vendredi 10 avril 2009

chapitre N-13

##N-13
. Depuis fin 1997, on construisait extrêment peu, en France: l'ELR avait rendu difficile l'obtention de permis de construire (et les municipalités ne pouvaient passer outre, y compris pour les bâtiments publics) et durci le "POS", en disant que la maison la plus écologique était celle que l'on ne construisait pas, en réhabitant (et parfois adaptant un peu) ce qui existait. A partir du moment où l'on freinait la démographie au point d'avoir moins de naissances que de décès, en plus d'une politique anti-immigratoire stricte, et des incitations à l'émigrations, ainsi que la facilitation de l'accès au suicide pour tous (sans avoir à justifier pourquoi) il n'existait, selon eux, aucun besoin de nouvel habitat, et l'argent, l'énergie, les matériaux qui auraient été gaspillés à en créer de nouveaux permettraient d'en améliorer un bien plus grand nombre d'existants. Ceci (en plus de la chute vertigineuse de la spéculation immobilière dès les sondages donnant une probabilité de victoire à l'ELR, vu sa promesse de mettre fin à "la tradition pétainiste de l'hypernatalisme", promesse tenue) avait conduit l'ex-puissant lobby immobilier à ne plus en être un, et achevé, ainsi, d'empêcher les grands partis pro-lobbystes (l'autre grand lobby étant le pharmaco-médical, lui aussi restreint financièrement et privé de toute influence par l'ELR) de renaître de leurs cendres. On démollissait même plus (de logements sociaux concentrationnaires) que l'on ne construisait, mais moins que la population ne baissait, d'où l'effet de dépression immobilière (au sens physique: chute de la pression des demandeurs de logements). On construisait aussi très peu de routes et presque plus d'autoroutes: juste quelques petits contournements manquants dans le réseau existant. Aucun "nouvel axe". L'ELR rappelait que les gens ne voulaient pas travailler dans le BTP, donc que c'était l'opportunité idéale pour restreindre la demande de travaux publics (sauf les centrales géothermiques) et de constructions de logements sans créer de chômage: ceci avait accéléré le redépart des clandestins, jusqu'alors massivement employés dans les entreprises de BTP, en plus de celles ayant subi d'énormes amendes (et une peine de prison pour le recruteur, quand on pouvait prouver que le clandestin n'avait présenté que des faux papiers peu trompeurs) suite à la nuée d'inspections qui avaient eu lieu en vue de démanteler cette filière.

. L'ELR avait aussi fortement réduit le nombre de jours et les créneaux horaires pendant lesquels les travaux bruyants (dont ceux des entreprises de jardinage) étaient tolérés en zone résidentielles, appliquant ainsi à tout le pays ce qui était déjà le cas dans les municipalités conquises par l'ELR bien avant 1997. L'outillage à moteur deux temps n'était plus autorisé sans insonorisation et dépollution conséquente, ce qui le mettait hors jeu (à la fois par le prix et le poids ajouté) par rapport au matériel quatre temps (plus facile à insonoriser) et surtout l'électrique. Les municipalités ne pouvaient plus non plus limiter le droit de chacun à clôturer efficacement son lot, en particulier les murs et autres clôtures pouvaient atteindre 2m50 sans aucune autorisation préalable à condition d'être "d'une couleur et d'un aspect de matière ne se démarquant pas trop de l'environnement existant", mais on ne pouvait imposer un matériau: seulement une apparence, qui pouvait être un camoufflage "environnement local" peint. Il n'était plus possible de racheter ultérieurement la mitoyenneté d'un mur qui n'avait pas été construit mitoyen. Cette disposition archaique faisait partie des dizaines de milliers de textes de lois abrogés pendant l'été 1997 lors de la mise au propre du code civil (en particulier tout jargon en avait été ôté: un texte compris par moins de 70% de la population était considéré comme à refaire d'urgence, et de fait, contestable tant qu'il n'avait pas été réécrit "en français clairement intelligible").

. Parmi les transformations radicales du système scolaire français, le "tout utilitaire technique" qui avait désubventionné tout ce qui était "études culturelles" ou "sciences humaines", estimant que les gens s'intéressant à ces domaines pouvaient les étudier en autodicactes à titre de loisirs. L'ELR avait misé à fond sur la robotique, mais d'une façon un peu différente du modèle japonais qui misait beaucoup sur les robots humanoïdes. Laissant le domaine de la robotique d'apparence réaliste (animale ou humaine) aux ingénieurs de VTP, les écoles d'ingénieurs se concentraient surtout sur la robotique fonctionnelle, dont les robots ressemblaient souvent à des insectes, pour avoir de nombreux "bras" (pinces pouvant approcher la complexité de mouvement d'une main) ou "jambes" (souvent terminées par des roues) partant d'un corps extensible, pivotant et le plus contorsionnable possible, sans tête: les capteurs étaient dans les membres. Grimper aux arbres en repérant l'organisation des branches pour choisir le meilleur parcours, escalader des éboulis insables de roches, circuler dans des enchevêtrements de poutrelles, gravats et câbles se prenant dans les membres du robot à la moindre erreur: là étaient les principaux défis à relever. La robotique fixe (pour fabrications) était elle aussi fortement encourragée: l'ancienne taxe "sociale" sur les robots, destinée jadis à préserver des emplois archaïques, avait été abolie et l'utilisation de robots de fabrication fortement favorisée: l'ELR souhaitait une société où l'on aurait moins besoin de travailler. Pour cela il fallait robotiser, tout en freinant la démographie pour avoir moins de frais liés aux humains à assumer. La notion de salaire maximal (au delà duquel on devait soit se mettre à son compte, soit n'obtenir d'augmentations que sous forme de jours de congés supplémentaires) avait contribué à débloquer l'accès aux emplois qualifiés, la jeunesse surdiplômée n'étant ainsi plus cantonnée au chômage où à des emplois de bas de gamme (ménage, caissière...): il n'existait plus de gros salaires, mais il existait des emplois dans lesquels on travaillait moins, à salaire égal, ce qui permettait d'en faire profiter plus d'un employé, contrairement à l'ancien système. La robotisation des tâches ingrates pouvait donc se développer sans créer de chômage. La caissière robotisée avait fait l'objet d'un concours entre des équipes de neuf écoles d'ingénieurs. Elle n'avait pas à ressembler à une caissière humaine: elle pouvait avoir plus de bras, avec des préhenseurs variés (aspiration, ventouses, pinces diverses) selon le type de marchandise à manipuler, et incorporant le lecteur de codes-barres. La répression des fraudes aux codes-barres par la DGCCRF étant "féroce" depuis 1997, plus aucun magasin ne prenait le risque de frauder, le principe étant "si le prix augmente, l'augmenter d'abord en rayon, ensuite seulement dans l'ordinateur, si le prix baisse, le baisser d'abord dans l'ordinateur, ensuite en rayon, de cette façon il n'y a aucun risque d'escroquer des clients". Toute erreur imposait le retour à l'étiquettage physique en clair de tous les produits pendant plusieurs mois, voire un an en cas de récidive: l'utilisation du code-barre n'était selon l'ELR qu'une dérogation par rapport à l'étiquettage du prix en clair, dérogation révoquée à la première fraude en caisse. Les caissières robots profitaient de cette fiabilité maintenant impérative des prix "internes" par rapport aux prix affichés.
. Parmi les autres domaines nécessitant de la robotique avancée, le désossage des véhicules et de toutes sortes d'appareils, car non seulement les modèles étaient innombrables, mais surtout les robots allaient devoir se débrouiller avec des pièces faussés, encrassées (trou de vis plein de terre sèchée, par exemple), aux vis parfois endommagées, et savoir y réagir. On ne demandait pas de créer un robot sachant tout démonter seul, mais une collection permettant à l'opérateur humain de n'intervenir que pour les cas "tordus". La robotique excellait dans le démontage des cartes électroniques (même avec des pattes de composants couchées, ou engluées de l'espèce de colle que l'on rencontrait de temps à autres) le tri et le test des composants. La taxation des produits neufs prenait déjà en compte la durée de vie (plus l'objet était éphémère, plus il était taxé par rapport à un concurrent plus durable) et la complexité de séparation en matières et composants réutilisables. Ce qui était facile à monter était parfois difficile à démonter, en particulier quand certaines parties étaient collées ou emboitées avec des crans flexibles. Le démontage des épaves automobiles posait moins de problème, même si certains sous-ensembles, eux, ne s'y prêtaient pas. Une tendance qui disparaissait dans les modèles neufs (ou le non-réparable était fortement taxé) mais grouillait dans le parc existant.
. Une bonne partie du retraitement des voitures (non accidentées et non dévorées de rouille) consistait à les moderniser, et non à les désosser entièrement: à quoi bon détruire la carrosserie, les sièges, le tableau de bord, qui représentaient beaucoup de main d'oeuvre et de matières quand il suffisait de changer quelques sous-ensembles mécaniques pour rendre le véhicule attrayant à revendre, parce que beaucoup moins cher qu'un neuf (à condition de pouvoir le moderniser avec des méthodes de travail modernes, et non artisanale, d'où la nécessité d'une robotique ayant en mémoire un grand nombre de modèles de différents constructeurs) tout en proposant une motorisation hybride diesel/électrique, gaz/électrique ou tout-électrique.

. L'un des facteurs de maintien de la majorité ELR (malgré une proportionnelle "par lot" (de huit) qui caricaturait moins les majorités relatives de voix en majorités absolues de siège) était d'avoir su "faire mettre genou à terre" aux banques et assurances: c'était facile, en votant des lois, du moment que l'on n'était pas financé par ces lobbies. Entre autres, l'intéressement des banques aux placements: les "frais" ne pouvaient désormais qu'être proportionnels au revenu net (et net d'inflation s'il y en avait, tout ne comptant pas la déflation) du placement: si l'épargnant gagnait réellement de l'argent avec son placement, la banque en avait une partie (pourcentage prévu au contrat), mais s'il en perdait, la banque aussi: au lieu de "frais", elle abondait une "participation aux pertes". Ceci changeait totalement la stratégie de commercialisation des "produits" financiers auprès de la clientelle. En particulier il ne pouvait plus y avoir de "droits d'entrée": il y avait un pourcentage récupéré par la banque en sortie si et seulement si le placement rapportait. Les agents du fisc et de la répression des fraudes vérifiaient les comptes internes de la banque pour détecter toute marge ou frais clandestins, c'est à dire autre que le taux d'intéressement de la banque mentionné au client dans son contrat et qui devait être mentionné dans une taille de caractères et un contraste suffisant dans toute publicité, brochure, etc, concernant ce placement. De plus il n'y avait aucun inconvénient fiscal, désormais, à quitter une banque, même si on devait liquider ses placements, du moment qu'un montant au moins égal était réinvesti dans les deux mois suivants. Les procédures de rachat de crédits étaient elles aussi simplifiées: il restait au nouvel établissement à voir s'il l'intéressait de proposer moins cher pour récupérer ce client, ou non. Pour les assurances, depuis l'automne 1997 quiconque n'avait pas de malus pouvait en changer avec seulement un mois de préavis. Les barèmes forfaitaires de traitement des sinistres entre compagnies étaient interdits (ils conduisaient souvent à des arrangements contraires à l'intérêt de l'assuré): ces pratiques qui pouvaient encore trouver des arguments à l'ère pré-informatique pour accélérer le règlement des dossiers n'avaient plus aucune justification depuis plusieurs décénies d'informatisation des comptes et transactions. En cas de contestation sur le montant, l'assuré pouvait exiger un remplacement à l'identique en nature, un expert indépendant (dépendant uniquement de l'Etat: recyclage d'anciens fonctionnaires) contrôlant que l'offre compensait réellement de préjudice de celui qui avait subi le dommage dans son droit. La révolution la plus importante, en 1997, avait été de distinguer véhicule et conducteur: l'assurance de responsabilité civile (dommages causés aux tiers) était propre au conducteur (qu'il eût une voiture, plusieurs, ou aucune), l'assurance des dommages (quand ils n'étaient pas imputés à un tiers indentifiable) étant propre au véhicule. L'assurance conducteur pouvait être limitée à certains types de véhicules: à comparer au code inscrit sur l'attestation d'assurance du véhicule. Dans le cas des locations, si le conducteur n'avait pas d'assurance conducteur ou si elle était insuffisante pour ce type de véhicule, le loueur devait lui en fournir et facturer une. Dans le cas du prêt de véhicule, le prêteur devait vérifier que l'emprunteur était assuré pour, sinon sa propre responsabilité serait co-engagée, après épuisement de la solvabilité de l'emprunteur en cas de sinistre.

. Aymrald (car en liaison avec le bureau d'études de VTP il utilisait ce prénom) avait beaucoup appris en robotique ces dernières années, passant de simple metteur au point final de comportement à assistant des concepteurs: tout ce qui n'était pas "génial" mais demandait de bonnes connaissances en électronique numérique et analogique ainsi qu'en mécanique et hydraulique pouvait lui être sous-traité, comme à bien d'autres ingénieurs (d'école ou ayant acquis cette qualification "sur le tas" chez VTP, titre ne vallant alors qu'en interne). Il avait suivi en téléenseignement interactif les cours de Centrale Dinard qui avait une sorte de "service après-formation" de ses ingénieurs, pour ceux qui le souhaitaient ou en avaient besoin. Sans être "intelligent" au sens "brillant", il continuait à apprendre vite et bien, souvent mieux (et de façon bien plus utilisable dans des cas réels) que des gens ayant un QI largement supérieur au sien, ceci parce qu'il abordait la question avec modestie et ouverture d'esprit: il ne prétendait pas (même intérieurement) détenir de meilleures idées que ce que lui proposait la téléformation, donc l'avalait sans préjugés ni prétention à brûler des étapes. Tout rentrait, et rentrait solidement. Il n'avait pas souffert dans ses études, contrairement à la plupart des ex-jeunes (y compris ingénieurs), donc cette notion ne lui répugnait pas. Il avait senti qu'on le poussait petit à petit hors de BFRSF et dans VTPSF, mais puisqu'il s'agissait de robotique, cette évolution l'intéressait: lui qui aurait initialement aimé entrer chez Kermanac'h (mais que cette entreprise et son système de formation fort efficace ne l'avaient pas jugé d'un niveau suffisant pour cela, puisque se réservant fort naturellement les meilleurs) retournait dans la robotique, la mécanique, l'électrotechnique et l'hydraulique par une voie d'apparence plus ludique (les êtres artificiels et autres machineries de trucages du cinéma) mais qui n'était pas moins technologique. De plus, la phase "nouvelle aventure industrielle" des chairs artificielles (Saumonix, Kanardix...) était devenue routinière au fil du temps.

. Il n'avait jamais affaire directement à la "Direction mondiale": il télétravaillait avec les deux bureaux d'études français, celui de La Défense (pour l'informatique et les circuits électroniques) et celui de VTP22 pour tout ce qui prenait plus de place à fabriquer. Chez VTPSF, travaillait surtout à l'amélioration des "exosquelettes" à retour d'effort, descendants (de plus en plus sophistiqués, en particulier en matière de précision du retour tactile, bien que ce fût encore grossier par rapport à du direct: comme à travers de gros gants) de celui dans lequel il avait piloté le robot de Kerminator. Il participait toujours aux travaux des structures animées de toutes sortes de "mécanimaux", réalistes ou imaginaires.
. Il existait des applications militaires, en particulier des "économiseurs de présence" pour diminuer le nombre de soldats ou gendarmes ayant l'air de surveiller ceci ou cela (et qui en réalité n'étaient pas très utiles face à un vrai attentat) en les remplaçant par des robots réalistes, surtout vus de loin et surtout pour faire la sentinelle, quelques rondes, etc. VTP avait déjà construit de faux gardes républicains (cheval inclus) et de faux motards en gants blancs pour ses films et téléfilms, simulations matérielles pouvant tout aussi bien servir pour "faire nombre" dans une occasion officielle réelle, puisque le protocole déterminait le rôle de chacun presqu'aussi précisément qu'un storyboard animé de chez VTP.
. La robotique de cinéma présentait un gros avantage pratique: les accus n'avaient pas à l'alimenter longtemps, puisqu'il était possible de les échanger entre deux prises, ce qui permettait d'en réduire fortement le poids par rapport à de la robotique mobile "pour de vrai". D'autre part, le robot connaissait d'avance ce qu'il allait rencontrer comme sols, obstacles, autres objets (pas besoin de système d'analyse d'image très poussé: juste vérifier que ce qui contenait le bon transpondeur était bien placé, et non devoir envisager "tout et n'importe quoi" sans information préalable) ce qui simplifiait considérablement son "intelligence embarquée": il avait surtout à faire de petites corrections de positions par rapport au modèle initial (en comparant continuellement ce qu'il mesurait à ce que cela aurait dû être). En fait il ne rencontrait pas plus de surprises qu'un robot de peinture automobile, informé du type de structure qui arrivait sur la chaîne et connaissant pour chaque type le parcours de pulvérisation à lui appliquer. Il lui restait toutefois à gérer les adhérences (dont le modèle théorique restait trop approximatif pour lui faire directement confiance), élasticités des zones d'appui (idem) et l'équilibre, contrairement à un robot de peinture ou de soudure, tout ne devant jamais avoir l'air d'hésiter, sauf si c'était ce que lui demandait le scénario.

. VTP l'utilisa (tourné chez VTPSF) parmi d'autres dans une émission sur la robotique, une partie de l'émission montrant ce qui se faisait avec beaucoup de moyens, en particulier pour le cinéma (sans dévoiler des secrets maison: ce qui était montré suffirait déjà à captiver une bonne partie du public), une autre partie ce qu'un bricoleur un peu averti (sachant programmer un microcontrôleur et assembler un peu d'électronique et de mécanique) pouvait expérimenter chez lui, à partir le plus souvent d'éléments récupérés dans des épaves d'appareils électroniques (moteurs de lecteurs de K7, de lecteur CD ou d'imprimantes, composants divers, et comment les dessouder, contacteurs de portes de micro-ondes, etc) ainsi que de vélos, de patins à roulettes, et comment tirer partie de certaines fournitures bon marché non destinées à cela (par exemple les tubes en PVC de petit diamètre) mais pouvant être reconverties dans ces montages.
. Parmi les divers intervenants, on pourrait voir de temps en temps Zhao, Adrien ou Erwann, chacun dans les domaines où il avait réellement travaillé. L'émission pouvait être enregistrée en partie en Finlande, pour ce que ferait fonctionner et expliquerait Erwann, donc il était possible de tourner les séquences sans contraintes calendaires. Erwann avait accepté parce que cela le remettait, du point de vue du public, dans sa fonction "naturelle" d'ingénieur. Il n'avait pas à "jouer", pour enregister cela, sauf pour la voix, car il était plus naturelle de faire les choses, puis de réenregistrer ensuite son propre commentaire, sinon cela eût fait perdre du naturel et de la fluidité à l'action: il ne s'agissait pas d'aller plus vite, mais de se faire oublier au profit de ce qui était expliqué, or pour cela, mieux vallait ne pas avoir à parler en le faisant, pas même entre les étapes car cela eût fait perdre du temps. Etre son propre doubleur ensuite permettait de se concentrer sur la façon de parler, sans avoir l'esprit pris par ce qu'il y avait à faire.

. Il n'était pas utilisé comme "produit d'appel", puisque dans la plupart des plans (ce n'était pas lui non plus qui avait à s'occuper des caméras, mais des gens de VTPSF, ou la programmation automatique) on ne verrait que ses mains et des parties d'avant-bras. On verrait une plus grande partie de lui quand la prise de vue aurait besoin de reculer pour fournir une image d'ensemble de la réalisation technique en cours, et surtout lors des tests de fonctionnement où il fallait de l'espace pour les mouvements. Le tout était entrecoupé d'explications en virtuel de ce qui se passait, en particulier pour voir des parties internes et pouvoir les faire changer de couleur pour suivre le commentaire.

. L'exosquelette de pilotage serait présenté lui aussi. VTP n'était pas la seule société de production visuelle à en utiliser, et l'on en trouvait aussi dans d'autres domaines techniques, mais via la série d'épisodes qui lui seraient consacrés, les spectateurs allaient pouvoir apprendre à en construire un, en commençant par ne capter que certains mouvements, puis pouvoir l'étoffer peu à peu pour mieux suivre ceux de telle ou telle partie du corps. On supposait que le public intéressé enregistrerait pour pouvoir repasser chaque étape au fil de la construction réelle éventuelle. C'était tourné en stéréoscopie et les divers thèmes techniques de la série seraient proposés après diffusion sur support enregistré, avec accès interactif aux informations et animations, ce qui n'était pas possible dans la diffusion télé, ainsi qu'un nombre d'informations disponibles optionnelles (selon exploration de l'utilisateur) beaucoup plus important, alors que l'on n'eût pas pu mettre tout ceci dans le format de l'émission.

. Cet été 2002, VTP tourna trois films d'horreur (sans lui) techniquement aussi bien faits que "Danger: nouilles", dont deux de style plus classique et un troisième basé sur la malveillance des objets dans une maison (à commencer par les pieds de lit, se repliant et se détendant pour frapper les pieds humains avec une violence inouïe) d'une façon sournoise calquée sur les vrais agressions et sabotages perpétrés par les vrais objets soit-disant inanimés, comme avaient pu le constater l'essentiel du public dans la vie réelle. Ce qui tombait d'une table visait toujours le sexe (alors que statistiquement, l'une des cuisses eût été plus probable, mais dans la vie réelle c'était bien l'entrejambe qui l'attirait comme un aimant) ou les pieds quand on était debout. L'eau versée dans une cuvette (ou autre chose) réussissait à former une goutte bondissante qui montait deux à trois fois plus haut que la hauteur de laquelle on versait (phénomène paradoxal mais reproductible en laboratoire. Ce qui était improbable, c'était que cela arrivât aussi souvent, rappelant que la vie réelle ne respectait pas les probabilités constatées dans les expériences de laboratoire), et atteignait toujours un oeil, voire les deux. La porte de placard haut de cuisine choissant de s'ouvrir juste quand un personnage était baissé, pour le frapper en pleine nuque quand il se relevait et le rendre tétraplégique. Les tables basses frappant les jambes comme des plots de flipper (le principe de précaution étant de ne pas avoir ce type de table, ou alors lumineuse, ronde et caoutchoutée... Comme un plot de flipper), les angles saillants d'autres tables ou dessus d'autres meubles frappant au hanches, rompant des cols de fémurs de personnes âgées. Un récital savamment scénarisé d'accidents domestiques faisant comprendre pourquoi les chefs bédouins préféraient vivre dans une tente pleine de coussins. L'un des habitants décidait de se défendre au moyen d'une tronçonneuse (puis une grosse disqueuse pour ce qui était métallique) amputant ou rognant toute partie de meuble perpétrant une agression: "tout ce qui est capable de ruse et de sadisme est assez conscient pour pouvoir souffrir". Les autres le prenaient pour fou (surtout sa femme, voyant le mobilier ainsi tronçonné) mais le film prouvait qu'il avait raison, car il réussissait à survivre (les agressions contre lui cessaient: après que la chaîne de la tronçonneuse eût été rompue par rencontre avec un gros clou dans le bois, il disquait le clou puis continuait à la hache), contrairement à eux. Il n'y avait pas de broyeur d'évacuation d'évier, contrairement aux films américains. Les objets étaient ordinaires, et ce n'étaient pas ceux comportant des mécanismes et moteurs qui étaient pervers: personne ne s'était blessé avec le robot Moulinex, ni la scie circulaire, en découpant les planches pour faire des étagères, ni même la tronçonneuse: c'était des objets soit-disant inertes, donc dont les habitants (et au début le public) ne se méfiaient pas que venaient les agressions.

. Ce film ne s'appelait pas "Accidents domestiques", car VTP avait déjà utilisé ce titre dans un film de Lucien Venant sur les paricides, affaires très souvent classées "accidents domestiques", autrefois, pour ne pas faire savoir aux autres enfants qu'il était possible de réussir à tuer son père (ou parfois sa mère), qui devait rester (dans l'ancien système) vu comme un être surpuissant et indestructible: comme l'Etat. Qui découvirait qu'il était possible de vaincre son père penserait plus tard pouvoir renverser l'Etat, estimaient probablement les détenteurs du pouvoir jusqu'alors. Ca aurait pu s'appeler "101 façons de tuer ses parents" mais VTP ne cherchait pas à lui donner une dominante comique: il fallait que la peur par laquelle les parents règnaient sur leurs enfants fût perceptible, donc sans humour, sauf celui par lequel les parents s'amusaient à ridiculiser un de leurs enfants, en plus des brimades classiques. "Accidents domestiques" décrivait la façon dont la justice étouffait ces affaires, souvent avec la complicité des autres adultes de la famille, quand le caractère meurtrier et souvent prémédité du paricite (ou matricide) n'était pas flagrant et impossible à dissimuler. Il y avait des cas de légitime défense instantanée, mais le plus souvent il s'agissait de vengeances ou de prévention de la prochaine agression parentale, et quelques cas de solidarité, en particulier par le frère ou le soeur d'une victime d'inceste, profitant du peu d'intention que lui prêtait le père incestueux pour le piéger et soit l'éliminer, soit l'émasculer entièrement. Dans un des cas c'était fait à l'aide du chien d'un voisin (arrachant l'entrejambe du père en mettant l'os à nu), que la soeur vengeresse de sa cadette avait l'habitude de promener. C'était filmé à vue d'enfant, donnant l'impression de devoir lutter contre un géant qui ne pourrait être vaincu que par la ruse, souvent par simple opportunité, comme la présence du perforateur électropneumatique, branché, posé juste derrière le père en train de bricoler dans un mur et utilisant à ce moment un autre outil. Le gamin s'en saisissait et plongeait le burin dans la colonne vertébrale de son père tout en pressant la détente, pour le paralyser à vie.
. "Vengeance nocturne" était imaginaire et divertissant, "Accidents domestique" était terre à terre au point que l'on pouvait penser que c'était tiré d'archives réelles.

. Au début du procédé entièrement numérique 5000 lignes (8888x5000 pixels pour chaque oeil) VTP réservait celui-ci à ses grands films à grand spectacle, comme "Les miroirs du temps", le reste sortant en téléfilms. La puissance de traitement disponible s'étant fortement accrue entretemps, il était maintenant "raisonnable" de sortir aussi pour le cinéma (mais en format 4/3, en prévision du passage à la télévision: 6666x5000 pixels, ce qui consommait 33% de moins) des films utilisant moins les grands espaces (ce n'était pas signé "Kerfilm" mais d'autres labels du groupe), tout en veillant à ce qu'il y ait assez de choses à voir à l'écran pour mériter le grand. La stéréoscopie rendait les parents encore plus impressionnants et effrayants vus d'un enfant, de même qu'en salle les sons inquiétants rôdaient autour de lui quand il se cachait pour leur échapper. Il restait toutefois une majorité (70%) de films d'action et d'aventure, dans le format cinéma, chez VTP.
. Le Crépuscule de Gomorrhe avait eu un succès fulgurant, rattrappant (à nombre de jours d'exploitation égal) et dépassant un peu celui du "Crépuscule de Rome". Le film n'en montrait peut-être pas autant que l'espéraient certains, mais l'imagination dans la débauche y remédiait, ainsi que les acteurs qui semblaient s'être bien amusés tout en s'appliquant à avoir l'air d'y croire. "On parle toujours de Sodome, mais que se passait-il à Gomorrhe? Les gens voudront savoir", avait proposé à la direction le scénariste maison en le storyboardant rapidement sans y avoir organisé toutes les scènes. Scatophagie, nécrophilie, zoophilie s'ajoutaient à la "gomorrhisation", ainsi que les jeux, l'alcool et l'inhalation de drogues étranges aux vapeurs colorées, obtenues en versant de l'eau bouillante sur des plantes et champignons locaux. Un côté "années 70" (y compris une musique psychédélique jouée avec des instruments à eau donnant un son étrangement planant) mais dans une architecture et avec des personnages de péplums.

. Nouveau péplum lancé cet été 2002: "les douze travaux d'Hercule", avec Eudes Cozannet, qui ressemblait à Georg (ex-Kerminator) mais en brun chocolaté: une ambiance et une ampleur d'action typiquement "Kerfilm", un scénario certes prévisible, mais tout comme celui de l'Odyssée: ça n'avait pas été un obstacle à un bon acceuil en salles.

. Cette année, VTP sortirait enfin plus de films (de cinéma) sans Erwann d'Ambert qu'avec, ce qu'il trouvait lui aussi une meilleure chose: même si VTP ne l'utilisait pas de façon "insistante" à l'intérieur des films (si on l'y voyait souvent, c'était parce que nécessaire à l'action), le mettre dans trop de films aurait pu "brouiller" ses personnages de l'un à l'autre. Le film "la statue de Dorian Gray", qui avait besoin de beaucoup de simulations de quartiers de Paris à travers le temps, ne l'utiliserait pas, puisque ce n'était pas un rôle d'action (du moins pas principalement d'action) et que le personnage serait souvent vu de près (et sa statue plus encore) puisqu'outre le sortilège, le narcissisme était le thème du film. Erwann ne savait pas encore quel acteur ils choisiraient: peut-être Jarkko. Ce serait un "blond nordique", en tout cas, car ressemblant mieux ainsi à la statue qui se modifierait à sa place. VTP trouvait que ce qui manquait dans les nombreuses adaptations de cette histoire, c'était la marque progressive du temps sur tout le reste: toute la société autour. Certains films avaient triché en ne tournant que des scènes d'intérieur, et quelques extérieurs nuit. Là était le défi à relever pour leurs infographistes, et là serait l'impact visuel du film: le personnage et sa statue, le public s'y attendrait, mais la traversée des âges de Paris, autour (bâtiments, publicités, végétation, aspect des voies, véhicules, style des piétons...) donnerait probablement envie à bien des gens de le revoir. Dorian n'irait pas de 22 à 38 ans, mais de 20 à 70 (1924-1974: né en 1904 pour ne pas avoir eu à faire la guerre de 14). VTP avait déjà modélisé tout ce qu'il fallait pour les années 30 pour "Traction", les années 40 et 70 pour les parties de "Gamma" se passant à Paris et aurait l'usage d'autres périodes dans d'autres tournages. Certaines parties de Paris seraient reproduites pour toutes les époques, d'autres traversées uniquement dans telle ou telle époque, pour varier. Il y avait aussi du Paris virtuel desctructible dans "Alvéole 75", mais postérieur à l'intervale de temps utilisé dans "La statue de Dorian Gray". Il fallait aussi faire vieillir les autres personnages: d'abord par maquillage, puis par infographie ou remplacement robotique, selon les scènes.

. Après avoir eu connaissance de ce projet, Erwann se réexamina attentivement, en ressortant son modèle émilianométrique de l'été 1995: une statue virtuelle souple, animable en tous sens. Sept ans déjà. Le changement corporel était le plus évident: il avait gagné des centimètres et du muscle, mais même dans les traits il découvrait une évolution, comme si l'ancien Aymrald, qui lui semblait pourtant assez "défini", à l'époque, n'était que le brouillon de l'actuel dont les traits auraient été repassés en plus nets, en particulier les yeux et les coins de la bouche. Un peu plus prédateur, tout en gardant dans l'ensemble son air "bon enfant" (encore trop, d'ailleurs, pour jouer un mercenaire: Igor paraissait très frais, la façon de jouer et de le filmer tentant le faire oublier): c'était en comparant à l'ancien qu'il s'en rendait compte. Allait-il finir en vampire? Certes, mieux vallait vieillir en prédateur qu'en proie, mais il n'était pas pressé de se transformer en la variante la plus sanguinaire de lui-même: un Attéen n'était pas quelqu'un d'inquiétant, en principe. Il se souvint alors qu'Huntington ne lui laisserait pas le temps de vérifier s'il finirait par ressembler plutôt à Fulbert, à Esko, ou à une autre variante d'ancètre. VTP s'était amusé à simuler son évolution (comme pour d'autres de ses acteurs) dans divers scénarii de vie, essentiellement la discipline alimentaire et l'activité physique: ça allait du Bavarois à la momie, mais sans cesser de lui ressembler.

. Il allait jouer dans "Oubliettes", où celles d'un château transformé en hôtel de luxe communiquaient avec un monde "d'entre-vivants" peuplés de fangeux inspirés des BD de Druillet, où son personnage (non encore nommé: on verrait ça après tournage) devait descendre récupérer une clef de coffre, tombée entre deux dalles, ce qui l'entraînait dans des aventures angoissantes. Il y retrouvait parfois les restes, parfois les mutants (vivants ou morts-vivants) de disparus antérieurs qu'il avait connus, en particulier des perdants de certains jeux spéciaux du casino occupant les caves voûtées du château. Il n'était pas au courant de tout ceci, ayant hérité récemment de l'établissement. Le thème du contraste entre un monde "d'en haut" très chic, propre et festif cachant des dessous à ne pas montrer aux invités était classique, mais sans copier un film existant et avec toute la panoplie d'effets spéciaux de VTP, tout en sachant rester sobre tant que cela faisait plus peur que trop en montrer. Erwann y aurait ses vêtements progressivement déchirés et arrachés (pas entièrement) et serait parfois englué de diverses choses (de la bave filante? De la toile d'araignée géante? Du fromage fondu verdâtre?), après être descendu tout propre et frais. Il libérerait des gens pas encore transformés (ou juste un peu) qui l'aideraient à leur tour, mais il ne parviendrait pas à les ramener "en haut", bien d'autres péripéties s'y opposant. Un film bien "gore" et ne niant pas le côté involontairement drôle du genre, une fois l'effet de surprise passé, tout en restant joué sérieusement ("dramatiquement") au premier degré, comme d'habitude. Erwann ayant fini plus de rôles mort que vivant (parfois mort-vivant), le public ne pourrait pas deviner s'il ressortirait des "Oubliettes".

. Cet été, il participa à l'installation et aux règlages de la nouvelle fromagerie, domaine dans lequel il était rarement intervenu. Il avait été forrmé à cela en France pendant ses tournages précédents: il s'agissait de procéder aux essais à grande échelle de substitution du lait et de la presure par une poudre fabriquée par les bioréacteurs électroaccélérés des laboratoires de Rennes, à la fois moins chère à produire que le lait et surtout permettant d'obtenir plus vite un fromage plus goûteux, avec moins de risques sanitaires lors de la préparation. En effet, le prix du lait avait nettement augmenté suite à la baisse de la demande de viande induite par les produits de substitution déjà produits par BFR. BFR estimait qu'il était plus rentable d'introduire son substitut de "lait empresuré" directement dans sa propre production fromagère que de commercialiser du faux lait, le fromage ayant une valeur ajoutée supérieure, tirant parti de ce que ce produit se substitution se prêtait beaucoup mieux à la fermentation fromagère que le lait ordinaire empresuré. De plus, l'huile ajoutée pour remplacer l'absence de graisse animale était bien plus riche en "oméga-3" que le fromage laitier. Le tout était de trouver un goût et une consistance satisfaisantes, très "fromage" (pas du tout "tofu"), tout en optimisant le coût de production. Le procédé étant moins compliqué que la production et l'imprégnation des matrices de fibres de la viande artificielle, on pouvait espérer un prix au kilo très bas. Restait (c'était le travail des biologistes et généticiens de Rennes) à mettre au point de nouveaux ferments capables de produire des "bleus" et pseudo-Roquefort à partir de ce faux fromage. La technique était différente de celle utilisée pour le "Bleu de Brest", et elle se prêtait mieux, espérait BFR, à de la production de masse. Stéphane avait fait ses preuves en pilotage d'installations de nouvelles productions, et BFR savait qu'il était de bonne confidentialité sur de tels projets.
. BFR allait lancer ces fromages sur le marché de l'allégé, à un prix voisin (juste un peu inférieur) à celui des équivalents laitiers déjà produits à Rennes. Au prix antérieur à l'augmentation du cours du lait. Le substitut de biosynthèse de BFR n'avait aucun effet hormonal, contrairement au lait de soja, ce qui était un argument important.

. Il y avait aussi les incubateurs spéciaux, à catalyseurs électrorégénérés (pseudo-catalyseurs, en fait, puisqu'il fallait les régénérer électrochimiquement pour les maintenir en état) produisant des éléments nutritifs pour les micro-organismes créant le faux lait "fromager". C'était la partie la plus secrète de l'installation: Stéphane ne connaissait pas les formules chimiques et moins encore les ADN utilisés, mais juste comment fonctionnait techniquement l'installation et comment agir sur les divers règlables en fonction des propriétés constatées ou désirées au niveau de la transformation en fromages. BFR avait mis au point des substrats capables, sous l'effet d'un camp électrique (consommant peu) de capter le gaz carbonique, en particulier en aval de certaines industries bien contentes de faire appel à ce prestataire de services (installant les filtres sur ses rejets atmosphériques, en avant de ceux contre le souffre, le NO2, etc) pour réduire leur taxe sur les rejets à effet de serre. Ce substrat ainsi fortement enrichi en carbone servait ensuite, rappatrié chez BFR, à faire croître à très grande vitesse les micro-organisme retransformant cette concentration de CO2 en matières carbonées alimentaires, ici pseudo-laitières. D'autres "réacteurs" expérimentaux utilisaient un broyat de déchets combustibles (papier, carton, bois, et même certains plastiques) qu'une première espèce de bactérie liquéfiait à l'usage des suivantes. L'enrichissement en calcium se faisait en ajoutant de la poussière de craie (les coquilles d'huîtres broyées étaient aussi testées) dans le processus, transformé en calcium biodisponible par les micro-organismes. L'un de ces projets était destiné à la refabrication de nourriture sur Mars sans les inconvénients de reconstitution de tout un écosystème classique (projet trop ambitieux pour les capacités de transport actuelles) et de ce fait subventionné par l'Europe. Pas de géothermie sur Mars (jusqu'à preuve du contraire) donc le système devrait se contenter d'électricité solaire pour fonctionner, ainsi que d'énergie solaire directe, effectuant la photosynthèse à partir du gaz carbonique rejeté par les cosmonautes tout en recyclant leurs matières fécales.
. Sur terre c'était bien plus facile, surtout avec une centrale géothermique pour disposer continuement d'une grosse puissance électrique à bas prix.
. Stéphane trouva cette nouvelle aventure de "nourriture-fiction" passionnante. Certes, il n'était pas en amont, parmi les chercheurs élaborant ces micro-organismes et les grilles électrochimiques qui amélioraient leur rendement, mais il était de ceux qui transformaient ceci en aliments dégustables. Outre la mise en place de la machinerie (différente d'une fromagerie classique, les lois de fermentation n'étant pas les mêmes) il y avait les divers contrôles de qualité gustative permettant petit à petit de définir plusieurs variétés de pâtes satisfaisantes au goût, puis tester leur réaction à l'ensemmencement "bleu" pour ce type de fromae. La première pâte était réensemencée à l'aide de croisements de batéries fromagères plus classiques, sélectionnées pour tirer partie de ce faux fromage au faux lait et d'y dévopper les petites cavités gris-bleu-vert poilues tant appréciées des clients. D'autres réensemencements créaient d'autres goûts et aspects, par exemple des trous: une myriade de trous fins comme dans le Pyrennées, ou quelques gros comme dans l'emmental.
. Par la suite ce fût le fromage de chèvre artificiel qui fut industrialisé, frais ou ferme, à partir d'une autre formulation de lait artificiel emprésuré d'origine.
. Stéphane proposa à Timo et Nelli (qui ne travaillaient plus chez BFR), ainsi qu'un garçon et deux filles qu'ils connaissaient, tout un plateau de "fromages" sans lait, dont des prototypes de règlages non commercialisés mais que lui avait trouvés intéressant. Ca se conservait assez bien à température ambiante et n'ayant pas dit initialement que c'était du faux fromage on crut que c'était une comparaison pour distinguer les vrais des faux: le "Bleu de Brest" était déjà connu, mais pas les autres. Tous les fromages étaient faux, mais les convives y trouvèrent des différences, affirmant "oui, celui-là, il est au vrai lait: on sent bien la différence", etc.
. Pour éviter trop de problèmes avec le lobby laitier finlandais qui jusqu'ici avait été son allié, BFRSF avait accepté de commercialiser localement ses fromages sans lait plus cher (+30%) que les vrais (alors qu'ils revenaient moins cher), sachant qu'il y aurait une clientelle soucieuse de sa ligne qui les achèterait quand même, voire avec plus de confiance que s'il était moins cher, ce qui aurait pu lui donner un statut d'ersatz dans l'esprit de certains consommateurs. La fausse matière grasse (leurre gustatif inoffensif qui aurait à lui seul fait tripler le cours de Bourse de BFR si cet entreprise y avait été cotée, ce qui n'était pas et ne serait pas le cas) faisait partie de la préparation. C'était grâce à cette molécule simulant le goût gras en bouche, accompagnée d'autres arômes pour ressembler à du beurre cuit, que le kouign-amann au faux beurre (non remplacé par de l'huile aromatisée) et faux sucre avait réussi à tromper nombre d'amateurs, en dégustation à l'aveugle. Il restait donc une des trois "nuisances alimentaires pour la santé" à imiter: le sel. VTP n'avait pas de faux sel donnant le même goût pour nettement moins d'inconvénients, le tout à un coût raisonnable. Toutefois, le sel n'était pas perçu que pour lui-même mais aussi comme moyen d'accentuer la perception d'autres goûts (tant que l'on ne salait pas trop), donc augmenter par des arômes artificiels et "agents de sapidité" non salins ces autres goûts dans un produit habituellement salé permettait de le saler moins (par exemple les frites) sans lui donner l'air fade. Saler moins, mais saler quand même, le goût salé ayant aussi son rôle à jouer pour son propre compte.

. Stéphane continuait à s'entraîner (et aussi parce que c'était amusant) aux tripatins motorisés (l'autonomie était brève, mais permettait des relances plus rapides après avoir récupéré de l'énergie en décélération dans des phases précédentes) dans les structures courbes construites par VTPSF à cet effet, rendues plus vastes et compliquées qu'à l'époque de "Peur filante". Viljami, Oskari et quelques autres y avaient aussi fait de gros progrès.

. "Otages volants" sortit les 21 et 24 juillet, incorporant et détournant certains clichés du genre: la femme enceinte sur le point d'accoucher, "y'a-t-il un médecin dans l'avion" mais l'enfant ne passant pas, et une césarienne n'étant pas envisageable à bord, tous deux mourraient de l'hémorragie de la mère. L'homme d'affaires avec ses contrats urgents réussissait à les transmettre via le Lioubioutchaï une fois l'avion amerri. Il y avait aussi la vieille dame transportant l'urne qui contenait les cendres de son mari: celles-ci se répandaient dans tout l'avion lors d'un des loopings. La policière participant au voyage faisait partie des premières victimes du robot. Si on regardait bien arrière de la scène de l'accouchement (raté) on pouvait voir des stewarts s'embrasser langoureusement dans l'office. L'intensité de l'action faisait que peu de gens s'en apercevrait en voyant le film pour la première fois. Deux semaines plus tard, un Kerfilm dans lequel il ne jouait pas donc dont il pu découvrir le scénario ex-nihilo: "0016: herbivores".

. Stéphane avait aussi vu (sorti un peu avant) le film "Double bang" tourné en stéréoscopie à "Bollywood" par Sean Murciano: bien fait (mise en oeuvre infographique soignée des acrobaties aériennes), mais plus classique, avec un peu trop de blabla par rapport à l'action et des poncifs non détournés, mais pas plus que dans les autres films de péril aérien américains. L'une des plus belles scènes, selon Erwann, était la série de virages sur l'aile (sur la tranche, même, d'un côté puis de l'autre) du supersonique russe pris entre les tours géantes de Dubaï dont le bang supersonique faisait dégringoler toutes les vitres. Il y avait d'autres dommages colatéraux lors du vol au ras des flots pour échapper aux radars, rappelant un peu "Vol 714 pour Sydney". Ce n'était pas un "remake" de "Airport 80 Concorde". Les acteurs américains étaient peu connus (déjà aperçus comme "consommables" dans des séries) laissant supposer que parmi les "stéréoscopiquement acceptables" les connus, les, "bankables", comme on disait là-bas, n'avaient pas accepté d'y jouer à ce tarif. Le film était "bankable" parce que ses acteurs ne l'étaient pas, là était la nouvelle stratégie.

. Ce fut aussi la sortie du film sur ce changement: "Le crépuscule des stars" (qui aux Etats-Unis sortait sous un titre à moitié allemand: "Stars's dämmerung", et non "twilight" ou "nightfall", parce que déjà déposés), produit par Kirk Hansen et réalisé (essentiellement) par Scott Sokoïev, au cours duquel il put voir que les Américains s'étaient procurés un bon sosie de lui-même (certaines choses avaient-elles été retouchées, directement ou par infographie? Peu importait, la restitution était fidèle et non caricaturale, sans être un clône). Il ne saurait qu'à la fin son nom (car là aussi, les usages "jamais de noms au début" avaient été imités). C'était un peu après le début du film. Au début, on voyait les stars (les vraies, acceptant d'y jouer leur propre rôle et d'autres acteurs choisis comme sosies de ceux qui n'avaient pas voulu y jouer) négociant des contrats à plusieurs millions d'euros, plus la suppression de telle scène, le nom à l'affiche avant celui d'un autre, etc, les Porsche, Lamborghini, Ferrari, etc, les avions privés. Puis un producteur se rendait en France (caricature de la Bretagne, visiblement inspirée de ce qu'ils avaient vu dans les films Kergatoëc et Kerminator) pour observer les méthodes de VTP: plateaux robotisés comme une chaîne de montage japonaise, acteurs à tout faire (y compris résoudre les bourrages papier dans la photocopieuse), multitournages à la chaîne, coiffure automatisée (ceinture de sécurité permettant de retourner le fauteuil pour découper au laser en aspirant en même temps) maquillage idem (façon robot de peinture automobile en miniature). L'acteur jouant Erwann (style "Harald"), entre deux prises, recevait un message dans l'oreillette:
- il y a l'embrayage de la voiture traveling qui patine, tu peux t'en occuper?
suite à quoi après s'être intéressé à d'autres aspect du site (avec d'autres acteurs ressemblant beaucoup aux VTP les plus connus) on le revoyait en arrière-plan en train de sortir au palan à chaîne l'ensemble du groupe moteur-boite du plateau six roues SM bardé de caméras, terrasses et bras articulés. Tout ceci était assez rapide (pas de gags trop appuyés), car cette partie demandait beaucoup de trucages, de maquillages, de retouche infographiques de personnages, etc. On voyait en fin de Erwann s'installer dans sa Trielec à pédales (le film ne précisait pas qu'il y avait aussi un moteur électrique, donc ceux qui ne connaissaient pas penseraient qu'elle marchait entièrement aux mollets), qu'il avait pu garer sous un auvant, puis Vittorio (avec un ciré jaune à capuche, pour cause de pluie) se mettre au volant d'une Ami-6 blanche qu'il démarrait à la manivelle. Kirk Hansen et son réalisateur avaient cherché une voiture qui pût réellement démarrer ainsi, ce qui n'était plus le cas de la R4 (initialement envisagée), et comme l'Ami-6 avait un look bien plus baroque, un exemplaire (en assez bon état) avait été importé, ainsi qu'une quarantaine d'autres véhicules achetés en France [en veillant à prendre surtout des modèles n'ayant pas été importés aux Etats-Unis (facile!), ou ne l'ayant été que sous un aspect assez différent de la version européenne (par exemple la 505 break), pour bien montrer que c'étaient des vrais], souvent dans des casses: seuls quelques-uns auraient besoin de pouvoir rouler, et il était possible de remplir les rues d'autres modèles par infographie, quand c'était vu de plus loin. Ensuite il roulait à travers une campagne typiquement bretonne (filmée en vrai sur place), était doublé par un motard (moto BMW bicylindre, bien reconnaissable: achetée aux "domaines", importée et retapée à Hollywood. Ce modèle (type R85) avait aussi été vendu aux Etats-Unis (pas de problème pour les pièces), mais il était plus simple d'avoir directement la version "Gendarmerie française"), jetait un coup d'oeil à la voiture en la dépassant, puis lui faisait signe de s'arrêter. On avait pu voir qu'effectivement les essuie-glace n'essuyaient plus grand chose, en plus d'un bout de lamelle qui traînait en biais à la suite des balais. Il sortait de la voiture (contrairement à ce que l'on voyait souvent dans les films américains où l'arrêté attendait dedans) après avoir remis sa capuche de ciré, avec ses papiers à la main et restait à côté, en laissant bien sûr tourner le moteur, pendant que le motard avait béquillé sans se presser son destrier teutonique et réajusté ses gants blancs, puis (en évitant de copier l'attitude des policiers américains, bien que l'acteur le fût):
- vos essuie-glaces sont trop usés, il y a une amende pour ça. [consultant les papiers]... ah, vous êtes Vittorio Cario! Bon, disons que je n'ai pas bien vu, mais dépêchez-vous d'en racheter, tout de même: vous n'aurez qu'à tourner un film de plus.

. Tout ceci était rapide (dans l'arrière-plan d'une autre scène on voyait aussi Vittorio porter un sac de ciment puis en ajouter dans une bétonnière en fonctionnement, un des studios étant en travaux d'extension), le producteur retournait à Hollywood et décidait de faire un film à grand spectacle à bas coût: "si on paie les acteurs au tarif français, on aura de quoi s'acheter tout ce qu'il faut comme ordinateurs", expliquait-il à un banquier. Suivait alors (c'était l'essentiel du film) la "roumanisation" des revenus d'acteurs hollywoodiens et la robotisation des plateaux, avec licenciement en masse du "petit personnel" puisque ce que les robots ne savait pas faire était maintenant confiés aux acteurs dès qu'ils ne tournaient pas. Une des stars:
- ah non: même Vittorio n'accepterait pas de tourner à ce prix!
- si, parce que lui, c'est pour quatre films et des travaux de maçonnerie entre les prises, qu'il touche ça.
. La déchéance de certains, l'ascension de petits nouveaux aux dents longues et à petit prix, tout ceci sembla fort bien mené à Erwann y compris la façon dont le film (mais ça ne durait pas longtemps) s'était gentiment moqué de son personnage, en évitant tout américanisme involontaire dans cette portion du film, à commencer par le fait que les "Français" ne prononçaient pas le nom de ceux auxquels il s'adressaient. Jamais, même, alors qu'en réalité ça se faisait juste rarement. Dans la version originale, c'était en anglais (pour être plus pratique pour le spectateur) mais sous-titré en français, pour rappeler qu'en "réalité" c'en était. Bravo pour les acteurs (et actrices) américains de "premier rang" ayant accepté de tourner en participation (et avec un tout petit coëfficient) dans cette redoutable auto-critique hollywoodienne, ainsi que les nouveaux imitant les anciens, ou jouant des rôles d'inédits prenant leur place. Le film était aussi un avertissement, dans l'esprit de ses auteurs, puisque les dangers de l'alcool et de la drogue à Hollywood y étaient clairement illustrés. Beaucoup d'humour (souvent noir), beaucoup d'idées, pas tellement de moyens (seule la reconstitution "française" en avait demandé bien plus) mais (ce fut l'avis de la plupart des VTP l'ayant vu) on passait un bon moment et ce film allait probablement avoir du succès. Toutefois, ça ne marcherait qu'une fois, par définition, même si la série télévisée qui pouvait en découler avait des chances d'avoir de bons scores elle aussi. Au générique final il vit (il y avait comme dans beaucoup de films des "clins d'oeil" sous forme de petites séquences. Le sien étant celui où (vu de plus près que dans le film, où cette scène n'était qu'un arrière plan) il sortait le groupe moteur-boite de la SM au palan à chaîne) que son sosie pour le film s'appelait Ralf Vatanen. Vrai nom, ou inspiré du pilote de rallye? Il avait vu qu'il y en avait bien d'autres, dans les annuaires finlandais. Un Attéen, en tout cas. Le vert des yeux était peut-être infographique, de même que les dents (on les voyait rarement) mais les Américains semblaient avoir fait un casting "à la VTP", pour le trouver, ainsi que les autres "équivalents VTP". Ils le réutiliseraient probablement dans leurs propres films, et pas juste dans cette parodie aigre-douce de l'évolution du métier.
. On voyait fonctionner une machine à recruter ressemblant beaucoup à l'Emilianomètre, mais n'utilisant pas les mêmes critères: c'était un peu comme pour les empreintes digitales ou les portraits-robot automatiques dans "les Experts". Après y avoir introduit un candidat, il y avait des tas de têtes d'acteurs (ou actrices, selon le cas) connus qui défilaient, et parfois ça s'arrêtait avec l'inscription "Match: 94%" [mais pas en gros, contrairement à l'habitude ridicule des séries américaines: en petit, dans un angle] Hollywood s'en servait pour remplacer par leurs sosies (via cet immense casting automatisé) les stars qui n'acceptaient pas de tourner à prix écrasé. Ce film causa une inquiétude réelle dans ce milieu, aux Etats-Unis: si VTP y était quelque peu caricaturé, ce qu'en faisait ensuite le producteur "iconoclaste" américain (jouant en fait le rôle de Hansen, bien que ne lui ressemblant pas), avec l'appuis de deux banques pour s'équiper ainsi, était plausible, et donc était peut-être déjà en cours, sinon comment Hansen et Sokoïev auraient-ils réellement trouvé des "nouveaux" aussi ressemblants pour ce film? Bien sûr, pour un film (surtout non-stéréoscopique) il y avait bien des moyens de tricher, avec ou sans infographie, mais tout de même...

. Ralf Vatanen fut interviewé peu après la sortie. Il n'avait pas les yeux verts mais d'un gris-bleu pâle, sa denture n'était pas la même mais compatible (l'infographie n'avait retraité que les canines), le dessin des lèvres était "du même genre", ce qui le rendait plus ressemblant que juste un "Attéen" de série.
. Atte était considéré comme ayant endossé des rôles plus "impliquants" que ceux d'Erwann, même si techniquement ceux du Breton étaient reconnus comme plus difficiles, y compris de l'avis des fans d'Atte. Ceci laissait deviner que "Silmät" avait dû être prévu avec Atte. Le rôle le plus "Attéen" d'Erwann dans les HF "Kerfilm" était souvent supposé être Harald dans "Drakkars et dragons", car ce personnage était moins prévisible (sans être incohérent) et plus amusant (sans jamais "faire du comique") qu'un Rolvar, un Valériac ou un Sigbert (même si Valériac reconstitué avec des poissons puis suivi par des chats avait aussi pu faire sourire). Une hypothèse parmi les fans d'Atte était que ce rôle aurait pu utiliser Atte, dans le style de jeu, mais que la densité d'action était telle que seul Erwann pouvait le faire sans faire perdre de temps au tournage. VTPSF (hypothèse "hors sol", puisque par du public) avait pu faire "rotoscoper" le jeu non acrobatique par Atte, puis imité par Erwann qui semblait savoir imiter n'importe qui.

l'intervieweuse- combien de garçons ont-ils examinés pour te trouver?
Ralf- près de quarante mille, mais sur le tas il ne cherchaient pas que lui: ça a permis de trouver aussi ceux qui joueraient les autres VTP et nos stars à nous.
i- la machine morphométrique existe-t-elle réellement?
R- oui, sauf qu'elle n'a pas été inventée pour ça. Je crois qu'elle a juste été louée pour le film, d'ailleurs. Elle vient de l'aéronautique, pour contrôler des déformations de pièces compliquées ou copier des prototypes, donc il faut mettre une protection sur les yeux car les faisceaux lasers ne les éviteraient pas. On utilise des lentilles opaques, pour ceux qui les supportent, sinon on met juste une petite bande de carton noir devant et on finit d'analyser la forme des yeux avec un autre appareillage, mais seulement si tout le reste convient déjà pour un des rôles. Le problème, c'est de garder la pose. Il faut souvent recommencer, même si le quadrillage que l'on nous peint avant sur la peau aide le logiciel à compenser l'effet des petits mouvements, comme celui de la respiration. Le vrai "Emilianomètre" de VTP est beaucoup plus rapide, car eux, ils savaient qu'il n'analyseraient pas des objets inertes avec.
. Ralf semblait se prendre au rôle "Erwann" puisqu'il donnait à loisir des détails techniques comme il supposait que le vrai l'eût fait.
i- vas-tu avoir le même genre de rôles que le vrai?
R- peu probable: je ne ferais pas un bon joueur de rinnepallo et je ne vois pas jongler entre six tournages tout en démontant une "SM".
. Il avait dit "èssèm" (bien net) sans dire "Citroën", pour faire plus "dans le ton": peu importait que le spectateur eût identifié ou non le véhicule de travelling comme en étant une (quoique la SM fût connue là-bas, mais pas avec les phares européens), tandis que ceux qui connaissaient verrait que le film n'avait pas triché. Ni le modèle ni la marque n'étaient prononcés dans le film. VTP n'utilisait pas un tel break: les voitures travelings étaient de conception maison (et Kermanac'h), de type "plateau" à moteurs électriques et quatre roues directrices, permettant aussi de rouler en crabe ou "chemin de fer", etc, pour se positionner au mieux par rapport à une voiture lancée à grande vitesse sur vraie route. Sokoïev le savait, mais connaissait l'existence d'une telle voiture-travelling en France (utilisée par d'autres réalisateurs, antérieurement) et comme elle ne roulerait pas, dans la scène où elle serait vue, il était facile d'emprunter chez "SM Word" une SM normale à éclairage européen (nécessitant déjà une extraction moteur-boite pour travaux, donc ce ne serait même pas du temps perdu) et d'en substituer tout l'arrière par infographie, la précision de suivi étant assuré par des filets de couleur vive collés sur la partie arrière de la vraie. Ralf intervenait donc dans la vraie partie avant (aucun trucage nécessaire) et cette scène d'extraction du groupe moteur-boite au palan à chaîne, plein d'autres pièces sur les établis alentours et la boite plus levée pour laisser l'arrière du moteur de désincruster de sous le pare-brise, était en même temps un clin d'oeil au "remake" stéréscopique de "Christine" par VTP qui était un film assez connu aux Etats-Unis. Les autres voitures étaient soit entièrement réelles (celles achetées "au poids" ou presque sur place, l'Ami-6 s'étant avérée la plus chère car c'était déjà un "collector": le break était bien plus répandu que la berline utilisée dans le film) soit entièrement virtuelles (pour remplir les rues au loin, en mouvement ou non).
i- que penses-tu d'Erwann d'Ambert?
R- ça faisait un certain temps que l'on me disait que je lui ressemblais, à lui ou à Atte, alors j'ai vu tous ses films en relief. Il ne faut pas en voir plus de deux ou trois par jour, sinon après on a la tête qui tourne un peu, avec l'overdose de mouvements de caméras en stéréoscopie, mais un ou deux, on passe un bon moment, donc c'est normal que ça fasse autant d'entrées dans le monde: les Japonais, les Argentins ou les Russes apprécient certainement autant.
i- les films, mais l'acteur?
R- chez VTP c'est indissociable. S'ils le mettent dans leurs plus gros films d'action, c'est qu'il est doué pour ça. Mais surtout, pouvoir en tourner plusieurs en même temps, ça, effectivement, c'est fort. Ce n'est pas juste comme plusieurs épisodes d'une même série télévisée. Par contre, bricoler des accessoires de trucages ou transporter du matériel entre deux prises, moi, j'aime bien: c'est mieux que d'attendre pour rien le moment où tout sera prêt, tant qu'à faire, et puis c'est payé, mine de rien. Hansen Media s'est inspiré du système de points d'intéressement de VTP: que ce soit du tournage ou de la manutention, tout compte.
i- as-tu pensé à travailler pour VTP?
R- on me l'avait suggéré, mais je ne crois pas qu'ils prennent d'Américains. Il ne prennent déjà pas de Norvégiens, même pour les films de Vikings, parce que ce n'est pas dans la communauté européenne, il paraît. Problème fiscal, droit du travail: c'est très soviétique, l'Europe, du point de vue administratif. On n'a rien le droit d'y faire sans avoir rempli des tas de paperasses et attendu la réponse pendant des mois avant de devoir en remplir encore d'autres pour d'autres administrations, et ainsi de suite. Le mur de Berlin est tombé, mais pas du côté que l'on croit.
. Ralf ne savait pas que l'Europe avait déjà bien entamé sa dékafkaïfication (et pas uniquement en France), mais son intervieweuse non plus.

. Ralf n'avait qu'un petit rôle, puisque situé dans une petite partie du film (17 minutes: ça suffisait pour montrer comment travaillaient les Bretons, plus un petit peu d'anectodique), mais un de ceux dont le public se souviendrait. L'intérêt soudain que lui portèrent nombre de médias le confirmèrent, alors que ce qu'il avait joué dans ce film ne présentait pas de difficultés: les trois cascades que son personnage (Erwann) exécutait "sans trucage", dans la partie se déroulant en France, étaient truquées pour l'acteur. En fait il s'intéressait plus à Erwann d'Ambert (et depuis plus tôt: dès "Cap sur Mars") qu'il ne l'avait précisé dans l'interview: il collectait toute info sur lui et s'était entraîné à l'imiter en se filmant avec une vidéo pour pouvoir ensuite vérifier à froid: c'était bien plus objectif que devant une glace, sans savoir que de ce fait il imitait souvent des acteurs (le plus souvent américains) que VTP avaient étudiés comme modèle virtuel de jeu pour lui. "Acteur gestuellement caméléon, que l'on voit peut-être jouer son propre rôle dans les matchs de rinnepallo à condition qu'il ne soit pas en train de miner involontairement un autre sportif". Ca, Ralf ne l'avait appris que plus récemment, car il y avait à l'époque peu de documents en anglais sur Erwann d'Ambert et il ne lisait pas encore le français (il y avait fait bien des progrès depuis). Lorsque "Les miroirs du temps" était sorti, surprenant tout le monde, il avait eu la confirmation qu'il avait misé sur le bon cheval: Erwann d'Ambert n'était pas qu'un acteur de série (même de SF comme "Cap sur Mars", où il avait d'ailleurs disparu depuis longtemps, au profit de ses deux remplaçants scandinaves) mais désormais aussi un acteur de HF, et de superbe HF, en plus: rien à voir avec celles de Schwarzennegger. Certes, dans ce film, il était un des acteurs principaux, sans plus, mais bien que n'étant pas un des plus grands ni des plus costauds (sans être petit ni faible non plus) ni même des plus "spectaculairement beaux" (il connaissait les goûts des filles, s'étant souvent vu préférer des garçons qui "avaient l'air" mais qui en fait comportaient bien des défauts d'aspect, "et pas que de détails", à croire que les filles se laissaient plus charmer par de l'esbrouffe qu'elles ne regardaient réellement) il était bien plus "absorbé" dans le film que les autres, lui avait-il semblé: il donnait l'impression d'avoir fait ça toute sa vie. Il avait vu le film deux fois, la seconde fois en français sous-titré (très peu diffusé ainsi, VTP étant plutôt contre, car ça ferait "film étranger en VO donc chiant", mais ne l'avait pas refusé aux salles l'ayant déjà exploité un certain temps en version anglophone). Heureusement, "Les miroirs du temps" n'était pas un film bavard, et les sous-titres étaient hors image (l'écran n'étant pas assez large pour éviter une bande noire en bas) donc très lisibles: c'était un appareil séparé (de type vidéoprojecteur) qui les projetait synchronisés à la piste son, avec changement de couleur façon karaoké, car il n'existait pas de copie à sous-titres intégrés. Le procédé "karaoké" était destiné à faciliter l'apprentissage des langues car il y avait aussi le sous-titre en français, en plus de celui en anglais. Le changement de couleur n'était donc pas par balayage continu (l'ordre n'étant souvent pas le même), mais mot par mot en fonction du sens ou par groupes de mots d'un coup au moment où le sens correspondant était prononcé. Ca permettait de projeter le film avec des sous-titres de n'importe quelles langues sans avoir besoin d'une nouvelle copie. Il avait appris l'espagnol à l'école (pas très bien, mais il avait au moins les bases) et comme c'était une langue latine, le "châssis grammatical" était presque le même, donc ensuite c'était surtout une question d'acquisition de vocabulaire et de tournures. Toutefois il avait vite compris que le français ne suffirait pas: il allait devoir se "cogner" une langue autrement plus compliquée puisqu'Erwann parlait finnois et allait certainement aussi tourner des films là-bas. "Drakkars et dragons" le lui avait confirmé et son finnois était encore totalement insuffisant à en extraire autre chose que des bribes sans queue ni tête, comme une petite poignée de pièces d'un puzzle géant. Le finnois avait des sons clairs, là n'était pas le problème (de plus les anglophones tenaient compte des longueurs, contrairement aux francophones), mais des mots composés déclinés longs comme des trains de marchandises et demandant énormément de mémoire pour tenir tout ça "en l'air" en temps de tenter d'en déboulonner les déclinaisons et comprendre qui faisait quoi, dans cette phrase ou partie de phrase. Ralf laissa donc tomber le finnois (tout en relisant un peu la méthode de temps en temps): il eût fallu y consacrer une vie entière, estimait-il. Erwann d'Ambert avait dû l'apprendre plus jeune, pour une raison ou une autre.

. Il se nourrisait comme lui (du moins le supposait-il: rien que du BFR "optimisé" à part les fruits et légumes frais), ne cherchait pas à être un sosie "temps réel" (il ne portait pas de lentilles vertes et avait rarement été coiffé comme le vrai au même moment) mais à être un "bon élève", si possible autant qu'un Atte ou un Viljami. Ce dernier était peu connu "perso" du public américain, qui l'avait pourtant déjà vu dans des oeuvres de VTPSF ou de VTP, mais Ralf, lui, savait qui c'était. Contrairement à ce qu'il avait répondu, il s'entraînait sérieusement au rinnepallo (il y avait un terrain non loin de chez lui, par chance), sans être encore "titulaire" dans une équipe même modeste: il n'était que remplaçant occasionnel pour les matchs entre équipes, donc surtout là "pour faire du nombre en face" à l'entraînement.

. Suite à la sortie du film, il fut contacté par des annonceurs publicitaires, réfléchit un peu puis dit qu'il allait réfléchir, et ne donna pas suite. Non seulement c'était trop tôt, mais en plus il supposait que le "vrai" ne l'aurait pas fait.

. "Danger: nouilles" marchait même aux Etats-Unis. Au fil du temps, la réputation des films "Kerfilm" avait atteint le grand public (et pas uniquement celui des riverains des rares salles à en projeter, au début): ce "grand public" était maintenant sûr de ne pas s'ennuyer en allant en voir un. Kerfilm avait aussi eu pour effet de relancer la stéréoscopie à Hollywood, malgré son effet catastrophique pour certaines actrices et certains acteurs (mais pas tous: il y en avait qui passaient bien dedans) du fait de la multiplication des salles équipées ainsi (version "vraies couleurs" avec filtres polarisés), multiplication des salles dûe à l'ampleur du catalogue Kerfilm assurant de remplir continuellement la salle avec de la stéréoscopie, en roulements. Or c'était la multiplication de ces salles (qui représentaient maintenant 9% des salles américaines) qu'Hollywood attendait pour se remettre au cinéma stéréoscopique, les salles ayant jusqu'alors attendu que les réalisateurs et producteurs fissent le premier pas. Problème de l'oeuf et de la poule que l'offre française (déjà 101 films chez VTP, dont 70 pour "Kerfilm", en ne comptant que ceux déjà sortis) avait réussi à amorcer. Ce procédé n'étant pas encore disponible à la télévision (il faudrait des écrans spéciaux alternant des pixels polarisés de façon complémentaire, ou utiliser des lunettes virtuelles à la place du téléviseur, ce qui imposait une paire par personne), c'était un avantage de plus pour le "vu en salle".

. Ce qui était décrit dans "Le crépuscule des acteurs" ne s'était pas encore produit à ce point, quelques productions assez grassement rétribuées (mais bien moins qu'avant, toutefois) étant encore en cours, probablement parce que déjà signées avant. D'autres utilisaient effectivement de nouveaux acteurs bon marché issus du grand casting "scientifique" organisé par Hansen pour "Le crépuscule des acteurs". Ce film fit autant de bruit dans le milieu cinématographique américain que "Merdes molles" en avait fait en France, en son temps, et Hansen/Sokoïev se firent un grand nombre d'ennemis, tout en s'étant assurés l'assiduité de leurs banquiers, vu le démarrage en trombe de l'exploitation de ce premier film "nouvelles méthodes". Et encore: il était loin de disposer de l'automation montrée dans le film. Il y avait quelques robots issus de l'industrie automobile pour reproduire fidèlement (à l'identique quelque fût le nombre de prises à refaire: les acteurs de Hansen étaient encore loin du "monoprise") des mouvements de caméras, ainsi que les prises de son ou la projection de marques laser mobiles au sol pour guider les acteurs, mais l'essentiel restait manuel, confié aux acteurs "hors moments de tournage ou de préparation au tournage".

. La délocalisation des tournages des "gros films d'action" en Inde ("Double bang") avait été vue par Hollywood comme une menace plus grave que la concurrence faite par VTP, car cette fois ce seraient des films paraissant très américains (avec tout ce à quoi leurs spectateurs étaient habitués dans ces films, y compris ce qui était considéré comme des travers agaçants par nous mais bien vécu voire souhaité chez eux), non doublés, avec des personnages ancrés dans la façon de penser et de vivre américaine, ce qui n'était pas du tout le cas de ceux des films de VTP, considérés comme plus latins d'attitude même quand ils étaient joués par des Finlandais. "Double bang" connaissait un grand succès à domicile et une carrière valable à l'exportation, ce qui confirmait les inquiétudes des studios hollywoodiens, tout décidant d'autres producteurs à faire de même, constatant à l'écran qu'il était possible de tourner ça là-bas "sans que cela se voie": ces producteurs l'envisageaient déjà, mais avaient douté de la qualité d'un tel tournage avant d'avoir vu le premier grand film d'action (habituellement à gros budget) réalisé ainsi. Bollywood n'avait pas autant robotisé ses tournages que VTP, la différence de coût de main d'oeuvre ne rendant pas cette évolution urgente. La direction d'acteurs restait conventionnelle (ne s'inspirant pas de VTP pour ce qui se passait lors du tournage proprement dit) mais comportait un entraînement en virtuel chez eux, préalablement au tournage en Inde. Il y avait d'ailleurs une discussion sur la rémunération de ce temps d'entraînement individuel à domicile, avec un système de lunettes virtuelles russes, tandis que les scènes d'action répétées dans les studios américains étaient clairement du temps de travail pour le tournage, rémunéré comme tel.
. Les travailleurs américains des divers studios rappelèrent que rien qu'en France, le système VTP avait fait disparaître 78% des emplois de ce secteur tout en produisant beaucoup plus de films à succès qu'antérieurement, et annonçaient donc un chômage massif dans le secteur cinématographique américain si les délocalisations de tournage en Inde se poursuivaient: "nous demandons une taxation des entrées faites aux Etats-Unis par les films tournés en délocalisation qui en suppriment encore plus que l'imitation du système VTP chez nous ne l'aurait fait". Ils ne l'obtinrent pas, et l'imitation (partielle) du système VTP était déjà en cours chez "Hansen Media", puisque les acteurs devenaient "hommes à tout faire" (ou femmes à tout faire: pas de sexisme), ce qui avait sur les autres emplois les mêmes effets qu'une robotisation "à la VTP".

. La profession en voulait bien plus à "Serpico Production" d'avoir tourné "Double bang" en Inde (et surtout de l'y avoir réussi) qu'à Kerfilm d'avoir lancé "Chargeur camembert", un film de gangsters américains (italo-américains) dont aucune scène n'avait été tournée aux Etats-Unis: de la part d'un producteur non-américain, ce n'était ni inattendu ni inquiétant, de même qu'il y avait eu des "westerns spaghetti". D'autres films américains (de producteur, réalisateur, scénario et acteurs) étaient en tournage à Bollywood. Hansen était de ce fait moins vilipendé que "Serpico Production": au moins, lui, il tournait sur place, avec des acteurs locaux, même s'ils étaient payés comme des livreurs de pizzas.
. En fait, à moyen terme, ils ne seraient pas trop mal payés (à l'échelle française...) si "Le crépuscule des stars" confirmait son succès international, et pas seulement américain: ils étaient rémunérés à l'intéressement, façon VTP, mais avec un coëfficient bien plus élevé car Hansen ne s'attendait pas à ce que son film fît une telle carrière, y compris en Europe. Les stars (bientôt ex-stars?) qui avaient accepté d'y jouer au tarif "pizza" avaient deviné que ce film aurait un grand impact, car en plus de son sujet il était techniquement bien orchestré: on ne s'ennuyerait pas en le voyant, même une fois le principe "éventé". De plus, jouer (pour certains) leur propre nauffrage (dans le scénario, d'où des morts par accident, overdoses, suicides...) pouvait être un moyen de se vacciner mentalement contre de telles dérives: "Le crépuscule des stars" pouvait avoir un rôle prophylactique lui évitant d'être trop prémonitoire, et puis pour une fois que l'on avait l'occasion de ridiculiser un peu les "VTP" (en ne chargant pas tellement la barque, en fait), il eût été dommage de s'en priver. En plus de la série dérivée, Hansen étudiait l'opportunité de faire un film sur Bollywood (et non à Bollywood), ou plus exactement sur les films "américains" made-in-India, et (comme le précédent) ne le tournerait pas là-bas, tout en allant faire des prises de vues sur place et se procurer du matériel "couleur locale". Ce serait un film plus commique que le précédent, sur les mésaventure de producteurs américains tenant de faire un gros "coup" financier en tournant un énorme péplum à Bollywood, non sans allusion au "Crépuscule de Rome", mais où tout ce qui était de l'infographie "indétectable" chez Kerfilm serait du carton-pâte monté par une main-d'oeuvre abondante et très bon marché dans la version "bollywoodienne", et non sans catastrophes y compris les acteurs américains malades après avoir fait trempette dans le Gange ou mangé des produits locaux. En fait Hansen comptait utiliser de l'infographie pour simuler des décors "romains" grandioses faits à la main par les Indiens: ça devait faire un peu faux, mais pas comme l'eût fait de l'imagerie de synthèse moins sophistiquée que celle de Tarsini: il fallait simuler "du faux du monde réel", avec un peu de vrai faux (à base de matériaux réels) pour les plans les plus proches. De cette façon Hansen estimait pouvoir à la fois parodier Kerfilm (sans pouvoir l'imiter) et Bollywood, puisque ce serait Bollywood tentant d'imiter Kerfilm sans infographie (ou trop rudimentaire), en plus de quantité d'autres anecdotes et imprévus (blessures réelles de gladiateurs croyant que ce n'était qu'une simulation, etc). Un autre film sur le tournage d'un film (ça avait déjà maintes fois été fait) mais dans un contexte encore inédit.
. Steve Beck, le faux Vittorio eut plusieurs contrats publicitaires suite au succès du "Crépuscule des stars", à commencer par une chaîne de magasins de bricolage en raison de la scène avec la bétonnière et autres travaux salissants dans ce film. Quelques autres acteurs intéressèrent aussi des annonceurs, mais Ralf ayant estimé que pour le moment il vallait mieux ne rien signer de tel, ce fut Steve qui en eût le plus. Ralf Vatanen (comme nombre des autres) avait entretemps joué non ambertisé dans "Quand les corps refont surface", un téléfilm policier de Sokoïev pour "Hansen Media" qui allait sortir un mois après "Le crépuscule des acteurs", Hansen comptant sur l'impact de celui-ci pour bien vendre celui-là à une grande chaîne de télévision. Il avait aussi joué dans des épisodes d'une série peu coûteuse (mais assez variée dans l'action) sur les fraudes dans le commerce: une sorte de DGCCRF à l'américaine, qui "rentabilisait" les nouveaux acteurs maison (parmi lesquels il y avait aussi de superbes "Karéens", aurait dit VTPSF) en attendant les prochains grands tournages. Cette fois, il n'y aurait pas (ou peu: on ne les refuserait pas, au tarif "maison") de stars.

. Le succès du "Crépuscule des stars" avait fait des émules: Hansen avait prouvé que l'on pouvait tourner à Hollywood (pas besoin d'aller en Inde) avec des acteurs très bon marché, y compris certains des plus coûteux d'avant: ceux (et celles) qui n'avaient probablement pas besoin d'argent (car n'ayant pas "tout claqué" ni subi de divorce financièrement suicidaire) et avaient été intéressés par le projet, ou avaient estimé qu'il vallait mieux y jouer comme "self", plutôt que de risquer d'être remplacé par un sosie issu du casting (qui jouait alors un personnage ayant un autre nom que celui de la star visée, pour éviter tout problème juridique mais tout le monde voyait bien de qui il s'agissait). Un sosie non clôné qui était souvent "le même en un peu mieux" (comme le faisait déjà VTP), et presque toujours "le même en plus jeune", sauf pour ceux qui l'étaient encore et pour lesquels la montée en flèche des rémunérations venait de retomber comme un soufflé. Grâce à cela, "Le crépuscule des stars" avait eu au tarif "français" (en fait plus cher, mais uniquement parce que le film plaisait bien plus qu'espéré: Hansen ne s'en plaignait pas...) un plus grand nombre d'ex-"bankables" que la plupart des productions récentes au prix fort. De plus, comme c'était "en participation" les banques n'avaient eu à avancer de fonds que pour le matériel et la sous-traitance. Cette playade de stars avait aussi contribué à son succès: était-ce la dernière fois que l'on verrait tel ou telle? La profession reconnaissait que Hansen avait eu le génie de faire le film qu'il fallait au moment le mieux choisi, ceci avec un retour sur invertissement sans précédent dans l'histoire hollywoodienne (seul VTP avait déjà fait mieux, grâce à des frais généraux encore moindre et souvent une diffusion mondiale plus importante).

. Interviewé, Hansen avait répondu:
- il n'y a que deux solutions: Bollywood, car ils font de vrais bons films à l'américaine, maintenant: on ne peut pas le nier et en plus on peut y mettre nos acteurs, mais il ne faut pas trop les payer pour que ce soit vraiment rentable. Ou bien: Hollywood "low cost" en participation, comme je le fais. Que préférez-vous?
[un journaliste]- il y a aussi la Nouvelle Zélande
- oui, pour les paysages, mais ça ne fait pas d'économie de moyens ni de personnel si on garde les méthodes et les cachets habituels. Quant à l'Europe de l'Est, aucun intérêt par rapport à Bollywood, sauf pour y recruter des acteurs "caucasiens" très bon marché: le Caucase, c'est en Tchétchénie, mais ce n'est peut-être pas le moment d'y aller. Donc il reste Bollywood, ou Hollywood low cost.
[j]- ou la sous-traitance via VTP?
- cela supposerait qu'ils acceptent le scénario, or ils voudront pouvoir le remodeler pour être sûr que le film marche bien, et en plus ça sera avec leurs acteurs. En clair, ce sera tout sauf un film américain, à part certaines de nos voitures qu'ils ont dans leurs entrepôts. A budget égal, c'est sûr, VTP et Bollywood font de plus beaux films: "Double bang" le prouve, mais quand on n'a pas besoin d'en mettre plein la vue, je pense qu'ici ça reste possible.
[j]- avec de l'informatique russe...
- inévitable. Pour Bollywood et VTP aussi, d'ailleurs: à ma connaissance, il n'existe pas de supercalculateurs indiens ou français. Par contre VTP est très avancé dans la robotique réaliste, comme vous avez pu le voire dans "Gamma" et d'autres films. Les tigres de Sibérie de "Lobosibirsk" étaient déjà des mécanimaux. Bollywood en est encore aux techniques "Jurassik Park", et ça revient trop cher à la minute pour les animaux à fourrure, ou alors ça se voit.

. Le "Dynamo de Dinan" avait fait des progrès spectaculaires en 2001 et surtout 2002, BFR y ayant appliqué toutes les méthodes d'optimisation d'entraînement et de tactique de jeu par infographie (et capteurs physiologiques de toutes sortes dans la tenue d'entraînement) qui avaient déjà fait leur preuve au rinnepallo. Torbjörn (le 14 des matchs en extérieur et le 11 des matchs à domicile) n'était pas leur seul joueur très photogénique: des candidats pour VTP qui n'étaient pas tout à fait ça (pour l'Emilianomètre ou pour le comportement, la mémoire, etc) avaient pu rester en réserve (pour des rôles accessoires) et s'entraîner à ce qu'ils voulaient (pas de restriction sur les sports à risques, pour eux). Certains avaient choisi le rugby, ayant vu que VTP22 avait sa propre équipe, qui rencontrait souvent celle de Dinan. Les deux avaient ensuite été fusionnées quand BFR avait décidé qu'après les bons résultats du "F15" les garçons aussi devraient disposer de tout ce qui était nécessaires à un entraînement quasi-militaire: il n'y avait pas que du "plat", il y avait aussi du rinnepallo (faire jouer les rugbymen à ce jeu leur faisaient développer d'autres aptitudes), de l'escalade (sans risque: harnais relié à un bras robotisé et filet de chute), de la natation en piscine sans chlore. Il existait toujours un club amateur de VTP22, ce qui permettait à certains rinnepallistes locaux de pratiquer aussi le rugby sans enfreindre la règle de l'amateuriste "tous sports" exigée par la fédération européenne. Erwann avait vu voir certains matchs à la télévision, avec des commentateurs comme "la mêlée n'est qu'une simple formalité pour les déménageurs bretons" ou (au sujet de Georg): "nouvelle livraison de menhir derrière la ligne d'embut. Il y avait plusieurs équipes à Dinan, dont celle formée essentiellement d'étudiants de l'école d'ingénieur qui avaient installés eux-mêmes tout l'équipement fourni par BFR aux diverses équipes. BFR ne pouvait pas avoir sa marque sur des maillots de joueurs de rinnepallo (le statut de ce jeu ne le permettant pas) mais auraient désormais les rugbymen de Dinan comme vecteur publicitaire. Vittorio avait demandé à Torbjörn si Dinan envisageait de faire un "calendrier". Il lui avait montré (en petit sur écran, pour ne pas lui faire savoir qu'un exemplaire avait été imprimé en vrai en plein format) ce qu'avait prototypé Erwann, où Torbjörn était parfois réaliste, parfois fait d'un autre matériau. Le Suédois avait répondu: "si on gagne le bouclier de Brémus l'an prochain, ça se pourrait".

. Phytoclônes sortit le 11 (puis le 14) août de l'été de fromages artificiels de Stéphane, suivi par Neurobogues les 25 et 28 août, film grouillant de déments (donc d'actions démentes), n'importe qui ou presque pouvant le devenir, avant que l'on eût compris que le prion provenait d'une nouvelle variété de cacao utilisé par plusieurs fabricants de chocolat.
. Le lancement d'Alignement direct était prévu pour septembre. Une grosse moitié des "Kerfilm" de 1999 était passée à la télévision, VTP comptant continuer d'exploiter exclusivement en salle les autres (en particulier les "porte-avions") tant que la demande ne tarirait pas.
. Stéphane revit "Chargeur camembert" en finnois, ainsi que Traction. Il savait que VTP allait aussi tourner "la bande à Bono", avec des voitures du tout début du siècle. Il revit aussi "Le cheval de Neptune": tout en donnant priorité à l'action, il donnait envie d'aller en vrai sur ce porte-avions à voiles, qui navigeait depuis début juillet avec environ 500 passagers fortunés (ou s'offrant la croisière de leur vie) à bord. Ce n'était pas un "hôtel flottant" offrant des milliers de places: les coques n'étaient pas très hautes (elles l'étaient assez pour que le pont fût à l'abri des plus grands creux pouvant être rencontrés) et il n'y avait aucune superstructure montant au dessus des ponts, sauf les mâts. Le pilotage se faisait grâce à des caméras haute résolution situés au dessus de ceux-ci. Le poste de pilotage pouvait voir partout, y compris sous l'eau en avant des bulbes immergés des coques. La structure catamaran permettait d'avoir deux fois plus de cabines avec hublot que dans un monocoque de même longueur et hauteur. La moitié avaient vu vers l'intérieur du navire, mais c'était déjà mieux que pas de hublot du tout, d'autant plus qu'un système de miroirs permettait, sans se pencher au dehors, de voir l'horizon libre vers l'avant ou vers l'arrière. La machinerie l'hôtelerie et les quelques salles de plus de 10m de hauteur de plafond étaient dans les coques, les autres services aux voyageurs et divertissements étant répartis dans le pont central, à part six rangées (sur trois étages à l'avant et l'arrière en arrière) de cabines de première classe au bord avant ou arrière du pont, disposant de balcons, contrairement à celles des coques. Les plus chères étaient celles de l'avant, certaines étant des "suites". Un navire original, beau (tant par ses proportions basses -surtout par rapport à une longueur de 340m- que l'élégance de son gréement), économique (et donc partiellement écologique), ludique (casino, leçons de pilotage, bains à remous en pleine mer dans le "panier à frites", etc) et "vu dans un grand film d'action". Trop large pour le canal de Panama, mais vu l'usage auquel il était destiné il n'avait pas besoin d'emprunter. Erwann avait essayé de savoir quelle avait été la négociation avec l'armateur (VTP aurait pu inventer un navire de croisière de ce genre, au lieu de calquer le vrai, donc avait dû toucher quelque chose pour cela) mais il n'avait pas obtenu cette information. L'idée venait d'une bande dessinée que VTP connaissait déjà, mais dont le scénario était différent. L'armateur norvégien avait dû la voir aussi, car elle était bien antérieure au projet. S'il ne l'avait pas vu, c'était que l'architecte navale, lui, l'avait vue et s'en était inspiré pour lui présenter ce projet. Erwann avait pu voir ce navire en phase de finition, amarré à une jetée de Saint Nazaire: le plus grand voilier de l'histoire de la marine mondiale. Certes, il n'était pas rapide, aux voiles ("même par gros temps, on ne risque pas de le voir se mettre sur une seule coque"): bien moins que les "clippers" transatlantiques de la fin du XIXème (par contre grâce à ses mâts-ailes pivotants et voiles semi-rigides optimisées par logiciel il remontait mieux au près), mais tout de même plus que les navires de guerre du début du XIXème. En cas de panne totale des générateurs principaux (plus de carburant), il restait possible d'obtenir du courant (beaucoup moins, mais assez pour assurer les services de base à bord) s'il y avait assez de vent pour le faire avancer: dans ce cas, les hélices entraînaient les moteurs comme générateurs, mode prévu d'origine et stabilisé électroniquement en tension, car par vent suffisant, ce mode servait à économiser du carburant en produisant une partie du courant de cette façon. Des éoliennes auraient permis d'en produire sans avoir à avancer, mais les considérations esthétiques avaient dissuadé d'en installer de grandes. Il y en avait de petites (type "anémomètre" et non hélice. Petites à l'échelle d'ensemble du navire. Sur une maison, elles auraient semblé grandes) en haut des mâts, servant au maintien en charge des accumulateurs de secours de l'informatique et quelques autres fonctions de bord (dont les chambres froides des restaurants), à quai, quand les générateurs ne tournaient pas. Ceci était expliqué dans le film au cours du début puis de certaines péripéties.

. Stéphane appréciait l'indifférence finlandaise locale qui lui permettait de se baigner tranquillement dans le lac, cet été. Les gens savaient qui il était, depuis le temps, mais cela semblait n'avoir aucune importance. Il avait peut-être des fans, mais d'une discrétion telle qu'il ne savait pas qui. Les gens d'ici l'avaient découvert comme superviseur industriel de BFRSF avant le cinéma et le rinnepallo, et s'y étaient vite habitués, comme l'avait espéré BFR en le choisissant. Il allait généralement au lac avec Viljami, qui estimait avoir besoin d'entraînement. Viljami (qui avait joué Fersen dans "Louis XVII") était moins bavard qu'Atte mais bien plus qu'un Finlandais standard.

. "0016: masse manquante" sortit le 8 septembre 2002 et draîna les fidèles de la "série" (qui n'en était pas une, puisqu'il n'était pas nécessaire de connaître les opus antérieurs, même si ça ajoutait quelque chose à l'histoire des personnages "récurents", en particulier pour les prothèses de 0016 [Zhao]): VTP savait que le film marcherait très bien, tout en coûtant moins cher qu'un "monstre" comme "Le crépuscule de Rome" ou "Gamma". Erwann n'avait initialement pas approuvé (mais on ne lui demandait pas son avis) le remplacement de 0016 par Igor dans cette mission ("ce serait mieux s'il restait chez les méchants") mais la dynamique générale du film "passaient par dessus" cette considération. Toutefois il continuait de penser que Zhao devrait rester le personnage principal de cette série et Igor (si un scénario s'en resservait, malgré l'état dans lequel il terminait ce film) n'être qu'un des adversaires, efficace et aussi peu prévisible que possible, certes, mais pas le principal. C'était suite l'accident (réel) survenu à Zhao (et qui compte tenu de la rééducation puis de la remusculation n'aurait pas été prêt même si on avait retardé le tournage de quelques mois) que ce n'était pas le cas dans "masse manquante".

. Le premier match du Dynamo de Dinan (promu dans le Top 16) de la "saison" 2002-2003 se déroula à Jean Bouin (Paris) contre le Stade Français, et dès la première mêlée les commentateurs s'en donnèrent à coeur joie: "on dirait que les Parisiens jouent avec des crampons mais les Bretons avec des chenilles", "dès que les Krüger lâchent l'embrayage les Parisiens découvrent les joies de la marche arrière", "on n'arrête pas un tank avec une Twingo", ou "maintenant un petit récital d'orgue de Staline" quand les drops s'étaient multipliés dans les vingt dernières minutes (suite à quelques changements), la défense parisienne s'étant réorganisée et étant plus difficile à franchir pour les attaques classiques de Dinan. Les trois essais avaient été marqués en refoulant la mêlée parisienne dans son propre embut, au point que l'on pouvait se demander si l'en-avant breton ayant donné une mêlée à cet endroit aux parisiens faisait partie de la stratégie. Il en fut de même en touche avec six confiscations bretonnes sur neuf lancers parisiens, le "contre" breton étant redoutable dans cet exercice. Si le score ne fut "que" de 75 à 0 c'était parce que se voyant offrir beaucoup de fautes à tirer aux pieds (et trouvant l'occasion de mettre onze drops) les Bretons ne prirent guère de risque (de se faire esquinter des joueurs sur des plaquages douteux) et ne firent pas le forcing pour mettre un quatrième essai: c'était le premier match, il fallait ménager l'effectif pour les suivants (surtout une fois la supériorité acquise dans tous les postes techniques de jeu) car le DD avait moins de remplaçants de haut niveau que le SF pour "faire tourner" au fil des matchs.
. C'était selon les analystes l'autre point faible de ce club: peu de remplaçants d'un niveau suffisant, sauf pour certains postes: en particulier, il y avait pléthore de bons (voire excellents) buteurs au DD. Les commentaires furent du genre: "écrabouillés en mêlés, pillés en touche, laissés sur place en vitesse et bombardés de drops, les joueurs parisiens semblaient jouer à 12 contre 16". Ils avaient parfois été à 14 voire à 13 vu l'accumulation de fautes dont certaines jugées dangereuses. Les tirs de pénalités d'une cinquantaine de mètres étaient maintenant confiés le plus souvent à "la grosse Bertha" Kerzadenn, qui en avait déjà réussi depuis la ligne des 40m adverses. Certains commentateurs trouvèrent curieux qu'avec une telle puissance de mêlée Dinan choisît toujours de tirer les pénalités au pied, même très près de l'embut adverse. Ce n'était pas seulement "un tiens vaut mieux que deux tu l'auras", la probabilité d'essai breton étant forte avec une mêlée à moins de 10m de l'embut adverse, mais surtout le soucis de ne pas épuiser les joueurs: un tir au pied, c'était un effort ponctuel d'un joueur, une mêlée c'était un gros effort de tout le pack dont il fallait garder la réserve de puissance pour quand ce serait nécessaire. Dinan aurait pu mettre plus cent points au Stade Français, mais aurait été moins en forme pour son prochain match. D'ailleurs la direction stratégique du Dynamo n'était pas très contente de ce score éléphantesque: avec ce 75 à 0, Dinan allait être pris au sérieux et étudié sous toutes les coutures par les autres clubs dès le début de la saison, alors que mettre juste trois essais et les pénalités offertes par les fautes du SF, sans y ajouter les 33 points de drops (le match était déjà "plié") aurait moins attiré l'attention. François Layec, l'un des stratèges du club, qui était aussi chargé de la communication, leur expliqua que la fin du match n'était même plus amusante: "vous aviez déjà coulé les croiseurs et le porte-avions, était-il indispensable de mitrailler les canots de sauvetage?". On décida que pour le prochain match, on inverserait la stratégie: on commencerait par tenter surtout des drops. Dinan confirmait ainsi qu'il n'était pas absurde d'utiliser des piliers de deux mètres (pourvu qu'ils fussent souples) et que l'entraînement scientifique, ça marchait, surtout en matière de tirs longue portée entre les perches adverses.

. Dinan avait fortement étudié le jeu du Stade Français (globablement et joueur par joueur) pour maximiser la probabilité de remporter ce premier match, surtout qu'il s'agissait d'un match à l'extérieur (Paris). D'autres équipes (rencontrées plus tard) avaient été aussi finement étudiées, en particulier le Stade Toulousain. "Si on bat le ST à domicile on peut tout battre", avait dit un des entraîneurs aux joueurs, "ce qui ne veut pas dire on va tout battre, mais juste que ça prouverait qu'aucune équipe ne serait imprenable".

. Nombre de commentateurs avaient d'ailleurs mis la "déculottée" 75-0 sur le compte de la différence de préparation et de motivation: "les Bretons ont dû s'entraîner à fond pour ce premier match dans la cour des grands alors que les Parisiens n'étaient pas tout à fait revenus de vacances, mentalement, surtout contre un club venu de la D2". Ils n'avaient pas mis tous leurs meilleurs joueurs aux postes clefs non plus: Dinan savait que sinon la victoire eût été possible mais pas aussi "journée portes ouvertes" que ce que Paris leur avait offert. Le zéro était plus inquiétant que le 75: non seulement la défense bretonne n'avait pas laissé passer d'essai (pourtant, elle n'était pas considérée comme infranchissable, en D2, l'an dernier), mais surtout elle y était parvenu sans commettre de faute à tirer, disait-on... à tort. En fait il y en avait eu une seule (discutable côté arbitrage, mais le DD n'avait pas évoqué cela vu que ça n'avait pas changé le score), en début de 2ème mi-temps, que le buteur parisien devant tirer à 42m très en biais avait manquée.
. Alors équipe parisienne n'envoyant pas tous ses "tauliers" et n'ayant pas encore repris le pli du championnat, peut-être, mais 75-0 (presque un point par minute) imposait d'étudier très sérieusement ce club breton, estimèrent les autres équipes. En particulier les "orgues de Staline": le nombre de joueurs bretons capables d'improviser et réussir des drops de plus de trente mètres voire quarante. Or il y avait déjà un calendrier chargé, d'autres équipes à étudier (dont les étrangères, pour les clubs qui en rencontreraient aussi), donc il était un peu tard pour cela pour Castres, qui rencontrerait Dinan le samedi suivant, et à Dinan, en plus. Il fallait surtout sélectionner les joueurs les plus lourds et tenaces en mêlée, au vu de ce qui avait été constaté lors de SF/DD, insister sur la discipline (trop de fautes parisiennes offertes aux buteurs bretons) et travailler à varier les lancers en touche de façon à être moins prévisibles pour les sauteurs du Dynamo. Lesquels avaient planché sur les habitudes de jeu de Castres dès leur retour de Paris.

. A Juustomeijeri l'usine était maintenant fiable: il ne s'y passait rien d'imprévu, les seuls "évènements" étant les modifications de productions ou l'installation de nouvelles, comme ça avait été le cas cet été avec les micro-algues énergétiques et les fromages artificiels. Des gens se basant sur l'acteur (donc les rôles) auraient pu croire qu'il s'ennuyerait, dans un tel contexte, or cette notion lui était inconnue: il aimait ce qui était prévu et organisé (or les tournages de VTP l'étaient encore plus que les usines BFR), il aimait nager en laissant flotter son esprit ailleurs, faire la sieste avec son chat ou jouer avec lui: c'était quelqu'un de simple, calme, et qui n'était pas ambitieux. S'il avait joué dans plus de cinquante film, c'était parce que VTP lui avait proposé des rôles qui lui convenaient. Jusqu'alors, il n'en avait pas refusé, ce qui montrait qu'ils savaient ce qui lui convenait, dans chaque catégorie. VTP s'était demandé s'il accepterait de jouer Thorgård, rôle central (bien que le film développât et misât aussi sur bien d'autres personnages) et totalement mégalo. Il avait obtenu quelques modifications dans un sens plus sobre, par rapport à ce qui était prévu pour Atte, et ses apparitions à l'écran avaient été tournées plus "erwanniennes": rapides, efficaces et utiles au scénario, insistant sur ce qu'il essayait, faisait, faisait faire ou décidait. Les scènes "mégalo" avec les arrivées en parachute ou hélicoptère avec du Wagner ou parfois du Verdi avaient été conservées, car c'était visiblement dans l'esprit du personnage, sans paraître une idée de l'acteur, donc les jouer "à fond" ne le dérangeait pas. C'était le début avec de la HF qui était une allusion directe à l'acteur (sauf que c'était Torbjörn qui avait joué Siegfried dans Niebelungen), plus qu'au personnage, mais le savoir-faire dans le domaine cinématographique serait utile au personnage, donc VTP l'avait gardé bien qu'Erwann eût émis des doutes sur son opportunité. Il espérait que le film serait assez puissant (les scènes de guerre consommaient beaucoup de synthèse pour réussir à ne pas avoir l'air d'en utiliser) pour "avaler" ça aussi, de plus, selon VTP, ça faisait partie de l'évolution du personnage qui initialement ne s'imaginait pas remplacer Hitler, mais juste améliorer un peu les résultats militaires par ses raids d'espionnage aérien audacieux et diverses améliorations des techniques, ou le souhait de voir mettre en oeuvre vite et sans hésiter ce qui avait été inventé par d'autres et sur quoi le régime semblait traîner les pieds. L'attentat réussi avec le V1 (qui ne s'appelait pas encore ainsi) était aussi un moyen de montrer l'efficacité redoutable de cette arme (modifiée par lui pour suivre une balise radio) et d'obtenir l'adhésion des responsables de l'industrialisation des armes à sa production massive. Il ne rencontrait jamais directement Hitler (c'était à d'autres membres du régime qu'il avait parfois affaire), rarement Göering (bien que celui-ci organisât la Luftwaffe): Thorgård était surtout en contact avec les industriels ou certains militaires pour l'espionnage aérien, et bien moins avec les politiques, ce qui faisait que personne ne le soupçonnait d'avoir d'ambitions dans ce domaine. En fait il n'en avait pas avant d'apprendre le gaspillage de moyens logistiques pour la "Solution finale" et le retard pris par certains programmes aéronautiques. VTP lui avait expliqué: "le personnage croit au nazisme, à la race aryenne et tout le reste: s'il met fin à l'extermination des Juifs ce n'est pas pour eux, mais pour récupérer les trains pour l'armée, de même que l'idée de les envoyer par bateaux en Angleterre et aux Etats-Unis pour créer un problème là-bas, avec assez de vivres pour qu'ils arrivent vivants et croient bénéficier d'un accord avec les Anglo-Américains". Ils lui avaient dit aussi "après son tour du monde en avion sans escale et ses prises de vues de nuit en plein territoire ennemi, projetées dans les cinémas, c'est une sorte de Lindberg allemand, une légende pour le public, d'où l'adhésion de celui-ci à son arrivée au pouvoir". Initialement c'était en apprenant le soutien de Lindberg au nazisme et sa carrière politique que VTP avait commencé à imaginer Thorgård mais en lui donnant une toute autre personnalité avec plus d'enthousiasme wagnérien, d'où le choix d'Atte comme acteur dans le projet initial. La plupart des techniques montrées existaient, sans avoir eu le temps d'être développées massivement. On assistait ainsi au vol d'avions à turbopropulseurs (offrant plus d'accélération au décollage que les réacteurs de l'époque, en échange de ne pas permettre de voler aussi vite: juste un peu plus que les meilleurs avions à moteurs classiques), alors qu'il ne s'agissait encore que d'études au banc d'essai.

. Second tournage à préparer en virtuel: "Réduction". Il s'agissait d'un film inspiré à la fois par Zardoz et "l'homme qui rétrécit" car dans cette société utopique (utopie comme on la voyait dans les années 70, à part la correction des erreurs d'anticipation technologiques) on ne punissait pas les gens (stériles, nés selon un "numerus clausus" dans des vaches génétiquement modifiées, à partir de souches embryonnaires les rendant médicalement immortels -mais pas invulnérables- par suppression des gènes du vieillissement) en les vieillissant, mais en les réduisant au moyen d'une machine de téléportation ratée qui avait ce défaut, devenu moyen de diminuer la capacité de nuisance des délinquants en réduisant leurs dimensions. A chaque passage dans la machine, l'individu subissait une réduction proportionnelle à la longueur du circuit parcouru. Certains finissaient comme proies des chats (comme dans "l'homme qui rétrécit"), des petits rapaces (pies, geais) ou, s'ils étaient encore réduits, de certains insectes. Il y avait des réferences d'ambiances à divers films de futorologie des années 70, y compris "l'âge de cristal". La régulation de la population était basé sur le poids total d'humains pouvant être nourris par la planète. La réduction visait aussi à résoudre ce problème, en ne conservant leur taille d'origine qu'aux individus n'ayant causé de torts à personne, ni à l'environnement au delà du quota de consommation renouvellable autorisé. Il y avait déjà eu des oeuvres de SF qui résolvaient la surpopulation par l'utilisation des corps en temps partagée: une heure par jour pour chaque esprit, à bord d'un même corps. Diviser la masse (via les dimensions) permettait à chacun de rester à bord de lui-même, mais en consommant bien moins.

. Prévu aussi pour octobre, "Les planétaires" retraçait, de façon romancée, l'épopée des éco-terroristes allemands ayant détruit nombre de navires baleiniers, enlevé et torturé des vivissecteurs, des fabricants de tabac, commis des attentats au lance-grenade dans les tribunes des arènes de tauromachie en Espagne (pratique strictement interdite en France depuis 1997, mais existant encore en Espagne) en disant "vous venez voir couler le sang? Vous allez être servis", posés des "sous-munitions" dans des stades de base-ball pour mutiler de jeunes sportifs américains par solidarité avec les victimes du refus des Etats-Unis de cesser de produire et exporter ce types d'armes, etc. Erwann jouait Manfred Sterger, un sauveteur de baleines opérant avec quatre compagnons à bord d'un vieux sous-marin russe, traquant les flottes baleinières norvégiennes et japonaises dans les eaux australes ainsi que leurs escortes. On le voyait coller un petit drapeau japonais ou norvégien près du périscope pour chaque navire mis hors d'usage.

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