeur ne pouvait pas perfuser suffisamment toute cette viande en continu. En théorie, VTP ne recrutait pas ce genre de personnage, préférant les marathoniens aux sprinters, mais après que VTPSF eût transmis son modèle 3D, VTP avait eu l'idée du film et l'avait fait venir en Bretagne pour l'entraînement. Georg aurait surtout à jouer (au sens comédien): les scènes d'action trop vives pour lui (et en particulier les sauts: VTP soupçonnait les stéroïdes d'avoir fragilisé les tendons ou les cartilages des articulations) seraient mesurées sur Erwann et reproduites par le personnage virtuel ou le robot, selon la situation.
Niels avait quitté Bifidus fin 1998, remplacé par Bengt, un Suédois (comme VTP les aimait: d'un blond éblouïssant, et passant l'Emilianomètre sans bémol) sans avoir cherché quelqu'un de ressemblant: plus "grand froid" (sans imiter Kare), coiffé au carré. Bifidus continuait à cinq, contrairement à d'autres "boysband" qui avaient disparu ou perdu des membres. La question du remplacement de Zhao se posait aussi, VTP souhaitant pouvoir l'utiliser plus souvent dans des films et téléfilms, mais le remplaçant n'était pas encore rôdé, en plus de l'incertitude de l'acceptation par le public.
Atte était bien plus "vie parisienne" (au moins de jour: VTP lui avait recommandé de ne pas dépasser 23h plus d'une fois par semaine et il respectait cette consigne) que Stéphane ne l'eût probablement été s'il avait habité durablement la tour BFR. Le stationnement payant ayant été interdit partout (sauf parkings privés) par l'ELR au profit de la zone bleue, non seulement on stationnait gratuitement, mais en plus personne (même très riche) ne pouvait rester longtemps: les voitures dépassant la "zone bleue" étaient enlevées par la fourrière (aussi chère qu'avant). Ceci vallait même pour les voitures "corps diplomatique": l'immunité diplomatique ne s'appliquait ni aux véhicules (mais seulement aux personnes, et encore: c'était moins laxiste qu'avant) ni aux infractions au code de la route, d'où enlèvement, alors que jadis elles stationnaient en toute impunité y compris sur les trottoirs. Le véhicule n'étant pas ouvert (inutile pour le gruter) il n'y avait aucune atteinte à la confidentialité diplomatique éventuelle de son contenu.
Plus une zone était commerçante, plus la zone bleue y était courte, assurant une remise en disponibilité continue des places (à moins de revenir à chaque fois quitter cette place et en prendre une autre un peu plus loin... s'il y en avait une). C'était la vidéosurveillance dans les lampadaires (et tout ce qui fournissait un point de fixation public en hauteur) qui signalait automatiquement tout véhicule stationnant plus que le temps accordé à cet endroit. Il n'y avait plus le moindre laxisme envers les livraisons: un camion stationné de façon obstructive dans une rue pour décharger vallait une grosse amande et une suspension de permis. Cette pratique avait très vite disparu, au profit du "métro marchandises" (aux heures creuses de voyageurs et la nuit) et de petits charriots électriques se faufilant presque comme des scooters. Grâce à ces monte-charge, imposés nationalement (et non municipalement: la ville n'avait rien à dire) à tous les transports publics non au niveau du sol (métro souterrain ou aérien), l'accessibilité handicapé était enfin obtenue dans les transports public. Interdiction aussi de faire circuler des bus s'ils n'étaient pas accessibles aux fauteuils roulants (au moins deux places par véhicule, une pour les minibus). Tout ceci contribuait du même coup à rendre possible le transport de petites palettes (pas les grandes classiques) de marchandises par les transports publics de toutes les villes, aux heures creuses du trafic de voyageurs. Le camionnage urbain avait ainsi été divisé par quatre en moyenne (et même par onze, à Paris: on n'y voyait désormais rarement des camions: ceux qui ne faisaient que passer prenaient le périphérique), la "frappe systématique" des livraisons obstructives ayant vite éliminé (par suspension de permis) les récalcitrants. Il fallait utiliser les emplacements "livraison", et utiliser un charriot si c'était un peu loin du commerce destinataire.
Les commerces de centre-ville avaient protesté, bien que l'interdiction du stationnement payant et l'instauration de la zone bleue "non prolongeable" (tourner le disque ne servait à rien, puisque c'était vidéochronométré: il changer le véhicule de place) eussent considérablement amélioré l'accessibilité. Idem pour les "arbres à vélos" plantés en de nombreux endroits: des poteaux en acier à section en I percés de gros trous permettait de fixer un vélo par le côté (donc le cadre), ce qui était bien plus sûr et simple (sinon il fallait une chaîne longue) que par arceaux de roues, et surtout ça évitait d'endommager la roue ainsi tenue si le vélo était bousculé. De plus, la vidéosurveillance de stationnement étant conservée quatre jours (en moyenne: ça dépendait du système d'enregistrement. Des copies des portions constatant une infraction étaient faites automatiquement) le vol était bien plus facile à pister.
Des télécabines silencieuses avaient été installées (mais automotrices et non cablotractées), pendues sous une glissère à section "carré fendu en bas", mettant crémaillères, alimentations électriques et télécommunications à l'abri des intempéries et crottes d'oiseaux. De grandes arches allant d'un trottoir à l'autre (et remplaçant localement l'éclairage public d'origine) portaient la glissière, de loin en loin. La plupart des rues ainsi équipées (environ une sur six) étaient desservies à sens unique, le retour se faisant par une autre. Ce système réellement silencieux (contrairement au métro aérien, même sur pneus) avait annulé et remplacé les projets de tramways (partout) et de couloirs de bus: ça avait l'énorme avantage de ne pas prendre de place au sol et de ne pas interférer avec les autres circulations, les cabines passant au dessus donc ignorant les carrefours. Chaque cabine, de la taille d'un grand monospace (mais sans capot: places assises jusqu'à l'avant) ou d'un petit minibus pouvait contenir douze personnes, ou neuf et deux fauteuils roulants, en relevant les trois strapontins du "palier"). Il fallait un ascenseur à chaque "station", ce qui ne prenait que la taille d'un abri-bus, auquel il ressemblait, le long d'une colonne porteuse plus épaisse que les autres. L'ascenceur montait un peu avant l'arrivée de la cabine, les gens s'échangeaient entre les deux véhicules (entrant ou sortant) puis redescendait au sol. Cela avait été jugé plus efficace et moins cher que de faire descendre la cabine, car grâce à cela elle ne s'arrêtait que brièvement. Moins cher car il était plus simple d'avoir un véhicule horizontal et un horizontal qu'un système devant combiner les deux, bien que théoriquement possible, par exemple par treuillage de la cabine sous son charriot moteur (dans la glissière) le long d'une poutre-guide, mais le poids de la machinerie de treuillage aurait donc du l'accompagner partout, ce qui aurait diminué la charge utile, à résistance égale des glissières porteuses.
Ce dispositif automatique et vidéosurveillé (comme le Val) prenait aussi les marchandises à certaines heures.
Il offrait une vision intéressante des rues de Paris, les cabines n'étant pas enfermées dans une voie, contrairement au métro aérien. On voyait très bien vers le bas, à travers les vitres incassables. Par sécurité pour les usagers au sol (cannettes de bière, etc), aucune ne s'ouvrait: il y avait une ventilation par le toit. Le parcours déjà réalisé formait un maillage (pas toutes les rues: une sur six, en moyenne) pouvant être parcouru n'importe comment (mais à sens unique sur chaque rue, sauf quelques-une qui avaient un système de ce type à chaque bord): c'était l'informatique qui commandait les aiguillages pour assurer le minimum possible de temps de trajets aux passagers selon la destination qu'ils avaient coché en approchant leur ticket (RFID) de l'appareil. N'ayant besoin que d'arches de loin en loin (qui pouvaient être recouvertes de feuilles: ça n'avait aucune importance, loin de la glissière), le système avait pu être implanté aussi dans des rues bordées d'arbres, le long des frondaisons dequels il circulait: la municipalité utilisait une variante ouverte (nacelle) de ces cabines pour envoyer du personnel tailler les arbres, en saison, sans avoir à encombrer au sol avec un camion à nacelle. Il était bien plus facile de faire toute une rangée ainsi (avec une sorte de grand sac récupérateur de coupe, façon gosier de pélican, sous la nacelle de travail) qu'avec un camion. Seule la face "trottoir" restait dépendance des moyens classiques.

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