vendredi 10 avril 2009

chapitre N-32

L'usine apprit lundi 23 novembre 1998 que Martti (le 2ème assistant de Mika, un des "jeunes prodiges" des embauches de 1998) était mort dimanche 21, dans un déjeûner (famille+connaissances) de 16 personnes, étouffé par un trop gros morceau d'une variante du potlohko (beaucoup de fromage fondu ajouté par rapport à la recette traditionnelle) incandescent qui lui avait brûlé et obstrué l'oesophage à la première bouchée de ce plat: il avait eu le mauvais réflexe de l'avaler parce que ça lui brûlait la bouche. Tué par un morceau de patate cuite. L'erreur culinaire avait peut-être été d'utiliser des pommes de terre trop fermes, dont les morceaux ne s'étaient pas mis en purée, au four, restant incompressibles une fois passés en arrière des dents.
Ville fut donc ajouté "pour de bon" au projet géothermique, la production courante restant confiée aux autres chefs de productions.
Dimanche 29 novembre, sortie en avant-première (salles stéréoscopiques Kerfilm/VTP) de "La citadelle des goules". VTP savait que ce film n'aurait pas le même impact que le précédent, mais ça non plus, "on ne savait plus le faire en France depuis longtemps", de plus, le lancement stéréoscopique donnait une impression saisissante au spectateur: "même une visite filmée d'une de nos usines ferait des entrées, dans ce genre de salles". "Les miroirs du temps" connaissait un engouement mondial, pas unanime mais massif. "La citadelle des goules" bénéficiait du label "Kerfilm+Tarsini", la citadelle elle-même étant un "sombre délire tarsinien", comme écrivit (sorti mardi) un magazine de cinéma après avoir vu l'avant-première. "Les miroirs du temps" se déroulait surtout en intérieur, avec un peu d'extérieur (spéléologie, entrailles des machines géantes), "La citadelle des goules" se déroulait surtout en intérieur, avec des vues vers l'extérieur (mer et granit, surtout) et quelques scènes réellement externes car hors des murailles ou sur les galeries et tours de celles-ci. Synthétiser des dédales intérieurs (même tarsiniens) consommait moins de puissance que d'immenses paysages devant se faire passer pour vrais.
En cours de synthèse, "Mécanotron", un film de SF militaire (futur proche) mettant les tous nouveaux commandos constituant la nouvelle armée française aux prises avec des machines, dans un décor urbain glacé et miroitant évoquant La Défense. Les rôles des soldats étaient faciles à jouer car ils avaient sur les yeux la vision virtuelle du film (simplifié, mais fidèle en position et mouvements) pendant le tournage réel, contrairement aux personnages ne portant pas ces casques. Du spectaculaire tendance "jeu vidéo" (mais avec des effets qu'aucune machine de jeu vidéo, même dix ans plus tard, n'aurait eu les moyens de produire en temps réel, et moins encore avec la définition cinéma), mené avec peu de temps morts (juste ceux pouvant créer une angoisse avant la nouvelle attaque) et une architecture omniprésente. Ca consommait bien moins de puissance que pour engendrer du paysage devant avoir l'air naturel, ou même de l'architecture de vieilles pierres irrégulières, de plus les soldats situés juste un peu plus loin pouvaient vite être virtualisé, tels qu'ils étaient équipés, ce qui avait permis de n'utiliser que neuf acteurs humains dans ces rôles-là, tout en en déployant bien plus à l'écran. Les civils constituant des "dommages collatéraux" (par les machine, parfois par les commandos) ne permettaient pas aussi facilement cette substitution, mais leurs rôles duraient moins longtemps: des "consommables". Suite à l'entraînement d'une partie de l'armée dans ses studios "VTP22", VTP avait pu se faire prêter un char Leclerc (mais sans les munitions: les tirs étaient simulés) et un hélicoptère d'attaque Fenec (filmé plusieurs fois pour une même scène, de façon à les multiplier, quand ce n'était pas le modèle virtuel qui servait) et les hommes sachant les piloter. Les autres blindés et aéronefs étaient obtenus soit par répétition (dans d'autres attitudes) soit en virtuel. Du gros spectacle à la Godzilla avec ici aussi beaucoup de dommages "collatéraux" causés aux bâtiments (virtuels, mais crédible dans l'effondrement de verre et d'acier). Parmi les scènes mémorables du film, la descente en char dans une station de RER (char réel, couloirs virtuels, mais épaufrures réalistes des marches d'escalier sous les chenilles ainsi que de la céramique des murs dans certains virages) à la poursuite d'une des machines intelligentes. Le char roulait sur un décor rapidement préparé et tassé au bulldozer à cet effet (et non dans le studio reconfigurable dont les plate-formes articulées n'auraient pas supporté un tel poids), la synthèse s'occupant ensuite de le remettre en situation. Ca ne durait qu'une heure quarante-cinq, VTP estimant qu'au delà on aurait épuisé le sujet. Kerfilm pensait sortir un film (de cinéma) par mois, mais pas tous des "porte-avions": il suffisait d'être bien meilleur que les "merdes molles" citées par Venant pour avoir du public, ce qui n'était pas difficile (pour VTP) pour bien moins cher qu'un film sans action de la production française classique.
Stéphane se souvenait d'un des téléfilms de Lucien Venant, qu'il avait vu à 12 ans, en 1988: "Dédé saute le pont". Ca se passait quelque part en milieu semi-rural dans un collège à la fin des années 70, entre les jeunes qui avaient des Mobylettes (ou des "103"). L'un d'eux, un garçon insignifiant prénomé Didier, avait endommagé la fourche de sa Mobylette contre un talus en ratant un virage. Son copain Eric (plus grand, plus fort, plus beau ou disons moins moche, avec un "103SP" kité plus chic) lui suggérait de dire aux autres qu'il avait endommagé la fourche en sautant le pont: celui qui était rompu, au dessus de la rivière. Qu'il était passé mais que le choc à la retombée avait été trop fort.
Didier suivait le conseil. Eric l'aidait à faire des traces de gomme de l'autre côté du pont (après avoir traversé bien plus loin par l'autre pont) en faisant patiner la roue arrière en biais sur le parapet puis un peu plus loin: "avec les traces, si quelqu'un va voir, il te croira". Il devenait aussitôt un quasi-héros auprès de ses camarades mobards et des filles. Après avoir pu changer la fourche (des frais, mais c'était possible) il constatait heureusement qu'il y avait un chantier, près du pont détruit, avec une cabane qui en interdisait l'accès, alors que les traces d'atterrissage (supposées telles) étaient encore visibles de l'autre côté. S'ils reconstruisaient le pont, nul n'allait pouvoir vérifier si c'était réellement possible: il ne souhaitait pas qu'un autre se blessât en tentant d'en faire autant.
Tout le film (vécu du point de vue de Didier, via sa "voix off" de temps en temps) était conçu pour amener le vantard (bien que ce ne fût pas sa propre idée) à se retrouver en situation de devoir sauter le pont, car personne ne l'avait vu faire, jusqu'alors. Ce qui arrivait le jour où la cabane de chantier avait été retirée, sans avoir reconstruit le pont (elle n'était pas là pour ça, en fait) et où le titre du film devenait le refrain entonné par ses camarades, Eric inclus: "Dédé! Saute le pont!".
Alors "Dédé" était coincé, et comprenait que c'était Eric qui voulait reprendre son statut de leader, donc le discréditer en lui lançant ce défi. Il disait alors: "ah non! J'ai failli me tuer, la dernière fois. Il faudrait un moteur plus puissant, débridé, et dans ce cas je pense que je pourrai le faire. Eric, passe ton 103". Il était sûr qu'Eric refuserait, que personne d'autre ne voudrait risquer de lui prêter son cyclo pour une tentative aussi périlleuse et que le problème serait règlé.
Et les autres de scander "E-ric, ton 103!". Eric, de mauvaise grâce, remettait son cyclomoteur kité et chromé de partout à son camarade. On voyait alors, avec des gestes de Kamikaze montant dans son "Zéro", Didier redémarrer le "103", aller se placer sur le chemin prolongeant (donc précédant) le pont, et accélérer au maximum des possibilités de l'engin. Long plan-séquence façon "la fureur de vivre": la machine et son pilote s'élancaient. Bien que l'aiguille fût allée jusqu'à 70 au compteur (bout de la graduation, pour un engin théoriquement limité à 45 km/h), le saut (filmé au ralenti) était trop court, donc arrivait bien trop bas: c'était la visière du casque qui heurtait la portion de parapet montante, de l'autre côté, basculant d'un coup sec la tête en arrière, tandis que le 103 se disloquait contre le massif de béton, plus loin en dessous. Didier dont les pieds étaient partis en avant, comme le cyclomoteur (qui s'en était échappé, n'étant pas freiné, lui, par le choc contre le parapet) retombait en plein sur le dos et l'arrière du casque dans l'oued caillouteux.
Dernière image: Didier dans un fauteuil roulant, manoeuvré avec la langue, encouragé et félicité par ses camarades.
Une histoire simple, filmée avec des moyens simples (juste une caméra à grande vitesse pour obtenir le ralenti du saut, et un mannequin en guise de pilote, substitution facilitée par le casque visière rabattue), mais terrible dans le cheminement inexorable vers ce que l'on devinait dès qu'Eric suggèrait de prétexter cela pour la fourche faussée, car on voyait alors derrière eux l'image du pont rompu, aux deux départs comme menaçants, avec les flots boueux s'écoulant irrégulièrement dessous.
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Venant (qui avait gagné un prix, pour ce "moyen-mètrage" de quarante minutes) s'était inspiré (sur le principe, et non les actions) d'une autre histoire, mais en la transposant à sa façon tout en étant sûr que son scénario aurait pu arriver en vrai. Pas avec des scooters: trop lourds, suspensions trop courtes, donc visiblement inaptes au saut. Il fallait revenir à l'époque des "mobs".
Ne faire d'avant-premières qu'en stéréoscopie, dans ses propres salles, augmentait considérablement l'impact des films "Kerfilm" sur la critique, bien que celle-ci fût consciente de cet effet. Le char dans la station souterraine de RER avec franchissement des voies et freinage catastrophe des deux rames entrant en gare (une à chaque bout), qui réussissaient à s'arrêter juste avant, contrairement à ce qu'attendait (espérait?) le spectateur ), puis le grignottage du béton du bord de l'autre quai pendant la sortie du char, c'était encore plus impressionnant en stéréoscopie avec l'octophonie faisant trembler le sol de la salle comme les chenilles du blindé et vrillant les oreilles des crissements stridents des freins des rames surgissant des tunnels. VTP s'était renseigné et savait que les freins étaient assez puissants pour permettre l'arrêt avant le milieu de la station, quitte à jeter les voyageurs les uns contre les autres, comme on le voyait dans le film. Parmi celle chute de foule, voyait très brièvement une tête laisser une marque sanglante sur une colonne après y avoir rebondi. VTP avait filmé de vraies rames en mouvement, sous les angles adéquats, pour ne pas avoir besoin de les numériser (travail de relevé fastidieux) et s'était contenté de synthétiser ce qui se passait à l'intérieur, vu très vite, l'essentiel du freinage étant vu de dehors, en modifiant la chronologie et le son par rapports aux prises de vues réelles. Ce tournage mélangeait du vrai et du faux, comme la Safrane sur laquelle roulait le char, lors d'une erreur de pilotage: une voiture récente, mise en épave pour cause d'enfoncement profond du flanc gauche, donc utilisable pour avoir l'air neuve et se faire écraser, du moment qu'elle ne serait filmée que de droite. Le flanc gauche avait été grossièrement redressé (aux verrins) de façon à ce que vu à travers les vitres on ne sût pas qu'il avait été enfoncé.
VTP trouvait trop prévisible le cassage des voitures ayant quinze ans de plus que le film, que ce fût dans les films européens ou américains: on pouvait feindre à peu de frais (même pas le temps de travail pour en relever un modèle virtuel complet) de détruire une voiture de haut de gamme récente en s'en procurant un exemplaire ainsi accidenté. La mécanique avait été retirée avant l'écrasement pour revente à un récupérateur, le capot ayant ensuite été rempli avec des bûches pour ne pas s'écraser trop facilement. Le spectateur (averti) s'attendait à voir le char écraser la 505 ternie garée à proximité. Et non: c'était la Safrane. La 505 appartenait à un technicien du tournage.
Lors des bavures par balles perdues, la balle frappait un civil (resté pour filmer la scène: ça, ça pouvait arriver en vrai) en pleine tête, de part en part (munition militaire perforante et non plomb de chasse) et non dans le corps. Chez VTP, il y avait prépondérance de tirs dans la tête (et pas toujours au même endroit), dans les films mais aussi téléfilms et séries comportant des tirs, pour bien montrer que les concurrents, eux, étaient radins sur les effets spéciaux: vu de près, il fallait avoir fabriqué une fausse tête crédible (Hollywood le faisait, mais pas si souvent que ça). De plus loin elle pouvait être virtuelle si le personnage s'y prêtait.
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VTPSF se développait dans des bâtiments de style tarsinien situés sur le domaine de l'usine. La crise économique avait permis de recruter nombre de Finlandais de divers âges, choisis parmi ceux parlant français (sur le grand nombre de chômeurs disponible, on finissait par en trouver), sans critères physiques, qui furent chargés des doublages en finnois des séries télévisées de VTP.
Il existait une bande dessinée confidentielle (car publiée sur internet), réalisée par un dessinateur amateur (mais doué) travaillant comme mécanicien chez BFRSF. Ca s'appelait "rats des villes, rats des champs" ("kaupungirotta, peltorotta", au singulier en finnois) et imaginait les déboires de jeunes gens pleins de diplômes "tombés des balcons" de la débâcle des hautes technologies retournant à la campagne chercher du travail. VTP avait trouvé l'histoire très noire mais drôle, et pris contact avec Kimi Vaismaa, le dessinateur, lui envoyant des logiciels et une station graphique AK pour storyboarder tout ceci en 3D, en collaboration avec Oskari (hors temps de travail), Niko et éventuellement Stéphane, qui savait animer en 3D dans ses rapports de travaux pour BFR. On s'écarta quelque peu de l'oeuvre de Vaismaa, en particulier au niveau du choix des personnages (ceux de VTPSF étant vérifiés sous toutes les coutures à l'émilianomètre) mais Kimi trouva les perspectives d'animation passionnantes, et fit deux versions: la sienne, destinée à rester sous forme de dessin animé rapide (rapide à calculer, car sans chercher un rendu réaliste: c'était du dessin 3D animé par ordinateur, et non de la réalité virtuelle), et celle pour VTPSF, destinée à être jouée en vrai, quoique comme d'habitude chez VTP chaque fois que le spectateur ne pourrait faire la différence ce seraient les simulations infographiques des personnages qui s'y colleraient.
D'où la nécessité de personnages aussi émilianométriques que ceux de VTP, et donc se ressemblant encore plus puisque tous d'aspect nordique, ici.
En fait il n'y avait qu'environ 80% de "bien blonds", sur place, le reste étant du moyennement blond, du châtain clair et un petit pourcentage de nuances plus sombres. VTPSF, dans son recrutement, porta ce taux de 80 à 100%, ce qui était facile, la difficulté étant le tri émilianométrique: l'éthnie locale comportait bien moins de bogues de modelé ou de proportions que ce que l'on trouvait en France, mais il y avait beaucoup moins de monde d'où pas plus d'Emilianiens au kilomètre carré qu'en Europe "ordinaire". VTPSF recruta aussi à Tempere, Helsinki et d'autres grandes villes.
Les rumeurs inévitables circulèrent, pour dissuader en particulier les jeunes filles d'y aller "on fait miroiter une carrière à la télévision et en fait ces pauvres filles seront expédiées dans un bordel à Macao", sans oublier les trafics d'organes, histoire de faire peur aussi aux garçons.
Malgré cela il y eut beaucoup de candidats et candidates. L'émilianomètre n'était pas exigent sur la corpulence: son logiciel simulait ce que serait le personnage avec de la discipline alimentaire et un peu plus d'activité (grâce aux entraînements pour les tournages, tout simplement) et ne s'intéressait qu'aux "fondamentaux".
VTP poursuivait deux buts: d'une part, recruter sur place pour VTP (La Défense) les Finlandais et Finlandaises les plus éblouissants. D'autre part remplir sa société de production télévisée finlandaise: il fallait servir au public finlandais quelque chose de plus national que les séries américaines: non seulement les personnages et la langue (la plupart des séries américaines étaient sous-titrées et non doublées) mais aussi le style de vie, le cadre de vie, très différent du modèle américain, surtout hors des grandes villes.
Enfin ces séries "100% finlandaises" (mais tournées "à la VTP") seraient exportées urbi et orbi, d'où le choix précis des personnages. Il ne fallait surtout pas que ça ait l'air "tourné à Béçon-les-Bruyères avec des décors virtuels et des personnages post-finlandisés par infographie". Il fallait de l'authentiquement finlandais, "comme on se l'imaginait depuis Paris".
D'où des personnages se ressemblant bien plus que ceux de VTP entre eux, car en plus de ce que vérifiait l'émilianomètre il n'existait qu'une seule couleur d'yeux et de cheveux, à de petites nuances près. Ce à quoi il fut répondu, chez VTP "oui, mais ce serait pareil si on tournait une série chinoise, alors ce n'est pas un problème: les Finlandais savent se reconnaître entre eux, eux". Oui, mais pour l'exportation? Ce serait les styles vestimentaires et de coiffures de chaque personnage qui seraient définis et varieraient peu, chacun gardant le sien à peu de choses près, de façon à ce que A ne soit pas pris pour B sauf si ça faisait partie du scénario.
Autre problème: les Finlandais parlaient trop peu pour meubler une série télévisée, alors comme cela s'était déjà fait chez VTP et quelques autres, on allait virtualiser la pensée "directe", celle n'utilisant pas la langue (et que les Finlandais, selon VTP, semblaient avoir du mal à traduire en finnois, d'où leur avarice verbale) et qui de ce fait se passerait de toute traduction. C'était très "BD" (il y en avait déjà dans les bulles chez Kimi Vaismaa) et ça plairait aux jeunes.
Pour faire "branché" le futur (ainsi que le futur antérieur et le conditionnel futur) fut utilisé intensivement (par rapport au nombre total de phrases dites) dans les séries pour jeunes, partant du principe que c'était l'époque des "quand je serai grand, je", "quand j'aurai fini mes études, je", "quand je gagnerai des sous, je". La série s'appela "päättynyt futuuri" ("futur antérieur", en finnois) et les jeunes personnages plus que parfaits y faisaient tout le temps des projets, d'où l'utilisation des trois temps futurs (y compris le conditionnel, avec son extension de radical en "+isifi"). Cette série n'était pas issue de l'imagination de Kimi Vaismaa, mais directement de chez VTP, en télétravail avec quelques jeunes chômeurs finlandais jugés mentalement intéressants mais esthétiquement inaptes à l'utilisation à l'écran.
Parmi les activités fréquentes dans cette série, le montage de meubles en kit (y compris les cabines de sauna en kit), le sauna, le jeu d'échecs en plastique flottant entre baigneurs dans un trou dans la glace du lac (ça, en fait, c'était islandais, mais "le public ne le sait pas"), la cuisine, bien sûr (avec le célèbre "potlohko"), les régimes, et le tuning automobile, le traîneau à chiens (rare dans la région, mais il ne fallait pas oublier que l'essentiel du public ne serait pas finlandais, donc ne le savait pas), la motoneige (idem), internet (ça, c'était vrai) et la programmation de jeux vidéo sans réussir à les vendre. Les personnages ne se touchaient jamais sans nécessité pratique.
Kare passa les tests, fut pris (ça, ce n'était pas une surprise) et joua de petits rôles le week-end. VTPSF tournait aussi un "remake" local de "devine qui vient dîner ce soir", où les divers personnages (permanent ou occasionnels) de VTPSF servirent de cibles aux lancer de pâtisseries. VTPSF était aussi chargé de repérer et réserver les Vikings pour "Dragons et Drakkars", dans un peu plus d'un an, qui serait en grande partie tourné sur place, pour être sûr d'avoir de la neige et de la glace, en plus de l'opportunité que fournissait la crise économique pour prévoir des figurants.
Les énormes machines de forage, transportées par bateau, furent débarquées à Helsinki le mardi 1er décembre 1998 et furent installées à côté de l'usine le lendemain. Il s'agissait d'un procédé développé par BFR, destiné à réaliser des puits de plus grand diamètre (quatre mètres nets d'intubation) que pour les forages pétroliers, tout en descendant aussi profond. Une sorte de tunnelier vertical entraîné par arbre depuis la surface, tout en ayant ses propres moteurs pour la percussion et le râclage. Le diamètre important du puits imposait d'extraire énormément de matériau, en échange de quoi la ligne d'arbre était moins fragile qu'en forage étroit, et qu'il était possible d'envoyer un automate de dépannage dans la partie déjà intubée, au dessus du tunnelier, pour des interventions, ainsi que pour démonter en fin de travaux le tunnelier en quatre parties et les remonter, avant d'envoyer une autre machine destinée à percer une galerie jusqu'au milieu de la zone entre les deux puits, forés légèrement en V mais sans se rencontrer, de façon à constituer une chaudière souterraine importante. Des explosifs de puissance calculée étaient placés au fond de ces demi-galeries transversale pour fracturer un volume de roche important entre les fonds des deux puits, l'eau arrivant par l'un circulant alors à travers cette zone pour remonter à haute température par l'autre. Ceci n'était qu'une description simplifiée du procédé déjà utilisé dans 28 sites par BFR. Le procédé BFR avait déjà été utilisé (à moindre profondeur) pour forer des puits d'accès puis des galeries d'abris anti-atomiques dans les années 50, en France. Le point commun avec les techniques pétrolières était la circulation d'eau (aller-retour dans le même trou) qui emmenait les gravats vers un tamis d'égouttage, l'eau ainsi décaillassée et appauvrie en boue retournant aussitôt dans le puits. La discussion de l'utilisation des gravats avait eu lieu avant le début des travaux: une commune voisine était intéressée par la création d'un terril en forme de toit (et non de taupinière: deux grands versants et deux petits) en vue de pouvoir ensuite y faire du ski avec un remonte-pente. La voie ferrée serait relevée petit à petit pour permettre le déversement des wagons-bennes directement du haut du terril, où ils seraient treuillés, et non poussés ou tirés par une locomotive. Deux forages d'un peu plus de six kilomètres chacun représentaient cent cinquante mille mètres cubes. Ca paraissait beaucoup, mais mis en tas ça ne ferait pas une montagne. Mis en cube, le cube aurait fait un peu plus de cinquante mètres de côté: un immeuble cubique de 17 à 19 étages. En fait plus que ça, parce que décompacté après forage. De quoi amuser les enfants l'hiver, avec un petit remonte-pente, mais pas de quoi organiser des compétitions de descente.
Le spécialiste envoyé sur place par BFR s'appelait Eric Végant, 54 ans, un grand brun grisonnant sec à lunettes ayant participé à une quarantaine d'opérations de ce genre (certains sites géothermiques de BFR en comptant plusieurs). Il expliqua à Stéphane tout ce qu'il faisait et qu'il fallait vérifier. Stéphane avait déjà planché sur la question avec les explications envoyées en "visite virtuelle" par BFR avant l'arrivée du matériel et de Végant. Mika aussi tentait d'en comprendre tout ce qu'il pouvait. Tout fût filmé, ou échographié (dans le puits plein de boue de forage, ça marchait mieux que la vidéo) comme archives de travaux. Dès le premier jour, 116 mètres furent parcourus par le forage "aller", et 103 par le forage "retour", les deux étant menés simultanément pour gagner du temps. Végant avertit que ça relentirait ensuite, à cause de la pression rendant les matériaux de plus en compacts, mais que c'était un bon début. Il parla aussi peu à Stéphane (bien qu'en français) que l'eût fait un Finlandais, les explications techniques étant bien mieux fournies par le virtuel. Végant n'avait aucune intention de jouer les prolongations ici en saison froide, dans un pays dont il ignorait tout de la langue (à part quelques formules de politesses apprises vite fait). Quitte à visiter l'Europe du nord, il aurait préféré la Suède fin juin que la Finlande en décembre.
Viiri- et si vous trouvez du pétrole, vous faites quoi?
Stéphane- le cas a dû être négocié dans le contrat: pétrole, gaz, or, diamants, uranium... Je ne sais pas ce qui a été convenu entre la Finlande et BFR sur ces points, mais ça sûrement été prévu. Je suppose que l'on exploite le gisement selon certaines modalités, et que ça financera largement des forages ailleurs, pour la géothermie. En 1962, ils n'ont rien trouvé, mais ils n'avaient foré qu'à deux kilomètres. Ici, le gradiant géothermique est un peu meilleur que sur la moyenne de la planète, sans être exceptionnel: c'est un site "moyen", pour BFR. Nous sommes sûr de pouvoir obtenir une pression de vapeur turbinable, vers six kilomètres, mais on ne peut pas prédire exactement laquelle. C'est pour cela que les échangeurs et turboalternateurs ne seront choisis qu'ensuite.
V- mais si ce n'est pas assez chaud, il suffit de creuser plus profond. J'ai entendu dire que des forages pétroliers avaient dépassé sept mille mètres.
S- oui, mais les derniers mètres sont bien plus chers que les premiers. Il faut remonter les gravats sur tout le parcours. Les conditions de température et de pression usent plus vite l'outillage, et le robot met plus de dents à descendre remplacer les dentures, en plus de devoir travailler dans l'huile bouillante.
V- je croyais que c'était de l'eau
S- au début. Ensuite, en cas de besoin le forage passe à l'huile, pour retarder l'ébulition, et parce que c'est moins agressif pour la mécanique.
V- soixante millions de litres d'huile dans les deux puits?
S- environ. Et même plus, à cause de ce qui reste dans les gravats après égouttage.
V- ça va polluer le sol
S- non: c'est de l'huile de colza. Ensuite, elle n'est pas jetée: refiltrée finement, elle sert comme carburant dans des moteurs de cargos.
Les travaux n'intéressaient pas que les gens de l'usine. Il n'y avait pas grand chose à voir à la surface, à part la variante BFR du "derrick" dans lequel les sections de tubage étaient introduites par tiers de tours au fil de la descente du forage, et le tube de transmission (1m50 de diamètre, par l'intérieur duquel arrivait la boue filtrée) qui s'arrêtait de temps en temps pour lui ajouter une section, pourvue de roulettes externes destinées à le maintenir centré dans l'intubation déjà réalisée (sous peine de "flambement", sur une telle longueur).
Le système à échographie intégré au "tunnelier", tout au fond, transmettait des vues de l'état du forage et de la machinerie à chaque arrêt, ceci pour chaque puits. BFR pompait de l'eau dans le lac, comme convenu, mais ne l'y rejetait pas, le procédé consommant plus d'eau qu'il n'en restituait, compte tenu de l'humidification des gravats et boues épaisses emportés par les wagons, tout particulièrement dans les couches argileuses. Le sable se forait plus vite et restituait plus d'eau à l'égouttage, mais il était plus abrasif pour l'outillage.
Quand Stéphane rentra en France, comme convenu, pour les fêtes de fin d'année, 2514m avaient déjà été forés dans le puits "aller" et 2344 dans le puits "retour". La température de l'eau au fond du puits atteignait déjà 126°C, compte tenu du gradiant local (le gradiant moyen pour la planète était de l'ordre d'un degré pour 30 mètres). Si le forage de 1962 ne donnait que 84°C pour deux kilomètres, c'était dû à son moindre diamètre et son intubation moins calorifuge qui augmentait les pertes à la remontée de l'eau: plus un puits était gros, plus il auto-isolait le centre de son flux. BFR voulait au moins 210°C, pour obtenir une pression de vapeur intéressante à turbiner. La bonne nouvelle était que cette température serait atteinte entre quatre et cinq kilomètres, au lieu d'entre cinq et six.
Stéphane passa chez VTP22 voir les travaux en cours. Il rencontra Atte, de style vaguement stéphanois, maintenant. Il lui montra dans un des entrepôts d'accessoire une SM en assez mauvais état, comme on pouvait encore en trouver dans des casses, surtout hors de France. Il manquait la verrière de phares du côté gauche, l'aile (ce qui la déshabillait beaucoup, celle-ci incorportant tout le passage de roue) et la portière: pièces probablement vendues à un amateur par le casseur. La peinture rouge était complètement ternie, le pare-brise étoilé. Les autres vitres étaient intactes, toutes teintées en vert. Atte lui expliqua que c'était en voyant cette voiture sous une bâche dans une casse au bord de la N17 (où elle était probablement gardée pour vente de pièces à des collectionneurs), tandis qu'ils cherchaient des épaves pouvant avoir l'air neuves au moins sous certains angles de prise de vue, que VTP avait conçu un projet de film, raché l'épave de SM et chargé celle-ci avec les quatre autres sur le camion porte-voitures équipé d'un treuil. Atte lui expliqua que l'on allait refabriquer les pièces manquantes: la verrière, ça devait être possible en polycarbonate moulé et gravé comme l'originale. Les autres exemplaires seraient produits par ordinateur, surtout pour casser et reconstituer.
Stéphane- un "remake" de Christine?
Atte- ça m'en a tout l'air. Avec la SM, il y a déjà des effets un peu vivants: la suspension qui monte de l'arrière puis de l'avant, les phares qui braquent et le volant qui revient tout seul en ligne droite au démarrage, et puis tout ce qui grouille sous le capot: on dirait des tripes.
S- du rock des années 70, dans l'autoradio, je suppose.
A- "This town ain't big enough for both of us", ce serait approprié, quand Christine devient jalouse de la copine. La difficulté, c'est qu'il faut utiliser à la fois la vraie SM, une fois restaurée, et les fausses, sans que l'on devine la différence.
Stéphane devinait qu'il serait impossible de suivre exactement le scénario d'origine, ne serait-ce que parce qu'en Europe un mineur ne pouvait pas avoir le permis de conduire, donc remplir les papiers ne dépendrait pas des parents. La plupart des scènes clef du film marcheraient, en particulier celle du tout début, avec le capot retombant sur la main de l'ouvrier: seule la musique serait différente. La voiture demi-écrasée par le bulldozer dans des fuites de LHM: ça ferait encore plus organique. VTP cherchait maintenant l'acteur pour jouer l'étudiant au physique ingrat et fiévreux: ça, ils n'en avaient pas en stock, mais ce n'était pas rare parmi les acteurs non-VTP. Des essais étaient aussi en cours avec certains jeunes techniciens de l'entreprise et des employés récents de BFR: après tout, Erwann avait été trouvé dans un de leurs laboratoires et s'était avéré rapidement apte à jouer des rôles comportant de l'action: "Au vent du large", "Cap sur Mars". Plutôt que d'imiter l'acteur d'origine, VTP cherchait de préférence un châtain roussâtre (genre Woody Allen jeune) au visage faible (mais pas trop fuyant, sinon en stéréocopie l'effet deviendrait franchement comique) aux yeux fièvreux (brun-jaune) et au torse étroit. En France, il n'y avait qu'à se baisser pour en ramasser, sauf que fort peu de ceux-ci souhaiteraient être du mauvais côté de la caméra. Le copain mieux fait serait joué par Alceste de Bifidus: du poids en trop donc pas "trop beau" d'allure générale, tout en étant zéro défaut pour le reste, avec quelque chose de rassurant grâce à ce côté bien nourri. Les travaux pour synthétiser les scènes de destruction et auto-reconstitution étaient déjà en cours, au stade grossier pour choisir les effets, puis en synthèse poussée pour obtenir un aspect plus crédible que ceux des logiciels de crash-tests, qui, eux, ne s'intéressait qu'au réalisme des déformations de la structure, et non à l'aspect des matériaux ainsi maltraités. Il fallait aussi pouvoir simuler du frottement dur contre béton, en particulier dans la scène de l'impasse un peu trop étroite, et ça, ces logiciels ne le prévoyaient pas. VTP avait d'ailleurs un problème pour cette scène: la SM se rétrécissant de l'avant à l'arrière, la déformation ne concernerait que les ailes et le début des portières, sinon les roues ne passeraient pas. L'effet de tôlerie ne pourrait donc se produire tout le long. On décida donc de modifier la scène, tout en gardant son principe. Ce ne serait plus un problème de largeur (juste un peu), mais de hauteur: d'abord, abaissement de la suspension au minimum, puis dégonflement partiel des pneus avant, puis, comme il manquerait encore de la hauteur, pénétration en force, avec enfoncement du toit (éclatement du pare-brise puis des vitres, tassement de montants) et étincelles du châssis frottant au sol. C'était même plus intéressant visuellement ainsi.
Modification aussi de la scène de la station service: l'impact, effectué nez baissé, donc frappant à la base du flanc, renverserait la "série 5" (des années 80: voiture de loubard) de l'un des ennemis contre les pompes, le second choc éventrant le réservoir de la BMW (vulnérable, dans cette situation) tout en arrachant les pompes contre lesquelles elle serait basculée. Le scénario (issu du roman de Stephen King) serait suivi assez fidèlement (plus que dans bien des adaptations américaines d'oeuvres européennes), mais les effets spéciaux quelques peu modifiés, en grande partie parce que le public allant voir ce film aurait certainement vu et aimé l'original, il fallait renouveller un petit peu, l'apport spectaculaire de la stéréoscopie ne concernant que les quelques salles équipées ainsi. La scène finale, en particulier: le bulldozer déchenillerait d'un côté, après un des impacts (avec une frappe tangeante donc de l'intérieur vers l'extérieur de la chenille, même avec une voiture, c'était techniquement crédible), ce qui augmenterait le suspens. On envisageait alors que la SM écrasée par la pelle, par le centre du toit, réussise à se couper en deux en tirant au maximum (déchirement et rupture de tôle intéressants visuellement: étirement, au lieu du tassement de la scène de l'impasse), Alceste aux commandes du bulldozer ne pouvant alors poursuivre la partie avant puisque sur une chenille il ne pourrait que tourner. Certes, ça ne marcherait que tant qu'il resterait de l'essence dans les conduites et les carburateurs, mais ça créerait un rebondissement de plus, avec des effets spéciaux supplémentaires. La fin serait également un peu différente: dans la casse chargée de broyer la carcasse, revue sous forme de cube et avec là aussi la musique provenant en fait d'une autre radio, on reverrait dans l'ombre du bâtiment des pièces détachées, sur une palette, en lieu et place du V6 Maserati cassé (étiquetté "pour pièces") dont l'étudiant avait acheté l'une des culasses au début de la restauration, le groupe moteur-boite ôté de la SM avant compactage, avec indiqué "Etat de marche".
Finalement ce fut en Finlande, chez BFRSF que VTP trouva le personnage: un animal cavernicole albinos du genre de Vertti, lourdement binoclard (pas besoin de tricher: ce seraient de vrais verres de -7, qui auraient beaucoup gêné un acteur non myope), cachant des yeux flous d'un bleu laiteux que l'infographie remplacerait par un beige fièvreux. Globalement plus moche que Vertti, 1m82 paraissant moins parce que généralement voûté, visage étrange, frêle et d'une molesse inquiétante. Il s'appelait Matias Lehto, et était passionné de mécanique: le rôle l'avait tout de suite intéressé. On modifia un peu, sur ses indications, la scène de restauration:
Matias- [en finnois, traduit par Atte] il faudrait que je sorte entièrement le moteur et la boite, au début, dans une scène. Ce qui manque, dans l'original, c'est que l'on ne le voit presque pas faire de la mécanique. De plus, les gens reconnaîtront immédiatement le groupe, quand on le reverra dans l'ombre du hangar des pièces d'occasion, à la dernière image du film.
Il y aurait donc une scène où l'on verrait d'abord en gros plan tout un tas de pièces étiquettées (sparadrap et marqueur) sur un établi, déposées pour donner accès, tandis Matias extrairait l'ensemble moteur-boite tout alu au treuil à chaîne, aidé par Alceste à ce moment. En théorie, il n'était pas nécessaire de sortir le moteur pour changer l'embrayage (juste la boite) et le remplacement de la culasse aurait pu se faire à bord, mais ça rendrait mieux à l'image de poser le tout sur une palette pour pouvoir y travailler plus facilement.
Autre modification: les parents ne refuseraient pas directement qu'il stationnât chez eux, dans la pente menant au garage contenant la leur (une R19 diesel), le problème étant que la longueur de la SM empêchait de refermer les battants de la grille, si on la garait là, même tout près de la porte du garage: c'était un poil trop court, et vu la disposition des lieux (pente de garage à bout portant) on ne pouvait pas manoeuvrer pour la mettre ailleurs dans le jardin.
- on ne pourrait pas faire une grille coulissante?
- et qui va payer les travaux? En plus, si je dois sortir la mienne et que la tienne ne démarre pas, je n'arriverai jamais à la pousser.
- c'est pour ça que je pensais qu'elle gênerait moins dans le garage...
- mon contrat d'assurance impose que la mienne soit dans un garage fermé. Et puis de toute façon, tu n'as qu'à mesurer: je ne pense pas qu'il y aurait eu la place. Tu aurais dû y penser avant d'acheter ça... [Puis, d'un ton plutôt compatissant] En plus c'est une des voitures les plus compliquées à réparer, et c'est pour ça qu'on ne te l'a pas vendue cher. Tu me rappelles un copain qui s'était acheté une vieille Jaguar, à l'époque, et pour pas cher, lui non plus, mais sans se rendre compte qu'il allait se taper une nouvelle panne tous les dix kilomètres. Alors tu sais quoi? Trouve quelqu'un qui est déjà en train d'en retaper une, avec de la place pour en garer une autre, et revends-lui la tienne comme banque d'organes: comme ça, tu n'auras pas tout perdu. Passe une annonce dans un magazine d'amateurs.
Dans cette version le père n'était pas hostile, mais pragmatique: il pouvait comprendre l'erreur de presque cinq mètres que venait de commettre son fils, mais la solution proposée n'était pas du goût de ce dernier, déjà sous le contrôle mental de "Christine". Il allait effectivement se renseigner via ces magazines, mais pour se procurer l'aile manquante.
Matias était inesthétique mais pas compliqué: un Matias virtuel juste destiné à se refleter dans les vitres ou les tôles d'une voiture virtuelle (pendant l'auto-reconstitution, en particulier) où y projeter son ombre ne serait pas trop gourmand en infographie. L'acteur jouerait en vrai quand on serait censé le voir en vrai, y compris de plus loin, sauf pour quelques scènes dangereuses.
Les premières scènes furent tournées pour essais avec la SM "dans son jus" (le V6 Maserati de la vraie était hors d'usage, distribution cassée), telle que Jérôme (le personnage joué par Matias) la découvrait, la démarrait (un moteur électrique actionnait la pompe hydraulique, pour cet essai) et l'achetait. L'hydraulique fuyait, mais réussissait à lever l'arrière, puis l'avant de la voiture, tout en remettant roues, volant et phares en ligne. L'effet était intéressant. On remettrait tout de même une portière (dénichée quelque part ou copiée par l'équipe de tôlerie des studios, qui savait faire des choses bien plus compliquées: armures, carapaces d'insectes ou crustacés géants pour "les miroirs du temps", etc). L'aile manquante ne gênait pas pour cette scène, puisqu'elle montrait bien les entrailles: sphères, durites, courroies, au moment où ça démarrait.
Alceste- tu te rends compte du nombre de pannes que l'on peut avoir dans un machin pareil? Et puis pour retrouver des pièces, bonjour...
Le moteur hors d'usage (et irréparable) allait obliger à tourner toutes les scènes où on le verrait séparément de celles dans lesquelles la voiture roulerait avec deux gros moteurs électriques remplaçant le groupe moteur+boite d'origine, montage déjà utilisé dans d'autres voitures chez VTP pour éviter le problème de l'échappement pour un tournage en studio: ce qui sortirait du pot serait virtuel. Ceux montés dans la SM permettraient de dépasser 220 km/h. Pas longtemps, certes, pour limiter le poids d'accumulateurs, mais comme il n'était pas prévu de plan-séquence d'une vingtaine de minutes ça suffirait pour le tournage. De plus, cela permettait une programmation très précise du roulage du véhicule. La bande son étant refaite, personne ne s'en rendrait compte, capot fermé. Dans celles où il semblerait tourner, capot ouvert, l'entraînement serait électrique, le bruit, les vibrations et éventuellement les retours de flammes dans certains carburateurs (bruit d'explosion puis un peu de fumée) faisant le reste.
Matias trouva un peu frustrant de devoir "réparer" un moteur qui ne marcherait jamais: VTP oterait tout l'embiellage pour y loger un gros moteur électrique pouvant entraîner de l'intérieur le volant moteur et l'arbre intermédiaire donc tous les accessoires, tandis que des "silentblocs" piézo-électriques fourniraient les vibrations, balancements et soubresauts adéquats, asservis à la bande son. Matias espérait que le budget du film permettrait au moins de se procurer un V6 Maserati restauré, mais chez VTP on ne dépensait que ce qui était nécessaire: une seule SM, et un V6 qui ne serait qu'un acteur au son et à l'image, sans être capable de faire réellement rouler la voiture, tout en faisant croire au spectateur qu'il y en avait au moins deux: le "donneur d'organes" de la casse (filmé quand il y aurait encore les pistons, puisqu'une des culasses serait ôtée) et celui censé fonctionner. Ce serait le même.
VTP commença à préparer plusieurs jeux d'ailes, capots, face avant et portières, dans divers états, pour éviter d'avoir à tout faire en virtuel quand on n'aurait endommagé que ces parties-là. Il était plus économique et rapide de tourner avec la vraie voiture, lorsqu'elle serait vue de près, du moment que l'on ne cassait que ce qui pouvait facilement être échangé, or dans les chocs avant c'était possible: cela libérerait du temps de calcul pour les fausses SM des autres scènes. La BMW série 5 du début des années 80 étant un modèle fréquent dans les casses, VTP en avait acquis et réastiqué deux, gris métallisé, pour pouvoir rater une fois la scène de la station service, tout en ne disant pas à l'équipe qu'il y en avait déjà une de rechange: "sinon il va falloir tout refaire en virtuel et ça va nous mettre en retard".
En dehors de l'accent, les progrès d'Atte en français étaient remarquables, alors qu'il ne semblait pas particulièrement intelligent, d'après les Finlandais qui le connaissaient. Ici, il n'y avait personne parlant finnois, d'où le mimétisme de certaines expressions courantes ("je m'y colle"). Il n'avait pas appris que via une méthode. Atte n'était pas un mauvais élève, mais dans le contexte finlandais il s'ennuyait. Il semblait plus fait pour jouer chez VTP que Stéphane lui-même, de tournure d'esprit.
Atte- tu es connu, maintenant, dans ton pays. "La citadelle des goules" a fait beaucoup d'entrées, et même "Dent pour dent" marche bien, alors que ça n'a pas coûté cher. Tu as manqué le tournage avec le char: la Safrane, ils l'ont écrasée en vrai. Ce n'était pas du virtuel. Le métro, si: ils ne sont pas descendus dedans avec le char. En fait, ce qui est dommage, c'est que le Leclerc, il fait déjà char de jeu vidéo. Il est trop simple, de formes.
Stéphane- il a été conçu par ordinateur dans les années 80.
A- ça se voit.
Le festival d'Avoriaz était redevenu un festival du film fantastique depuis 1997. VTP espérait y avoir un prix pour "Les miroirs du temps", or ce fut "La citadelle des goules" qui fut élu. VTP savait très bien qu'aucun de ses films ni acteurs n'avait la moindre chance aux César, acquis au "milieu" cinématographique classique.
Saku était sous le contrôle de Nikolai pendant cette absence et s'en sortait correctement. Stéphane avait accepté de "rempiler" pour le premier semestre 1999, car le projet l'intéressait. Il supposait aussi que les compétences acquises autour de ces travaux l'aiderait à avoir plus de choix de carrière dans d'autres sites BFR, par la suite. C'était aussi ce que BFR avait fait valoir à Mika (directement en français, puisqu'il le parlait assez pour une conversation professionnelle aux phrases "sans ambition littéraire") pour le motiver à "prendre" aussi cette activité, puisqu'elle faisait partie de la production électrique. Mika avait été impressionné de parler directement avec la "direction mondiale", sans même passer par Högfjäll pour ça. Stéphane, présent sans que BFR le sût (ce n'était pas une vidéoconférence) lui tapait sur écran de quoi l'aider, tout en le rassurant: "tu vois: ils t'expliqueront tout. Moi non plus, je n'avais jamais de ma vie dirigé une partie d'une usine avant de venir ici". Saku le seconderait, ainsi que Ville en cas de besoin, et il pouvait se référer à Högfjäll avant de contacter BFR.
Mika avait demandé ce que l'on ferait des éoliennes une fois la géothermie démarrée. BFR répondit qu'elles continueraient comme alimentation de secours pour l'usine en cas de travaux dans le système géothermique, et que le reste du temps ce serait un appoint électrique comme un autre.
L'eau chaude géothermique de fin de turbinage alimenterait d'abord des cuissons de l'usine (au delà des températures fournies par les anciens forages), y compris de la friture en prélevant de la vapeur surchauffée plus tôt dans le cycle) puis la queue de cycle servirait dans des serres, y compris en été. Ou alors, chauffer le lac, mais uniquement l'été, pour faciliter les baignades, alors que l'hiver la chaleur pourrait servir au chauffage urbain et aux serres, on n'utiliserait pas l'échangeur dans le lac donc ça ne retarderait pas son gel. Les écologistes étaient en train d'étudier les inconvénients éventuels d'une augmentation de quelques degrés de la température du lac de mai à octobre pour sa faune et sa flore. Certaines espèces n'apprécieraient pas, mais cela permettrait d'en introduire d'autres, à condition qu'elles acceptent le gel hivernal épais en surface. BFR avait dit "il n'est pas indispensable pour nous de mettre un échangeur dans le lac. Nous avons d'autres solutions, mais deux municipalités nous l'ont suggéré pour attirer les baigneurs. Vous avez le temps de décider, car même si la centrale était prête maintenant, nous n'avons aucun besoin de ce type de refroidissement l'hiver".
Les riverains ne voulaient pas de tours de refroidissement façon centrales nucléaires, ayant entendu que ces brumes chaudes pouvaient propager la légionellose. Ils trouvaient que les serres étaient une bonne idée, surtout si ça permettait d'avoir des fruits et légumes moins chers produits sur place, et que s'il restait de la chaleur à résorber il n'y aurait qu'à multiplier les piscines chauffées.
En France dans sa famille il eût plein de choses à raconter, et montra des vidéos (de surfaces, et échographiques dans les forages) des travaux en cours. Cela intéressa beaucoup, et une cousine posa elle aussi la question "mais si jamais ils trouvent du pétrole?".
On le questionna plus sobrement sur "Les miroirs du temps", en lui disant que "tout le monde" (c'était exagéré) parlait de ce film. "Un petit rôle divertissant mais financièrement intéressant", avait-il dit euphémistement pendant qu'il le préparait. Il expliqua qu'il n'avait pas pu en dire plus car il savait pas s'il serait pris: il pouvait très bien n'avoir qu'un rôle de quelques minutes, dans ce film, si VTP avait estimé qu'un autre acteur s'y débrouillerait mieux: "ils m'ont informé courant août que j'y serais, mais ils ne m'ont même pas dit que ce serait le rôle principal. Je n'ai jamais vu le scénario avant que le film ne sorte: uniquement les bouts de scènes auxquelles je participais, et pas dans l'ordre de montage". On lui posa des questions sur "La citadelle des goules" et "Dent pour dent", ainsi que sur Atte Ruusuvaara:
S- malheureusement, un autre garçon de chez BFRSF qui aurait dû venir jouer chez VTP lui aussi a été tué par un camion sur une autoroute belge pendant le voyage.
On ne lui posa pas de questions sur les Finlandaises: dans sa famille, on respectait la vie privée, qu'elle existât ou non. On lui demanda s'il y retournerait:
Stéphane- oui, dès le 3 janvier. Je veux voir démarrer la centrale géothermique et participer à l'organisation des travaux. Cela peut m'ouvrir des perspectives de carrière en d'autres endroits, car la géothermie, c'est propre, ça marche tout le temps, et c'est rentable. De plus, nous pourront bientôt aller d'Helsinki à l'usine en train: ce sera plus rapide et plus sûr que par la route.
Loïc- j'ai entendu dire qu'il y avait une grosse crise économique, là-bas. Il est étonnant que BFR y fasse de tels investissements
S- d'une part, la Finlande tirera avantage d'avoir de l'électricité moins chère. D'autre part, nos ventes de gâteaux et de charcuterie ont beaucoup augmenté depuis la crise.
Geneviève- les pauvres! Ils se réfugient dans la nourriture pour oublier leur sort...
S- n'exagérons pas: ce n'est pas un pays pauvre. Juste moins riche que l'an dernier. L'augmentation des ventes de nos pâtisseries est spectaculaire. En Suède aussi, les ventes ont augmenté, mais pas en Norvège.
L- la Norvège a du pétrole: eux, ça ne les touche pas, ces histoires de chute du marché de la téléphonie mobile. Ici aussi, la Bourse en a pris un coup, à cause de la chute de New York et de Tokyo depuis l'invasion AK sur le marché mondial de l'informatique. Quand à l'immobilier, les spéculateurs ont sauté des tours, et les banquiers aussi, surtout depuis l'interdiction du crédit à la consommation et les restrictions sur le crédit immobilier. Ca met une belle pagaille sur les marchés.
BFR n'étant pas cotée en bourse, malgré son envergure mondiale, sa bonne santé n'avait pas d'effet visible sur le "CAC 40". Kermanac'h non plus, bien que profitant des bonnes ventes de ses voitures électriques et du matériel industriel pour BFR et d'autres industries traditionnelles. Par leurs bons spectaculaires à l'exportation, dûs à la TVA sociale, les constructeurs automobiles, ferroviaires et la part française dans Airbus avaient tiré les cours vers le haut pendant l'année 1997 et début 1998, faisant plus que compenser la chute des empires du BTP, mais un nouveau palier (positif) ayant été atteint, il n'y avait plus de hausse de ces cours. Il y avait même eu des "prises de bénéfices" inévitables après l'inertie ayant emporté les cours de ces entreprises un peu au dessus du raisonnable. Ceci joint aux chutes induites par les marchés américains, japonais et dans une moindre mesures allemand (baisse des exportations automobiles vers les Etats-Unis, en raison de la crise là-bas) avait induit un mouvement de baisse globale de cours français, même ceux des industries exportatrices restaient nettement au dessus de leur niveau de début 1997, l'implosion de la "bulle technologique" n'ayant pas touché ces secteurs "de la vieille industrie".
EDF avait fait faillite, produisant trop cher à cause de l'ardoise du nucléaire (tout était maintenant compté, tant l'endettement initial que les provisions pour coûts des démantellements futurs) avec trop de personnel trop cher lui aussi. Le créancier principal, l'Etat, avait saisi les centrales nucléaires (il en restait 39 en fonctionnement), les avait confiées à l'armée, pour la sécurité, et à un nouvel organisme, la "RNNC": Régie Nationale du Nucléaire Civil, qui vendait le courant aux diverses collectivités locales le distribuant. La RNNC avait vocation à disparaître avec le parc qu'elle gérait. Elle avait pour mission de comparer continuellement les risques et coûts de maintenance des centrales dont elle avait la charge pour savoir laquelle arrêter, au fil de la baisse de la consommation électrique nationale et du développement de la géothermie "massive". Les barrages étaient confiés à la RNEH: "Régie Nationale de l'Electrité Hydraulique", qui revendait elle aussi le courant tout en assurant le contrôle et l'entretien (en particulier le nettoyage amont) des installations. L'usine marémotrice de la Rance en faisait partie. Cette installation originale était moins écologique et moins rentable qu'elle n'en avait l'air, à cause de la modification des courants et surtout de l'ensablement qu'elle induisait, mais un sondage montrant que le peuple y tenait, on continua de l'entretenir. La géothermie était confié à de grandes entreprises privées, après étude géologique pour vérifier que les forages ne perturberaient pas des nappes phréatiques. BFR était le plus gros producteur d'électricité géothermique d'Europe, après avoir longtemps utilisé cette énergie plus comme moyen de cuisson gratuite que comme production électrique, car seuls les forages les plus profonds (ou tombant sur un "point chaud") fournissaient de la vapeur turbinable. Il n'y avait pas besoin de descendre si profond pour avoir de quoi cuire des conserves, et moins encore pour incuber des yaourts ou chauffer des serres.
Il n'y avait eu que 96 602 naissances en France pendant le second semestre 1998, contre 2 028 573 morts, parmi lesquels encore 1770 814 suicides. La loi sur la "responsabilité parentale" avait-elle dissuadé beaucoup de gens de prendre ce risque, ou était-ce simplement la suite du mouvement amorcé au second trimestre? Il pouvait aussi s'y ajouter l'effet "ne pas être né en 1998 ou 1999 car ça vieillit d'un siècle par rapport à être né en 2000" pour avoir différé certains lancements de gestation. Surtout si les gens savaient qu'ils ne feraient qu'un ou deux enfants, le troisième ayant perdu toute rentabilité économique: autant choisir bien la date de naissance, donc ne pas trop se presser. La natalité remonterait peut-être entre 200 et 250 000 par an ensuite, voire un pic à plus 300 000 en l'an 2000 s'il y avait eu beaucoup de "lancements de gestation retardés". C'était très difficile à prévoir, puisque trois raisonnements différents s'y concurrençaient. Il pouvait même y avoir des "attendons mai 2002" en tablant sur le fait qu'ayant poussé trop loin les changements de société (sans précédent, en ce qui concernait la TVA sociale et la politique familiale désormais malthusienne), l'ELR perdrait les prochaines élections. Seul ce qui se passerait pendant les deux ans et demi à venir permettrait de s'en faire une idée, car le monde lui aussi changeait, les Russes étant en train de gagner la guerre de l'informatique et des télécommunications après avoir perdu la course aux armements militaires. Les ventes d'ordinateurs grand public de type non-AK avaient été divisées par 17, en dehors des territoires américains et japonais où le protectionnisme défendait le pré carré de l'industrie locale, à défaut de lui permettre d'aller brouter ailleurs. Nombre de leurs entreprises n'avaient pas survécu à cette asphyxie: sans exportations, elles étaient vite devenues insolvables, surtout celles qui s'étaient bâties sur des emprunts importants. Même motif, même punition pour les consoles de jeux, et désormais la téléphonie mobile. "Et encore: on n'a rien vu! Attendez que les Chinois et les Indiens s'y mettent", prophétisaient nombre d'économistes, histoire de ne pas avoir l'air de s'être trompés deux fois sur l'avenir du marché de l'informatique et des télécoms. Il n'y avait aucune parade: le gouvernement américain ne pouvait pas obliger l'Europe, l'Amérique du Sud, l'Asie ou le Moyen-Orient pétrolier à acheter américain au lieu de russe, surtout face à des machines plus puissantes, plus solides, moins chères et sur lesquelles un système satellitaire déversait un niagara de logiciels gratuits, en plus de ceux disponibles tout aussi libre de copies par "voie terrestre".
Le modèle français de la "Société de Conservation" ("sauf celle des mauvaises habitudes", ajoutait parfois l'ELR) prôné et mis en oeuvre par l'ELR ayant fortement enrichi les Français, en pouvoir d'achat individuel net, dans un contexte de "déflation compétitive" et d'antikeynesianisme intensif, il avait commencé à être copié ça et là, lorsque des lobbies puissants ne s'y étaient pas opposés (l'antikeynésianisme leur coûtant très cher, par chute de la "surconsommation"). En Allemagne, Espagne, Italie, on estimait que la France avait simplement retrouvé la raison en cessant de faire bien trop d'enfants (ce qui justifiait aux yeux de leurs propres citoyens, dans ces trois pays surtout, l'absence de politique nataliste) et de surtaxer artificiellement ses propres produits tout en en exonérant les importations: la TVA sociale semblait faire l'unanimité en Europe, l'exemple français (qui n'avait pas été le premier: le Danemark avait commencé avant, de façon moins voyante) balayant toutes les objections soulevées par les lobbies qui s'y étaient jusqu'alors opposés. L'harmonisation des taux de TVA en Europe était en train de se faire par le haut "car c'est le seul impôt que les importations paient aussi". Le plafonnement de l'impôt sur le revenu à 20% en France ayant inversé l'exode fiscal (et même plus que juste inversé), les autres Etats durent eux aussi plafonner leur fiscalité directe, quitte à augmenter un peu plus la TVA puisqu'elle portait sur des dépenses et non les revenus. Le dégraissage massif de la fonction publique avait été amorcé en Suède avant la France, et tendait à se généraliser lui aussi, pour la même raison, sauf dans les pays qui en avaient déjà peu par habitant.
La France avait choqué les organisations de Droits de l'Homme en guillotinant "à tours de bras" (disaient les articles) de jeunes délinquants, les jurys populaires ne faisant aucun "angélisme" dans ce pays, contrairement aux "juges pour enfants" qu'ils avaient remplacés pour les cas de violences physiques volontaires. Toutefois, les opinions publiques n'étaient pas si choquées que ça, car l'exemple avait été suivi en Belgique, puis en Angleterre où 965 jeunes agresseurs (dont 30% de "holligans") avaient été pendus, depuis le rétablissement de cette procédure pénale et la reprise de son application en août 1998. "La pendaison est tellement barbare que même le gouvernement français l'a condamnée", disaient les opposants à ce rétablissement. Ses partisans disaient que la guillotine, c'était trop net et trop rapide, donc ça ne faisait pas vraiment peur, contrairement à "pendu jusqu'à ce que mort s'en suive". Alors pourquoi "pas au cachot avec des oeufs de lucile bouchère sous la peau", tant que vous y êtes? Protestairent les anti-pendaisons. En cas de référendum, la hache (l'autre tradition britannique) aurait eu ses chances, surtout en décrêtant, comme le proposaient certains groupes parlementaire anglais, qu'elle fût maniée par le bras d'un robot, ce qui garantierait une frappe exacte et dispenserait d'avoir à recréer des bourreaux. "Pourquoi se compliquer la vie? On approche de l'an 2000, c'est au laser industriel qu'il faudrait décapiter. En plus ça cautérise: c'est plus propre que la guillotine". Des projets de guillotines laser furent réalisés par deux entreprises anglaises, et testées sur des cadavres bovins: le procédé ne rendait pas la viande impropre à la consommation, donc ça ne coûtait que l'électricité consommée par le laser. Il fallait un laser de très forte puissance, donc coûteux, pour couper une tête aussi vite qu'avec un couperet, d'où l'abandon du projet: les modèles testés sur les cous des vaches ne coupaient pas assez vite. La découpe mécanique reprit donc l'avantage. La hache avec un grand bras à ressort arqué par un moteur électrique (manivelle prévue en cas de panne de courant. Le moteur n'était pas nécessaire pour trancher la tête: il ne servait qu'à armer le dispositif, le déclenchement étant purement mécanique, par débloquage du cran de la roue à cliquet) puis lâché, ce qui revenait à un bas de guillotine dont le couperet décrivait une coubre. Plus spectaculaire, le condamné n'étant pas partiellement caché par le dispositif, mais plus encombrant en largeur.
Ce fut ce système qui finit par remplacer la pendaison, dans le cadre de la nouvelle peine de mort britannique: une mécanisation de la hache (visant juste et frappant fort à tous les coups) avec un dispositif de maintien de la tête ajouté au billot. Ceci plut à certains Etats américains qui l'adoptèrent au lieu de procédés plus contreversés, de même que quelques-uns avaient fabriqué leurs propres guillotines pour la même raison, après la reprise de cette pratique en France. Toutefois, les jurys populaires anglais pouvaient encore décider la pendaison pour les crimes particulièrement abjects, où la souffrance publique du condamné leur semblait indispensable.
Noël s'était passé en famille, la soirée du 31 décembre fut "en bande" (mais inoffensive) dans Paris avec Atte et d'autres VTP que Stéphane connaissait, dont Flavia, Zhao et même Adrien du Millénium mais pas Florian: on ne verrait jamais Florian ni Tarsini dans de telles occasions. Ces personnages n'étaient pas faits pour ça.
Stéphane put revoir "Les miroirs du temps" dans la grande salle de projection stéréoscopique de VTP, avant de repartir en Finlande. Dans de telles conditions de projection, le film était "plus que saisissant", tout en laissant le spectateur suivre et comprendre le scénario (compliqué par sa longueur mais très "lisible"), malgré l'ampleur que prenaient les scènes d'action en stéréoscopie grand écran, avec le son octophonique (il y avait aussi une composante verticale: on était dans un cube de haut-parleurs). Stéphane se demandait si c'était réelement lui qui avait joué ça, ou si VTP avait plus triché par infographie qu'il ne l'avait supposé. Il savait qu'il avait bien effectué les mouvements, mais la sincérité des expressions n'avait été retravaillée qu'un peu avant le tournage réel final: chaque scène avait été filmée N fois en studio avec le vrai personnage. Le réalisateur n'avait qu'à choisir ensuite l'expression qui convenait le mieux, les mouvements étant déjà bons grâce à l'entraînement intensif. Ce n'était plus lui, sur l'écran: c'était Rolvar "pilotant" quelqu'un comme lui. Même Stéphane pouvait suivre ce personnage parmi les autres comme un spectateur ordinaire, bien que l'ayant vécu de l'intérieur, tellement l'action et l'ambiance l'avalaient dans le film. Il se souvenait par moment avoir vu l'action sous un angle différent (parce que de l'intérieur du personnage, pour lui permettre de s'y croire) mais ce n'était qu'un filigramme mental: "Les miroirs du temps" était un film qui fonctionnait, bien qu'il l'eût déjà vu quatre fois en entier (mais pas dans de telles conditions) pour examiner tous ce qu'il n'avait pas remarqué les premières fois, en plus d'en avoir joué nombre de scènes. VTP avait mis le paquet, pour compenser l'absence totale de crédibilité dans le monde cinématographique de son image d'usine de "sitcoms yaourtiers". Personnages trop jeunes, trop "lisses"? Pour un film réel de ce genre, peut-être, mais ils convenaient très bien à un film infographique (même à réalisme poussé). Le jeu de devinette "qui est vrai et qui est synthétisé" n'était pas évident, dans certaines images, la synthèse n'étant utilisée que tant que l'on ne s'en rendrait pas compte, tandis que les vrais personnages avaient déjà l'air de sortir d'un logiciel par rapport au "gens de la rue". On entendait ça et là prédire que dans le prochain il n'y aurait plus du tout d'acteurs réels (ou à la rigueur des clônes virtuels d'acteurs réels, pour capitaliser sur des "déjà connus" vis à vis d'une partie du public au lieu de les inventer de toutes pièces), si prochain film il y avait, chez VTP. Il vit aussi dans ces conditions les autres films et grands téléfilms tournés par VTP.
Le 1er janvier fut annoncé la mort du Président de la République Française, suite à une rupture d'anévrisme pendant le réveillon. On connaissait ses excès de table mais il semblait jusqu'alors capable de les supporter. L'élection qui s'en suivrait mettrait-elle fin à l'épisode ELR (par dissolution) qui selon ses opposants avait déjà fait énormément de dégâts dans le pays, ou allait-elle confirmer la volonté populaire de changement? Volonté de changement il y avait eu, mais le changement qui avait eu lieu n'était pas forcément le plus souhaité, le système ayant fait de nombreux gagnants mais aussi des perdants représentant des groupes d'opinion bien plus structurés que le "simple peuple".
4 janvier 1999: retour à Helsinki. La nouvelle voie ferrée ne prenait pas encore de voyageurs (voie d'essais et mesures) donc ce fut Oskari qui vint le chercher avec la CRT. Malgré un pépin ayant obligé à envoyer un second robot décoincer le premier (on ne pouvait pas faire remonter directement le tunnelier, son diamètre étant supérieur (et pour cause) à celui laissé par le tubage posé au dessus de lui) dans le forage "aller", celui-ci faisait 2988m et l'autre 3062: le "retour" avait rattrappé son retard intial sur l'aller suite aux problèmes survenus dans celui-ci. La pression au fond était largement suffisante (300 bars) pour continuer à utiliser l'eau, mais pas en surface, malgré le refroidissement de l'eau de remontée par celle de descente le long de la paroi en acier (pas du tout isolante: exprès) du gros arbre creux. La circulation d'eau dans le forage avait dû être accélérée (plus que le simple transport des déblais ne l'exigeait) pour éviter son ébulition à la surface.
Surprise: une Viivi coiffée "235", à ceci près que les stries taillées dans le dessus étaient obliques, au lieu de filer droit en arrière comme celles de la version 235. Etrange, sur Viivi, mais intéressant. Tout à fait intéressant. Elle ne ressemblait pas à Atte, mais ça lui allait aussi.
Stéphane- sous quel numéro as-tu été ajoutée au mur?
Viivi- ah, tu connais... 515. Je suis sûr que ça ne te plaît pas. Les garçons n'aiment pas ça sur les filles, en général.
S- je ne te l'aurais pas conseillé, mais ça rend bien. Beaucoup vont avoir envie de toucher, par curiosité. Qu'ont dit tes parents?
V- pas encore vu: fait ce matin à l'ouverture. Ca ouvre avant l'usine.
Viivi n'avait pas pu connaître Atte, mais l'avait vu comme exemple au mur. Elle ajouta:
- tu peux toucher
Etonnant de la part d'une Finlandaise. Parce qu'urbaine?
S- pas dans l'usine.
V- moi, je touche tout le temps. C'est intéressant à toucher.
S- nous ne devrions pas parler de ça pendant les heures de travail. Ailleurs, c'est possible.
V- oui, bien sûr.
Stéphane apprit que la veille, un camion de lait conduit par un septuagénaire atteint d'une attaque cardiaque au volant avait broyé par le travers la XM et son contenu, en montant dessus au cours de la collision. Högfjäll était mort, ainsi que Jussi, son jeune chauffeur. BFR allait donc trouver (encore) un nouveau directeur et expédier une nouvelle voiture de direction: on n'allait pas véhiculer un directeur en Polo ou en C15.
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La température de retour était nettement inférieure à ce qu'elle serait quand les deux puits seraient mis en communication: en remontant par le même, le débit était moindre et la section moindre, d'où des échanges thermiques plus importants, tout particulièrement avec le flux froid descendant, de l'autre côté de la paroi de l'arbre de transmission. BFR avait envisagé de forer à l'huile, si la température de retour augmentait trop.
L'huile issue du colza (transgénique, pour un tel usage) cultivé en Ukraine par BFR depuis plusieurs années (dès la chute de l'URSS), en vue de servir de biocarburant bon marché, arriverait alors par wagons citernes sur le chantier. Les ingénieurs avaient estimés que l'on pourrait descendre jusqu'à cinq kilomètres à l'eau, avec une circulation aller-retour suffisante pour l'empêcher de bouillir en surface, mais tout avait été prévu pour pouvoir passer à l'huile si cela se produisait. Plus tard on le ferait, moins on gaspillerait de l'huile dans les boues et gravats évacués, donc moins ça coûterait.
Des trains repartaient par l'embranchement menant au terril en cours d'élévation et ramenaient des wagons bennes sur le chantier. Des convois de matières premières (à commencer par le lait: la plus embêtante à transporter par la route) puis de produits finis faisaient aussi l'aller-retour, mais il y avait toujours des camions de lait sur les routes car le lait venait de "divers endroits", et pas uniquement des riverains de la nouvelle voie ferrée.
Ce forage n'avait rien d'expérimental pour BFR: la technique était au point, le sous-sol de cette partie de la Finlande ne présentait pas de difficultés particulières et son gradiant thermique était favorable. C'était une expérience inédite pour le personnel de BFRSF: aucun n'était là à l'époque des forages existants. Initialement l'eau remontait à 107°C dans la conduire fermée donc se vaporisait aussitôt hors pression, mais une fois l'équilibre thermique établi avec les alentours de la "chaudière" souterraine la température de retour s'était stabilisée à 84°C. Les progrès dans la façon de créer la circulation entre les puits, leur espacement, le revêtement d'intubation allait diminuer nettement cette perte dans le nouveau forage: du 225°C de démarrage (ce qui demanderait plus, au fond, même dans un tube bien calorifugé) resterait un peu au dessus de 210°C en régime de croisière.
"Päättynyt futuuri" totalisait déjà quinze épisodes avec beaucoup de tournage en extérieur pour profiter de la neige et de la forêt. VTP voulait que ce soit "très" finlandais, les marchés visés étant l'Europe latine et l'Amérique latine, en priorité, mais estimait que ça marcherait aussi en Allemagne, en Angleterre, etc.
L'office du tourisme finlandais n'était pas contre: ça donnerait une image attrayante de la Finlande à l'étranger, pays peu visité jusqu'alors, la Suède et la Norvège étant plus faciles d'accès depuis l'Europe de l'Ouest. A l'extrémité est de la Baltique, la Finlande était quelque peu oubliée des voyageurs, avec de plus la réputation (méritée) de pays où tout était très cher et la population taciturne. On parlait un peu plus dans "Päättynyt futuuri" que dans la réalité (quoique cette tranche d'âge fût moins taciturne que ses aînées), mais moins que dans une série européenne ou américaine, grâce aux pensées en images virtuelles.
Des psychologues, eux, critiquaient cette série car idéalisant trop physiquement les jeunes, ce qui allait donner des complexes à ceux (et surtout celles) qui n'étaient pas aussi "zéro défaut" que ce que l'on y voyait. Certes, dans les séries télévisées étrangères les personnages n'étaient déjà pas du "tout venant", mais peu avaient l'air finlandais donc ça restait exotique. Au contraire, "Päättynyt futuuri" était très finlandais (en plus d'être tourné d'origine en finnois). Trop: selon ces psychologues et sociologues, c'était la Finlande destinée au public de l'Europe Latine, que l'on montrait là-dedans. Ca ne créerait aucun complexe dans la jeunesse de ces pays, qui ne s'y indentifierait nullement et regardait par exotisme, curiosité et pour l'esthétique "d'une autre planète" des personnages. En Finlande, ça pouvait faire des dégâts, précipiter des jeunes filles chez les chirurgiens esthétiques pour ceci ou cela, acculer certains au suicide (là, ils exagéraient probablement), culpabiliser les parents.
VTP avait estimé que même si cette tendance pouvait exister, ça n'aurait pas d'effet, les Finlandais étant un peuple stable et indifférent à de telles notions. "Päättynyt futuuri" était conçue en partie pour le marché finlandais, mais uniquement comme label "série finlandaise destinée à la Finlande" pour ensuite l'exporter vers un public vingt à cent fois plus nombreux. "Drakkars et dragons", de même, serait surtout destiné au public non-nordique, tout en étant tourné essentiellement en Finlande et un peu en Norvège (pour les fjords, réincrustés ensuite infographiquement comme décor des tournages finlandais) avec des personnages recrutés et entraînés sur place. La perspective de l'exportation urbi et orbi de certaines des séries télévisées de VTPSF plaisait au gouvernement finlandais: même si c'était sous contrôle économique de BFR, tout ceci employait des Finlandais, sur place, en allant chercher de l'argent frais chez les réseaux de télévision d'autres pays, y compris sur d'autres continents. VTPSF aurait ainsi moins de difficultés à interrompre une heure de temps en temps la circulation dans certaines rues d'Helsinki pour les scènes de "rats des villes, rats des champs" le nécessitant, comme les défénestrations ou celle où un "rat des champs" se ferait écraser par un autobus. La plupart du temps, ce ne serait pas nécessaire (même en ville), les moyens techniques utilisés étant "agiles et légers". L'habitude des réincrustations "sans que ça se voie" (y compris en stéréoscopie car tout était tourné ainsi, chez VTPSF aussi) permettait de filmer une rue d'Helsinki à un moment où il n'y avait pas de circulation, tourner ensuite la scène sur fond vert sous exactement les mêmes angles image par image (mouvements de caméras répétés à l'identique), hors site, puis s'y projeter. Ca existait ailleurs, mais VTP savait le faire très souvent, sans trop de temps supplémentaire, et sans nécessiter l'immobilité des caméras. Il fallait juste que le mouvement fût parfaitement reproductible: on ne poussait jamais de charriot de traveling à la main, chez VTP.
"Rats des villes, rats des champs" n'utilisait pas que des personnages émilianométriques. Il y avait 90% de "très nordiques", certes ("et le reste aurait pu faire des Allemands acceptables", commentait-on chez VTP), mais sans chercher le zéro défaut: lunettes, nez "pas tout à fait ça", etc, ça existait, dans cette série destinée surtout au marché finlandais. C'était une série sur le chômage et les désillusions, donc moins "Finlande idéale" que "päättynyt futuuri". De plus Kimi Vaismaa avait souhaité que les personnages fussent un peu plus identifiables: il fallait des grands maigres, des petits gros, etc, parmi une majorité de gens "suffisamment beaux et en bon état", bien que n'atteignant pas les critères de "Päättynyt futuuri".
Les mauvaises langues disaient que c'était les recalés du casting des autres séries qui s'y retrouvaient. Il y avait de ça, mais pour autant on n'y mettait pas n'importe qui: il y avait des gens imparfaits, mais pas trop. Il y en avait même moins que dans le Helsinki réel, les gens qui n'étaient pas beaux de près devant au moins pouvoir faire illusion de loin, et réciproquement, dans ce recrutement. Cette série n'était pas encore diffusée: VTPSF attendait d'en avoir tourné assez d'épisodes. De plus, priorité était donnée à "päättynyt futuuri" dont VTPSF devait tourner le plus d'épisodes possible dans une Finlande enneigée, ceci pour l'exportation.
La troisième série tournée depuis le début de cette année chez VTPSF s'appelait "Aquavit", se passant aux temps des Vikings mais sans comporter les scènes spectaculaires prévues pour le "péplum nordique" de Tarsini: il y avait toutefois quelques drakkars (construits par le petit chantier naval breton de VTP), des reconstitutions de bâtiments d'époque et des fêtes paillardes où l'alcool coulait à flot dans des crânes servant de chopes. Ceci était pour VTPSF un moyen de sélectionner et entraîner les futurs acteurs du grand film, tout en les rentabilisant dans cette série qui chargeait la barque (euh: le drakkar) sur le côté brutes avinées des Norvégiens médiévaux, le tout étant ponctué de nombreux gags (causant parfois des morts, mais sans cesser de rire): ce n'était qu'une série télévisée à budget raisonnable, même si la réincrustation de vrais paysages norvégiens (occasion de vérifier la précision du système de "pré-tournage" de VTP) donnait de l'ampleur et de l'espace aux images, tournée en stéréoscopie avec du 1250 lignes: ce n'était pas destiné au grand écran.

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