vendredi 10 avril 2009

chapitre N-14

#N-14

"262 à neuf heures" (ou autre position "horaire") était une phrase typique des mitrailleurs de bombardiers qui constataient alors que leurs tourelles ne pivotaient pas assez vite pour le garder dans la ligne de mire (problème réellement constaté), tout en étant l'occasion de belles scènes de canardage filmées depuis l'intérieur d'une "forteresse volante". Ce type de scène rendait si bien à l'écran que "La guerre des étoiles" s'en était déjà inspirée en dotant le "Millennium Condor" d'une tourelle de ce genre, mais à canons lasers. VTP savait dont que quelques prises de vues de ce type seraient appréciées et même "exigées" par les amateurs de films de combats aériens à l'ancienne (avant les missiles à suivi automatique de cible). Ce qui devait arriver arrivait, vu le nombre de bombardiers dans la formation: une fois le Me 262 à l'intérieur de celle-ci (le temps de tirer ses roquettes "une seule par cible: ne les gâchez pas") les mitrailleurs soit n'osaient pas tirer, soit en mettaient plus dans les avions de leurs camarades que dans celui de l'ennemi, surtout avec des tourelles ne réagissant pas assez vite. En raison de cette densité, un bombardier qui tombait en tranchait parfois un autre: déjà vu dans des films de guerre non-VTP. Les scénaristes de Gamma n'en abusèrent pas, car il ne fallait pas présenter les aviateurs américains comme malchanceux ou incompétents (donc pas trop de tirs fratricides non plus: les statistiques avaient été étudiées pour rester dans une proportion réaliste), pour que la victoire fût bien attribuée aux nouvelles statégies et tactiques allemandes. C'était juste un rappel du fait que cela se produisait, dans des formations aussi denses et nombreuses.

Nombre de projets d'affiches avaient été testés en interne (en conservant le principe Kerfilm: jamais d'acteurs sur l'affiche, ou alors en tout petits formant foule) et c'était finalement un ciel "crépuscule des dieux" avec la croix gammée "positive" (indienne) se détachant sur la pleine lune, tandis que du fond rougeoyant (et orange, et mauve, et gris...) surgissaient le Me262, l'aile volante Horten Go229 et bien d'autres stars mécaniques du film. Une affiche prévue pour un format en largeur, et non en hauteur.

En 2001, lors de la sortie du film "Chevalier" avec Heath Ledger, où l'on ne voyait que lui en portrait dans l'affiche (et même pas l'armure ni le cheval ni la lance ni l'ambiance, ni, ni...) Lucien Venant (souvent invité sur les plateaux de télévision, lui, et plus encore depuis "Merdes molles") avait dit, en montrant l'image: "voilà ce qu'il ne faut surtout pas faire. Et en plus c'est un mauvais film: la preuve c'est que si on remplaçait cet acteur-là par un autre ressemblant à n'importe qui pris au hasard dans le métro, tout en jouant exactement pareil, il ne resterait plus rien à vendre et personne ne s'en souviendrait. En même temps il faut reconnaître que ce n'est pas de la publicité mensongère: cette affiche dit bien que ce film n'y a rien d'autre à vendre".

Certes, VTP pratiquait aussi le "produit d'appel" dans ses affiches, mais ce n'était jamais un acteur. Pour Gamma, c'était le Horten IX, qui semblait sortir d'un film de SF tout en ayant réellement existé. Pour "Traction", une "15" en pleine accélaration dans les rues de Paris, et d'où dépassaient des mitraillettes, etc. L'affiche de l'Odyssée ne montrait pas non plus Vittorio Cario, qui y jouait Ulysse, mais une scène de tempête qui n'était pas sans rappeler "la Vague" d'Okusaï. Pour "L'Illiade", c'était bien sûr le cheval de bois devant la ville fortifiée. "Le Crépuscule de Rome": une perspective prise au ras de l'arène en pleine course au niveau des pattes des chevaux, entre deux chars à la lutte, laissant voir d'autres chars, plus loin, et l'architecture qui remplissait tout le fond. Dans cette de "Cyberlander" on voyait onze des personnages, mais petits et réduits à l'état de silhouettes sombres à contrejour dans les décors insolites (et inconnus de l'essentiel du public) de l'intérieur de l'usine abandonnée de l'île Seguin, la lumière accrochant (rajoutés par infographie) des éclats intenses sur les épées à travers un effet de brume (neige carbonique). Ca ne permettait pas de deviner qui était qui: tout au plus qui n'était pas qui.

Cela avait déjà été remarqué par bien des journalistes ou amateurs de cinéma, et peu après la sortie de Gamma, un magazine publia un article intitulé "Erwann d'Ambert, acteur furtif?" avec comme illustration le Horten IX en vol (ça, on pouvait, car il en existait des images [y compris des reconstitutions infographiques] n'appartenant pas à VTP) en expliquant qu'il avait joué l'essentiel du rôle principal du film tout en faisant croire que c'était Atte Ruusuvaara, avant lecture du générique final. L'article ajoutait: "certes, comme l'annonce clairement l'affiche, les personnages principaux sont les avions et autres matériels militaires, donc peu importe qui joue réellement Sigmar Thorgård". Erwann, lui, avait remarqué que plus ce personnage prenait de pouvoir, au cours du film, moins on le voyait, alors qu'il était bien présent au début et encore jusqu'à l'attentat, puis progressivement plus lointain, au profit de la mise en scène des conséquences de ces décisions et de l'entrée en jeu d'un plus grand nombre d'autres ingénieurs, pilotes, sous-mariniers, jeunes officiers, etc. Cela servait à donner l'impression de suivre le scénario surtout via ce que voyaient et faisaient ceux qui n'étaient pas (ou pas encore, dans son cas, au début) au sommet du régime, ce qui, selon VTP, entretenait l'intérêt du film, en plus de l'ampleur et de la qualité des scènes d'action.

De plus, il n'y avait généralement pas de bandes annonces, pour les productions "Kerfilm": autant d'économisé, sachant que la publicité se ferait toute seule, tant par le bouche à oreille que certains médias. La notion "dernier film avec Atte Ruusuvaara" ne fut pas utilisée par VTP, pour "Gamma". Ce furent certains médias qui le mentionnèrent. En fait le film mentionnant "en mémoire d'Atte Ruusuvaara" serait "Silmät", parce qu'il était prévu dedans aussi et que c'était un film finlandais. Depuis que les péplums l'avaient lancé, dans l'esprit du public, Vittorio avait lui aussi été retiré par VTP des médias et de toute prestation "people". Fabrizio (nouveau, du moins dans l'esprit du public, car il était dans des séries bon marché depuis déjà six ans) et Alexandre (vrai nouveau, lui) seraient encore un peu médiatisés avant de cesser de l'être s'ils "prenaient" vraiment comme acteurs pour grosses productions. Fabrizio avait bien plus d'expérience qu'Alexandre, d'où son utilisation comme rôle principal (ou parmi les principaux: cela variait selon les parties du film) dans "Chargeur Camembert" alors qu'Alexandre n'en était pas encore là, selon VTP.

Un des critiques "ancienne vague" avait d'ailleurs admis que ça partait d'un bon principe: "BFR-VTP paie très peu ses acteurs et ne les starise pas, mais on ne peut pas nier qu'ils aiment le cinéma: il n'y avait jamais eu tant d'entrées pour des films français avant eux et ce sont aussi eux qui ont démocratisé les salles stéréoscopiques. En même temps ça a tué le cinéma français classique, mais celui-ci avait vraiment trop pris l'habitude de se reposer sur les avances sur recettes et les contrats avec les télévisions payantes, au lieu de faire des films qui intéressent le public et puissent s'exporter. Les productions Kerfilm sont de purs produits indutriels, comme les fromages de la maison-mère, mais ils ont réussi à créer une curiosité pour les prochaines sorties au point de se passer de toute publicité avant lancement et de ne pas envoyer ses acteurs faire de la "promo" dans les émissions grand public. Bien sûr, on peut regretter la fin du cinéma au lait cru moulé à la louche, mais puisque la version industrielle a repris tant de parts de marché à l'envahisseur américain, elle n'est pas inutile pour la présence culturelle française dans le monde".

Gamma était un film aussi "grandiose" que "le crépuscule de Rome", où (rare chez VTP) la musique jouait un rôle important: Wagner, bien sûr, mais aussi quantité d'autres morceaux (dont du Millénium instrumental "néo-wagnérien") y compris (mais adapté en allemand, et restant ainsi quelque fût la langue de doublage. Le tournage s'était fait en français) un extrait des "Chevaliers du ciel" pour l'enregistrement duquel Adrien imitait Johnny Halliday qui l'aurait chanté en allemand, parmi de vrais chants patriotiques allemands d'époque. Un clin d'oeil pour quelques spectateurs à l'oreille attentive. Voltige aériennes, canardages à balles traçantes (parce que ça rendait tellement mieux à l'image...), attaques de convois de navires alliés, poursuites en voitures (compresseur enclenché) sur autoroutes allemandes faites de plaques de béton pas toujours parfaitement raccordées, des bouts de scènes pouvant évoquer "Mad Max" ou autres. Certains estimèrent que c'était à la seconde guerre mondiale ce qu'Apocalypse Now était à la guerre du Vietman, y compris l'utilisation de Wagner. Certains moments dans une poursuite en voiture étaient filmés comme la course de chars du "Crépuscule de Rome", elle-même inspirée par celle de Ben Hur (sauf que l'usage de faux chevaux permettaient de filmer de plus près certaines cascades non envisageables avec des vrais). Certaines cascades excessives (comme sauter d'un Me109 en feu, volant à cet instant sur le dos, sur l'aile d'un Avro Lancaster pour s'en emparer) avaient été supprimées: "ça, on n'y croira pas: on pensera aux films avec Belmondo", bien que faciles à truquer. Voler un Spitfire prêt à décoller sur un terrain anglais n'était pas irréaliste (ces avions devaient être prêts à décoller à la moindre alerte: pas question d'avoir à chercher quelle était la clef duquel, donc certainement pas de clefs): c'était juste risqué, mais les Anglais s'y attendaient si peu que cela pouvait réussir. Après avoir semé les poursuivants (partis avec un retard inévitable) il fallait ensuite arriver à le ramener en Allemagne sans se faire descendre par la DCA: pas moyen de repeindre les emblèmes en vol.

Gamma fit un très gros score en Allemagne, en Italie, en France et dans de plus en plus de pays. Il y avait du film de sous-marin, du film d'aviation (classique ou expérimentale), du film de guerre à terre (chars, effets des bombardements, chantiers d'installations souterraines), il n'y avait pas le Débarquement mais il y en avait assez à voir et à revoir pour ne pas avoir le temps de regretter l'absence de cette "figure imposée" de la seconde guerre mondiale. La mise en oeuvre des Me 262, V1, V2 et du Horten 229 (très rarement évoqué jusqu'alors) y était bien plus détaillée que dans n'importe quel autre film de guerre. La construction et le pilotage des Halifax, Lancaster, Spitfire et Mosquito était bien documentée elle aussi, celles des avions américains un peu moins (faute de temps à y consacrer à l'image, il avait fallu choisir, or les réalisations anglaises du moment semblaient plus intéressantes. On assistait tout de même à la construction d'un B24, juste avant la destruction de cette usine par une bombe volante lancée depuis un sous-marin et guidée par balises radio). Les essais du Gloster Meteor, avion anglais à réaction (mais n'ayant été mis en service qu'encore plus tard que le Me 262 dans la vraie guerre et n'ayant pas eu l'occasion de le rencontrer dans le ciel) étaient aussi reconstitués. La guerre américano-japonaise n'était évoquée qu'en fond d'actualités, le film étant centré sur l'Europe (et les raids allemands sur l'industrie américaine). Les destructions de barrages-voûtes et de hauts-fourneaux avec débordement volcanique de fonte en fusion lors de l'éventrement du creuset ajoutaient au spectaculaire du film tout en renouvellant le type de scène de destruction, vue d'assez près par les gens qui y étaient, et pas uniquement de loin façon maquettes. Lors d'un bombardement d'aciérie, un ouvrier était projeté sur la tôle défilante et écrasé par le laminoir. C'était rapide, mais on avait le temps de comprendre ce qui venait de se passer.

Gamma draîna aussi les fans d'Atte Ruusuvaara, sachant que c'était son dernier film. Cela semblait aussi (de l'avis de beaucoup de personnnel interne de VTP) être la raison pour laquelle VTP avait tout fait (contairement à ce qui avait été annoncé initialement: "pour juin ou juillet 2002...") pour le sortir moins de six mois après la reprise du tournage. VTP n'avait pas indiqué, dans le générique final, les pourcentages réellement tournés par Atte, par le robot ou par Erwann. Les trois étaient cités, sans préciser la répartition: "Suite au décès d'Atte Ruusuvaara, le rôle fut continué par Erwann d'Ambert, directement ou par pilotage d'un robot construit à son image", mention non sonorisée. De tout petits extraits illustraient chacun un exemple (Atte, Erwann, robot avec hors champ Erwann sanglé dans l'exosquelette de pilotage).

Le film fit aussi beaucoup d'entrées aux Etats-Unis, avec un temps de retard de démarrage sur l'Europe (bien qu'y ayant été proposé en même temps, mais comme d'habitude pour les films importés, dans bien moins de salles par million d'habitants). L'attitude "anti-star" de VTP fut soulignée par plusieurs journalistes spécialisés, dont un avait dit ceci:

- n'importe quel producteur américain aurait mis Sigmar Thorgård sur l'affiche, surtout avec la mort d'Atte Ruusuvaara. Eux, toujours pas. Des exploitants de salles ont demandé une affiche de ce genre, en pensant que ça attirerait plus de public, mais j'ai appris que VTP leur a répondu que s'ils en bricolaient une par exemple à partir d'images extraites du film, la licence pour Gamma leur serait retirée et qu'ils paieraient bien plus cher les prochaines locations de copies. On dit que VTP ne laissera jamais un acteur "manger" un film: c'est comme ça, y compris pour la rémunération, d'ailleurs: chez eux, un acteur n'est qu'un ouvrier de l'image, et surtout pas une star. Comme en Union Soviétique, et le pire, c'est qu'il faut reconnaître que ça marche! Par exemple ça [il ressortit l'affiche critiquée par Lucien Venant] il ne le feront jamais: ils auraient mis la lice prise en perspective avec les chevaux lancée à pleine vitesse dans la poussière du galop de la charge, et on n'aurait pas vu qui était dans les armures [il sortit une telle image extraite de ce film, ce qui ne lui avait demandé que de faire un arrêt sur la version vidéo, déjà disponible, et de l'imprimer].

L'allusion à l'Union Soviétique fut à l'origine d'un article intitulé "Erwann d'Ambert, le stakanoviste", en mentionnant le nombre de films tournés en même temps que Gamma plus le stage d'optimisation des techniques de l'équipe de rugby et les travaux d'ingénieur en robotique d'animation, et en conclusion l'estimation de ce qu'il toucherait (une fourchette en fonction des résultats possibles des différents films), ce qui lui vallut aussi le surnom "Erwann d'Umping", à Hollywood, car les producteurs hollywoodiens furent nombreux à le citer pour retirer un (et même parfois deux) chiffres aux prétentions des acteurs américains de premier rang: "rien qu'autour de Los Angeles il y en a des milliers d'aussi travailleurs et largement aussi télégéniques que vous qui seraient prêts à tourner pour encore moins que ça, alors le seul fait d'être plus connu ne vaut pas de gagner cent fois plus qu'eux". Puisque VTP réussissait à empiler des records d'entrées en salles sans miser sur la notoriété des acteurs (ni montrés ni cités sur les affiches, pas de bandes-annonces), il n'y avait pas de raison que le cinéma américain ne pût faire de même. Le public pourrait même apprécier de voir de nouvelles têtes (aussi bien faites mais moins connues) dans de nouveaux rôles. L'échelle des rémunérations d'Hollywood était en chute libre, les producteurs ayant (enfin?) compris qu'aucun acteur ne méritait des millions de dollars pour un rôle, quand on pouvait en avoir un aussi bon (pioché dans des séries télévisées ou autres) pour vingt, cinquante, voire cent fois moins cher, et qui de ce fait ne pourrait pas se permettre de caprice de star, en plus. Un producteur répondit d'ailleurs dans une interview:

- nous n'avons pas besoin de tenter de débaucher les acteurs de VTP: ceux qui l'avaient fait il y a quelques années se sont aperçus qu'ils ne savent pas jouer dans un autre système, mais on peut en trouver de tout à fait vabables ici pour pas tellement plus cher. Ce sont surtout les mauvaises habitudes de grands gaspillages et de grands privilèges du passé qu'il faut éradiquer.

Les producteurs américains estimaient que "Erwann d'Umping", "Vittorio-Quatre-Euros" (en français dans le texte) et autres leur rendaient de ce fait un grand service, les acteurs américains étant évidemment de l'avis inverse. Le public, lui, était assez partagé: trop d'acteurs trop payés même pour des films ayant peu marché, d'un côté, mais de l'autre, s'ils n'acceptaient pas de jouer au tarif français (ou indien?) c'eût tout de même été un regret de ne plus les revoir. La baisse touchait aussi les acteurs de séries télévisées, souvent plus connus du public que ceux des films.

Toutefois ceci eût le même effet qu'en France sur les plus jeunes et plus sportifs d'entre eux: un bon nombre préféra une carrière sportive mieux rémunérée (base-ball, etc), parfois sans faire l'impasse sur Hollywood mais en considérant ça plus comme un hobbie (ou un vecteur d'assouvissement de leur narcissisme) que comme un métier, par rapport à ce qu'ils pouvaient gagner dans d'autres activités.

Il y avait aussi le mouvement "non vénal", qui consistait à ne pas mener grand train de façon à ne pas avoir besoin de gros revenus: nombre de joueurs américains de rinnepallo en faisaient partie, et ce fût là qu'Hollywood put recruter et entraîner une nouvelle génération d'acteurs "low cost" apprenant efficacement leurs rôles et satisfaisants à l'image.

Un film illustrant cette tendance fut tourné avec les nouveaux et ceux des "connus" qui acceptèrent de s'aligner: "le crépuscule des stars".

Dans le scénario, certaines stars délaissées (pour cause de coût) sombraient dans l'alcool ou la drogue, d'autant plus que bon nombre avaient déjà cette tendance avant la baisse de rémunérations. Il avait effectivement suffit que nombre de producteurs déclarent qu'il préféraient tourner des films sans stars si les cachets ne baissaient pas énormément pour que ceux-ci baissent. La notion de "bankable" s'était inversée, les banquiers estimant maintenant que la présence d'acteurs chers constituait un risque d'échec financier pour un film, puisqu'à eux seuls ils auraient coûté plus cher que la totalité du tournage d'un film aussi spectaculaire que Gamma.

Ce film ne coûterait pas cher, car à part quelques scènes à personnages et décors imités infographiquement, ils ne nécessitaient pas une post-production coûteuse, et pourrait donc sortir rapidement. Quelques personnages ressemblant à ceux de VTP (il suffisait de faire un gros casting sur place) en tenaient les rôles, un producteur américain étant censé s'être rendu en Europe pour examiner les méthodes et ayant découvert à quel point tout le monde y coûtait moins cher, tout particulièrement les acteurs qui dès qu'ils ne tournaient pas étaient aussi chargés de quantité de tâches annexes pour lesquelles Hollywood employait "stupidement" d'autres personnes, d'où des salaires en plus. Cette séquence était brève, car elle nécessitait une post-production infographique importante. Tout le reste se déroulait à Hollywood (ce qui ne coûtait pas grand chose: décors réels!) avec les trajectoires de chacun face à ce nouveau défi. Ce film pourrait devenir le pilote d'une série télévisée, estimait son producteur et ses scénaristes: les Finlandais avaient bien fait une série à succès sur les effets de la débâcle de leur industrie du téléphone mobile face au Lioubioutchaï, au point de réussir à l'exporter dans des pays qui n'étaient pas concernés par le problème. Le film n'était pas tourné avec les méthodes de VTP (pas évidentes à mettre en place en aussi peu de temps, que ce fût techniquement ou pour "reconditionner" tout le personnel à les utiliser) mais même sans cela aurait déjà un excellent rapport "impact/prix", supposait-on. Il était même probable qu'il serait exportable, sans avoir besoin de version stéréoscopique car ce n'était pas un sujet "à grand spectacle", à part quelques scènes de "pétage de plombs" (surtout au volant, par certains).

Mars et permière semaine d'avril, en France: d'autres scènes à tourner dans Alvéole 75, et de nouveaux films.

VTP avait un soucis: l'absence de vrai remplaçant d'Atte Ruusuvaara. Erwann avait pu s'y coller pour quelques films, mais au prix d'une finlandisation (paradoxalement?) de certains des rôles par rapport à ce qui avait été initialement envisagé (sauf Silmät, joué avec Erwann exactement comme imaginé à l'origine), et pour d'autres rôles d'Atte il n'aurait pas signé, savait VTP, d'autant plus que ça l'aurait mis dans trop de films donc aurait conduit là aussi à diminer tant son temps de jeu que sa "présence" à l'écran dans le temps joué, pour ne pas saturer sur l'ensemble donc rester réutilisable dans ses propres rôles. Tarsini, en particulier, ne souhaitait pas que l'on utilisât trop Erwann d'Ambert, préférant le réserver pour certains de ses meilleurs films sans avoir, là, à le diluer homéopathiquement. Ne pas jouer dans les séries télévisées le rendait bien moins "fréquent" à l'écran que tous ces acteurs-là, mais pour autant il ne fallait pas le mettre trop de films non plus, car ils finiraient tous par passer à la télévision, même si dans le cas des "Kerfilm" le délai avant la diffusion télé était souvent important.

Donc: Erwann parfois, mais pas dans n'importe quel rôle d'Atte et pas trop souvent. Knut fut utilisé comme remplaçant pour ce qui était filmé moins "grand spectacle" (même s'il y participait aussi) et parfois plus sulfureux, ou plus amusant.

Toutefois, VTP n'y voyait pas un vrai "nouvel Atte": le Suédois n'avait pas le même "petit quelque chose" (un grain de folie?) qui plaisait tant chez Atte. Viljami était utilisé souvent par VTPSF, pour un Finlandais il était assez décontracté et disponible, mais c'était plutôt un Erwann bis pour la HF, la SF et quelques rôles d'aventures. Mika: "pas vraiment un acteur sauf pour faire du nombre dans des films ayant besoin de tels personnages".

D'autres matchs difficiles pour le Dynamo de Dinan, qui enthousiasmait le public mais un peu moins les habitués du rugby: "encore du rugby allemand", même si l'essentiel de l'équipe était bretonne. La rigueur toute germanique de l'entraînement et la netteté du jeu (net, mais rapide, toutefois) y contribuaient. "Panzerdivizion", "Chevaliers teutoniques", "Ligne Siegfried", "Mur de l'Atlantique", "on patauge dans la choucroute", etc. Les supporters s'étaient toutefois pris au jeu et quand la partie semblait pliée en faveur de Dinan, vers la fin, chantaient "Stille nacht, heilige nacht", et en cours de match du Boney M (en anglais, mais c'était un groupe allemand), comme "The rivers of Babylon" pour encourager l'équipe, certains spectateurs murmurant ou tapant l'orchestration tandis que d'autres chantaient. Le Dynamo de Dinan était en tête de la ProD2 donc s'il maintenant cette avance il entrerait au Top14. De plus, les clubs d'outre-Manche avaient été très attentivement étudiés, match par match et joueur par joueur, en vue des matchs européens. Peu importait alors pour les supporters français (non spécialement supporters de Dinan) que ce fût du rugby "industriel", "allemand" voire "OGM": une équipe capable de faire reculer une mêlée anglaise ou irlandaise ne pouvait que carresser la fierté nationale. La question de la sélection des joueurs de Dinan pour les "VI nations" 2003 restait toutefois posée, en remarquant que Dinan avait aussi de bons kangourous en deuxième ligne, de sorte que même si le lanceur ne venait pas de chez eux (en raison de la "mode" de faire lancer le talonneur, qui n'avait pas cours à Dinan) les résultats en touche pourraient progresser en enrôlant ces Bretons. Toutefois cela semblait peu probable pour un club ne faisant pas encore partie du Top14.

Tout en progressant en conquête "offensive" du ballon et en défense "sans ménagement", Dinan gardait l'atout de très peu de fautes à pénalité et d'un faible taux de blessure de ses joueurs. Fritz Krüger qui était l'un des talonneurs les plus puissants du championnat (et donc plutôt "percutant") était aussi celui qui avait pris le moins de coups graves, grâce aux réflexes d'entraînement pour les dévier en moins graves. On pouvait aussi supposer (et les journalistes ne s'en privaient pas) que le trio Krüger était dissuasif en tant que tel, et que ceci pouvait contribuer à cela, en plus du fait qu'une faute à pénalité (même loin) contre Dinan coûtait presque toujours trois points, vu la qualité des buteurs de ce club. Les plaquages bretons (dérivés du rinnepallo (qui était bien plus strict sur les fautes) et issus des techniques des cascadeurs avec la synchronisation image par image, à l'entraînement) étaient maintenant étudiés par d'autres clubs, mais peu mirent en oeuvre de tels moyens techniques pour les travailler avec une telle précision, et aucun ne les mit en oeuvre entièrement ni aussi systématiquement pour toutes les actions de jeu. Moins de prise de risque et peu d'actions "à la limite" à Dinan, ce qui était une part de "manque à gagner" par rapport aux virtuoses du genre (tant que ça ne plantait pas), supériorité sur toutes les phases techniques de jeu et la coordination des attaques: ceci parvenait à compenser cela, et avec une première ligne aussi lourde (mais relativement rapide) et puissante, Dinan était un club que les autres redoutaient souvent de rencontrer, à ceci près que le risque de se faire casser des joueurs sur initiative bretonne était moindre. Dinan restait critiqué pour son manque d'audace une fois l'avantage au score acquis (souvent sur quelques fautes de l'adversaire) mais ce n'était pas le cas dans tous les matchs, même quand l'avantage avait été pris. Ca dépendait surtout du prochain match à jouer (dans combien de temps et contre qui), pour économiser ou non les joueurs une fois que le risque était estimé correctement géré dans le match en cours. Il restait toutefois, pour intéresser le spectateur, la rapidité et les acrobaties de style "Kerfilm" des intercepteurs bretons quand l'équipe jouait plus en défense qu'en attaque. Toutefois si Galliot (souvent capitaine) voyait que Lefar ou autre pouvaient avoir l'occation de tenter un essai, ou une percée permettant ensuite une passe à un bon tireur de drop moins entouré d'adversaires, il l'envoyait, même si ce n'était pas indispensable au score. Il évitait simplement de les envoyer "au casse-pipe" (quand la configuration semblait telle) quand il y avait moyen de gagner sans cela. La progression de bulldozer des mêlées et mauls (à "noyau" Krüger) était un autre moyen de s'approcher de l'embut adverse, d'où l'intérêt de tout ce qui pouvait induire une mêlée dans le camp adverse. Dinan évitait de créer des "rucks" (mêlée ouvertes) car c'était l'occasion de mauvais coups pas forcément vus par les arbitres ainsi (même sans faute) qu'un risque de torsions articulaires, selon l'enchevêtrement des joueurs et les efforts ajoutés par les autres dessus. Il fallait "déblayer" au plus vite ces tas quand ils se formaient, pour rendre leur contenu bien visible et éviter de tels problèmes, en plus d'en profiter pour tenter de récupérer le ballon. On pouvait dire que le Dynamo de Dinan n'était pas formé de joueurs aussi courageux que certains membres des équipes adverses, mais l'efficacité constatée montrait qu'ils prenaient surtout moins de risques superflus, tout en y allant à fond dès que le risque superflu était évité: moins de kamikazes, plus d'organisation. En fait les filles du F15 avaient pris l'habitude, dans leur propre championnat, d'un style de jeu plus offensif quitte à concéder un peu plus de fautes (surtout à plus de 40m) que le Dynamo, peut-être parce que la puissance de tir au pied des buteuses adverses était plus limitée que celles des équipes masculines. Malgré de bons résultats depuis plusieurs années, le F15 avait longtemps été ignoré par la télévision parce que celle-ci ne s'intéressait pas au rugby féminin de manière générale. BFR commençait à un remédier, utilisant la notoritété médiatique du Dynamo pour attirer aussi du public devant les matchs du F15, aussi habilement filmés et donc télégéniques: des télévisions commencèrent à en passer quelques-uns, et les publicitaires à s'y intéresser aussi. De plus, le F15 était 100% breton, contrairement au Dynamo, donc fournissait nombre de joueuses du XV de France féminin, y compris en première ligne.

Ce fut donc un calendrier (plus divertissant qu'érotique: beaucoup d'images avec la mer, les plages, etc) du F15 et non du Dynamo de Dinan qui fut étudié au cours de cette année. Bien plus de photos que nécessaires seraient prises d'ici l'automne, avec tout le savoir-faire de mise en scène de VTP, puis l'on trierait "à froid" (pas juste après avoir pris les photos) ce que l'on mettrait dans cet ouvrage. Les filles du BEC de Bordeaux l'avait fait dès 1999, et non sans goût, donc le F15, mieux classé maintenant que Bordeaux, n'avait pas de raison de faire des complexes. Les filles du F15 n'étaient pas contre l'idée elle-même, mais à condition qu'elle ne débouchât pas les années suivantes sur un recrutement plus photogénique que strictement sportif, même si dans le cas du Dynamo l'un n'avait pas empêché l'autre, vu les progrès spectaculaires constatés. Les magazines féminins avaient remarqué le Dynamo de Dinan, "non seulement il y a beaucoup de beaux matous dedans, mais en plus il y en a pour plusieurs goûts: pas que du made-in-VTP".

En particulier, il y avait un nombre imprévu (par VTP) d'admiratrices de Pierric Lefar. Qu'il eût des fans pour ses performances, OK, voire pour l'allure générale évoquant assez bien (en plus du dynamisme en action) le personnage Rahan, pour une génération de public plus âgée, c'était compéhensible, mais ce n'était pas un Emilianien (loin de là) et il était le plus taciturne, le moins rencontré et le moins médiatisé des joueurs titulaires de Dinan: seuls certains remplaçants étaient moins souvent à l'écran. Il n'y avait donc pas de photos de Lefar hors de celles extraites des matchs et son laconisme dans les rares interviews d'équipe auxquelles il avait participé aurait pu être finlandais. De plus, Dinan ne l'utilisait que pour les matchs à domicile donc on n'en trouvait pas de photos prises ailleurs. Il participait à la préparation des matchs à l'extérieur en jouant le 14 de "l'autre équipe", dans les simulations internes. Dinan avait tout juste assez de joueurs pour cela, à condition de ne pas simuler des matchs avec remplacements mais juste certaines phases de jeu.

A l'inverse, on trouvait quantité d'images "hors sport" d'Alexandre Galliot (sans aller jusqu'à des photos "de calendrier"), et même quelques "produits dérivés". Camarade de classe du précédent, aussi disponible que l'autre était secret, Galliot n'avait pas grand chose à voir physiquement avec ce qu'il était sur les anciennes photos de classe: en sixième, il avait des bras comme des allumettes, un regard vide et un peu bénêt (et non la meutrière à double désintégrateur actuel, plus froid et serré qu'Erwann d'Ambert qui n'était déjà pas du romantique distrait), des cheveux auburn mous voire flous, des traits réguliers mais sans personnalité particulière avec des taches de son qui s'étaient plus tard effacées toutes seules: en fait seul son bel alignement dentaire était déjà présent à l'image. Tout le reste s'était fait par la suite, en partie tout seul (destinée génétique), en partie par l'entraînement. Lefar, lui, semblait avoir peu changé: déjà robuste, il avait surtout grandi, et aussi durci de traits sous ses flammes d'or qui l'abritaient en bonne partie de la curiosité physionomique éventuelle des autres. Il était timide tout en ayant gagné silencieusement le respect de ses camarades, en sixième, en montant encore plus vite à la corde sans les jambes que les meilleurs autres avec. Un exercice qu'il pratiquait souvent dans son jardin, pour rejoindre une cabane dans un grand chêne, construite par lui et son père pour son besoin de s'isoler tout en observant les alentours de haut. C'était aussi un bon lanceur, réussissant des "carreaux" même de loin, à la pétanque. Cet élève très calme et "bon mais sans plus" aurait semblé plutôt destiné à un sport individuel (navigateur, escalade en solo, tennis, tir à l'arc...) mais il s'intégra fort bien d'abord dans les jeunes de la petite équipe de foot locale (comme gardien, toutefois: déjà l'habitude de prendre le ballon à pleines mains, et de plonger) puis découvrit le rugby vers quinze ans, jeu dans lequel il pouvait mieux s'exprimer physiquement. En fait c'était lui qui avait invité Galliot (un de ses rares camarades avec lequel il parlait un peu, parce qu'amusant sans être d'un humour gênant, peut-être) à découvrir ce jeu, et s'il connaissait Galliot c'était en partie aussi parce qu'il fréquentait (jusqu'à quel point? Mystère) sa soeur, en toute discrétion. Le frère le savait, n'y voyait pas d'inconvénient et ne l'évoqua jamais. Galliot, sans être un fier à bras (mais en voie de le devenir, via l'entraînement et une croissance favorable: pas trop rapide mais ample, en fin de compte) était très à l'aise avec à peu près tout le monde, réussissait à draguer par son talent verbal et gestuel plus (à l'époque) que par son apparence ("pas vilain mais pas impressionnant non plus") et ne fut en fait sérieux que dans les entraînements car il ne voulait pas décevoir tant le formateur que son copain Lefar qui l'avait estimé apte au moins à essayer. Probablement plus intelligent que ce dernier mais plus désinvolte, il ne brillait guère en classe, tout en passant sans y penser dans l'année suivante. En fait les deux réussirent leur bac avec mention ("Bien" pour Lefar, plus froid et plus studieux, "Assez Bien" pour Galliot) puis à entrer à Centrale Dinard (peut-être parce qu'ayant fait leurs prépas sans stress donc sans perte de performances), où ils continuaient à étudier tout en jouant d'abord dans l'équipe de l'école, puis au Dynamo de Dinan les week-ends, puis à plein temps (ou presque: ils n'allaient à l'école que pour les travaux de laboratoire ou d'atelier) grâce au téléenseignement dont bénéficiaient aussi d'autres rugbyman élèves-ingénieurs. De plus, Centrale disposait (puisqu'ayant contribué à leur mise au point comme projets d'études, en s'inspirant du rinnepallo) des mêmes équipements de "hautes technologies" pour entraîner son propre club amateur. Les élèves jouant au Dynamo pouvaient les utiliser aussi. C'était nouveau, par rapport à ce qu'avait connu Erwann, puisque cela datait d'après qu'il eût instrumenté le rinnepallo. Ils avaient terminé leurs études en juin dernier, avec comme stage de troisième année l'emploi comme ingénieurs de robotisation au Dynamo de Dinan. Un vrai stage techniquement consistant, même si c'était l'occasion de continuer à participer aux matchs et à l'entraînement du club. Lefar avait alors encore 24 ans, car il était de décembre 1977 alors que Galliot était d'avril. L'optimisation de gestion des joueurs de Dinan (prévention des fatigues évitables d'articulations par surveillance des types d'entraînements et check-up "temps réel" ou presques, réduction des risques de blessures en match par l'habileté de jeu proche des arts martiaux) leur laissait espérer de jouer encore au moins dix ans à haut niveau, tout en étant simultanément employés comme ingénieurs pour les divers besoins techniques du club, ainsi que plusieurs autres: il n'y aurait pas, en principe, de problème de reconversion, ce qui était un des arguments de Dinan pour fidéliser ses meilleurs joueurs sans les surpayer.

Tout en n'étant pas aussi disponible aux médias que Galliot, Torbjörn ne les évitait pas par hélicoptère rechargeable comme le faisait certains joueurs (et certains acteurs de VTP22 pour rentrer chez eux des studios quand ils n'habitaient pas trop loin). On pouvait le trouver et le photographier ça et là, en étant un peu informé. Toutefois le simple fait que l'on ne trouvât pas de doc "hors rugby" sur Lefar (a part de rares photos de classe conservées par d'autres, et qui n'apprenaient rien d'inédit sur lui, contrairement à celles de Galliot qui avaient souvent fait rire, bien qu'il n'eût ni lunettes ni appareil) contribuait à en faire un objet médiatiquement rare donc recherché par ses admiratrices. Ses supporters, eux, estimaient avoir ce qu'ils souhaitaient avec les photos de matchs (disponibles en stéréoscopie, comme celles des autres, pour rendre l'action encore plus "matérielle"), ses prouesses étant souvent spectaculaires, tout en n'ayant pas le côté "souriez vous êtes filmé" de certaines de celles de Galliot et même de Torbjörn, ou encore Johnny Deep (quoique moins "cabotin" que Galliot) et quelques autres.

Les Krüger, eux, étaient sérieux tout le temps, dans les matchs (télévisés ou pas: aucune différence), tout en appréciant bien les "troisièmes mi-temps" et s'y lâchant, sauf sur l'alcool car BFR vérifiait systématiquement: pas plus d'une bière chacun, et pas dans des chopes de format "Oktoberfest". Ils étaient très souvent photographiés ensemble (ou au moins les jumeaux), le trio (ou le duo) constituant une attraction appréciée des fans du club, même hors terrain. Fritz se distinguait encore plus que l'an dernier de ses cousins restés très "Playmobil Musclor": les cheveux plus longs et mis en arrière par un bandeau (qui passait ensuite dedans: on ne le voyait pas derrière) lui donnaient un air plus "étudié", mais pas étudiant vu son gabarit pas du tout "intello" et sa mâchoire de bouledogue anglais. Les Krüger commençaient aussi à être connus en Allemagne, bien que le rubgy y intéressât peu les médias. Au début, certains avaient plaisanté sur le fait que s'ils étaient en Bretagne, ça devait être pour faire du rugby de plage. Des touristes allemands passant par la Bretagne nord (même si la plupart choisissaient la Bretagne sud, en particulier le 56) allaient parfois voir le Dynamo de Dinan (l'été, les matchs d'entraînement avaient lieu le matin, comme pour le rinnepallo), l'accès au stade étant bon marché, des places gratuites pouvaient même être obtenues par divers jeux (y compris sur les produits BFR vendus localement).

Fritz Krüger fut utilisé dans une publicité télévisée pour du chewing-gum (produit par BFR) aidant à nettoyer les dents (quand on n'était pas en mesure de les brosser, par exemple dans un avion ou en randonnée). Il en mastiquant tout un paquet (déballé, tout de même) simultanément. Commentaire: "en général, un seul suffit". C'était aussi un rappel indirect du risque qu'encouraient ceux qui tenteraient une fourchette vers lui. Parfois, au lieu de plier les doigts à contresens, il avait tourné la tête pour en faire arriver au moins un sur les molaires (grâce à l'ouverture panoramique de sa bouche) et le broyer, en arrière du protège-dents. Il n'était pas allé jusqu'à arracher un doigt, mais à créer des lésions sévères pour plusieurs mois, chirurgie incluse. D'ailleurs, même Le Clézio, qui n'avait pas l'air si redoutable, avait happé et contre-plié deux doigts écossais la seule fois où il avait été impliqué dans une mêlée ouverte avec tentative de fourchette vers lui. D'où quelques dessins dans la presse sportive comme celui d'un joueur montrant une main à laquelle il ne restait que le pouce:

- accident de taille-haie?

- non: deux fourchettes à Dinan.

Au total, il y avait maintenant neuf rugbymen allemands engagés à Dinan, même si la plupart étaient remplaçants donc dans l'équipe "bis". Dinan joua deux matchs sans les Krüger (deux autres piliers allemands, conséquents mais pas aussi impressionnants, et le 6 breton Valéry Noguet réinstallé en 2) comme pour prouver que le club pouvait gagner sans, ce qui fut effectivement le cas, les matchs ayant été choisis comme pas trop difficiles, mais moins spectaculairement (il restait toutefois les beaux plaquages "comme dans un film de Jackie Chan" par divers joueurs de Dinan) et avec moins d'enthousiasme du public, même si les spectatrices avaient certains leurs chouchous sur la pelouse. Parmi les surnoms du rugby de Dinan s'était ajouté "rugby choucroute", par analogie au rugby cassoulet de Toulouse.

Il y avait déjà eu quelques transferts, en particulier parmi les Allemands remplaçants formés avec les méthodes de Dinan: sur les neuf du club, quatre étaient du recyclage récent, car Perpignan en avait récupéré deux (engouement pour le climat?) et Biarritz un autre, clubs où ils pourraient, espéraient-ils, devenir plus vite titulaires puisqu'il n'y avait pas les Krüger et où il n'y avait pas déjà autant de grosses cylindrées dans le reste du pack.

Dinan avait aussi quelques remplaçants allemands à des postes moins "bavarois", comme le centre et même la "charnière centrale". Ils n'étaient donc pas tous massifs (de même qu'ils n'étaient pas tous blonds) mais tous d'un sérieux au travail idéal pour les méthodes de Dinan. Ces remplaçants devenaient titulaires dans certains matchs, Dinan étant conscient du danger que représentait la monoculture d'un joueur à un poste, si bon fût-il: il fallait faire jouer d'autres 10 "en vrai contre d'autres équipes", même si Johnny Deep était le meilleur. Les méthodes infographiques et informatiques d'analyse des mouvements, les capteurs d'efforts sur les joueurs eux-mêmes et l'expérience déjà acquise dans ce domaine par l'équipe permettaient de former assez vite de nouveaux joueurs à partir du "vivier" local des équipes bis, ter, et celle de Centrale Dinard qui utilisait les mêmes systèmes. Ceci tendait à remédier à l'un des problèmes initiaux de Dinan: le manque de remplaçants de hauts niveau permettant d'alterner la notion de titulaire et de remplaçant d'un match à un autre, ce qui était aussi un moyen de rendre l'équipe moins prévisible par les adversaires. Dinan l'avait constaté en étudiant les grands clubs anglais: nombre de différences de composition de l'équipe rencontrée par rapport aux matchs sur lesquels ils avaient basé leurs analyses de points forts, points faible et "habitudes à exploiter". Il y avait maintenant trois joueurs de premier rang pour les deux postes 11 et 14, le 15 disposait d'un remplaçant allemand de qualité croissante, il en allait de même (sauf pour les tirs aux pieds, hélas: bon mais pas "remarquable") pour le 10, la troisième ligne pouvait maintenant jouer sans Galliot (en cas de besoin) sans trop y perdre, etc. La nécessité de créer un roulement de joueurs sur chaque poste (même si l'un d'eux restait le plus souvent utilisé) donc de ne pas toujours jouer avec celui considéré comme optimal imposait d'analyser les rencontres à venir pour savoir quelle partie de l'équipe on pouvait légèrement dégonfler pour avoir l'occasion de jeter plusieurs remplaçants dans le grand bain comme titulaire. Il fallait aussi habituer les autres à ne pas avoir toujours les mêmes coéquipiers, même si certains duo ou trios restaient intéressants à ne changer qu'en bloc, et non à démanteler. Il y eût ainsi quelques matchs "sans Krüger" (aucun des trois), avec Noguet et les deux remplaçants allemands comme piliers, il y eut aussi (mais avec les Krüger) du "ni Galliot ni Lefar", et même (ce qui était estimé plus difficile mais indispensable à faire fonctionner) le remplacement de la charnière centrale Le Clézio + Yvinec par ceux de l'équipe "bis", qui à force d'entraînement semblaient pouvoir faire l'affaire (d'autant que là, il y avait tous les "premiers choix" à leur place dans les autres postes) dans certains matchs à risque limité. On vit même dans un match sans Le Morzadec Fritz Krüger faire lui-même des lancers en touches (alors que Galliot qui était là aurait pu les faire): l'adversaire s'attendait à ce que ce fût du "lancer de pizza", comme on disait dans ce sport, mais en fait il n'en fut rien: Krüger lançait correctement, simplement il lançait plus classiquement que Le Morzadec qui maîtrisait "au laser" cinq types de lancers (plus ou moins tendus ou en cloche et à diverses destinations dans l'alignement) sans laisser deviner jusqu'au dernier instant lequel il allait utiliser, l'alignement, lui, en ayant été préalablement informé (soit par un signe codé discret du lanceur avant d'être en position, soit parce qu'il était convenu d'avance qu'à telle position sur le terrain on utiliserait tel lancer dans cette mi-temps là) et y réagissant sans la moindre hésitation. Avec Krüger, moins de surprises, mais vu l'altitude de saut permise par Väänänen (comme par hasard, il était dans l'équipe quand c'était Krüger qui lançait), même si la trajectoire était à 50% prévisible (Krüger n'en utilisait que deux, par sécurité) il n'était pas facile pour le contre de s'emparer du ballon. L'autre raison était que Krüger avait beaucoup travaillé les lancers tant avec les simulateurs qu'avec le ballon instrumenté, ceci parce qu'il avait en arrière-pensée que s'il faisait partie d'une équipe d'Allemagne pour la coupe du monde 2003 (au poste 2), elle n'aurait pas forcément un autre lanceur sous la main pour l'en dispenser.

La rumeur "Fritz Krüger ne sait pas lancer" (on n'avait pas dit qu'il lançait mal, puisqu'il ne lançait jamais, jusqu'alors, dans les matchs connus des autres clubs) s'éteignit donc. Il savait, en cas de besoin, mais Le Morzadec était plus à même de surprendre le contre, d'où son emploi comme lanceur la plupart du temps, surtout quand Väänänen n'était pas à bord. Un peu partout dans l'équipe, des progrès aux tirs au pied (en particulier chez ceux dont ce n'était pas la fonction prioritaire), dont les drops. Avec l'entraînement au simulateur (principe voisin du golf: un filet proche récupérait le ballon, après que le système eût analysé son départ et simulé aérodynamiquement sa trajectoire sur l'écran mural) permettant à chacun de travailler cette technique dans de petites salles du stade ou même à domicile, Dinan avait un pourcentage de drops élevés et surtout répartis sur bien plus de joueurs, en moyenne, que cela ne s'observait ailleurs. C'étaient aussi ces progrès qui permettaient de "dégonfler" localement l'équipe pour certains matchs pour y titulariser certains de ceux qui n'étaient que remplaçants dans les autres. Le risque de se retrouver avec un gros trou d'air en cas de blessure d'un des joueurs-clefs s'en trouvait petit à petit atténué. Toutefois certains clubs estimèrent vexant que Dinan jouât contre eux sans les Krüger, comme si ça semblait superflu face à tel ou tel adversaire. Le panachage n'était pas utilisé (il ne le serait que sur blessure, pour ne pas utiliser plus de remplaçants): soit il y avait la première ligne Krüger au complet, soit trois autres joueurs eux aussi longuement rôdés en trio à l'entraînement. D'où la mention par un site (indépendant) sur cette équipe:

"Manuel de maintenance du Dynamo de Dinan/Première ligne/Dépose-repose: ces trois éléments sont appairés en fabrication et tout remplacement de l'un entraîne celui des autres".

Valentin Yvinec n'était que peu disponible pour les médias hors stade, mais tenait compte (s'apercevait-on en observant bien) de la gestion des caméras quand l'action en cours lui en laissait le temps. Il était aussi très souriant dans les interviews d'après-match, sauf après les matchs perdus où il semblait plus pensif, ce qui d'ailleurs plaisait encore plus à certaines de ses admiratrices, comme l'air "froid et pas marrant" que prenait alors Galliot en pareil cas (tout en n'étant pas réellement froid: il restait quelque chose quelque part dans l'expression) qui plaisait tant aux siennes.

Le Clézio et Le Manac'h étaient des personnages discrets (sans être secrets) hors des matchs. Kerzadenn était un peu plus disponible, mais moins que Torbjörn, donc bien moins que Galliot. Ils étaient dans la moyenne du "sérieux industriel" de Dinan, comme les joueurs 4 à 7 du pack et les "centres" (12,13), Väänänen (jouant aussi en 2ème ligne, en alternance avec le 4 ou le 5) étant toutefois bien plus froid et taciturne.

Les spectateurs voyaient donc "un peu moins toujours les mêmes" (mais encore souvent la plupart des mêmes, statistiquement) et Dinan faisait maintenant souvent des matchs plus efficaces (au score) que spectaculaires, ou alors c'était que le public s'était habitué aux nouvelles techniques de plaquage maison et attendait encore autre chose. "Impressionnant mais en fait pas si percutant que ça", disait-on parfois de Fritz Krüger dans des forums de discussion, quand on le comparait à tel ou tel autre, avec des réponses de certains intervenants comme: "parce qu'il n'en a pas besoin: qui ose vraiment se mettre en travers des rails quand il charge?". De plus l'équipe ne misait pas tant que ça sur le 2, hors mêlée: elle avait bien d'autres défonceurs de lignes de défense adverse que lui, et ne cherchait pas l'impact pour l'impact: la feinte restait préférée, dès que possible, tant pour économiser les joueurs (même les plus solides) que pour gagner du temps. Le nombre de passes moyen au cours d'une offensive conduisant à un essai était plus élevé à Dinan, aucun joueur n'ayant tendance à jouer le "coffre à ballons". L'entraînement général (à méthodes scientifiques) aux drops fournissait des solutions (ou plutôt des tentatives de solutions, mais parfois ça passait) plus fréquemment là où ailleurs (surtout en France) on ne les eût pas tentées. Il n'était pas rare qu'il y eut trois ou quatre drops réussis au cours d'un match, surtout quand il n'y avait pas ou peu d'essais. Une équipe physiquement puissante (surtout en mêlée), constatait-on par les tailles et poids, mais pas si brutale que ça dans son jeu: la précision des passes, des drops, l'aptitude croissante des joueurs au "cadrage-débordements" (et plus seulement les 3/4) parvenait à fluidifier l'action, faire beaucoup courir la défense adverse (par le jeu de passes bien coordonné) et parfois se contenter d'engranger quelques pénalités suite à des fautes. C'était encore plus vrai quand Dinan s'imposait de jouer sans les Krüger (de façon à les avoir "à fond" au match suivant), car alors on ne disposait pas d'un maul aussi imposant et "moteur" pour aller à l'embut en force, même si la mêlée restait efficace (juste moins écrasante) avec l'autre première ligne, car Dinan ne l'utilisait que s'il n'y avait pas trop de poids en face.

Pour "Danger: nouilles", quelques scènes furent tournées dans les Alpes (fin février avant son arrivée, les premiers jours de mars avec Erwann) surtout pour l'arrivée du train dans la neige (avec deux CC 6500 "Maurienne" vertes) et les scènes de ski: Erwann avait appris de quoi ne pas être ridicule dessus, grâce aux simulateurs chez VTPSF (et était allé le vérifier en Suède), d'autant plus qu'avec les "paraboliques" c'était moins difficile qu'autrefois. L'essentiel du tournage se déroulait chez VTP22.

Dans ce film (l'affiche montrerait une route de montagne verglacée avec le panneau routier de danger (!) sous-tiré "Nouilles") il jouait Romaric, l'un des moniteurs d'une "classe de neige" (ça existait encore, école ou non) en combinaison à motifs fluo et lunettes "miroirs" en bande fine à reflets irisés (servant souvent de serre-tête), confronté à l'intérieur du bâtiment à une attaque de nouilles carnivores (suite à la contamination d'un champ de blé dur par du polen transgénique, au début du film, destiné à créer une variété plus riche en protéïnes carnées), qui en fait ne le devenaient qu'après cuisson. Un film absurde dans son thème mais aux effets spéciaux redoutables, comme les nouilles vrilles sortant des yeux d'un des enfants victimes de cet envahisseur, ou étranglé par des spaghettis, chaque type de nouille ayant son propre comportement. Le premier signe suspect était la disparition du fromage rapé qui avait été mis dessus, la cuisinière étant pourtant sûre d'en avoir déjà mis.

Une grosse farce potache (dans le thème) mais tourné avec des références sous-jacentes à "Shining" (les couloirs de la résidence, la neige silencieuse autour, les portes des ascenseurs: pas identiques [plagiat] mais pouvant y faire penser) et à "Alien", certaines victimes restant "porteuses asymptomatiques" un certain temps. C'eût coûté très cher à faire jadis avec animation image par image de nouilles en plastiline, surtout pour obtenir un résultat fluide, bien beurré ou avec allongement de fils de fromage fondu, tandis que ça marchait fort bien en infographie, en virtualisant les parties du corps attaquées par les nouilles ou en utilisant des robots à l'image des acteurs pour des dégâts plus importants. Puisque de la grosse "Série B" comme "Digestion" avait marché, le public était prêt à avaler des nouilles carnivores, s'était dit VTP.

Erwann vit le téléfilm "Culture physique" dans lequel Vittorio avait joué. L'action se déroulant surtout en salle (ou chez soi ou d'autres) VTP n'avait pas jugé que cela ferait un bon film de cinéma: manque d'espace. C'était un téléfilm qui plairait à une partie des fans de Vittorio. Le scénario ne suggérait pas que son personnage (Ludo) allât jusqu'à des actes avec d'autres garçons, mais assez loin dans l'homophilie comparative, d'autant plus facilement que nombre de ceux qui fréquentaient cette salle de gym l'étaient (pas tous, non plus, mais plus que dans un club de bridge). Il y avait un travail infographique important pour faire paraître initialement Vittorio maigre aux bras fluets, au début de l'histoire. On pouvait voir au mur de sa chambre et de certaines parties de la salle de gym des pages du calendrier "les dieux du stade" aggrandies en posters. L'infographie lui permettait aussi d'aller au delà (mais pas de façon trop visiblement artificielle: juste l'équivalent d'un entraînement plus poussé, voire obsessionnel) de sa musculature réelle. Il n'avait ni percing ni tatouages, juste des tenues dans le style de ce qu'Erwann avait vu sur lui aux studios. Parmi les assidus de la salle de gym il y avait bien sûr Georg, mais aussi des robots qui n'avaient pas besoin d'un logiciel savant ni d'un jeu d'expression faciales étendu pour avoir être indiscernables à l'écran de vrai utilisateurs d'appareils de musculation de tous types, à ceci près que VTP pouvait librement définir leur apparence (et même faire évoluer leur morphologie au fil du film) et qu'ils étaient disponibles à tout moment, sans besoin d'entraînement préalable pour jouer dans ce téléfilm. Erwann trouva que Vittorio n'était pas ridicule, là-dedans. Des morts survenaient (accidents cardiaques, surtout), laissant supposer l'utilisation de produits dopants ça et là, ce qui permettait d'en faire en même temps un film d'enquête et d'y ajouter du suspens, mais pas plus que dans une série policière de bonne qualité: la gym, l'observation de soi et la comparaison avec les autres occupaient l'essentiel du scénario et de l'image. Il n'y avait pas de bars "gays" dans ce film, probablement parce que l'ambiance que VTP y avait vue, lors des repérages, n'était pas télégénique. Par contre, il y avait une scène de sauna qui restait visuellement sobre (cadrage, vapeur) tout en suggérant ce que le public voudrait y imaginer. Au début, Ludo avait une copine (jouée par Solène, variante plus froide de Flavia) qui, quand la gym devenait trop présente dans sa vie, le laissait tomber pour Denis (joué par Romain), mécanicien chez un loueur de vélos, que Ludo allait plus tard démolir quand il s'en rendrait compte, d'où la construction d'un robot à son image comportant des parties changeant d'aspect suite aux coups: Vittorio pouvait donc cogner comme un sourd (de même qu'Erwann contre le faux Fabrizio) sans risque non plus de se faire mal, les parties cibles ne contenant rien de dur, mais juste de suffisamment ferme pour faire illusion à l'image.

Depuis que le financement social reposait entièrement sur la TVA, la TPA et des taxes sur les nuisances, la main-d'oeuvre était moins taxée que les pièces, puisque la part correspondant à un salaire horaire ne dépassant pas le Smic n'était pas comptée pour la TVA sur l'ensemble de la prestation. De plus nul appareil ne pouvait être vendu moins cher que la somme du prix de détail de ses pièces détachées, obligeant ainsi à réduire la marge jusqu'alors pratiquée sur celle-ci tout en augmentant celle faite sur celui-là: ceci et cela avait rendu la réparation bien plus rentable que le remplacement, contrairement à ce qui était le cas jusqu'alors. Il y avait de ce fait beaucoup d'emplois dans la réparation (bien plus difficile à robotiser que la fabrication), emplois financés par les sommes énormes qui n'étaient plus perdues par la France sous forme de réimportations prématurées d'appareils entiers, ce qui était l'un des nombreux avantages économiques et sociaux de la transformation en "société de conservation". Le bémol était que l'on payait l'appareil neuf bien plus cher qu'avant, ce qui avait raréfié les achats motivés seulement par la néophilie, en plus de ceux liés aux coûts de réparations antérieurement dissuasif et à la non-disponibilité des pièces de rechange. Elles devaient maintenant être proposés pendant au moins dix ans après l'arrêt de commercialisation du modèle en France, ce qui avait considérablement ralenti le renouvellement des gammes, car beaucoup d'autres pays européens avaient pris (poussés par leurs citoyens, souvent) des mesures de même nature. Une surtaxe élevée était appliquée aux appareils non démontables, sauf s'ils prouvaient une fiabilité suffisante dans des tests d'utilisation intensive.

Les produits ne pouvant utiliser que des piles non rechargeables (en particulier les montres) étaient eux aussi surtaxés, surtaxe évitable en incorporant un élément rechargeable permettant au moins dix ans (avec recharges) d'utilisation statiquement représentative de la moyenne des usages de ce type de produit. Les montres furent ainsi de plus en plus souvent dotées de supercondensateurs au lieu de piles ou accumulateurs.

Le 10 puis le 13 mars, ce fut Serranix qui sortit: de la grande belle SF pleine de batailles spatiales, conquêtes et pertes de planètes, menace et ravages sur la Terre: on s'étonnait d'ailleurs, ça et là, que VTP n'eût pas déjà tourné plusieurs films de ce genre, contrairement aux HF. La raison était la recherche de scénarii neufs (or beaucoup avait déjà été vu, dans ce domaine) et valables pour tout un film sans avoir à délayer quoi que ce fût.

Le bon acceuil de cette SF spatiale incita VTP à avancer à juin le tournage (envisagé pour plus tard, entre autre projets) du film "Alignement direct", histoire de concurrence (pas toujours loyale) entre constructeurs de moteurs gravitationnels, avec compétitions, espionnage, lancements prématurés de versions comportant encore des défauts pour être le premier à se positionner sur le marché de telle ou telle avancée technique, etc. Beaucoup d'action, beaucoup de science (ça pouvait être vu comme la suite de "La cinquième équation d'Otusczewsky", et antérieur à Serranix qui utilisait de tels moteurs), beaucoup de fiction. Erwann y jouerait un jeune ingénieur et pilote d'essai de vaisseaux spatiaux amené à devenir (sur le tas) aventurier et homme d'action, avec des scènes évoquant "mission impossible". L'enjeu était la mise au point du rotor à alignement, permettant, par rapport à l'induction radiale utilisée jusqu'alors par les concurrents, d'augmenter à la fois le régime et la "phase" (notion liée au nombre de pôles, amputé du taux de glissement de l'induction) tout en diminuant la consommation et en évitant l'effet Berkaïev (donc la corrosion qu'il entraînait), mais au prix d'une telle surconsommation de puissance au démarrage qu'il fallait bricoler des montages multirampes (coûteux et difficiles à règler), d'une plage de régime étroite, de bruits de pignonerie (sauf en alignement direct, bien plus difficile à équilibrer, à démarrer et à piloter, mais stable et pratiquement inusable une fois lancé) et d'une répercussion dans l'arbre des chocs dûs à la traversée du champ (même assez loin) par des météorites. Quelques phrases comme (pour une compétition):

- on est obligé de rester à fond tout le temps, sinon les résonnances casseraient l'arbre

- les roulements ne tiendront pas dix minutes à ce régime

- combien peuvent-ils tenir?

- sept à huit minutes, d'après les essais.

- ça devrait aller: on n'aura qu'à les changer une vingtaine de fois. La puissance est telle que l'on pourra redépasser les autres ensuite.

"L'équipe Atlantix-Marcillac remporta ainsi cette épreuve bien qu'ayant passé plus de temps à réparer sa machine qu'à la faire fonctionner. Bien que de ce seul fait une tel moteur de gravitraction fût invendable, les performances du groupe pentaphasé RVM ne furent jamais approchées par quoi que ce fût d'autre et poussèrent nombre d'autres constructeurs à tenter l'aventure périlleuse du rotor à alignement, si possible direct".

Pendant le tournage de "Danger: nouilles" il y avait aussi celui des "Otages volants", du "Cheval de Neptune" et de "Neurobogue": un prion s'implantant dans les cerveaux via la viande utilisée par une chaîne de fast-food supprimait toute inhibition et provoquaient ainsi des actes de toutes sortes, y compris des meurtres: les gens atteints se comportaient avec un sentiment d'impunité et d'audace totale, "comme quand on se rend compte que l'on est à l'intérieur d'un rêve et que l'on peut en prendre le contrôle", expliquait un neurologue ayant étudié le problème sans y avoir trouvé de remède. Erwann jouait Kévin, un ambulancier qui se retrouvait entraîné dans une poursuite (en CX break) et quantité de scènes d'action dans ce contexte qui équivalait à avoir ouvert les portes de Lobosibirsk en pleine ville. Un film défouloir, surtout pour ceux qui jouaient les déments, avec un scénario où presque tout était permis puisque n'importe qui (on ne savait pas détecter le prion avant) était susceptible de se mettre soudain à faire n'importe quoi. Les scénaristes de VTP avaient donc dû choisir ce qui se passait pour que le film ait une cohérence, une progression, une "lisibilité", alors que la plupart des personnages n'en avaient plus. Comme souvent, les personnages plus âgés ou non-émilianiens étaient obtenus par déguisement (direct et/ou par infographie) ou par robots animés, selon le cas.

"Otages volants" se déroulait à bord de l'Antonov 560 donc serait le premier film tourné à bord du "catavolant" (néologisme tiré de "catamaran", contrairement à un "bipoutre" qui avait une "nacelle" habitable centrales, entre les queues venant des moteurs) russe. VTP en avait réservé un (des compagnies de charters en avaient acheté) pour trois jours de tournage, tout le reste étant fait en studio. S'agissant d'un hydravion il y aurait aussi une scène de nauffrage, vers la fin, avec la difficulté de faire passer les passagers d'un fuselage à l'autre couchés un par un sur la "planche à ramper" de service dans l'épaisseur de la portion centrale d'aile. Le modèle de pilotage de cet avion existant déjà en simulateur, pour entraîner les équipages, VTP allait lui faire faire toutes les figures et acrobaties techniquement possible sans aller dans l'invraissemblable, ce qui suffirait déjà à bien secouer et retourner son contenu en tout sens. Innovation scénaristique: c'était un robot (à six roues, réversible: pouvant rouler aussi sur le dos) caché dans une caisse dans chacune des soutes qui permettait à un groupe terroriste islamique de détourner l'avion et prendre ses passagers en ôtage sans être à bord. On voyait une foreuse doublée d'un manchon en caoutchouc sortir sous la caisse et traverser la paroi inférieure de la soute, sans y causer de dépressurisation, pour sortir une antenne par cet orifice étanche. Le relais de retransmission vidéo et de retour d'effort des pinces, ainsi que d'autres commandes des robots, était dans cette caisse. Les robots ayant bloqué ouvertes les portes, les ondes pouvaient passer vers chacun des fuselages (une caisse de ce type dans chaque soute). Il y avait déjà eu des histoires de bombes commandées à distance et dotées d'un système de communication pour donner leurs instructions, mais le robot renouvellait le genre. Il n'était pas de type "SF" mais proche de ceux utilisés par les démineurs, avec ses six roues orientables et soulevables ainsi que des bras à pinces et caméras à chaque bout, auxquels on avait ajouté une arme à projectiles toxiques, ne risquant pas de percer la structure de l'avion mais tuant très vite quiconque était touché (même à un membre) par une de ces mini-fléchettes. Après une longue série de péripéties, fois l'hydravion amerri (et commençant à couler par tribord, une explosion ayant éventré l'arrière de cette coque) c'était aux pirates de l'air (arrivés avec une vedette, le point de chute n'ayant pas été choisi par hasard, quoiqu'un peu différent des prévisions en raison de tout ce qui s'était passé avant) que les rescapés avaient affaire. Un morceau de bras intact (projeté dans un siège) du robot qui avait explosé leur fournissait au personnage d'Erwann (censé être hollandais: il serait doublé par Adrien imitant cet accdent) une arme (celle à fléchettes toxiques) que les pirates n'avait pas prévue. Toutefois, il serait tué (sinon c'était trop classique: le héros présent à bord venant à bout (presque) tout seul des méchants) et les pirates feraient encore beaucoup de victimes en mer avant d'être à leur tour celles de la bombe contenue dans l'autre robot (qui avait aussi fourni des armes à fléchettes à deux autres résistants, non sans difficultés pour les démonter), inactivé suite à la découverte et à la destruction de son relais de transmission en soute. Un gamin asiatique à lunettes réussissait à réactiver la bombe, travaillant caché sous un charriot à victualles renversé, en plus de remettre en route les roues (en shuntant le contrôleur logiciel par des fils), pour qu'il aille tout seul vers sa nouvelle destination: pour une fois, il ne s'agissait pas de désamorcer une bombe à bord, mais d'en réamorcer une. VTP estimait que son scénario renouvellait suffisamment le genre, sans verser dans la parodie (ça ne l'était que par la présence "d'anti-clichés" du genre, ça et là), en profitant des possibilités offertes par la répartition des passagers et de l'équipage dans deux fuselages, ainsi que du fait qu'il s'agissait d'un hydravion. Les robots n'étaient ni futuristes ni "intelligents" puisque téléopérés via les relais herziens en soute.

VTP n'avait pas encore trouvé le titre du film, tout en ayant entièrement défini son scénario et les procédures de tournage de chaque scène. Il y avait déjà eu énormément de films de détournements d'avions ou de chantage à la bombe, donc il devenait difficile de trouver un titre à la fois parlant et inédit. Pour le moment c'était "560 otages en plein ciel", mais ce serait probablement changé une fois tourné et post-produit.

VTP avait apprit qu'un studio de cinéma indien ("Bollywood" s'orientait donc vers le cinéma d'envergure internationale, après avoir produit une myriade de films difficilement exportables) tournait (avec un réalisateur américain) un film de détournement d'avion à bord du nouveau supersonique russe Mig 260 donc avait dû se contenter de l'autre avion (l'hydravion catamaran, plus original mais moins élitiste) et cherché un scénario qui ne fit pas reprise d'un précédent. Les gens de VTP auraient pensé que le premier essai de grand film d'action "tous pays" indien serait encore maladroit, mais la présence dans l'équipe d'un Américain en ayant déjà réalisé deux allait certainement les leur éviter. Sean Murciano avait probablement trouvé Bollywood comme solution pour réaliser une superproduction américaine à des prix indiens ou presque, ce qui suffirait à générer de beaux bénéfices si le film marchait simplement comme un "petit" film de catastrophe aérienne, et une fortune s'il marchait comme un grand. Les quelques acteurs de type européen qu'il avait emmenés avec lui acceptaient le tournage "en participation" à la VTP, leur expliquant que le pourcentage semblait modeste mais parce que le retour sur investissement (donc ce sur quoi serait calculée leur part) serait énorme. Même si ça faisait cent millions d'entrées ils resteraient très en dessous des usages financiers américains d'antan, mais au dessus de ce que proposait VTP.

Le film intitulé initialement "Roulette caribéenne" commençait dans le casino opérant à bord du cataman de croisière géant (340m de long, douze mâts) dans "le Cheval de Neptune", qui était finalement devenu le titre de ce film de pirates et de prises d'otage donnant lieu à beaucoup de scènes d'action (avec beaucoup de morts parmi les passagers cousus d'or) un peu partout à bord. Comme dans "0016: Filière bulgare", le paquebot (bien plus original) montré dans ce film serait lancé peu après la sortie du film. Ses coques avaient été construites séparément à St Nazaire puis le pont assemblée à elles en mer (déjà flottantes et motorisées, avec hélices orientables en tous sens à chaque bout), l'ensemble étant trop large pour tenir à l'intérieur du chantier naval. C'était donc à bord d'une version virtuelle, et de portions réelles reconstituées en studio que le film serait tourné. Cette fois, presque tout le film s'y déroulerait, y compris les appontages en avions privés en passant sous les voiles, la piste (avec filets ralentisseurs) étant prévue pour cela, à condition que l'avion fût équipé d'un système permettant au paquebot de les radiocommander entièrement à l'atterrissage comme au décollage (aidé par catapulte), ce qui en faisait le premier porte-avions de croisière, et en même temps le premier porte-avions à voiles. Accéder à un paquebot en hélicoptère était classique, en avion privé c'était inédit et permettait de venir de bien plus loin qu'en hélicoptère. Ce qui était montré techniquement dans le film existait réellement dans le vrai paquebot. La formule catamaran donnait de grandes surfaces de ponts sans avoir un déplacement d'eau trop important, et contribuait aussi à la stabilité. Les voiles, en plus d'être souvent suffisantes pour un déplacement à vitesse "de croisière" (ce n'était pas un transatlantique), créaient sur le pont supérieur un jeu d'ombre et de lumières contribuant à l'originalité de l'ambiance. Parmi les autres originalités: la piscine à fond transparent, au dessus de la mer libre entre les coques, et un circuit de karting électrique passant autour des mâts (il y en avait six sur chaque coque, au lieu de les mettre au centre) avec quelques chicanes rentrantes et des tunnels sous les extrémités de la piste d'atterrissage et d'envol. Outre ceux des passagers (il y avait la place pour ranger une quinzaine d'avions privés de six-huit places, solidement immobilisés dans le hangar) le paquebot stockait à son bord 35 petits avions (biplaces en tandem) à ailes pliantes permettant une combinaison du vol entièrement robotisé (prioritaire sur le manche) et peu à peu du vol libre, cette croisière proposant des cours de pilotage. L'évolution des avions était réservée à certaines heures, pour garantir le calme le reste du temps, en plus d'avoir une insonorisation soignée des moteurs, d'utiliser le catapultage pour décoller sans pousser le régime et d'atterrir hélice au ralenti, le contrôle robotisé étant capable de s'accomoder de mouvements éventuels du pont.

Les pirates, sachant cela, comptaient s'enfuir avec les avions de luxe, après avoir rançonné les passagers. Ceux d'entraînement étaient trop lents et avaient trop peu d'autonomie: par sécurité, on n'y avait pas mis de grand réservoir. Comme pour ceux des clients, le carburant n'y était remis qu'au moment du vol, à partir d'un réservoir blindé collectif pour les avions du parquebot, et de réservoirs individuels pour ceux des clients, ainsi que les hélicoptères. Les aéronefs étaient entreposés réservoirs vides, ce que les pirates ne savaient pas et qui allaient leur compliquer la tâche. Toutes les installations du paquebot allaient jouer un rôle, dans la prise d'otages et les tentatives de résistance de certains membres d'équipage et passagers. Il y avait une clinique de chirurgie esthétique à bord: le chef de pirates allait s'en servir pour changer d'apparence. Il y avait aussi à bord quatre sous-marins de tourisme (pour visiter les récifs coraliens) et deux "paniers à frites", structures pliantes basculantes grillagées permettant d'improviser des piscines en pleine mer sans risque de perdre un baigneur du fait du courant d'eau (le navire n'avançait alors qu'aux voiles, mais la plupart du temps c'eût été suffisant pour semer un baigneur) ni d'y laisser entrer un requin. Tout ceci était vu rapidement au début du film. Erwann y jouait Gwendal Barzic, un des ingénieurs chargés de tester et vérifier toute l'informatique des fonctions de bord: gréement, hélices, ailerons dynamiques anti-roulis et anti-tangage, climatisation, services touristiques... C'était contre un des ailerons stabilisateur dépassant sous l'eau entre les coques que la vedette des pirates s'était ouverte la coque, commençant à couler et les obligeant à improviser un autre moyen de repartir avec ce qu'ils excomptaient piller de ces "ventres dorés dépensant sans compter".

La prise d'otages d'une croisière n'était pas un thème inédit, mais le navire l'était, de même que le scénario. Bien que le "Cheval de Neptune" n'existât pas encore (et ne serait pas baptisé ainsi) il y avait beaucoup de vues d'ensemble, l'esthétique du catamaran géant y invitant, ainsi que les scènes avec avions. Des vues d'ensemble mais d'assez près pour voir s'y dérouler l'action (personnages réduits à l'échelle de fourmis, mais pouvant tout de même permettre de comprendre ce qui s'y passait), au lieu de vues "neutres" comme souvent dans ce genre de film. "Un porte-avions à voiles: n'importe quoi", aurait-on pu dire si VTP l'avait inventé sans exemple réel, mais il allait être lancé pour de vrai un peu après la sortie du film.

Parmi les nombreuses scènes d'action, la tentative d'intervention d'un hélicoptère Fenec de l'aéronavale, prévenu par radio. L'un des pirates, aux commandes du navire, basculait brutalement la manette (remplaçant la barre à roue dans les navires modernes à commandes informatisées) "tribord toute", l'action des hélices orientables s'ajoutant alors à celles des gouvernails. Le navire étant vent arrière, ceci suffisait à provoquer un empannage général: l'une des douze voiles claquait l'hélico comme un moustique (à ceci près que le rotor y laissait une déchirure), d'où sa chute sur le pont, sans explosion mais avec un début d'incendie. Un seul des militaires parvenait à en sortir, boiteux mais capable de se cacher dans le navire. Toutefois, malgré quelques belles initiative, ce ne serait pas lui qui réussirait à éliminer les pirates (il parvenait juste à en blesser un), mais (entre autres) le professeur de judo (joué par Georg, cette fois en roux avec des taches de son), le dentiste (joué par Zhao. On le voyait torturer un des pirates à la roulette pour qu'il les informe sur les autres et l'emplacement des bombes), l'informaticien-testeur (Erwann, qui avait droit à nombre de scènes d'action, et pas juste du clavier+souris), un footballeur (passager, joué par Manfred), et quelques alliés plus vite éliminés (dont le prof de tennis, joué par Vittorio). A l'inventaire des bombes, Gwendal disait, en regardant le schéma dans son ordinateur portable et en simulant les voies d'eau dans le logiciel de stabilité:

- si elles sautent toutes, le bateau s'enfoncera d'environ deux mètres à babord, un peu moins à tribord, et il ne coulera pas: ils n'en ont pas placé en assez d'endroits.

Jack, le dentiste (Zhao): - alors c'est qu'il ne nous a pas dit où étaient les autres. Oh, j'aperçois une grosse carie au fond à gauche...

Marius, le footballeur (Manfred)- ou alors ils n'ont pas eu le temps de les sortir toutes de la vedette avant son nauffrage.

J- ou alors ils ont un moyen de pirater le système de fermeture des portes d'étanchéïté: si tout reste ouvert, le bateau coule.

G- [simulant] oui, mais il est impossible de pirater le logiciel: il est dans des ROMs, contrairement à ce que l'on voit dans certains films. Il faudrait aller les retirer et les remplacer par d'autres, pour changer quelque chose, ceci dans les cinq coordinateurs principaux. Or dès qu'elles sont retirées, toutes les cloisons de circulation inter-sections se ferment sauf celles débouchant sur le pont supérieur, pour laisser les passagers évacuer en montant dans leur propre section. L'état par défaut, c'est fermé dedans, ouvert dessus. Par exemple en cas de panne de tous les ordinateurs.

Comme souvent chez VTP, l'image du personnage s'estompait au profit de ce qu'il expliquait, dès que cela pouvait aider à comprendre.

Malgré les efforts de l'équipe pour neutraliser certains pirates et certains charges (au passage, Manfred était tué, selon la bonne vieille règle du cinéma américain "le Noir y passe en premier"), avec une belle série de scènes d'action, poursuites, évitements de tirs (tuant d'autres passagers), acrobaties dans la salle de concert, le casino ou l'un des restaurant, les explosions avaient lieu (sinon le spectacteur eût été frustré, estimait VTP). Scène d'envahissement de cabines, ponts et coursives, panique, enfoncement (partiel, comme prévu) des coques, mais le Cheval de Neptune continuait à fonctionner et à avancer, bien que ralenti par l'augmentation du "déplacement" et les turbulences causées sous l'eau par les trous.

J- s'ils n'ont pas piégé les générateurs, c'est qu'ils ont encore besoin de l'électricité.

G- il en faut pour pomper le carburant puis lancer un avion. C'est comme ça qu'ils comptent partir: nous devons couper le courant avant.

J- mais je suppose qu'il y a des accumulateurs et des générateurs de secours un peu partout...

G- oui, mais le catapultage n'aura pas lieu si le navire est vent de travers. Or quand ils seront dans un avion, nous pourrons le réorienter.

J- il virait bien quand il était vide, mais avec toute l'eau qu'il y a dedans, ça va être plus difficile.

Ceci échouait, le navire alourdi virant trop lentement pour allumer le feu rouge de mauvaise direction du vent pour le catapultage, ce qui imposait une autre tactique: une poursuite en avions, grâce à Robert, un ancien colonel de l'armée de l'air fêtant ses quarante ans de mariage par cette croisière (dans une des cabines les moins chères). Le scénario lui semblait valable, son rôle aussi.

L'année 2002 fut celle des premières élections législatives françaises utilisant le nouveau système électoral à proportionnelle "locale" par groupe de huit circonscriptions (par listes de candidats sans nécessité d'être du même parti), système censé mieux représenter le pourcentage réel de votants que le précédent qui caricaturait les majorités. Malgré cela, L'ELR conserva 52% des siègles (c'eût donc été plus des deux-tiers avec l'ancien mode de scrutin), le reste se dispersant entre 19 partis et 53 listes de "non alignés", aucun de ces partis ne dépassait 7% des sièges. Les grands partis politiques d'antan n'était pas renés de leurs cendres, le financement ne pouvant désormais se faire que par les adhérents (avec plafond d'un Smic de contribution annuelle), seuls l'accès aux médias publics et la préparation des bulletins étant pris en charge par l'Etat. Comme désormais on ne pouvait plus faire fortune via un mandat électif, la rémunération étant plafonnée à la médiane du revenu individuel français et ne venant qu'en complément des ressources propres, l'essentiel de l'ancienne de l'ancienne classe politique s'était tournée vers d'autres activités. Ceci avait entraîné un rajeunissement massif des candidats, et aussi un retour à des contenus idéologiques plus différents et affirmés, car ces candidats faisaient de la politique par conviction, voire par passion, et non par appât du gain. Ceci expliquait ausis la dispersion en un grand nombre de mouvements. Le Parti Nazi Français détenait 6% des sièges, loin devant les Communistes (0,8%) et apparentés (3,2%). L'extrême-droite classique s'était évaporée (2,1%)aussi vite que la part "opportunisme d'aides sociales" de l'immigration était repartie. Les "catho-fachos", comme les appelaient l'ELR, s'étaient en grande partie reportés sur le PNF, plus radical et tout aussi surnataliste, à ceci près qu'ouvertement eugéniste donc supposant (s'ils voulaient rester surnatalistes) que les très rares "éligibles" fissent une centaine d'enfants chacun pour concilier surnatalité et eugénisme, ou que l'on recourrût massivement aux embryons suédois dans des vaches porteuses hollandaises, comme c'était déjà le cas pour plus de la moitié des gestions en cours. L'eugénisme non éthnique de l'ELR servait les objectifs antinatalistes de ce parti, orientation ayant rebuté une partie (les "catho-fachos") de l'électoral de l'ex-extrême droite. La partie "populiste poujadiste", elle, s'y était massivement raliée, y compris au thème de la taxation des familles nombreuses. Une part non négligeable des Français constataient des améliorations dans la situation du pays, y compris dans leur vie quotidienne, mais ça n'aurait pas suffi, les sujets de mécontentement prenant toujours le pas sur ceux, moins sensibles, de satisfaction. C'était la désaffection de la politique par les fonctionnaires (puisqu'il n'y avait plus le principe de la "place gardée au chaud"), les notables et "professions libérables" (car désormais c'était pour eux une perte de revenus, avec l'obligation de présence et l'indemnité callée sur le revenu médian individuel français), laissant place à des gens souhaitant faire de la politique pour les idées et solutions et non pour en tirer profit. Des gens plus jeunes, ayant une autre vision de la société que leurs aînés, et qui, sans adhérer aux thèses de l'ELR (sinon ils en eussent fait partie) n'avait aucune intention de ressusciter les anciens grands partis classiques, qui semblaient déjà des souvenirs lointains du siècle précédent, au même titre que les ex-syndicats "automatiquement représentatifs" sans avoir un nombre représentatif d'adhérents, les charges sociales, les allocations familiales, le "collège unique", les crottes de chiens et aboiements répétitifs, le tabagisme en présence d'enfants, la limitation de vitesse constante sur autoroutes et les sanctions très lourdes pour des infractions ne présentant aucun danger, les grèves dans le secteur public, les facturations de parts fixes d'abonnements... Très peu prônaient le retour à l'ancien système, tout en proposant d'autres changements que la liste de ceux créés par l'ELR pendant ces cinq années. Peu proposaient l'abolition de la peine de mort ou des travaux forcés, le retour à l'incarcération collective ou l'usage "au gré de l'humeur du juge" de la détention provisoire. Celle-ci était constitutionnellement impossible, partant du principe que si l'on avait assez de preuve pour effacer la "présomption d'innocence" c'était que l'on en avait assez pour une comparution immédiate: pas de procès, pas de détention. En cas de preuves importantes mais incomplètes, la seule possibilité était la surveillance électronique (qui ne faisait pas que donner l'alerte: elle neutralisait électriquement le contrevenant), une audience hebdomadaire avec avocat étant nécessaire avant chaque renouvellement. "Trop d'innocents en prison et trop de coupables en liberté", disait l'ELR de l'ancien système, avec l'approbation de 94% de l'opinion sur ce point. Supprimer la détention provisioire en échange de supprimer les réductions de peine satisfaisait une vaste majorité des Français, la discussion restant sur la qualité de la justice elle-même et la longueur des peines. Le recours aux jurys populaires pour tous les actes de violence physique (sur humains ou animaux) et de pyromanie était lui aussi largement plébiscité. La question était surtout: fallait-il étendre cela à d'autres problèmes?

Autre sujet de satisfaction générale (pas unanime, surtout chez les ex-cheminots, mais massive): la SNTF (TF pour "Transports Ferroviaires") avec des tarifs bien plus bas (en échange de la disparition de toutes les réductions catégorielles. Ne restaient que les réductions "heures creuses", pour inciter au lissage de l'utilisation) grâce à l'utilisation d'un personnel de droit privé, pas d'arrêt en cas de grêve (automatisation de la conduite et de la gestion du réseau), et surtout les convois de wagons-tunnels pour voiturettes électriques rechargeables (pas uniquement celles de Kermanac'h), ayant ouvert aux véhicules tout-électriques la possibilité de voyager loin à très grande vitesse, pour un prix légèrement inférieur à celui d'un trajet avec un véhicule diesel de moyenne cylindrée. Trajet sans "rupture de charge" de porte à porte, bagages inclus, à 300 (voire 340) km/h sur l'essentiel du trajet. Grâce à beaucoup moins de personnel, et sous statut privé (le statut de fonctionnaire ne subsitait que pour les tâches "régaliennes": police, justice, armée...) SNTF avait repris à la route 70% du transport longue distance: la suppression des sous-taxations de carburant pour les "professionnels", et l'impossibilité de déduire des dépenses d'énergies fossiles (uranium inclus...) du résulat imposable y avaient aussi beaucoup contribué. Beaucoup de petites lignes dont l'exploitation avait été abandonnée depuis plus ou moins longtemps par la SNCF avaient été remises en service soit par la SNTF, soit par des exploitants indépendants, car avec des effectifs réduits sous statut privé ça redevenait rentable, surtout par rapport à des transports routiers ne bénéficiant plus de carburant à tarif réduit. Tout ceci avait conduit à une baisse spectaculaire de la facture énergétique du pays donc à un enrichissement significatif de ses habitants par baisse des dépenses générale, hausse des exportations (pas l'abolition des charges sociales au profit de la TVA et de nombreuses taxes sur les nuisances) et baisse des coûts de ces services publics, en plus de la baisse général du coût de l'Etat (Sécurité Sociale incluse). La "société de conservation" prônée par l'ELR avait déjà sérieusement réduit le domaine de la "société de consommation" et les gens en voyaient les avantages, même si certains groupes en sortaient perdants.

Le modèle français de la "société de conservation", résolument malthusienne tout en ayant facilité la vie quotidienne de beaucoup de gens intéressait beaucoup d'autres pays: communications gratuites (gratuité rationnée) avec un débit supérieur à celui du Lioubioutchaï 2 (mais uniquement en interne), accès bien plus facile au télétravail et au téléenseignement, baisse du coût de la vie "de base" (baisse spectaculaire du coût du logement, en particulier), pas de prélèvements sur l'épargne à moyen (ou long) terme, prélevements forts sur la fiscalité, restriction de l'accès au crédit, lutte effective contre beaucoup de nuisances (à commencer par le bruit), et, macroscopiquement, un redressement spectaculaire du commerce extérieur (consommer moins, exporter plus, grâce à l'abolition des charges sur la production), un désendettement important de l'Etat, une baisse de la population, un désengorgement des prisons malgré l'allongement des peines d'assises (grâce à l'interdiction de la détention préventive, d'une part, et d'autre part plusieurs milliers d'exécutions par an: tous les individus que le jury estimaient "à éliminer au nom du principe de précaution car trop dangereux à relâcher un jour"), des progrès importants dans les comparaisons internationale d'instruction des jeunes (malgré ou plutôt grâce à la réduction très importante du nombre de jours de classe). La France n'avait pas réussi de percées technologiques aussi spectaculaires que celles de la Russie, ou plutôt on y pensait moins: la réussite à très grande échelle de BFR avec les chairs artificielles était quelque chose d'inédit dans le monde. L'excellente rentabilité de ses méthodes de forages géothermiques, et maintenant de valorisation de la "biomasse" non commestible en biocarburants, d'une part, en produits commestibles (grâce à une prédigestion par des micro-organismes OGM créés pour cela) étaient aussi des facteurs de réussite du pays, même si les effets n'étaient pas spectaculaires à l'exportation: pour faciliter l'homologation de ses nouveaux produits dans tel ou tel pays, BFR avait préféré les produire sur place, quitte à créer quelques nouvelles usines dans des pays qui n'en avaient pas encore: diplomatiquement, cela facilitait grandement la mise au vert de certains signaux règlementaires locaux.

Parmi les scènes qu'Erwann ne connaissait pas, dans "Danger: nouilles" il y avait les dernières utilisant Bengt, le Karéen suédois des Bifidus, devenu presque aussi "maître nageur" d'allure que Torbjörn. Elles n'étaient d'ailleurs connues, jusqu'à la fin du tournage que du scénariste, du réalisateur des "séquences nouilles" et des acteurs y ayant joué: Tiphany et Bengt. Typhany avait quelque chose rappelant Nelli dans les traits, mais elle ne mesurait qu'1m70 et était d'un châtain "chocolat au lait", coiffée "abat-jour": une coupe au carré comme sabrée à l'altitude des coins de la mâchoire, style semblant avoir été conçu pour économiser de la puissance de synthèse d'image quand on devait la virtualiser.

Car pour la première fois chez VTP, il y avait une "scène de cul" dans un film. Pas porno: on ne verrait Bengt nu que de dos, cachant ainsi l'essentiel de sa partenaire, le tout dans une ambiance "hamiltonienne" puisqu'embuée de vapeur de cuisson de nouilles. La position était légèrement originale: debout contre le mur carrelé, pressant Loralie (jouée par Tiphany) entre lui et le mur, comme s'il voulait essuyer les carreaux avec son dos. Elle garderait sa blouse de stagiaire en cuisine pour pouvoir cacher le harnais qui la maintiendrait ainsi au mur, harnais tenu et déplacé verticalement, au rythme des mouvements de l'acteur, via un "guichet" s'ouvrant de l'intérieur (trois carreaux de haut) pour dispenser Bengt d'avoir à la porter réellement... et sans les mains, les siennes étant appuyées au mur de part et d'autre, assez loin. De plus ça permettrait de continuer quand Bengt serait remplacé par son modèle virtuel.

La scène avait été étudiée optionnellement, précédée d'une autre dans le studio de Tiphany, dans la résidence: elle avait mis des nouilles sur le gaz, puis Bengt arrivait, ils se faisaient divers câlins sur le lit, mais au moment du déballage du préservatif, elle entendait l'eau des nouilles déborder sur le feu. Alors elle se précipitait dans la cuisine, arrêtait ses nouilles, et se souvenait qu'elle devait en faire cuire 10kg pour les enfants, dans la grande cuisine du bas. Elle descendait donc, paniquée d'être en retard: comme le lapin d'Alice, disant à Bengt qu'il n'avait qu'à manger les siennes en l'attendant.

VTP décida que resté seul, le bel Aymeric allait d'abord remettre son caleçon (violet aspect satin, les draps semblant de même matière mais d'une tonnalité plus rouge. Tapis très épais couleur chocolat, murs doublés de liège, matériau convivial et confortable évitant aussi une surface unie) pour aller manger les nouilles: la scène que le spectateur attendait maintenant avec impatience, à défaut d'avoir eu droit à l'autre. Si ça s'appelait "Danger: nouilles" et qu'il y avait eu ces plans menaçants vers la casserole (contre-plongée, comme si la caméra était dans un des autres brûleurs) et son débordement pour cause de couvercle non décalé pour éviter de mousser, c'était qu'il allait se passer quelque chose avec les nouilles.

Pendant ce temps, on voyait Loralie, avec son tablier de cuisinière stagiaire, remplir d'eau l'énorme faitout "collectivité" (rempli avec un tuyau, car trop lourd pour elle une fois plein), allumer plusieurs feux dessous (le récipient étant fait pour), ouvrir et y jeter d'énormes quantités de spaghetti, d'emballages dont on reconnaîtrait plus tard la marque dans une autre cuisson.

Aymeric mangeait les nouilles, vu de trois-quarts ou de face, un genou dépassant d'un côté de la table. Oui, mais alors, les nouilles? Le spectateur s'attendrait peut-être à des convulsions stomacales façon "Alien", où à ce que des nouilles vrilles surgissent à travers un oeil. Rien de tel. Alors?

Retour à la cuisine du bas: de la vapeur commençait à bourrer sous l'immense couvercle et envahir la cuisine.

Aymeric s'habillait rapidement, descendait (par l'ascenseur, qui évoquait un peu ceux de l'hôtel de "Shining") et rejoignait sa promise dans l'immense cuisine de carrelage et d'inox, déjà embuée de vapeur. Une partie du public penserait qu'elle avait oublié de brancher la hotte, mais après tout, une stagiaire pouvait faire ce genre d'erreur.

Le bel et puissant Aymeric se débarrassait aussitôt de ses vêtements (filmé à travers la vapeur), puis soulevait et plaquait Loralie au mur sans qu'elle ait eu le temps d'ôter sa blouse, qu'elle avait enfilée en urgence, sans mettre autre chose en haut et juste un pantalon de jogging en bas, pressée qu'elle était.

S'ensuivait la "scène de cul" (au sens propre: on en voyait un, entre les nappes de vapeur de cuisson de nouilles), filmée en pied (donc de pas trop près mais bien "lisible" dans son exécution). Les pieds de Loralie ne touchaient plus terre. Les nouilles débordaient de la casserole. Aymeric continuait, mouvement lent et puissant, déplaçant Loralie contre le mur: "surtout pas saccadé façon chien qui s'excite contre une jambe", lui avait-on recommandé aux répétitions. La vapeur ayant empêché de voir ce qui se passait au sol, on ne remarquerait pas l'approche des spaghetti.

Plan plus proche, mais utilisant des jambes virtuelles, parce que c'était beaucoup plus précis pour y synchroniser le mouvement des nouilles: elles s'enroulaient en spirale ascendante autour de ses chevilles. Trop pris par ce qu'il faisait, il ne s'en rendait pas compte (ça, c'était crédible). Les nouilles s'enroulant en nappe (avec quelques avant-gardes filantes) formaient des chaussettes, puis des bas spiralés, puis Aymeric, "le cul bordé de nouilles", essayait de se débattre mais quand on le revoyait de face il n'y avait déjà plus rien à cacher à la caméra: les nouilles l'habillaient jusqu'au nombril. Il tombait, se débattait, essayait de les arracher. Il arrivait à en arracher beaucoup, mais pas assez vite pour éviter l'envahissement de partout: le torse, puis le cou, les épaules, la tête, le haut des bras...

Loralie, montée sur un "plan de travail" carrelé, se débarassait frénétiquement des nouilles ayant commencé à ramper sur elle (par contact avec Aymeric) essayait d'échapper à la nappe menaçante, qui semblait pour le moment se contenter de sa première victime dont on voyait disparaître les doigts, dernière partie émergeant encore de l'ennouillement. Les plus attentifs remarqueraient que ses jambes avaient étrangement maigri, malgré le doublage de nouilles, et que son postérieur s'était applati. Toutefois tout le monde n'y prêterait peut-être pas attention, car c'était le sort de Loralie qui importait maintenant.

Quand Romaric (Erwann) arrivait dans la cuisine (on l'avait vu chercher son frère pour lui emprunter sa motoneige, donc les clefs, et finir par apprendre qu'il était descendu en cuisine) il sauvait tout juste Loralie (déjà prise aux chevilles, tout en se débattant) et ne devinait avec horreur l'identité de la forme allongée au sol, grouillante de spaghettis, que par les vêtements et surtout l'écharpe (violette avec des poissons jaunes) sur un des "tabourets de bar".

Loralie et lui allaient maintenant devoir convaincre un monde incrédule que cauchemard avait vraiment commencé. Pendant ce temps, les nouilles quittaient le corps décharné d'Aymeric, à plat ventre: il ne lui restait que la peau sur les os, façon camp de concentration, mais une peau restée jeune d'aspect, bien que rétractée entre les paires d'os de ses jarrets (le mollet avait totalement fondu) et avant-bras, ainsi qu'entre les côtes. Fesses disparues, de même que le rebondi des épaules. La tête tournée de côté permettait de voir le visage momifié (mais sans rides. Il ne manquait ni le nez, ni les cheveux, ni les oreilles (lobe vidé de toute épaisseur, toutefois), mais il manquait les yeux et toute la "chair"), au moment où les dernières nouilles le quittaient pour suivre leurs camarades (encore plus nombreuses et longues, devinait-on, après un tel festin de viande fraîche) le long du mur et se glissaient derrière la porte en verre d'un monte-plat.

VTP avait jugé que montrer Aymeric ainsi ferait plus peur que le squelette classique auquel le public s'attendait peut-être: cela suggérait qu'il avait été dévoré de l'intérieur, donc "vivant", sans avoir la chance de mourir plus vite d'hémorragies causées par une attaque externe (celle des pirhanas, par exemple). De plus on le reconnaissait mieux qu'un squelette: c'était lui, mais comme lyophilisé.

Il n'y avait plus de nouilles dans la cuisine: rien que la vapeur qui continuait à sortir de sous le couvercle du faitout jusqu'à ce qu'on l'étînt, et le cadavre décharné d'Aymeric.

La "scène de cul" se justifiait scénaristiquement en trois points: d'abord, empêcher Loralie de surveiller ses nouilles. Ensuite, mettre Aymeric dans un état tellement "second" qu'il ne se rendrait compte que trop tard de l'attaque, déjà à mi-corps. Loralie ne pourrait rien voir, Aymeric lui cachant la cuisine. Enfin, il fallait qu'il fût déjà nu pour montrer ce que les nouilles avaient fait de son corps. Juste la tête et les mains, avec des habits plissés faute de chair de remplissage, auraient eû bien moins d'impact visuel.

Pour obtenir tout ça, la solution la plus crédible était celle que l'on verrait à l'oeuvre dans la cuisine, en plus du fait que ça pourrait intéresser le public, le garçon étant bien fait de partout, avec un mélange de vigueur et de netteté nordique, et la fille (bien que peu visible, dans cette scène) choisie pour être appétissante (au sens propre: visiblement bien nourrie sans être grasse). Ce n'était pas nouveau: dans beaucoup de films d'horreur, il se passait des choses parce que deux personnages occupés à cela n'avaient pas surveillé ce qu'ils auraient dû surveiller, ou n'avaient pas perçu l'approche d'un danger, donc le public attendait qu'il se passe quelque chose de terrible à l'occasion de cette scène. Probablement avec les nouilles, vu le titre, mais quand et comment?

VTP savait que l'attaque par des nouilles pourrait faire rire, mais cela avait été mené avec tout l'art nécessaire à un bon film d'horreur: en remplaçant les nouilles par des limaces (pourtant végétariennes, en plus d'être trop lentes) ou des asticots (qui, eux, préféraient la viande pourrie à la chair vivante, au point que l'on s'en servait pour nettoyer des débuts de gangrène), ça marchait, alors peu importait l'ingrédient pourvu que le processus fût respecté. De plus il était normal qu'il y eût beaucoup de nouilles dans une telle cuisine et que d'autres gens en préparassent aussi, ailleurs dans la résidence. Ce qui aurait réellement pu dévorer des gens de l'intérieur et pouvait évoquer des spaghetti, c'étaient les larves carnivores de la lucile bouchère, sauf qu'il leur fallait plusieurs jours pour vider un corps. Un personnage y faisait allusion. Il était médecin, en vacances au ski lui aussi, et examinait le cadavre d'Aymeric: "la seule fois où j'ai vu ça..."

Après une mise en place "classiquement anodine", dans une bonne humeur ludique voire coquine, servant à présenter les lieux et les personnages, le film d'horreur était lancé. VTP ne cherchait pas en éviter tous les poncifs, sachant que certains étaient appréciés des amateurs du genre, d'où (entre autres) la scène dans la cuisine. Le rôle de Bengt s'arrêtait là, mais cela suffisait pour que l'on s'en souvînt. Parmi les habitants de la résidence de sports d'hiver, nombre d'enfants allaient subir le même sort, grâce aux robots "enfantoïdes" réalistes déjà utilisés par VTP dans de nombreux films, les enfants (réels) et les animaux étant deux contraintes que les réalisateurs souhaitaient le plus possible éviter, et pas uniquement chez VTP.

Après avoir cru échapper aux nouilles de la cuisine, Loralie avait des sortes de crampes dans les mollets. C'était mis sur le compte de l'acide lactique produit lors d'une peur intense. Le public aurait déjà deviné ce que ça signifiait, car lui, il avait vu le cadavre d'Aymeric, contrairement à elle qui n'avait pas vu les nouilles s'en retirer. Au matin elle serait entièrement vidée, tandis que des nouilles quitteraient sa chambre par les toilettes, pour ressurgir sous le monsieur auquel sa femme avait dit à travers la porte (dans la scène juste avant): "et n'y reste pas pour finir les mots croisés". Le monsieur, assez gros, pantalon baissé, avait le journal sur les cuisses et son stylomine (avec bout gomme) pour faire les mots croisés, "en attendant que ça vienne", pouvait-on supposer. On le voyait réfléchir sur un emplacement et une définition dont la solution était visiblement "nouilles", d'après les lettres déjà inscrites. Dans ce plan bref, VTP avait prévu de substituer la grille et les définitions pour diverses langues, en changeant de journal. S'il avait écouté sa femme, les nouilles n'auraient peut-être pas eu le temps d'arriver, pouvait penser le spectateur. Les WC étant fermés de l'interieur, ce n'était que bien plus tard, en arrachant la porte avec un verrin à pompe ("vous n'arriverez jamais à l'enfoncer: elle s'ouvre vers l'extérieur", rappelait la dame au garçon d'étage qui s'y meurtrissait en vain l'épaule, d'où du temps perdu pour aller chercher l'outillage adéquat) que le monsieur tout maigre et décharné était retrouvé, plus enfoncé dans la cuvette, avec son journal pendant de part et d'autre de ses fémurs à peau rétractée.

Autre scène d'horreur: les spaghettis jaillissant par les trous d'une pomme de douche à la place de l'eau, une fois le robinet ouvert, pour embobiner et digérer une jeune femme.

"Vu hors contexte, ça fait rire, mais sur le moment ça fait peur", estimaient les scénaristes et réalisateurs de VTP. Beaucoup de films d'horreur avaient été conçus sur des périls qui n'étaient pas plus crédibles que les nouilles mutantes.

Le secret de la scène de la cuisine fut bien gardé car même Erwann ne put que supposer ce qui s'y était passé, ayant participé au sauvetage (provisoire) de Loralie. Celle-ci n'était pas nue quand il la trouvait: elle avait remis sa blouse. Quant à la forme ennouillée d'Aymeric au sol, il ne la voyait pas, tout en sachant qu'une telle forme devait y être (à l'entrainement) mais n'existerait qu'en post-production: un grouillement (ou plutôt coulissement-glissement) de nouilles ne pouvait être que virtuel.

Selon VTP, moins les acteurs en savaient, mieux c'était, même s'il était nécessaire de leur apprendre d'avance toutes leurs scènes donc leur faire connaître d'avance tout ce que leur personnage pourrait savoir au cours du film. VTP savait que certains réalisateurs allaient plus loin, en tournant dans l'ordre strictement chronologique et en ne dévoilant le scénario qu'au jour le jour aux acteurs. C'était techniquement impossible chez VTP où les tournages humains étaient regroupés, de façon à ce que tout le monde ait travaillé intensivement, hors contexte donc hors pression, ses propres scènes (via les simulations), et où le tournage "réel" n'était que l'équivalent de la ligne d'assemblage final d'une voiture dont tous les éléments avaient déjà été fabriqués et testés séparément, avant cette étape, dans d'autres ateliers ou chez les sous-traitants. De plus, chez VTP, il y avait énormément de pré et post-production: sans elles, les nouilles de ce film n'existaient pas, en dehors de celles (normales et réelles) mangées par Aymeric dans la cuisine de Loralie. Non seulement les nouilles, mais aussi les corps qu'elles embobinaient, qui devaient imiter fidèlement les personnages réels, ou au moins les parties envahies, et les cadavres décharnés: quelques-uns avaient été fabriqués en vrai, pour être plus faciles à examiner (que du virtuel) par le médecin qui serait lui aussi victime des nouilles: une nouille plate retardataire était passée dans la manche droite de sa blouse, après avoir rampé sous le gant stérile, pendant un tel examen.

Aymrald (car là, c'était comme ingénieur) travailla sur l'optimisation du comportement des faux chats avec Adrien. Comme il s'en doutait déjà un peu, celui-ci était son demi-frère breton (du 56, au lieu du 22, et né dix jours plus tôt) via Eetu. Il n'avait pas posé la question pour la chorée de Huntington mais le reste y était. Un Attéen aux yeux verts, châtain cendré avec ces reflets très glacés, des sourcils pâles, et des canines encore plus remarquables que les siennes. Que Eetu ait engendré trois fils se ressemblant plus entre eux qu'à lui-même (c'était un Karéen) laissait supposer qu'il choisissait les futures mères selon certains critères qui n'étaient pas la transposition de tous les siens, mais juste d'une partie, l'autre étant susceptible d'engendrer des "Attéens". Toutefois Geneviève n'avait pas cette morphologie: Eetu ne pouvait donc pas l'avoir repéré génétiquement, à moins de s'être basé sur Fulbert, mais rien ne garantissait que les gènes "attéens" de Fulbert fussent transmis à un petit-enfant.

Cela pouvait donc être une coïncidence, de même que le fait qu'il eût trois garçons.

Plus timide qu'Erwann, Adrien avait joué peu de rôles (juste pour "faire nombre" parmi d'autres Emilianiens), mais en avait doublé beaucoup, dans diverses langues, en plus de faire toutes les voix utilisées dans les chansons de Millénium, beaucoup directement, certaines par infosonie, grâce à une tessiture étonnante, restant fluide dans les graves et n'affadissant pas les voyelles dans les aigus, tout en pouvant imiter beaucoup de timbres mais sans disposer d'une puissance de chanteur de scène (Millénium n'en faisait pas): il était donc fait pour le travail d'enregistrement, ce qui avait été le cas pour Bifidus (surtout à leurs débuts. Alceste avait assez vite pu se débrouiller seul, vocalement) et les Småprat.

Stéphane retourna en Finlande travailler surtout chez VTPSF (un peu chez BFRSF) surtout sur le comportement des chats artificiels, pour "la planète des chats" ainsi que bien d'autres tournages ayant besoin de chats faisant exactement ce que le scénario prévoyait, tout particulièrement dans la publicité. Il avait une imitation de Gorak à la maison, pour comparaison avec le vrai. Gorak avait très vite compris que ce n'était pas un vrai chat, mais un objet animé ayant l'air d'un chat. Quand (sauf le touchant, car pour ne pas vider les accus il n'était pas chauffant) les gens non avertis confondraient le vrai et le faux, comportementalement, ce dernier serait considéré comme crédible. Quantités de comportements félins (y compris la toilette complète ou simplifiée ou interrompue) avaient déjà été mis au point chez VTP et VTPSF. Garok (le faux Gorak) allait improviser spontanément de petites variantes que Stéphane allait devoir noter, exactement comme pour un test de dégustation. Ce cette façon sans avoir à choisir lui-même quel paramètre modifier (il y en avait tant) l'optimisation se ferait par la notation. Chez VTP, d'autres avaient chez eux des chats artificiels à comparer à leur(s) vrai(s) chat(s), en notant les moments où l'imitation leur semblait plus satisfaisante. Il joua avec Garok quand Gorak était de sortie. Le comportement était déjà convainquant, non répétitif et typique d'un gros chat angora, y compris la tendance de la paresse à prendre le dessus sur le jeu sans trop prévenir: quelques gestes de capture subsistaient, mais le corps renonçait à poursuivre, puis les gestes devenaient plus symboliques.

Garok était crédible aussi pour les câlins. Pour cet exercice, il était relié par un fil (branché au bout de la queue) à un transformateur permettant le tiédissement de la peau, sous la fourrure, sinon ça aurait pu fausser l'impression perçue par l'humain participant à l'essai. Aimer la tendresse ronronnante (et parfois possessive) d'un chat artificiel? Il manquait la certitude de faire du bien à celui-ci en le carressant et en le chatouillant sous le menton, néanmoins c'était fort agréable. Il se prit à essayer d'imaginer ce que ce robot félin "pensait". Il avait bien une forme d'intelligence et de sensibilité (numérique, mais élaborée) puisqu'il réagissait comme un chat. Certes, il ne savait pas tout faire: il était bien moins autonome en environnement inconnu que Gorak. Il avait fallu le laisser explorer entièrement la maison pour en numériser tous les parcours avant qu'il pût y circuler à peu près naturellement. Quand il se frottait contre un meuble ou un chambranle de porte, ce n'était pas pour déposer des phénomones mais distinguer les obstacles fixes de ceux qui étaient mobiles, du moins mobiles au contact d'un chat. Garok n'était pas censé remplacer un vrai chat, mais un chat dressé pour le cinéma, donc un chat devant être programmable et moins indépendant (ne l'étant que quand le rôle le prévoyait) qu'un vrai. Il devait pouvoir monter souplement sur les genoux de quelqu'un, sans avoir besoin des griffes (elles étaient rétractables et fidèlement imitées, toutefois un dispositif à infrarouge les faisait rentrer à l'approche d'une peau vivante, par sécurité: un robot pouvait toujours boguer, or ce dispositif ne faisait pas partie du logiciel: il était incorporé aux pattes, exécutant ainsi ou non l'ordre de sortir (ou de garder sorties) les griffes, ordre envoyé par le logiciel comportemental. Garok montait aux arbres (utilisant les griffes juste à l'enfoncement nécessaire pour ne pas glisser) à condition que le modèle de l'arbre eût été préalablement numérisé, ainsi que les trajets possibles: l'analyse visuelle directe du meilleur trajet dans les branches dépassait les capacités "temps réel" de l'informatique embarquée. Il pouvait corriger sa position et ses sauts si l'arbre se déformait un peu (sous l'effet du vent, par exemple) mais devait trouver telle ou telle forme à peu près là où le modèle la prévoyait, de façon à ne pas avoir à tout analyser avec des "mégatones" d'intelligence artificielle. Garok retombait généralement sur ses pattes, mais pas aussi naturellement qu'un vrai chat: il fallait analyser beaucoup de paramètres en très peu de temps, lors d'une chute. Un radar l'aidait à avoir une mesure précise de son altitude et de sa vitesse, les centrales à inerties de chargeant de l'informer de la position de son corps pour déclencher tel ou tel programme de remise d'applomb. Il ne chassait pas, mais était attentif aux sons émis par les rongeurs ou les oiseaux, braquant parfois les oreilles ou la tête dans leur direction. Comme il fallait beaucoup de chats, et que les animaux à fourrure étaient gloutons en infographie (à moins se sembler un peu artificiels) VTP avait fait construire chez Kermanac'h la série de machine capable d'en construire les éléments les plus compliqués (trop pour la main humaine), la confection de la fourrure et son adaptation à la machinerie restant manuelle. Les chats étaient pour la plupart semi-angoras de façon à mieux cacher, par recouvrement, les raccords par lesquels on pouvait retirer la fourrure "tensioactive" pour accéder à la machinerie en cas de besoin.

Tensioactive car cette peau comportait beaucoup d'éléments piézo-électriques permettant de hérisser les poils (par groupes, et non individuellement, toutefois) et fournir certaines expressions, d'autres étant obtenues plus classiquement par des bobines longues et fines: comme celles des actionneurs d'aiguillages de trains miniature mais en plus petites, voire souples, le noyau l'étant alors aussi, fait d'un élastomère fortement chargé de ferrite. Dans un chat, l'animation des expressions concernait les oreilles, les yeux et les babines, la mâchoire faisant partie de la machinerie interne, elle. Tout ceci supportait d'être mouillé, et pas seulement pour le prototype du "chat turc du lac de Van" qui aimait spontanément nager, sauf probablement dans un lac finlandais avant l'été. Cette race de chat nageurs ne se baignait pas en mer, en raison de l'intoxication par excès de sel en se lèchant ensuite.

L'intérêt d'un robot était qu'une fois mis au point, son savoir-faire était immédiatement réutilisable dans autant d'autres que l'on pourrait en construire, ceci sans avoir à refaire la phase de rôdage des comportements mais juste une dispersion statistique des tendances comportementales pour simuler des personnalités différentes, et non des clônes mentaux. Cela fonctionnait déjà avec les tigres de Sibérie mis au point pour VTPSF et réhabillés en tigres du Bengale pour les jeux du cirque à Rome, avant de retrouver leur "robe" d'origine pour la suite du tournage de la nouvelle "saison" de Lobosibirsk.

Le 31 mars, ce fut la sortie stéréoscopique de "Silmät", tourné en finnois par VTPSF, thriller "froidement cruel" (mais avec suffisamment d'action, d'espace et de changements de lieux pour mériter le cinéma, selon VTP) qui allait devenir une des références du genre et confirmer la tonalité particulière de VTPSF par rapport à VTP. Tout en étant la pièce motrice principale du scénario (pas de serial killer, pas de film...), Erwann n'était que le sixième acteur le plus mis en scène, VTPSF ayant misé pour les plus vus sur divers "assez bons éléments" souvent cantonnés aux rôles annexes dans les productions précédentes. Il constata qu'effectivement il n'y avait pas d'insistance à l'image sur les dégâts causés par le chien: c'était uniquement lors de la scéance "flash-back" de reconstruction (avec la pose de l'oeil truqué), assez sobre (mais permettant de comprendre ce qui s'était passé) que l'on pouvait le voir ainsi déchiré et énucléé. Il n'était pas utilisé ainsi dans les autres scènes du film car ce n'était pas le thème, contrairement à ceux dans lesquels avait joué un mort-vivant. On ne voyait, dans l'ouverture du "champ" opératoire, que la portion de visage concernée par les travaux. Le spectateur n'avait pas forcément pu identifier l'acteur (celui que la fausse tête imitait) dans cette scène. Ca faisait partie de l'énigme, comme d'avoir fait jouer la scène du musée (vidéo de mauvaise qualité) par Viljami: on aurait pu utiliser Erwan avec une perruque, mais utiliser Viljami (qui y jouait aussi le petit rôle "vite consommé" de l'installateur de paraboles) avait permis de tourner cette scène avant son retour en Finlande: encore ça de gagné sur le planning. De même, l'agresseur que mordait le chien était cagoulé.

En voyant le film réalisé, Aymrald vit que Viljami servait aussi (par deux fois) à suggérer visuellement une fausse piste au spectateur, plus tôt dans le film (avant d'être bousculé par le tueur poursuivi par un policier) car on le voyait, le soir, transporter "quelque chose" sur son dos tout en montant sur un toit. Ce n'était que du matériel de réception satellite (on pouvait supposer du Lioubioutchaï pour immeuble), mais tel qu'il était filmé, comment le savoir? Au moment de la poursuite, on le voyait clairement faire des mesures avec un appareil branché aux deux paraboles motorisées qu'il vérifiait, donc on comprenait, si on s'était antérieurement posé la question. Bien des choses n'étaient que visuelles, dans ce film finlandais: à ne pas regarder d'un oeil en faisant autre chose en même temps sinon on risquait de manquer des informations brèves et silencieuses. VTP utilisait moins ce principe, en tout cas pas pour ce qui était important pour le scénario: il ne fallait pas qu'un spectateur un peu moins attentif manquât un aiguillage nécessaire à la compréhension de la suite. C'était d'ailleurs VTP qui avait poussé les réalisateurs de VTPSF à rendre le film un peu plus explicite: "au cinéma, on ne peut pas faire de retour arrière pour vérifier ce que l'on n'a pas bien compris, contrairement à un livre, une BD ou une vidéo. Il faut éviter de faire "décrocher" le spectateur lambda en route, sinon il sera très déçu. L'évocation d'un élément peut être sobre, mais pas furtive, si elle n'a lieu qu'une fois". Les apparitions antérieures de l'installateur joué par Viljami pouvaient être furtives, car elles n'étaient pas indispensables au suivi du scénario. C'était un "plus" pour spectateur attentif, qui croirait ainsi avoir repéré un indice, lequel n'était qu'une des nombreuses fausses pistes du film. Ceux qui ne l'auraient pas remarqué ne seraient privés de rien pour le suivi de la suite.

Les amateurs de films plus "intelligents" (plus finlandais?) apprécièrent "Silmät", qui contenait aussi de quoi river à l'écran le grand public habituel des productions VTP. Certains devinèrent que c'était un rôle initialement conçu pour Atte, même si Erwann le jouait sans avoir les yeux bleus ni autre bidouillage.

"Délit de savoir" sortit les 21 et 24 avril. Un film kafkaïen ou orwellien oppressant mais avec une bonne dose de scènes d'action, "sinon on n'y aurait pas mis Erwann d'Ambert", estimait le public, à juste titre, une fois la distribution connue par bouche à oreille et via certains médias, après les premiers jours d'exploitation. La notion "film avec Erwan d'Ambert" était déjà connue du public, comme on disait que l'on allait voir "un Jacky Chan", "un Belmondo", "un Clint Eastwood", etc, bien que les types de films l'utilisant fussent assez différents les uns des autres chez VTP, et plus encore depuis qu'il avait repris certains de ceux prévus pour Atte. Atte considéré par certains comme meilleur acteur, peut-être aussi parce que dans un certain inconscient collectif "bon acteur" s'accordait bien avec alcoolisme et autres écarts de trajectoires (même si dans le cas d'Atte il ne semblait y avoir eu que l'alcool. On n'avait pas parlé de drogue) par rapport à un Erwann d'Ambert lancé sur ses rails, quelques fussent les acrobaties décrites par lesdits rails dans les scénarii de VTP. "Manque de drame, manque de charme?" il espérait toutefois que VTP, boite sérieuse, n'en tiendrait pas compte et en particulier n'ébruiterait pas l'info Huntington: avec toutes les analyses qu'ils avaient eu l'occasion de lui faire, leurs généticiens avaient pu trouver ce gène, toutefois il fallait pour cela avoir eu l'intention de le chercher, pour regarder au bon endroit, car pour raison de coût on n'explorait pas tout le génôme jusque dans ses moindres recoins chez chacun. Toutefois, Huntington faisait partie des diagnostics obligatoires avant reproduction, donc si jamais il leur était passé par la tête de tenter de le clôner (pour concurrencer les embyrons suédois?) ils auraient forcément vérifié cette partie de chacun de ses chromosomes 4.

VTP continuait à ne pas organiser d'avant-première, à ne jamais dévoiler avant lancement (ni via l'affiche) qui jouait dans le film et ne donner d'infos que dans le générique de fin, mais après quelques jours d'exploitation les gens s'y intéressant (sans encore l'avoir vu) savaient à peu près qui serait dedans. Peu importait qu'une partie du public utilisât la présence de tel ou tel acteur à bord (ça marchait aussi pour Vittorio Cario) comme indicateur de tonalité de film, l'essentiel était pour VTP que la production ne s'en servît jamais comme produit d'appel. Vittorio Cario avait un temps été une solution pour faire de grands films d'action sans Erwann d'Ambert (histoire de prouver qu'avec ou sans, aucune importance: l'impact et le succès des films n'en dépendaient en rien) mais maintenant il fallait aussi prévoir de grands films d'action sans Vittorio non plus. Ce qui n'empêchait pas de faire aussi des films utilisant les deux (mais en évitant la plupart du temps une confrontation finale directe car trop prévisible: "le spectateur l'attend, alors servons-lui autre chose: chacun rencontrera d'autres ennemis, bien que le scénario ne donne pas l'impression d'exclure la possibilité, tant qu'ils sont vivants, qu'ils se combattent directement"), plus d'autres "valeurs sûres" maison comme Zhao, Bengt, Hillevi, etc. Entraîné aussi scientifiquement qu'un rinnepalliste, Alexandre Fresnel faisait de gros progrès, même si pour le moment il n'avait pas de rôles difficiles et avait même joué un prince charmant dans un téléfilm "pour milieu d'après-midi": un rôle "à la Emiliano mais en blond", en quelque sorte.

Le personnage Sigbert fut le plus remarqué dans "Le crépuscule de Rome", bien que n'arrivant que dans le dernier tiers, peut-être parce que c'était à partir de sa mise en jeu que le scénario basculait dans la tuerie, le pillage et les démolitions d'ouvrages presque finis mais ayant encore besoin de leurs étais ou porte-voûtes en bois pour tenir debout, alors qu'en soi ce n'était pas un personnage vraiment inédit (en première "lecture") par rapport à ce qu'Erwann avait déjà joué dans de la HF ou équivalent. En fait il n'y avait pas que ça, si on suivait l'évolution du personnage jusqu'à son écrasement par la chute des blocs de marbre. 22 acteurs avaient leurs moments "principaux", dans ce film (quand ils étaient plus utiles à cette partie du scénario que les autres) dont Rome (et sa décadence) était le vrai personnage principal. Pour Tarsini, les architectes Massinius et Dallabère étaient certainement les personnages humains les plus importants, mais moins, en fait, que leurs créations, que le film montrait en abondance: il y avait beaucoup de chantiers spectaculaires, dans cette Rome-là. La conquête de Rome ne se faisait pas sans pertes ni blessures (Sigbert inclus) donc non sans gloire, suivant le dicton bien connu. C'était un Sigbert fatigué, moins armé (beaucoup de quincaillerie perdue ou cassée, dont le casque à visière en fourche à foin) et déjà moins agile, du fait de certaines blessures, bien qu'ayant encore fière allure, qui (après avoir facilement tué Dallabère, ce qui ne pouvait pas déplaire à son concurrent dont il avait pillé les idées) tentait d'obliger Massinius à lui montrer l'accès au trésor du nouveau temple d'Appolon, dans sa dernière scène. Trésor qui n'existait pas: ce n'était qu'une des sablières contrôlant l'équilibre de l'édifice avant qu'il fût entièrement terminé. Le film continuait ensuite encore un peu sans lui ni les architectes, le spectateur souhaitant certainement savoir ce qui se passait côté conquête (ou échec des assaillants) dans tout le reste de Rome. Dans Gamma, à l'inverse, Sigmar Thorgård, bien présent (et même principal) au début se "diluait" progressivement dans tout ce que le scénario avait d'autre à montrer, dilution que la suggestion d'Erwann avait accentuée, avant la fin spectaculaire (déjà prévue) et "légendaire" (qui expliquait ensuite la fidélité populaire durable au remplaçant d'Hitler) de l'explosion en vol contre le mur du son. La "courbe de présence au court du temps" de ses personnages variait beaucoup d'un film à un autre, de façon à ce que le spectateur eût du mal à deviner s'ils iraient au bout ou pas.

Torbjörn était revenu à une apparence plus siegfriedienne au fil du temps mais ça ne faisait pas l'unamité chez ses fans, en particulier celles qui ne l'avaient découvert que via "Gamma" et donc mémorisé d'origine ainsi, sans connaître "Niebelungen" (bien que ce fût une télésuite, donc théoriquement vue par plus de monde) qui avait été le premier grand succès l'utilisant. Contrairement, dans l'équipe, à Galliot, Yvinec ou Lefar qui gardaient leur propre style, Torbjörn préférait continuer à évoquer en divers personnages au fil du temps, même s'il avait fini les tournages prévus pour VTP. Son personnage de Gamma reviendrait peut-être, mais pas cette année.

"Danger: nouilles" sortit le 5 (puis le 8) mai 2002 et connut aussitôt un grand succès, plus, même, que "Digestion" qui avait déjà bien mieux marché que ne l'escomptait VTP. L'idée d'une résidence de classe de neige attaquée par des nouilles était tellement absurde que beaucoup de gens voulaient voir ça sans attendre (ni l'hiver prochain, ni un passage télé futur), confiants dans le talent des infographistes de Kerfilm (car ça restait signé Kerfilm, et non d'un des autres labels) pour que "l'on y crût". Le succès fut vaste et rapide à l'exportation aussi. A quoi bon se "décarcasser" à faire de superbes péplums si le retour sur investissement était supérieur dans un film à base de nouilles tueuses? Il était trop tôt pour dire si le succès mondial de "Danger: nouilles" se maintiendrait, mais ses débuts incitaient VTP à refaire du film d'horreur "absurde mais techniquement très bien fait", avec une dose d'humour mais le plus souvent sans laisser le temps de rire (ce serait pour une deuxième scéance, peut-être).

Après deux films jugés particulièrement durs (Silmät et "Délit de savoir", très différents l'un de l'autre, le premier étant plus cruel, le second plus "pot de terre contre pot de fer"), ce gros défoulement grouillant de nouilles ne risquait pas de faire double-emploi, avait estimé VTP, d'où l'inutilité de séparer plus leur sortie dans le temps. Le public de "Digestion" aimerait sûrement, ainsi que tant d'autres.

Erwann d'Ambert joua dans l'équipe de France (composée de joueurs de VTP22, plus quelques Rennais et Nantais talentueux), lors du tournois des quatre nations, contre la Finlande (beaucoup de joueurs de Juustomeijeri) mais ne put compenser l'avantage écrasant des Finlandais dans "leur" sport, d'autant plus que ses ex-camarades d'équipe de Juustomeijeri le connaissaient sous toutes les coutures, donc savaient exactement quand et où s'en méfier. Il mit tout de même quatre beaux "drops" et contribua à amener le ballon aux marqueurs de deux essais, mais la Finlande gagna 41 à 25, le match ayant lieu en Belgique: on jouait toujours chez un "tiers". La France réussit toutefois à battre (en Finlande) la Suède (pourtant supposée plus expérimentée, ce qui fit penser qu'Erwann était un atout décisif) et la Belgique (en Suède), pour finir seconde du tournois, la Finlande ayant réussi le "grand shelem" comme prévu, battant la France en Belgique, la Suède en France et la Belgique en Suède. La Suède avait perdu contre la Finlande en France, contre la France en Finlande et battu la Beglique en Finlande aussi. Comme il y avait six matchs et quatre pays, il ne pouvait y avoir le même nombre de matchs dans chaque pays: c'était un ou deux. La prochaine fois, ce serait en Belgique et en France qu'il y aurait deux matchs. Si d'ici là un cinquième pays entrait au club, il y aurait dix matchs à répartir sur cinq pays donc ça tomberait juste. En fait un système "chacun rencontre tous les autres" en matchs uniques (pas aller+retour) n'était divisible par le nombre de pays que si celui-ci était impair. Les médias français manquaient de commentateurs compétents dans ce sport, de sorte que cette tâche fut confiée à des membres de VTP, de même que c'était déjà (pour les deux matchs se déroulant en France, donc où ce pays ne jouait pas) VTP qui organisait la régie vidéo: ici comme dans les trois autres pays, le rinnepallo était filmé et émis en stéréoscopie, même si peu de gens (à part via certains canaux de télévision par le Lioubioutchaï) pouvaient le recevoir ainsi. Ces matchs étaient loin de faire l'audience des sports les plus populaires, d'autant moins que l'équipe de France ne jouait pas dans ceux filmés à domicile. Suède/Finlande fit toutefois un score "correct" en raison de la télégénie de ces équipes. Les joueurs se ressemblaient (surtout vus de France) mais les maillots bien différents évitaient de confondre les équipes, de plus il y avait l'affichage temps réel à l'écran des noms des joueurs les plus proches du ballon en plaçant automatiquement le nom là où il n'y avait personne sur le terrain, avec une flèche vers le joueur, quand il n'était pas assez près ou mal orienté pour une lecture facile de son nuémro. La position de chaque joueur étant connue en temps réel par l'arbitrage informatique et l'analyse étant simple (trouver une zone verte) cela fonctionnait en temps réel pendant la diffusion, quelques fussent les changements de caméras. Quand la prise de vue était proche de l'horizontale, les noms des joueurs participant à une action étaient affichés au dessus d'eux, puisque s'imprimant alors hors terrain. De ce fait, et avec une schématisation automatique (en surimpression) expliquant les fautes, le rinnepallo était un jeu très "lisible", à la télévision, y compris pour le public non habitué. Il y avait peu d'arrêts de jeu car c'était un système de hauts-parleurs qui faisait éventuellement sortir un joueur (exclusion temporaire, comme au rugby) en l'appelant par son numéro, dans la langue de l'équipe, idem pour les changements. Petit à petit, ce jeu fidélisait son public, et de ce fait l'étendait aussi: l'arbitrage entièrement informatisé (il y avait des arbitres humains uniquement pour ce qui n'était pas "classable" par le système), la gestion bien pensée des caméras, l'étiquettage (conçu pour ne pas être gênant) des joueurs participant (ou sur le point de participer, estimait le système) à une action, la télégénie (le plus souvent) des joueurs, et aussi, il fallait bien le dire, le nombre de chutes dans les parties en pentes, renouvellaient l'offre sportive et sans permettre de dire si le rinnepallo allait ou non devenir un "classique" des retransmissions télévisées, motivait assez les annonceurs pour placer de la pub avant et après la retransmission puisque faute de coupure de mi-temps il n'y en avait pas au milieu. La régie vidéo était prête à recouvrir de fausse fumée ou brouillard (infographique) telle ou telle partie du public du terrain si des banderoles publicitaires (ou de grands parapluies idem) s'y déployaient. Les organisateurs tiraient aussi les leçons de ce qui s'était parfois passé dans le football, d'où des détecteurs d'armes et métaux à l'entrée. Ca n'aurait pas repéré un coktail Molotov (verre et liquides) mais c'était déjà un type de risque d'évité.

Fulbert eut 82 ans le 25 mai, et ne les faisait vraiment pas. Il faisait de l'élongation (sans forcer, mais souvent) pour limiter (espérait-il) le tassement, alors qu'il faisait déjà moins d'1m80 d'origine. Il avait le maintien d'un ancien militaire, tout en n'en ayant jamais eu l'austérité (de caractère non plus). Erwann remarqua une nouvelles fois les mains de son grand-père, qui ne trahissaient pas son âge: ni momifiées, ni "taches de vieillesse". Aymrald passa le doigt sur le dos de sa propre main gauche:

A- en fait, ça tient bien, la lipostructure.

F- c'est une technique sans risque, du moment que les aiguilles sont propres.

A- je pense que tu prends d'autres trucs, tout de même.

F- pas la DHEA: c'est cancérigène, si c'était à cela que tu pensais. Je prends un fixateur de calcium, comme on donne aux cosmonautes en retour de station: la fracture du col de fémur en ratant une marche, ça ne me tente pas.

A- seulement ça? Il y a des molécules tonifiantes bien moins dangereuses que la DHEA mais elles aussi sous le manteau. Quand on vient d'une profession médicale, je suppose que l'on sait comment se les procurer.

F- quand on vient d'un laboratoire de recherche agro-alimentaire aussi, je suppose. Je prends des levures, des vitamines et des oligo-éléments depuis bien avant que ça n'en devienne la mode, et comme je passais toute la journée dans mon cabinet dentaire je n'ai pas eu l'occasion d'abuser du soleil: c'était en été qu'il y avait le plus de patients, ici. Ce qui m'ennuie, c'est que j'ai plus de trous de mémoire que l'an dernier. Alzheimer, Kreuzfeld-Jacob, tout est possible, et dans tous les cas c'est incurable.

A- culture et greffes de neurones, à partir de cellules souches?

F- quand ça sera au point, il risque d'être trop tard. Je ne me souviendrai même plus de tes films que je viendrai de voir, ni même que tu auras été dedans.

A- il est vrai que parfois, on ne m'y voit pas.

F- il faudrait que j'aille voir la Finlande avant de ne plus savoir où c'est.

Aymrald lui avait déjà rapporté des documentaires stéréoscopiques qu'il avait filmés sur place. La Finlande n'était pas selon lui une destination méritant le voyage quand on n'avait pas de raison personnelle de s'y rendre.

A- c'est un pays très sérieux: les gens n'y vont pas pour le tourisme, sauf parfois en Laponie.

F- pour recontrer Gorak avant que l'un de nous deux soit mort, peut-être? Les chats non plus ne sont pas immortels. As-tu déjà rencontré quelqu'un de la direction ou un des réalisateurs?

A- non, pas que je me souvienne. Ils ne mélangent pas le bureau d'études et les exécutants.

Il avait vu plusieurs fois Lucien Venant (qui n'était pas d'origine VTP, initialement) à la télévision mais ne l'avait jamais rencontré pour de vrai: les réalisateurs préparaient tout d'avance au simulateur (parfois après avoir donné un modèle de jeu "improvisable" à plusieurs acteurs réels, et en examinant ensuite, appliqué à un personnage virtuel identique (pour ne pas être influencé par le choix de tel ou tel acteur) ce qui rendait le mieux à voir), ensuite c'était l'informatique qui s'occupait de la "direction d'acteurs", pendant le tournage, en comparant ce que faisait chacun à ce qu'il devait faire, de même que les architectes ne venaient pas sur les chantiers dire aux ouvriers comment souder des poutrelles ou couler du béton: ils n'avaient qu'à suivre les plans. Les acteurs et techniciens de plateau n'étaient jamais reçus par la direction, qui considérait que c'eût été leur accorder trop d'importance. Aymrald comprenait ce point de vue: chacun à son étage, les exécutants entre eux ou avec ceux de juste au dessus, les "superviseurs de tournage". Eux, il les connaissait. Les superviseurs connaissaient peut-être les réalisateurs (et encore: pas sûr!). Ce qu'Aymrald avait constaté, c'était que la communication fonctionnait, car les objections qu'il avait formulé pour "Gamma" avaient été prises en compte. Il supposait que son avis n'avait été que le souffle d'air sur un crayon en équilibre sur sa pointe, les scénaristes et réalisateurs ayant probablement déjà des avis non unamines sur la question, mais ça lui avait montré que les superviseurs de tournage assuraient aussi la remontée d'informations et même d'avis "d'en bas".

F- Tarsini existe-t-il?

A- excellente question. Comme personne ne le connaît, il pourrait se glisser parmi les ouvriers de plateau sans être reconnu. Ca peut aussi être un nom collectif, comme Nicolas Bourbaki.

F- le mathématicien imaginaire: on dirait un titre de roman. Mais après tout, pourquoi n'y aurait-il que des mathématiciens réels alors qu'il y a des nombres imaginaires?

A- il y avait quand même un côté marmotte sortie de la théïère, avec les nombres imaginaires: on imagine qu'il y aurait des nombres dont le carré serait négatif.

F- depuis que les physiciens se sont faits à l'idée qu'il pouvait y avoir de la gravité négative, l'espace paraît plus grand. La théorie d'Einstein me donnait une impression de claustrophobie: depuis que l'on sait qu'elle est fausse, tout s'ouvre.

A- une partie est fausse: pas tout. Notre matière habituelle reste relativiste.

F- hélas! On n'est pas près de pouvoir faire des moteurs gravitationnels avec, néanmoins j'ai beaucoup aimé "La cinquième équation d'Otusczewsky".

A- le public un peu moins, lui.

F- ils n'ont pas tout fait des études scientifiques. Ils préfèrent les attaques d'étoiles de mer géantes.

A- c'est vrai que ça rend mieux à l'image, alors que "La cinquième équation d'Otusczewsky" est tirée d'un roman raté.

F- pas si raté que ça!

A- raté comme roman, parce que sans valeur littéraire, mais VTP a estimé que ça ferait un bon scénario. Ils fouillent beaucoup dans les éditions à compte d'auteur ou les publications gratuites sur le Lioubioutchaï: souvent c'est mal écrit, parce que trop visuel, mais ces très mauvais écrivains sont parfois de bons scénaristes. De même pour la BD: il y a des millions de BD très mal dessinées sur le Lioubioutchaï, mais si on y voit juste un storyboard, ça peut devenir un bon film d'action.

F- c'est sûr qu'écrire de façon intéressante à lire demande un don génétique, comme savoir dessiner. Si on a ce don, on peut le travailler et l'amplifier, sinon une vie de travail acharné à partir d'une absence de don ne menera à aucun résultat.

A- reste à trouver les gènes qui en sont responsables. Par contre, à part la mémoire textuelle et gestuelle, il ne me semble pas qu'il faille de don particulier pour être acteur, à part avoir un physique qui passe bien à l'écran.

F- la prédisposition à mémoriser facilement des textes et des mouvements est un don en soi. Surtout les mouvements: peu de gens arrivent à apprendre le langage des signes, à cause de cela.

A- peut-être parce qu'on ne l'enseigne pas aussi tôt et avec autant d'acharnement que la lecture: reconnaître des gestes et les imiter est un instinct très ancien des primates, alors que l'écriture est totalement artificielle.

F- justement: c'est pour cela que nous sommes plus égaux devant la lecture de textes que pour la mémoire des gestes, car la première est entièrement apprise: elle n'existe pas dans nos gènes, alors que la seconde est un instinct, comme tu dis, et l'instinct, c'est très inégal d'un individu à l'autre. Ca peut s'améliorer un peu par l'apprentissage, mais quelque soit la bonne terre et les soins que l'on apporte à une graine de pissenlit, on n'en fera jamais sortir un chêne.

Aymrald visualisa une forêt de pisselits (un peu comme la forêt de champignons de "Voyage au centre de la terre"), d'où partaient des graines à parachutes de la taille d'une noix de coco. Non: ça ne pouvait pas marcher, parce que la portance du parachute n'était que sa surface, contre le volume pour la graine. Donc: de la taille d'une pomme. Là, peut-être. Si les humains était réduits au dixième, avait-il déjà lu (et vérifié par calcul), il leur serait facile de s'envoler en battant des bras, après avoir enfilé des ailes façon Icare. Toutefois les muscles les plus puissants étaient ceux des jambes, et non des bras, donc le "vélocoptère" aurait un meilleur rendement. C'était ce qui selon lui manquait dans l'histoire de Gulliver: les Liliputiens, miniaturisés bien plus qu'au dixième, auraient dû inventer facilement le vol manuel. A l'inverse, les géants n'auraient pas pu tenir debout ni même à quatre pattes: il leur aurait fallu vivre dans l'eau, comme les cachalots, et si cela s'était passé sur une planète à gravité suffisamment faible pour permettre à des humains géants de vivre comme nous, Gulliver, lui, aurait dû pouvoir voler facilement. Quoique: gravité faible donc faible pression atmosphérique, pas idéale pour voler, sauf avec un moteur à réaction, par exemple à poudre: il n'en faudrait pas beaucoup pour quitter le sol, dans une gravité si faible.

Fulbert (qui passait bien en stéréoscopie: aucun bombé, aucune fuyance, tout en n'étant visiblement pas neuf) jouerait en juin dans une série télévisée de VTP où pendant cinq épisodes il serait un ancien neurologue ex-soviétique ayant fondé sous une fausse identité un institut à Berlin Ouest (en fait: une secte) pour y poursuivre ses expériences sur d'autre cobayes humains. Une des enquêtrices "récurentes" (jusqu'alors) de la série finirait dans son laboratoire, et contrairement à ce que l'on laisserait (implicitement) supposer au téléspectateur, elle n'en serait pas sauvée à temps par ses collègues, qui la retrouverait vivante mais dans un état mental irrécupérable. Une sorte de "Lobosibirsk" urbain.

Fulbert avait déjà eu de temps à autre de petits rôles (depuis "La mémoire des glaces"), VTP ayant constaté qu'il mémorisait bien (jusqu'alors) et ne prenait aucune initiative, contrairement à ce qu'ils auraient pu craindre d'un homme âgé et fort instruit. Apprendre des rôles (qui ne demandaient pas des performances physiques de vingtenaires) lui semblait un bon exercice pour entretenir la mémoire à la fois textuelle, gestuelle et spatiale. Un faux Fulbert avait été construit, pour les scènes dans lesquelles on n'allait pas projeter par terre ou à la renverse contre du matériel médical un acteur de 82 ans. Lorsqu'il apprenait un rôle, il n'avait pas de trou de mémoire: ni pour le texte, ni pour le comportement à imiter. Ceci parce qu'il savait qu'il devait le mémoriser et le restituer. C'était pour les actes de la vie courante qu'il ne pensait pas explicitement devoir mémoriser (parce que jusqu'alors ça allait de soi) qu'il lui arrivait d'avoir des trous. Pour la forme générale, il prenait aussi un anabolisant non hormonal, interdit dans le cyclisme (et quantité d'autres sports) parce que constituant un dopage déloyal envers les concurrents, mais qui (selon ce que Fulbert avait pu apprendre dessus) ne présentait pas de danger quand il s'agissait juste de se maintenir en état et non de viser des performances de sportif professionnel, de même que l'EPO n'était pas dangereuse (en plus d'être utile) quand elle ne visait qu'à compenser une carence sanguine et non à en faire de la confiture de globules rouges. Fulbert ne visait pas à redevenir le garçon de 25 ou 30 ans qu'il avait été, mais juste à bloquer le vieillissement quelque part entre 50 et 60, en choisissant la tendance "moyen-sec" tout en compensant l'effet de celle-ci sur "l'état de surface" par la lipostructure ça et là. Pour le moment, ce qu'il prenait et sa discipline de vie (en particulier les exercices d'assouplissement, sans forcer mais avec assiduité) semblaient y parvenir, même s'il savait que pour le cerveau, il n'y avait pas grand chose à faire sinon continuer de s'en servir. S'il n'avait pas fait de lipostructure (et si en plus il avait travaillé au soleil) ses traits se fussent creusés en lui donnant l'air d'avoir vieilli "comme dans Zardoz", c'est à dire par momification de la chair sans changement de l'allure générale, puisque sa géométrie était stable dans le temps, qu'il avait fait attention à se tenir bien droit, dès la cinquantaine (voyant certains de ses patients avoir le dos de plus en plus rond (tout en prenant souvent du ventre) et la tête trop en avant, comme s'ils cherchaient à voir de plus près). Statistiquement, beaucoup moins d'hommes que de femmes atteignaient l'octantaine, mais ceux qui y arrivaient étaient généralement en meilleure santée qu'elles, la sélection ayant eu lieu avant.

Fulbert savait qu'il se suiciderait sans la moindre hésitation s'il devenait handicapé ou gâteux (avant d'être trop gâteux pour s'en rendre compte, surtout), mais pour le moment, "28 à l'envers" ce n'était pas si terrible que ça. La discipline alimentaire lui évitait divers troubles fonctionnels fréquents bien avant cet âge, et à part l'opération de la cataracte il n'y avait pas eu de "gros travaux" à faire faire. La lipostructure, selon lui, n'en faisait pas partie: c'était superficiel et juste par convenance personnelle. A 80 ans son chirurgien esthétique lui avait proposé un litfing:

- on peut profiter des rides du front pour y cacher une cicatrice, comme ça on ne bouge pas la ligne d'implantation des cheveux mais on évite que tout ne s'écroule.

F- dans dix ans peut-être. Pour le moment, je préfère éviter la chirurgie lourde.

Fulbert pensait aussi que trop rénover le visage aurait donné un coup de vieux supplémentaire au reste, par contraste, quand il allait se baigner, et que dans dix ans il aurait probablement d'autres priorités médicales, si rien ne l'obligeait à se suicider entretemps. Pour le corps, l'implantation dès 1992, ça et là, de mini-doseurs d'anabolisants, à régulation informatisée (ce qui évitait d'en mettre partout ou aux heures où c'eût été inefficace), avait limité la fonte musculaire: juste limité, pas empêché, mais ça suffisait déjà à ne pas faire octogénaire, mais plutôt 65 ans ayant eu une excellente discipline de vie. Il avait accepté d'être "mannequin de mains" pour le cabinet de chirurgie esthétique qui s'en était occupé. Fulbert avait toujours pris grand soin de ses mains, d'où l'utilisation d'une cale en plastique règlable et robuste sous prétexte de positionner la lampe dans la bouche (celle à "tuyau de lumière" autrefois, à diodes dans sa dernière décénie de pratique), mais en réalité surtout par crainte d'être mordu, en particulier à ses débuts. Ca dispensait aussi le patient d'avoir à garder volontairement la bouche ouverte: il pouvait mordre tranquillement sur la cale, placée pour prendre appuis sur des zones saines. La photo ne montrait que les mains, en action sur un clavier d'ordinateur: "ces mains ont 82 ans". La lipostructure des mains connaissait un bel essort, car les hommes hésistaient bien moins à les faire "recharger" pour avoir un aspect plus jeune, plus dynamique, et moins "vieillard" au toucher (important lors d'une poignée de main) qu'à faire des travaux jugés plus purement "esthétiques": se faire recharger les mains pouvait passer pour fonctionnel, pour leur redonner de la souplesse (alors que ça n'avait aucun effet sur ce paramètre) et les rendre moins sensibles aux chocs (un peu, effectivement). On rechargeait surtout le dos des mains, là où l'âge se remarquait le plus. Parfois aussi un peu les côtés des doigts, pour en refaire de "belles chipolatas" s'ils devenaient noueux. La prévention des taches de vieillesse était aussi possible: d'abord, éviter le soleil (facile pour un dentiste: pas d'UV dans une bouche...), prendre des compléments alimentaires (du zinc et de la vitamine B6, en particulier), appliquer une crême après rinçage, après s'être baigné dans l'eau de mer. Fulbert ayant la peau "moyenne-sèche", tout produit traitant y pénétrait facilement, mais la salinité de l'eau de mer aussi.

Il s'était aussi fait rajeunir le dessus des pieds (bien qu'ayant peu d'occasion de les montrer: c'était pour lui, comme tout le reste) par la même technique.

Erwann chercha ensuite s'il y avait de la doc sur lui sur le Lioubioutchaï. Oui:

§§né le 25 mai 1920 (non, ce n'est pas une erreur), Fulbert d'Ambert fut surtout dentiste, pendant l'essentiel de sa vie, et fit sa première apparition au cinéma à 79 ans dans "La mémoire des glaces", où il était censé être le grand-père du personnage joué par Erwann d'Ambert, ce qu'il est réellement. Capable d'apprendre vite et précisément des rôles ne demandant pas les capacités physiques de son petit-fils, Fulbert est réutilisé de temps à autres par VTP dans quelques petits rôles, souvent de scientifique (que ce soit froidement sérieux ou inventeur farfelu) parfois de capitaine d'industrie, de joueur d'échecs, d'ancien footballeur, voire de dentiste. Selon lui, apprendre et restituer des rôles est un excellent exercice d'entretien de la mémoire textuelle et gestuelle.§§

Il y avait eu un article sur lui à l'été 2000, pour un téléfilm dans lequel il jouait un chef d'orchestre suisse qui commençait à être atteint de la maladie de Parkinson dans une histoire d'escroquerie montée par un laboratoire pharmaceutique pour feindre l'efficacité d'un produit, en fait en ayant créé une molécule échappant aux analyses usuelles, donné à leur insu à des patients cibles. Fulbert doutait de l'importance d'un chef d'orchestre: selon lui, puisque chaque musicien avait sa partition, chacun savait exactement ce qu'il avait à faire au bon moment (comme pour jouer un rôle dans le système VTP), alors à quoi bon ajouter quelqu'un faisant semblant de diriger l'orchestre? Un système électronique de type "karaoké" aurait pu créer des effets visuels dans des partitions affichées sur des écrans à cristaux liquides (ce qui, de plus, eût évité d'avoir à tourner les pages) et piloter chacun exactement comme le compositeur ou l'arrangeur du moment le souhaitait. Mais pour le rôle, il donnait l'impression d'y croire, puisqu'il avait appris à imiter fidèlement le modèle virtuel (rotoscopé sur plusieurs chefs d'orchestres connus, dont Karajan). Ce n'était pas un film bourré d'action (il y en avait aussi, mais son rôle n'en exigeait pas trop) donc selon VTP ça ne méritait pas le cinéma, mais c'était tourné en stéréoscopie (comme toute production VTP), effet rendant très bien dans la forêt d'instruments d'un orchestre. Dans sa vraie vie, il n'avait pas été un personnage public, tout en recevant des gens du "public" dans son fauteuil, mais équipé de la blouse, de la toque, du masque, des lunettes anti-projections (portant de petites lampes, qui par contraste empêchaient de percevoir le peu qui serait resté à voir de son visage), des gants et accompagné de tout l'appareillage, il n'avait pas besoin d'apprendre à jouer un rôle de dentiste pour être immédiatement perçu comme "sérieusement du métier", la qualité des travaux (et le fait qu'il faisait généralement moins souffrir qu'ailleurs, avec ses techniques) faisant le reste. Sa tenue complète (utilisée par très peu de ses collègues, et moins encore à l'ère "pré-sida") semblait rappeler que le titre officiel était "chirurgien dentiste", et pas juste dentiste. Le patient le découvrait toujours ainsi au moment où la secrétaire le faisait entrer. Ca pouvait inquiéter un peu ceux qui n'y étaient pas habiutés ("aille: s'il a du mettre tout ça, c'est que ça va être de gros travaux") mais en même temps ça contribuait à l'impression de sérieux "comme à l'hôpital" donc pouvait aussi mettre en confiance. En fait il jouait déjà un rôle, en plus de l'art dentaire proprement dit. De même qu'ensuite le changement de personnage au moment de rédiger la feuille de soins et expliquer ce qu'il fallait faire ensuite s'il y avait lieu: il ne gardait que la blouse, et savait que puisqu'il s'agissait de dents, c'était surtout cela que l'on remarquerait alors chez lui, assis au bureau, donc il évitait de sourire sans raison pour ne pas "désespérer Billancourt": le patient ne devait pas estimer comparativement que ses propres dents n'en valaient pas la chandelle. L'air de jeunesse que lui donnaient par constraste ses mèches blanches devant ses yeux verts n'avait pas cet inconvénient: il n'était pas chirurgien esthétique, donc il n'avait rien à vendre dans ce domaine. Pas de fausse bienveillance (et surtout pas avec les enfants: la crainte du dentiste [même si en fait ça faisait bien moins mal ici que chez les concurrents, à l'époque où ceux-ci s'en souciaient peu] restait un facteur essentiel de l'incitation à l'hygiène dentaire et à la limitation des sucreries). Il était donc une indifférence paisiblement scientifique: encore un rôle... Certains nouveaux patients étaient d'ailleurs parfois un peu inquiets de ne pas avoir eu assez mal (dans les années 45-70, surtout): "vous êtes sûr d'avoir bien nettoyé toute la carie? Je n'ai pas bien senti".

Fulbert- si c'était pour une appendicite, vous inquiéteriez-vous de ne pas avoir bien senti la découpe? Et bien ici non plus.

Il fallait donc avoir aussi des "répliques" apprises d'avance, et pouvant être prononcées sans hésister, avec le plus grand "naturel". Toutefois, contrairement à VTP, dans son cabinet il jouait toujours le même rôle: comme un acteur de théâtre et non de télévision ou de cinéma.

Le titre de l'article était "80 ans et toutes ses dents", en précisant qu'il n'avait jamais joué de rôle avant septembre 1999 et que bien que l'utilisant modérément (ni dans beaucoup de tournages, ni longtemps à l'écran dans ceux-ci, en général) VTP le mettait dans des rôles où le public avait plus le temps de bien le voir que son petit-fils dans les siens, en moyenne, et où donc la qualité d'interprêtation mimétique devait compter plus.

Dans un article "vraies et fausses idées reçues sur Erwann d'Ambert", il apprit ainsi qu'il n'était pas le premier personnage émilianien blond recruté et utilisé par VTP: il y avait déjà eu:

1: Vanina Van Dohlen (NL), de février à mai 1992, qui avait très vite quitté VTP au profit d'une agence de mannequins: en effet, les contrats de VTP interdisait de faire commerce de son image avec des tiers.

2: Amaury Berger (Alsace), d'avril à juin 1992, qui était mort d'un arrêt cardiaque pour cause d'abus de l'EPO et d'autres produits dopants: il était aussi coureur cycliste en voie d'intégrer une équipe professionnelle. Ce fut suite à cela que les contrôles anti-dopages et la détection de stupéfiants furent systématisés par VTP.

3: Damiane Flücker (B), de novembre 1992 à février 1993, débauchée par une agence de publicité.

Il n'était donc que le premier à y être resté plus de trois mois, et aussi leur premier blond aux yeux verts. Alexandre était le second. VTP n'arrivait pas à trouver d'Emilianienne blonde (avant les importations massives d'Europe du Nord) car les autres "métiers de l'image" s'en emparaient avant, ou les débauchaient (les deux que VTP avait trouvées avant eux). De plus, à l'époque, VTP ne tournait que de la télévisée bon marché (surtout des "sitcoms"), ce qui était moins motivant que le fut par la suite l'ère "Kerfilm". Vanina et Damiane avaient eu une courte carrière dans le domaine publicitaire, puis quand elles avaient pensé revenir travailler pour VTP, trop tard: la "vague suédoise" avait déjà englouti tous les rôles de blondes à bord, avec le renfort de quelques Danoises et Finlandaises (plus rares). L'article précisait que dans le cas d'Erwann, bien que VTP eût importé nombre de Nordiques souvent plus grands, voire plus beaux (question de goût), le Breton n'avait eu qu'un seul vrai concurrent potentiel: Atte Ruusuvaara, VTP ayant su les utiliser de façon complémentaire (y compris parfois dans les mêmes films) et non comme substituables l'un à l'autre: le remplacement d'Atte par Erwann dans Gamma n'était dû qu'à la mort du premier et VTP avait envisagé d'autres solutions (l'article ne précisait pas lesquelles ni avec qui).

§§En l'ensevelissant sous une avalanche de Nordiques de concours (et pas seulement dans "Drakkars et dragons"), VTP a évité à Erwann de n'être mémorisé que pour cela: le public a pu se rendre compte qu'il semblait plus naturel (ou légitime?) dans ses rôles que la moyenne, d'où la question: lui qui se considère surtout comme un ingénieur jouant aussi des rôles, est-il un bon acteur?

C'est probablement un des meilleurs dans le contexte des techniques de tournages utilisées par VTP (et à la mise au point desquelles il contribue aussi) car il ne fait pas "du Erwann d'Ambert" d'un rôle à l'autre (sauf bien sûr si le rôle est conçu ainsi). Des imitateurs ont estimé qu'il était difficile à imiter parce qu'il imitait lui-même d'autres acteurs connus, mais en les "sous-imitant" un peu (ce n'est qu'une allusion pour le public le plus attentif), alors que l'imitation traditionnelle consiste à sur-imiter. Quant à savoir s'il serait un bon acteur dans un contexte de tournage traditionnel, il a estimé lui-même que non, dans une interview de 1999: "je ne suis pas fait pour. Le système VTP qui exige seulement de bien suivre les rails est rassurant, car on voit tout de suite si on y est ou pas, d'ailleurs il n'y a pas de réalisateurs sur les plateaux: le suivi logiciel de jeu s'en charge". Ce qu'il estime rassurant serait jugé frustrant par des acteurs "ancien système" habitués à pouvoir imprimer leur marque sur leurs rôles, ce que VTP ne souhaite pas. Il s'agit donc de deux versions différentes de ce métier. Celle de VTP n'est pas sans rappeller "l'invention de Maurel".§§

Il y eut d'autres tournages de "Groupe B" en Finlande, avec puis sans neige. L'essentiel du film (les divers rallyes évoqués) serait simulé. Les prises de vues réelles servaient surtout à économiser sur la synthèse des décors naturels, sans avoir besoin de se situer à l'endroit réel supposé de l'épreuve: on n'en verrait que des extraits, sur 2h25 de film au total: une sorte de "best of" des moments intenses des compétitions ainsi que les courses contre la montre des équipes de mécaniciens pour remettre en état des voitures accidentés mais (peut-être) réparables à temps. Un film qui (VTP le savait) ne ferait pas beaucoup de dizaines de millions d'entrées: même motif, même punition qu'Objectif Dunes et tout ce qui était compétition mise en scène dans un film. Restait le plaisir visuel de la façon de filmer (ou simuler) des scènes de rallyes comme jamais elles n'avaient pu l'être en vrai, surtout avec les moyens des années 80. "L'esthétique de la dynamique" et la reconstitution du parc automobile d'époque seraient les motivations principales des spectateurs pour aller le voir sur grand écran, car outre l'image (même sans stéréoscopie) le son serait bien plus prenant qu'à la télévision. A l'exception des spectateurs (parfois fauchés dans les virages, comme au rallye du Portugal) les personnages occupaient peu et rarement l'image, encore moins, même, que dans "Objectif Dunes".

Le Crépuscule de Rome ne faisait pas aussi vite le plein que "Drakkars et dragons" mais il était bien parti pour tenir son rang de porte-avions (nucléaire?) dans la production cinématographique de VTP. "L'empire d'Alexandre" avait moins bien marché que "l'Iliade", rapporté au nombre de semaines d'exploitation. Cyberlander marchait très bien.

Otaké sortit le 19 et le 22 mai: un film "pour jeunes", visant ceux qui n'auraient pas eu leur dose de tuning et de poursuites en voitures dans "Torx" ou souhaitaient en déguster dans un tout autre contexte puisque c'était sur les autoroutes européennes (surtout France et Allemagne) ainsi que parfois en ville, et non en Finlande comme Torx. De plus, il n'y avait pas de mafia russe dans Otaké. L'engouement japonais fut immédiat, et pas seulement parce qu'il y avait quelques voitures japonaises utilisées pour du "drift" dans le film.

Il joua aussi de nouvelles scènes dans "Alvéole 75", film qui serait tourné par petits morceaux jusqu'en 2003.

"Yaganda" sortit le 2 (puis le 5) juin, avec au début, après le titre et les mentions légales, "Aucun animal n'a été tué ni blessé pour ce tournage". A la fin c'était rappelé et précisé: "le gibier sauvage abattu dans les scènes de chasse est artificiel, après avoir filmé de vrais animaux dans leur milieu naturel, et les insectes électrocutés en masse sont de l'image de synthèse". C'était donc après Gamma, mais d'une part, il n'y avait pas de modification de l'histoire générale (juste une aventure scientifico-militaire sud-américaine ajoutée, dont le lancement à cette époque n'aurait pas été invraissemblable), d'autre part la notion de "nazisme" y importait peu: l'histoire aurait pu fonctionner aussi avec une expédition envoyée par une autre nation en guerre, mais l'intérêt pour la botanique, la zoologie et la chimie étaient des thèmes dans lesquels les Allemands (tous joués par des Nordiques (sauf Erwann): il n'y avait aucun acteur allemand...) étaient qualifiés, et "probablement plus que la moyenne, dans l'esprit du public". De plus cela justifiait l'utilisation de jeunes Emilianiens de VTPSF à bord et l'enjeu important consitué par la recherche de biocarburants: c'était délibérément que contrairement à ce qu'ils avaient cru (via une jauge à l'aiguille bloquée "par la rouille"... dans un sous-marin tout neuf?), un des réservoirs avait fui pendant tout le trajet aller, les privant de ce qu'il aurait fallu pour revenir. D'où aussi le choix d'un équipage très jeune (à part le commandant, mais dont une fléchette indigène toxique allait abréger la mission) sur lequel les organisateurs supposaient que les scientifiques du bord garderaient un ascendant "professoral", sauf Franz, bien plus jeune, qui faisait partie des "hommes d'action" tout en faisant soigneusement ses comparaisons zoologiques (ainsi que tous les dessins, puis la taxidermie de certains petits spécimens lorsque c'était possible) pendant les périodes calmes. Dans ce film (comme dans Disgénisme) il gardait les yeux verts. Cette sous-alimentation initiale du sous-marin justifiait l'envoi déjà prévu d'une mission de récupération au cas où ils ne parviendraient pas à mettre au point un carburant de remplacement sur place. Les prises de vues étaient superbes, il y en avait juste assez de l'intérieur du sous-marin pour bien comprendre ce qui s'y passait mais sans jamais "étouffer" l'ambiance: l'essentiel était fait de vues d'extérieur, y compris au début (tourné en septembre dernier), pendant la préparation du projet. Ca méritait donc bien, estimait-il, le label "Kerfilm": de l'aventure continuellement renouvellée (mais cohérente) en premier plan, une étude de la variation des hiérarchies implicites entre personnages face aux évènements en second plan, et de quoi satisfaire la curiosité technique "comment ça marche" car rien n'était "sorti du chapeau": tout était possible et toutes les expériences pouvaient être refaites par les plus curieux. Werner Schmidt était apte à gérer l'héritage (imprévu) du poste de commandant pour tout ce qu'il connaissait bien (la machinerie et le pilotage du sous-marin) mais ne savait pas "bluffer" dans les autres domaines (par exemple la chimie) où il se laissait en fait diriger par le chimiste, parfois s'en remettait au chasseur zoologue, voire un des "sorciers" indigènes, ce que ses hommes commençaient à lui reprocher. Le cuisinier jouait un rôle important, en tentant d'accomoder diversement ce qui était cueilli, pêché ou chassé sur place (insectes inclus: les volants étaient bien plus agréables à manger que les rampants, de plus ils étaient faciles à prendre en très grande quantité au filet la nuit, avec les projecteurs (utilisés aussi pour pêcher), tant que Werner n'avait pas coupé le courant pour économiser les accus et fermé l'accès à ceux-ci, en attendant d'avoir un substitut valable du gazole pour relancer les moteurs), menait la mutinerie contre la "séquestration des ressources" puis habituait l'équipage à manger de la viande humaine (ils avaient déjà mangé du singe: ça devait être à peu près pareil) "à titre de revanche sur les canibables ayant mangé deux de leurs camarades" mais surtout parce qu'il en avait toujours rêvé. L'astuce du second réservoir saboté (ainsi que sa jauge, pour qu'ils ne puissent pas tenter de le colmater à temps) pour rendre indispensable la recherche et la sélection d'huile de substitution se retournait contre les organisateurs puisqu'elle avait miné la confiance que les membres de la première expédition avaient dans le régime qui les avait ainsi "piégés" et donc dans les intentions de l'équipe de relève: avaient-ils pour ordre de les tuer et juste rapporter les résultats des travaux? De plus, qu'allaient-ils penser d'eux s'ils découvraient le canibalisme et les autres "incivilités" qui étaient devenues l'usage local?

Erwann avait beaucoup apprécié le personnage qui lui avait été confié, car sans être le plus vu, c'était le plus apte à la survie "sauvage", d'ailleurs c'était celui qui s'entendait le mieux avec ceux qui ne leur étaient pas définitivement hostiles. Il tuait beaucoup d'animaux, mais comme (à part ceux dont il taxidermisait le premier exemplaire découvert) ils étaient ensuite mangés (après dissection quand ils étaient inconnus), ce n'était pas "tuer pour tuer": c'était un rôle de prédateur carnivore (puis canibale) dans un contexte "aventures tout terrain" dans lesquel il excellait, selon VTP. Franz, pour grimper aux arbres jusqu'à la "canopée" s'aidait de gants à griffes, de chaussures idem et d'autres crans pouvant être fixés sur les côtés des genoux, pour mieux enserrer un tronc. Il revit donc "Yaganda" en cherchant à voir où VTP avait cherché le réalisme et où la barque (le sous-marin, en l'occurence) avait été chargé(e) côté clichés. Les sous-mariniers allemands tous "plus blonds que blond", première caricature (en plus de la perfection émilianométrique), les scientifiques à lunettes et ventre à bière (sauf lui, parce qu'un obèse binoclard n'aurait pu chasser dans un tel contexte), la sobriété de comportement de l'équipage (on ne les voyait pas enlever puis violer des filles indigènes, mais jouer aux cartes ou aux échecs (ou parfois aider aux tâches simples des travaux scientifiques), quand ils avaient un peu de temps) sauf quand il s'agissait d'alcool (au point que l'on eût pu les prendre pour des sous-mariniers russes, dans le catalogue de clichés nationaux de VTP), les chapellets de saucisses fraîches (de chair humaine, vers la fin) mis à sècher comme du linge au dessus du pont du sous-marin, gainés d'une moustiquaire électrifiée foudroyant les mouches tendant de venir y pondre. Effectivement, Torbjörn n'était pas le seul à être "trop" dans ce film dans le tournage duquel "Monsieur plus" était venu donner des coups de coude ça et là, derrière une histoire au premier degré qui était de la grande aventure exotique sérieusement conçue, menée et filmée.

Ce film n'était pas un des "gros travaux" de 2001, bien que l'Amazonie fut assez gloutonne en post-production malgré l'utilisation (comme pour les fjords norvégiens dans "Drakkars et dragons") d'image stéréoscopiques tournées antérieurement sur place sous la même trajectoire de visée, le système n'ayant qu'à créer ce qui devait être modifié par rapport à ces images réelles. Toutefois il connut un succès durable, sans couper l'herbe sous le pied d'autres projets "aventures colonniales" qui se situeraient cette fois en Afrique et en Asie.

Le rugby n'intéressait pas encore beaucoup les femmes (même si localement, Galliot avait beaucoup d'admiratrices depuis plusieurs années) mais un magazine féminin (suite à son intervention "salvatrice" vers la fin d'un match récent) mit Torbjörn Hultgren en photo de couverture (en pleine action sur le terrain, et non en portrait: photo choisie avec son accord et celle du club) et avait fait un article sur lui où il n'était qu'accessoirement question de rugby:

"Torbjörn Hultgren: un corps de maître-nageur publicitaire, des traits "zéro défaut" conçus par ordinateur, un sourire en cinémascope, une blondeur nordique authentique et un regard linéaire d'un bleu mystérieux: qui a dit que le rugby n'était qu'un sport de gros bûcherons amateurs de bière? Après Yaganda qui semble être son dernier film, le cinéma français perdra son plus beau gaillard du Nord, mais nous le reverrons peut-être plus souvent désormais car il devrait jouer dans bien plus de matchs qu'il ne tournait de films."

Parmi d'autres informations et entre bien d'autres photos (pas toutes issues des matchs), l'article mentionnait qu'il continuait à pratiquer assidûement la brasse papillon, ce qui était l'occasion d'une photo supplémentaire, tous muscles apparents et perlés de gouttes d'eau. La sortie de Yaganda début juin, où il avait le rôle principal de ce grand film d'aventure qui ne semblait faire double-emploi avec aucun autre, attirait encore plus l'attention des médias sur lui. On avait déjà vu des sportifs (ou ex-) se reconvertir dans la télévision, parfois le cinéma (et même la chanson), mais là, c'était l'inverse.

En juin, outre une "session" de "Alvéole 75", Erwann eut comme tournages complets ceux de "Phytoclônes", "Alignement direct" et de "La planète des chats" qui utilisait intensivement la robotique féline réaliste (qui atteignait maintenant un naturel et d'une réactivité crédibles à l'échelle d'un chat, pour des mouvements prévus d'avance) pour faire ce que l'on n'avait jamais pu faire avec des chats au cinéma (ou avec tellement plus de difficultés, donc de temps et de coûts, que VTP n'aurait même pas essayé). Le film utilisait aussi de vrais chats "pour faire du nombre" quand on n'attendait pas d'eux un comportement précis.

La planète des chats était un des mondes possibles en cas de réincarnation, dans cette fiction, mais que l'on pouvait aussi parfois visiter au cours de rêves, tout en ayant des effets persistants dans la vie réelle, contrairement aux rêves. Un film "tout public" et féérique (ou plutot félin) qui plairait (le supposait VTP) autant aux enfants qu'aux amateurs de chats, avec quelques allusions à certains contes japonais. L'acteur aux yeux verts et aux canines pointues y avait naturellement sa place: son personnage, Thibert, n'était que le simulacre humain projeté mentalement par un des chats de l'autre univers dans le nôtre, mais pouvant y agir et percevoir: ce n'était pas qu'un hologramme. Quelque réflexes comme suivre du regard un oiseau avec appétit, attrapper une mouche en vol d'un coup de patte (de main) ou pêcher prestement un poisson dans un aquarium de luxe, chez des gens (au moment où ils ne le regardaient pas) le trahissaient parfois, mais les gens ordinaires n'avaient pas encore compris et n'y voyaient que des "tocs". On ne le voyait pas trop souvent: les rôles principaux étaient confiés à de vrais chats, en fait des faux (mécanimaux) ayant l'air de vrais: le comportement si naturel des tigres de Sibérie de VTP avait fini par pouvoir être adapté du plus gros au plus petit des félins sans perdre son naturel confortable. Certains enfants arrivaient à entrer en relation avec les chats, surtout pour trouver comment se venger (pas "atrocement": en les ridiculisant publiquement, ou devant leurs employeurs ou dans une grande réunion de famille) de leurs parents injustes et capricieux. Rien de tel qu'une bonne humiliation devant témoins "qui comptent" pour leur rappeler qu'ils n'étaient pas des "parents de droit divin". Les enfants étaient parfois remplacés par des robots pour la précision et la rapidité du tournage: ça permettait de respecter les horaires légaux, assez restrictifs, et ne pas avoir à leur faire travailler certaines scènes des dizaines de fois. Ayant découvert un passage vers la planètes des chats, ils s'y retrouvaient chats. Ca ne marchait pas pour les parents, qui y étaient changés en cochons et truies, incapables de suivre les chats dans les arbres ou toutes sortes d'escalades. Une fantaisie grand public (pas de scènes de grande violence, donc pas de restriction d'âge) où le spectateur se demanderaient comment VTP avait fait pour le chats: montages à partir de séquences choisies (pendant des jours d'observation) sur des vrais, comme ça s'était déjà fait ça et là pour des rôles censés être joués par de vrais animaux, ou du virtuel? Mais du virtuel si réaliste même de près, fourrure incluse, on n'en voyait pas encore dans des longs-métrages. "La planète des chats" ne faisait qu'une heure quarante-cinq, pour ne pas imposer une scéance trop longue à de jeunes enfants: capacité de la vessie, entre autres, et pour ne pas risquer d'épuiser la nouveauté du sujet et de ses effets spéciaux qui avaient pour but de ne pas sembler en être. VTP ne faisait pas parler les chats (surtout pas avec la mâchoire): ils communiquaient par "nuages de pensée" contenant des animations, pendant un ou deux miaulements (pas une série) tout à fait normaux. Les divers types de miaulements naturels étaient utilisés, constituant une gamme assez variée, du quasi-feulement d'intimidation au "roucoulement" interrogatif discret.

Erwann avait aimé le film et le rôle, qui lui faisait prendre (sans caricaturer) par moment des mimiques félines (il lui manquait toutefois les oreilles triangulaires sur la tête, pour pouvoir les exprimer vraiment) et des gestes félins. Il y avait déjà un peu de ça quand il jouait l'elfe dans "l'ère des trolls", mais cette fois c'était plus visiblement "chat".

Adrien jouait (plus brièvement) un autre simulacre humain correspondant dans l'autre monde à un chat. Ayant vécu son enfance dans un élevage félin, il savait les imiter, miaulements inclus, ce dont Erwann n'était pas phonétiquement capable. Eux deux (leurs personnages) avaient donc tendance à s'endormir souvent, dans le film. Dans un train, le personnage joué par Erwann s'endormait peu à peu contre une grosse dame, qui se mettait à lui carresser les cheveux puis à le gratouiller sous le menton, comme si elle avait compris qui il était réellement.

Un gentil divertissement familial, avec des chats partout, et tout de même une critique de la notion d'autorité parentale, en filigramme: les enfants (même en Finlande) voyaient leur liberté et leurs goûts bien moins respectés par les parents que ceux des chats, au sein d'une même famille, d'où le souhait de beaucoup d'être changés en chats, ce qui se réalisait pour certains d'entre eux, sur Terre (parfois) où en s'évadant vers la planète des chats. Les parents qui tentaient de suivre (avec bien des contorsions et déchirements de vêtements, cette chattière n'étant pas calculée pour eux) y arrivaient sous forme de cochons roses et maladroits. Il ne récupéraient leur état humain qu'à condition de trouver le chemin de retour.

"Danger: nouilles" était absurde mais cruel au point de pouvoir parfois créer de l'angoisse, surtout quand on devinait que les nouilles avaient fait quelque chose que l'on ne voyait pas encore. "La planète des chats" était un conte, avec juste un peu d'angoisse d'exploration d'un monde inconnu. Il était aussi possible de passer par l'écran de télévision (comme si c'était de l'eau: effet déjà vu dans d'autres films) pendant les publicités d'aliments pour chats (ou toute autre émission montrant des chats) pour changer de monde, le problème étant qu'il fallait que le poste fût encore allumé et qu'il y ait une de ces publicités pour revenir, d'où parfois l'arrivée chez d'autres gens. Toutefois, certains ne cherchaient pas à revenir.

Les scènes d'animation féline robotisée (et parfois des chats virtuels, quand ils étaient plus loin) n'étaient pas toutes tournées, fin juin. Celles n'ayant pas besoin de certains personnages humains pouvaient l'être après, d'autres (quand un chat était en contact avec quelqu'un) avaient été tournées dès à présent, mais incomplètement: il faudrait rajouter d'autres chats à l'image. La plupart des enfants étant artificiels, sous forme matérielle (robots configurés pour telle ou telle scène) ou virtuelle, il y avait au total beaucoup de pré et post-production. Il y avait des points communs entre le style de jeu que VTPSF avait conçu pour Erwann dans "l'ère des trolls" et celui de Thibert dans "La planète des chats", à part des gestes plus explicitement félins dans ce film-là.

Deux films de SF très différents l'un de l'autre étaient tournés aussi avec lui en juin: "Alignement direct", et "Phytoclônes": dans ce dernier, des êtres mécano-végétaux ayant l'apparence humaine infiltraient un monde situé dans un futur proche, ce qui dispensait de reproduire le monde contemporain: il suffisait de ne pas dire où étaient ces villes et banlieues pavillonnaires. Ce que l'on pouvait voir, c'était qu'elles ne s'inspiraient pas du style américain: non seulement les clôtures étaient en bord de trottoir (comme en Europe et dans l'essentiel du monde) mais en plus les rues n'étaient pas droites, formant des cercles entrelacés comme dans certains dessins d'écoliers au compas, logés dans de plus grands motifs lenticulaires. Il était facile de générer par logiciel d'immenses zones de ce genre, sans répéter les maisons ni la végétation et en répartissant harmoniseusement les variations d'altitudes, un peu comme dans les cultures en terrasses par courbes de niveaux. D'autres bâtiments habitables, en forme de portions de viaducs (parfois circulaires) contenaient des administrations, commerces et services divers. Très aéré, très "ville nouvelle", avec des arbres bien rangés et des voiturettes électriques pouvant ensuite s'accrocher sous un monorail pour le transport rapide à grande distance.

Les phytoclônes s'y étaient introduits et se bouturaient dans les espaces verts, voire se greffaient aux plantes (un morceau de doigt, une dent, etc, qui repoussaient ensuite au donneur) pour engendrer des tubercules produisant d'autres phytoclônes, sortant ensuite de terre discrètement, lors des nuits très pluvieuses (et si possible de tempête) où personne n'irait se promener au dehors. Les gens ne se rendaient pas compte que certains de leurs voisins avaient été remplacés par des phytoclônes. Un thème classique (l'invasion par des extraterrestres imposteurs) mais traité dans un cadre original (merci Tarsini) et avec tous les ingrédients souhaités par le public habituel de "Kerfilm", même si les poursuites se faisaient en vélos pliants, télécabines et voiturettes électriques.

Alignement Direct aurait pu être un "0016" s'il s'était situé dans l'époque actuelle, tant par l'enjeu que l'enchaînement des péripéties dépassant souvent les personnages. Un nouveau "0016" avait été tourné en mai, sans Erwann: le spectateur ayant vu le précédent pouvait deviner qu'Igor, tranché en deux et dépendant de machines comme Bertillon, n'était pas en état de participer, ou pas encore. Cette fois on trouvait (entre autres) Ghislain qui jouait de nouveau le vecteur médiatique d'une secte, celle des carnivores (et non des canibales), qui était en fait un paravent du lobby des éleveurs. Zhao reprenait du service au début, puis était remplacé par 0018, jouée par Amélie Caraillet, qui de traits évoquait une variante châtain chocolat de Flavia (et en même temps avec quelque chose de Linda Hamilton jeune), coiffée plus long (attaché, dans le film) et déjà habituée aux rôles d'action. Yeux verts, définition "solidement enfantine", longues jambes, bonnes épaules (beaucoup de natation): sans avoir un physique agressif à la Lara Croft (ses formes étaient plus sobres et ses traits plus calmes), elle était crédible dans un rôle d'action. "0016: herbivores" avait comme enjeu la diffusion ou non du premier gazon OGM commestible par les humains permettant de faire le plein de vitamines et même de protéïnes "nobles" dans le bac de la tondeuse. Cela signifiait la ruine de l'agriculture commerciale, ainsi que de l'élevage et de la pèche (à part quelques "niches" de luxe pour snobs), si ce gazon commestible se répandait. Quantité de lobbies (souvent soutenus par des Etats) s'y opposaient donc, parfois en mettant en circulation une variante apparamment tout aussi commestible mais toxique (mais ne causant de problèmes qu'au bout de quelques semaines de consommation régulière) de l'OGM piraté, pour le discréditer.

Le quatrième "0016" connaissait l'engouement populaire des précédents, même si ses spectateurs reconnaissaient que ça devenait de plus en plus fantaisiste: ça restait sérieusement fait, et le thème scientifique était à la fois sérieux et d'actualité: de nouvelles théories sur la gravitation venaient d'être publiées et débattues.

Stéphane vit "Le crépuscule de Gomorrhe" le 9 juin en stéréoscopie chez VTP. Le film tourné en octobre et début novembre tenait ses promesses dans l'ampleur de la débauche (toutefois les scènes entre garçons étaient face à face: Gomorrhe n'était pas Sodome), orgies, et de la destruction finale, réutilisant de nombreux personnages des péplums de VTP (dont Vittorio Cario), mais aussi des moins habitués à ce genre comme Knut, des robots humanoïdes réalistes (souvent pour faire le personnage se trouvant dessous), du virtuel (surtout pour les bâtiments, mais aussi pour garnir les tables sans avoir à préparer autant de victuailles périssables, difficilement reproductibles à l'identique d'une prise à l'autre, si ce n'était pas le même jour). Ventes d'esclaves, orgies, partouses, mais sans aller jusqu'au porno (lorsqu'un personnage était entièrement nu, il n'était vu que de dos, ou bien il y avait quelque chose dans le champ des caméras "au bon endroit") l'influence du Satyricon était perceptible, avec aussi un zeste d'Atlantide en matière d'insousciance avant la catastrophe, même si les Atlantes avaient des divertissements festifs plus "tous publics". Certains critiques pensèrent que c'était pour ça qu'il n'y avait aucune scène charnelle (même sobrement filmée) dans les orgies du "Crépuscule de Rome": elles avaient été réservées (pour leur offrir un maximum de diversité?) à ce nouveau péplum librement dérivé d'une légende, qui n'était pas signé Kerfilm (bien qu'il y eût beaucoup d'architecture tarsinienne dedans et une fin spectaculaire) mais simplement "VTP", comme certaines comédies. On y retrouvait Jocelin (ex-Alexandre Le Grand), Ghislain (qui devait sa notoriété récente à "La secte"), et Typhany (de la scène de la cuisine de "Danger: nouilles") car les filles aussi faisaient des choses entre elles. On les voyait préalablement carresser des objets en bois soigneusement polis et vernis, certains se fixant à une ceinture, d'autres se joignant en V: VTP avait eu connaissance de l'existence de tels objets dans l'Antiquité, sans avoir eu à les imaginer pour le film. Il en bavarda un peu avec Vittorio, qui, alors, lui montra les calendrier "Dieux du stades" 2001 et 2002:

Vittorio- j'y verrais bien Torbjörn.

Erwann- ce sont des joueurs du Stade Français, et non de Dinan. A moins que Torbjörn ne rejoigne ce club, tu ne l'y verras jamais.

V- et au rinnepallo, rien de tel? Pourtant, Juustomeijeri, beau troupeau! En plus, les Finlandais, ça ne les gênerait probablement pas trop, vu leurs habitudes.

E- le rinnepallo est un jeu finlandais donc sérieux.

V- avec un ballon-dé?

E- sinon ce serait trop sérieux.

V- c'est toi qui a mit des transpondeurs RF partout et l'arbitrage par système expert, dans ce jeu. Je suis sûr qu'avant c'était beaucoup moins sérieux, genre "Intervilles".

E- sans les vachettes.

V- tout ce que tu touches devient de l'industrie à l'allemande. Il n'y a qu'à voir ce qu'était VTP avant qu'ils ne te recrutent.

E- je n'y suis pour rien: tout le renouveau vient de Tarsini, et je n'ai contribué à la robotique que bien après.

V- mais que penses-tu de ce genre de photos?

Erwann regarda plus en détails: le "2002" était en couleurs.

E- le 2002 est plus amusant, mais quand on pose nu et hâlé, il ne faut pas oublier de se passer de l'autobronzant sur les fesses, sinon ça gâche tout.

V- là, entièrement d'accord. D'ailleurs je m'étonne que personne dans l'équipe qui a fait ce calendrier ne l'ait signalé: même si les photos était déjà faites, ils pouvaient les reprendre par infographie: c'est plus simple que d'allonger les jambes et alléger les hanches des filles que l'on voit dans les magazines.

E- ou alors c'est pour faire "amateurs". VTP n'aurait pas laissé passer des fesses non assorties au reste, dans "Le crépuscule de Gomorrhe", donc eux, si.

V- amateurs, tu parles! Ce n'est pas de la photo prise entre copains pour rigoler un coup après avoir un peu trop bu. C'est du préparé, éclairé, posé... Alors oui, les fesses, pourquoi?

E- écris-leur pour leur poser la question. Si vous êtes nombreux à le signaler, ce sera peut-être pris en compte pour l'édition 2003.

V- de toute façon je préférais la version en noir et blanc.

E- trop enfermée et monotone. Les fonds d'images du 2002 évitent ça.

V- je pense qu'ils n'ont pas les mêmes budgets ou les mêmes techniques que nous pour les décors. C'est vrai que si ce n'était que pour faire du beau, la jungle et les peintures de guerre apporterait un plus, ou tout mouillé sortant de la mer avec juste une éclaboussure pour flouter.

E- il te suffit donc d'émuler ces personnages avec nos logiciels, de les mettre en situation: une photo de mer et une photo de jungle pour chacun, et d'envoyer le tout aux auteurs de ces calendriers, pour leur montrer qu'il y avait mieux à faire.

V- ou peut-être à Dinan?

E- toujours un phantasme, Torbjörn?

V- oui, mais seulement un phantasme. En fait je préfère être à côté de toi en vrai.

E- parce que je ne suis pas intimidant.

V- tu le serais pour tes fans, mais dans le contexte VTP, tu fais partie des meubles, au bon sens du terme. C'est étonnant comme on s'habitue vite à cotoyer une légende du cinéma français.

E- le terme est exagéré: si je finissais en bouillie au volant d'une Porsche, peut-être. Quoique River Phoenix, lui, il semble déjà avoir été oublié.

V- parce qu'il n'est pas mort d'un accident de voiture. L'overdose, ça plombe l'image. L'accident d'hélicoptère: je pense que ça, ça le ferait.

E- surtout en essayant de passer le mur du son.

V- c'est vrai qu'en général tu meurs bien, dans tes rôles: on ne t'imagine pas jouant un cancéreux en phase terminale. Le mur du son, en hélicoptère, c'est possible?

E- en principe, même pas la moitié, parce que la pale qui avance le passerait bien avant l'hélico et elle ne supporterait pas le choc.

V- pourtant il y a des pales d'hélices supersoniques: celles des turbopropulseurs.

E- plus courtes et plus épaisses, en plus de la forme spéciale.

V- donc Supercopter c'était n'importe quoi.

E- techniquement, oui. "Tonnerre de feu" était plus réaliste. Quant au Crépuscule de Gomorrhe, ça risque de marcher.

V- VTP y a mis tout ce qu'ils n'avaient pas osé mettre dans "Le crépuscule de Rome". Et puis, au moins, là, tu n'arrives pas sur ton cheval bardé de fer pour mettre la ville à feu et à sang. Parce que tout de même, on s'amusait bien, dans la décadence romaine, avant que toi et tes copains ne viennent tout dévaster.

E- sauf que sans nous, le scénario manquerait de tonus, surtout sur la fin. Pour revenir au Crépuscule de Gomorrhe, c'est vrai que c'est plus animé que leur calendrier.

V- et puis il y a aussi des filles, et des animaux: tout le monde avec tout le monde.

Erwan savait que ça avait été tourné après "Le Crépuscule de Rome" tout en ayant mis un semestre de plus à sortir, VTP ayant estimé que c'était le bon moment. Il repensa au calendrier: VTP n'aurait eu aucune difficulté technique à synthétiser de telles images, à partir des scuptures virtuelles des personnages produite par l'Emilianomètre. De plus, les fesses auraient été à l'unisson chromatique du reste du corps, qui aurait pu prendre l'aspect de n'importe quelle matière. Du bois veiné poli et verni? Voilà qui serait intéressant. Quand il eût un moment de libre, Erwann récupéra la base de données de Torbjörn, y appliqua une matière "chêne clair verni", matière formant le corps ainsi que le string (de toute façon la base de données volumique n'avaient pas "ces données-là", la numérisation s'étant faite ainsi), le remit dans le style "mannequin nazi" avec effet de mèche planante semblant taillée dans le même bloc de bois massif (Torbjörn n'était plus ainsi, mais c'était ce personnage qui avait fait tant d'impression sur Vittorio). Puis, endossant l'exosquelette de façon à pouvoir piloter directement (c'était plus facile qu'aux manettes devant un écran, car avec l'exosquelette il pouvait agir simultanément sur toutes les articulations, imitant simplement les siennes) il anima le Tobjörn virtuel en tous sens, lui fit prendre l'attitude du Discobole et l'envoya dans la messagerie de Vittorio. Il s'amusa (sans envoyer) à substituer son propre modèle virtuel à celui de Torbjörn (même attitude, même coiffure, même matière) et compara les deux: effectivement, "y'avait pas photo". On s'intéresserait certainement à lui, synthétisé ainsi, mais à condition de ne pas avoir l'autre sous les yeux. Tant qu'à faire, il reprogramma son propre modèle avec une coiffure plus aymraldienne: le personnage ainsi créé cessait de prétendre imiter l'autre et de ce fait s'en sortait mieux. Il changea son attitude et lui mit une épée en mains, face à un dragon entièrement constitué de nouilles. Puis il appliqua cette "structuration 3D" (qui n'avait rien à voir avec les textures d'habillage OpenGL) à son propre modèle, en se "tissant de spaghettis", face au monstre fait de vrilles et de macaronis à canons sciés. Il n'envoya pas cette image. Il fabriqua quelques autres "images de calendrier" (mais sans copier les poses généralement peu cinématographique (ni "héroïques") des "Dieux du stade") mettant Torbjörn dans toutes sortes de situations (accessoires, décors, le plus souvent en extérieur), en sélectionna ensuite douze et imprima un calendrier (avec l'imprimante pour les belles brochures publicitaires de salons) en anaglyphes, qu'il apporta alors Vittorio, avec la photo de lui et du dragon tous deux en nouilles en treizième page.

Erwann- à apprécier et utiliser avec modération. Tirage unique: tu es le seul à en avoir un.

Vittorio- [examinant les trois premières pages, avec les lunettes bicolores, lentement, puis peu à peu les suivantes] c'est beaucoup mieux que l'autre. C'est... c'est beau, ne cherchons pas d'autre mot.

E- les "Dieux du stade" ont des circonstances atténuantes: leurs joueurs n'ont pas appris à jouer des rôles, ni leur photographe à faire de la mise en scène destinée à la stéréoscopie.

V- et en même temps, ça reste montrable: on pourrait en prendre une pour faire une publicité pour des vitamines ou un appareil d'électromusculation. [arrivant à la dernière image] ou pour des nouilles... Eh, mais c'est toi, ça! Tu devrais proposer tes services au Stade Français pour leur prochain calendrier.

E- ça supposerait de passer tous les joueurs dans l'Emilianomètre pour être sûr de pouvoir les mettre en position de façon optimale, puis trouver un réalisateur assez maso pour avoir la patience d'arriver à leur faire imiter vraiment le modèle virtuel: ce ne sont pas des acteurs de VTP, il y a peu de chance qu'ils soient bons du premier coup.

V- tu n'as pas mis de titre, par contre.

E- trouves-en: je ne suis pas un littéraire.

Le 23 puis le 26 juin, ce fut la sortie du "Cheval de Neptune", gros film d'action et de dépaysement qui eût le succès grand public que VTP et l'armateur ayant commandé le navire (partant pour sa première croisière dix jours plus tard) espérait.

A vingt-six ans, il avait joué dans cinquante-cinq films: il ne comptait pas encore "Alvéole 75" dont le tournage se poursuivrait jusque fin 2002. Dans la quarantaine déjà sortie, il y avait des succès énormes, beaucoup de grands succès et aucun échec: même "Dent pour dent" (où Erwann n'arrivait qu'en sixième position parmi les rôles, en "taux de présence active à l'image") avait rapporté dix fois la mise, sans pouvoir espérer rivaliser avec les "porte-avions" maison. Le plus rentable par rapport aux moyens mis en oeuvre restait "Peur Filante": ce film n'avait pas été difficile à post-produire et n'avait pas nécessité de pré-tournage réel dans divers pays, ni la construction de beaucoup d'accessoires ou éléments de décor, tout en connaissant un succès le classant parmi les "porte-avions" (pas nucléaire, mais presque).

Ce fut avec Adrien qu'ils partirent en Suède, avec une SM turbo-électrique vert clair métallisé: remotorisation Kermanac'h, peu de SM ayant pu conserver le V6 Maserati d'origine en raison d'une distribution fragile, dont l'infarctus aboutissait à frapper les soupapes à coups de pistons.

Adrien reviendrait ensuite en France tandis que Stéphane rejoindrait la Finlande en train, via le tunnel. Il n'y avait pas besoin de beaucoup de bagages puisque l'hébergement chez Pia (puis éventuellement ses copines) était prévu. Celle-ci préférait Stéphane à Atte, mais était attristée tout de même de la disparition sous un car de Japonais de ce jeune Finlandais amusant.

Pia n'avait invité que des Suédoises qui connaissaient déjà Stéphane la première fois, donc pas des fans de l'acteur: elles pouvaient l'être aussi, mais ce n'était pas ainsi qu'elles l'avaient découvert. Adrien se trouvait à l'aise dans le rôle de chat supplémentaire: Pia l'avait tout de suite apprécié.

Ce fut une semaine paisible et dépaysante: Stéphane connaissait déjà, mais Adrien n'avait pas encore tenté de voyage à l'étranger. Il n'avait cette voiture que depuis février.

Groupe B sortit le 7 puis 10 juillet, VTP ayant eu tout le temps de pré et post-produire les diverses parties de ce film misant l'essentiel de son impact sur les prises de vues embarquées ou "volantes", comme prise d'un insecte suivant lui aussi la trajectoire: ceci ressemblait par moment aux jeux vidéo où l'on pilotait en voyant la voiture de l'extérieur, entre les vues de l'intérieur, celles "sous châssis", et celles d'ensemble. Il connut un score (modeste pour du Kerfilm, intéressant par rapport à du cinéma "ordinaire") de l'ordre de celui espéré par VTP. Ce n'était pas un film apportant un taux de bénéfice élevé, tout en étant parti pour être rentable dès la fin de l'été. Un film pour les fans de l'ère des "groupes B", comme le promettait le titre et le tenait l'image. Frustrant pour les fans d'Erwann d'Ambert, car on le voyait rarement, et brièvement. Il y avait encore moins joué de scènes que dans "Dent pour dent", alors qu'il était (théoriquement) présent d'un bout à l'autre du film.

Parmi les nouvelles installations autour de BFRSF, un fermentateur-distillateur permettant de fabriquer des biocarburants à partir des branches et feuilles de laurier, le rendement déjà intéressant (par rapport à l'énergie mise en oeuvre pour tailler, broyer, traiter) l'étant encore plus avec une variété de laurier OGM poussant encore plus vite et surtout optimisé pour faciliter les post-traitements. Il s'agissait en fait d'un réemploi de l'échec de recherches visant à rendre le laurier réellement commestible (pas juste faire tremper des feuilles à la cuisson pour donner du goût), insatisfaisantes mais ayant appris beaucoup aux chercheurs de Rennes sur cette plante. Des essais avaient déjà donné de bons résultats en France et en Irlande, d'autres travaux portant sur l'utilisation du bambou, autre espèce à croissance rapide. L'utilisation des micro-algues dans ce but était également en développement, là aussi comme recherche dérivée de celle des micro-algues entrant dans la composition de certains aliments BFR.

En France, Alexandre avait été jugé apte (après beaucoup d'entraînement) à jouer le rôle titre de "La Fayette", reconstitution à grand spectacle (beaucoup plus d'infographie que de figurants et de chevaux robotisés, en fait) se prêtant bien à la stéréoscopie. On pouvait penser au film de 1961, mais tout en se basant sur la même trame historique l'organisation du scénario était différente, et la mise en scène plus encore (pour profiter au maximum du "rendu" stéréoscopique de telles batailles): ce n'était pas un "remake". Il y avait (comme d'habitude) priorité donnée aux grandes scènes d'action, même si les phases de discussions tactiques sur plans étaient suffisamment présentes pour la compréhension du "pourquoi du comment". Le rôle ne présentait pas de difficulté particulière par rapport à ce qu'Alexandre avait déjà joué dans des séries et téléfilms, l'essentiel du film étant dans l'espace et les combats dans les uniformes aussi élégants qu'invraissemblablement voyants de l'époque, à croire qu'ils étaient conçus uniquement pour éviter que les membres d'une même armée ne se tirent mutuellement dessus, et en aucun cas pour se soustraire au repérage par l'ennemi. La bataille rangée était devenue une imbécilité tactique dès l'invention des arcs (car alors il suffisait d'arroser un peu au hasard pour être sûr de faire des victimes, dans le tas), plus encore avec les fusils et les canons, pourtant elle avait été pratiquée encore longtemps après, au lieu de groupuscules multiples camoufflés (pourtant les chasseurs de l'époque savaient déjà que c'était un système plus efficace) bien plus mobiles et difficiles à viser, surtout avec les canons de l'époque. VTP le savait, mais puisque c'était une reconstitution historique (scénarisée un peu plus "VTP", mais sans faire d'histoire-fiction, contrairement à Gamma) il fallait les faire se battre selon les usages de l'époque, d'autant plus qu'à défaut d'être intelligent c'était photogénique et c'était ce que le spectateur s'apprêtait à déguster en stéréoscopie. Des chevaux mécaniques quand ils étaient vus de près (par exemple avec Alexandre dessus), du virtuel au delà. Pour Alexandre, c'était le baptême du feu: le rôle titre dans un film à grand spectacle: qu'en penseraient les médias?

Ce film avec de très nombreux figurants (la plupart virtuels, certains mécaniques, un petit nombre réels) abrorant des uniformes pleins de broderies, boutons, surcapes et autres accessoires, des chevaux, des tirs de boulets de canons, des navires de guerre d'époque, servait aussi de banc d'essai pour un projet qui, lui, serait situé dans les guerres napoléonniennes. La date n'était pas fixée, et dépendrait en partie du rapport succès/coût de celui-ci.

Alexandre supposait que le rôle avait été optimisé par VTP et que tant qu'il réussirait à l'imiter avec fidélité, il ne risquerait pas de décevoir. Alexandre avait fait de l'escrime pendant toute l'année précédente, VTP le destinant à des rôles de cape et d'épée (déjà) ou de HF par la suite (armement plus lourd, nécessitant plus d'entraînement et de force). On ne lui avait pas fait rotoscoper le jeu de Michel le Royer (le film n'étant pas un "remake"): son personnage avait été préenregistré par Emiliano, deux ans plus tôt, sans savoir par qui on le ferait jouer: peut-être Erwann?

Habitué à être filmé de près, Emiliano était souvent utilisé comme modèle de jeu pour des Emilianiens ne lui ressemblant pas directement (sinon on les eût pris pour lui). Tanguy Hemery était lui aussi souvent chargé de préenregistrer des portions de rôles pour d'autres, de même que Zhao.

Le 12 juillet 2002, Stéphane suivit l'ammarsissage du ravitaillement pour Bertillon, retransmis en haute définition stétéoscopique [sur ordinateur AK] par le Lioubioutchaï 2, moyennant l'adapateur pour télévison. On pouvait choisir à tout moment les caméras au sol ou en vol. C'était aussi retransmis par des télévisions classiques utilisant les images russes (librement distribuées), mais sans offrir la souplesse du choix de caméras ni la qualité d'image d'une réception sur le matériel conçu pour ça. Le premier paquet freiné par ses parachutes rebondit sur ses boules gonflables puis s'immobilisa à une dizaine de kilomètres de la position du module d'exploration et d'habitation à ce moment. Quarante minutes plus tard, le second rebondit beaucoup moins bien, des boules gonflables étant tombée sur des pierres tranchantes. On vit le module se disloquer lors de ses derniers rebonds. Quarante minutes plus tard, le troisième et dernier arriva trop vite au sol (problème de parachutes (vrillage) suite à la météo martienne très capricieuse: l'atmophère était ténue mais les vents très violents. Ca avait peu d'effet sur ce qui était posé au sol mais beau plus sur ce qui s'appuyait dessus via des parachutes, par définition) et s'écrasa en créant un grand nuage de poussières: y aurait-il quelque chose à récupérer dedans? Si deux ensembles de nutriments étaient détruits, Bertillon ne survivrait pas jusqu'à la prochaine livraison. S'il ne lui en manquait qu'un, ça suffirait: il y avait une fois et demi le nécessaire, par sécurité. Il en avait perdu plus d'un, mais peut-être pas deux: le second ne s'était pas écrabouillé, juste disloqué. Du matériel scientifique était aussi perdu: celui-ci n'était pas "redondant": chaque paquet contenait un équipement différent, accompagné de nutriments et d'ingédients de régénération du système de survie identiques.

Après une vie presque routinière pendant ces deux premières années sur Mars, la mission retrouvait (pour le public) du péril donc du suspens (comme lors du premier trajet, Bertillon à bord).

Les Russes surent assez vite que ce que Bertillon pouvait récupérer du deuxième paquet (endommagé) suffirait, à condition d'intercaler des périodes de "quasi-sommeil" à métabolisme réduit. D'une part, il y avait 80% de rab (au total) et non 50%, comme annoncé, par rapport au "minimum vital" pour une activité normale. D'autre part, Bertillon avait récupéré 40 à 100% (selon le type de produit) de la seconde livraison. Un rationnement raisonnable par diminution périodique d'activité (augmentation du sommeil, par les électrodes stimulant les ondes alpha du cerveau, parmi tout ce qui instrumentait son demi-corps) suffirait, à condition de ne rien perdre de plus en deux ans. Les provisions étaient mises à l'abri de chutes éventuellement de petites météorites (que l'atmosphère martienne freinait trop peu) dans une grotte creusée (en prenant son temps, car ne disposant que d'électricité solaire) par une petite machine du premier voyage. Bertillon extrayait depuis longtemps de l'eau de forages dans le "permafrost" martien: après évapocondensation solaire (sans utiliser d'électricté: juste un miroir parabolique et quelques tuyaux) puis stockage dans un récipient contenant un bloc de minéralisation (on aurait dit un bout de calcaire d'immeuble parisien) elle devenait buvable et pouvait remplacer la part d'eau éventuellement perdue malgré le procédé de recyclage interne du module habitable. L'angoisse "toute goutte perdue ne pourra jamais être remplacée" avait disparu dès décembre 2000.

Toutefois, ils ne divulgèrent pas qu'ils avaient mis plus de ravitaillement qu'annoncé dans les modules (chacun contenait 60% et non 50% du total nécessaire), et annoncèrent que Bertillon avait récupéré 96% du contenu du deuxième ammarsisseur (ce qui était faux: il avait (au total des deux modules, grâce au fait qu'ils étaient un peu plus remplis qu'annoncés) récupéré 96% en moyenne des produits nécessaires pour deux ans, mais pour certaines substances, il n'avait que 84% de ce qu'il fallait, et ce n'était pas remplaçable par celles dont il avait un peu plus de 100% des besoins sur deux ans) et qu'il lui suffirait de diminuer un petit peu son activité pour n'avoir aucun problème (ce qui par contre était vrai).

Ravitailler un individu nourri uniquement par transferts sanguins (il n'avait plus de système digestif) était plus facile que d'envoyer de la nourriture (même "spatiale") à quelqu'un qui la digèrerait classiquement avec un très mauvais rendement (les humains n'étaient pas des crocodiles). Bertillon et son système externe (remplaçant aussi les reins) ne gaspillait rien: il n'y avait comme déchets que les résidus du métabolisme cellulaire, et non des matières non assimilées lors d'une digestion classique. Contrôlée et optimisée en permanence, selon son activité, la composition de son sang nécessitait peu de produits neufs: il y avait des recyclages par oxydo-réduction de nombre de susbtances, mais on ne savait pas encore recréer des acides aminés complexes par ce procédé. Les vitamines étaient produites plus classiquement par des cultures de bactéries génétiquement modifiées, dans les incubateurs du module habitable: Bertillon n'avait pas besoin d'être lié en continu à cet équipement. Les vaisseaux n'étaient pas capables d'emporter tout un écosystème en circuit fermé, donc le cycle était incomplet, tout en consommant moins de produits neufs que sans les nombreuses astuces (en particulier OGM) embarquées. L'étude du comportement de nombreuses souches de bactéries, levures et champignons OGM sur Mars (moindre gravité) faisait partie de la mission de Bertillon. Toutefois, l'équipement destiné à lui permettre de tenter directement des manipulations génétiques au vu des résultats de l'étude des souches qu'il avait déjà était à bord du troisième module et avait été détruit: ces travaux prenaient donc au moins deux ans de retard. Il avait toutefois pu récupérer (réparties dans les trois ammarsisseurs, donc présentes aussi dans les deux premiers) de nouvelles souches étudiées entretemps sur terre, dont certaines par BFR, en France, pour améliorer le rendement de refabrication de certains nutriments à partir des déchets métaboliques extraits par dialyse et d'un apport d'énergie sous forme chimique (mais facile à électrorégénerer, elle) et solaire, surtout pour les micro-algues. BFR faisait depuis très longtemps des levures et algues OGM dans le but d'enrichir sans trop de frais la qualité nutritive de ses autres produits. Les variétés devaient avoir des propriétés différentes dans le cas de Bertillon: il ne pouvait pas en digérer les parties inutiles, contrairement à un consommateur ordinaire (pour lequel il suffisait d'incorporer directement les levures ou les algues dans l'aliment) et la machinerie chargée de le faire à sa place ne savait pas tout faire: on ne pouvait pas y mettre n'importe quoi sous peine de mauvaise extraction voire (beaucoup plus dangereux) d'encrassement des "nano-membranes", de l'osmose inverse ou des catalyseurs électro-activés. Le passage par de nouvelles flores bactériennes faisait une partie de ce travail, mais ces bactéries, levures ou champignons ne devaient surtout pas migrer dans d'autres parties du système. Des tests étaient effectués en Russie sur d'autres individus n'ayant plus de système digestif (sans forcément avoir été coupés en deux). Il devait aussi y avoir des cobayes délibérément mis dans cet état, parmis les mafieux et corrompus mis au goulag lors de l'opération "coup de torchon" qui avait permis de libérer l'industrie russe de toutes ces "sangsues".

Erwann apprit que BFR allait installer une usine en Palestine, dans le sud de la bande de Gaza (près de l'Egypte), suite au repérage d'un site géothermique (cette prospection avait commencé fin 2001). L'échangeur de refroidissement (en aval des turbines) d'une centrale géothermique était une occasion d'évapocondenser l'eau de mer pour obtenir de grandes quantités d'eau douce dans une région qui en avait fortement besoin. Le traité de décolonisation avait été signé fin mai à Rome, restituant la totalité de la Cisjordanie, la bande de Gaza et les déserts du Neguev: Haluza, Zin, plateau du Paran, zones arides mais vastes restituant la continuité territoriale avec Gaza, le territoire israëlien allant désormais d'Ashkelon au sud du Golan (le plateau étant restitué au Liban: fin des détournements d'eau israëliens du Jourdain, qui avaient accentué la baisse de la Mer Morte). S'y ajoutait une indemnité annuelle jusqu'en 2037 (aussi longtemps que l'occupation) pour la reconstruction des dégâts. Jérusalem devenait une ville neutre sous contrôle de l'ONU (avec mandat d'ouvrir le feu sans sommation sur toute intrusion armée, que ce fût au sol ou par les airs, et droit de frappe sur les bases d'où serait partie l'attaque). Aucun des deux riverains ne pouvait désormais y établir ou conserver d'institution. Les lieux de cultes gardaient leur fonction mais n'appartenaient plus à tel ou tel: Jérusalem constituait désormais une ville-Etat indépendante, comme le Vatican ou Monaco. Ainsi sécurisée et neutralisée, son tourisme allait augmenter, suffisant largement à faire vivre ses habitants. L'usine BFRPG (P pour Palestine G pour Gaza) alimenterait aussi l'Egypte et la Jordanie, le reste de la production étant proposé au Liban, voire en Israël s'il y avait de la demande. La centrale électrique fournirait du courant à l'Egypte, la production dépassant largement les besoins initiaux de la République Laïque de Palestine. Les FPI avaient imposé le mot "laïc" dans l'intitulé, pour bien signifier qu'il n'était pas question de créer une république islamiste, les religions ayant servi de prétexte à tant de conflits dans cette partie du monde (comme jadis en Europe).

Cinq ingénieurs français d'origine palestinienne de chez BFR étaient sur place pour organiser le chantier. L'opération comportait un risque, certaines factions n'ayant aucun intérêt à une situation de paix dans la région.

Les hostilités n'étaient pas terminées au Tibet, où malgré des pertes considérables dans les airs et sur terre, la Chine n'avait pas encore accordé l'indépendance. Elle avait juste perdu la possibilité de continuer à en piller les ressources naturelles: engins et camions avaient systématiquement été détruits. Des frappes sur de grands barrages et centrales électriques en Chine même, probablement par des commandos infiltrés, avaient freiné cette année le développement spectaculaire de l'économie chinoise: 5% de récession sur les six premiers mois de l'année. Les indépendantistes savaient où frapper pour appauvrir ce qui était jusqu'alors en voie de devenir la première puissance économique mondiale. Le système Lioubioutchaï, impossible à intercepter (à moins d'envoyer un hélicoptère ou un dirigeable juste dans le faisceau au bon moment), soustrayait au gouvernement chinois (comme à tous les gouvernements) la possibilité de surveiller et limiter les communications. Ce qui n'était pas possible avec le réseau internet, dépendant des réseaux téléphoniques classiques, l'était par satellites.

L'industrialisation des synthétiseurs de biocarburants et les travaux techniques divers pour VTPSF l'absorbèrent tout l'été, où Gorak fut moins présent et affectueux que l'hiver (c'était habituel chez lui).

Erwann revit Troglodia: il savait (ou croyait savoir) prendre un point de vue externe y compris par rapport à "Milan": il ne jugeait pas Erwann (puisque celui-ci -lui- avait fait exactement ce qui était prédéterminé par VTP) mais "Milan de VTP", en essayant de voir si la "charge d'attention" était bien répartie sur plusieurs personnages comme ce genre de film était censé le faire pour que chacun y trouve cheval sur lequel miser. L'intérêt allait de plus en plus (supposait-il) vers Troglodia elle-même, dont on ne découvrait les propriétés qu'au fil du film. Et pour cause: il faisait si sombre, à l'intérieur, avant la collision.

Dans Troglodia on pouvait s'attende à ce que Milan rencontre (à l'intérieur) un autre des personnages principaux, joué par Jarkko, mais ça n'avait pas lieu: ils passaient par les mêmes endroits mais pas aux mêmes moments. On retrouvait souvent chez VTP (si on prenait le temps de s'y réintéresser) des personnages qui auraient pu collaborer ou s'affronter, le scénario pouvant sembler conduire à cela, mais se croisaient à faible distance (dans le temps ou dans l'espace) sans se connaître. Sigbert manquait de peu de retrouver son père Gondemar, dans "Le Crépuscule de Rome". En fait il n'apprenait même pas qu'il y était. C'était le fend-foule de son cheval qui "rencontrait" Jarkko, de sorte que Sigbert n'y prêtait aucune attention: un obstacle humain parmi tant d'autres dans sa charge. Dans d'autres cas, dans de tels scénarii, l'un des personnages veillait à ne pas rencontrer l'autre (qui de ce fait n'en savait rien): l'évitement préventif.

Sans y penser, Aymrald aussi l'avait fait, en particulier à cause du "syndrôme de l'imposteur": crainte de ne pas être à la hauteur intellectuellement de son interlocuteur s'il devenait son interlocuteur: "tu pourrais renconter Untel, ça t'intéresserait sûrement", alors il n'y était pas allé, "Untel" lui supposant probablement des capacités intellectuelles qu'il n'avait pas. Ce n'était arrivé que de temps en temps, et maintenant ça marchait surtout dans l'autre sens: plus il était connu, moins on s'adressait à lui spontanément, et plus (à cause des décès survenus à ses connaissances antérieures) il se retrouvait isolé, sans avoir rencontré la moindre hostilité. Il était finlandais sur ce point: pas de tendance spontanée à de nouvelles intéractions (les acceptait mais ne les créait pas), sauf avec les chats. Comme beaucoup de Finlandais semblaient (à ce qu'il avait cru comprendre) fonctionner de même, si personne ne cherchait à communiquer le premier la communication (sauf de simple nécessité pratique) avait peu de chances de s'amorcer, expliquant le silence dominant de cette population. C'était toujours Léo qui lui parlait le premier. Il trouvait ces conversations intéressantes (et pas uniquement pour progresser en finnois) mais n'avait presque jamais osé en démarrer une de lui-même. Léo semblait pourtant quelqu'un de réservé, de "tout à fait finlandais". C'était pour cela qu'il avait d'abord pensé que c'était BFR qui l'avait chargé de le faire progresser en finnois.

S'il ne communiquait pas souvent avec Oskari, que pourtant il appréciait beaucoup et qui semblait accessible, d'attitude, c'était parce qu'il ne prenait pas l'initiative de s'adresser à lui en dehors du travail. Atte, Nelli, Timo et quelques autres (Elina n'avait que partiellement pris le relais de Nelli, chez BFRSF) l'avaient habitué à ce que ça marche tout seul: c'étaient eux qui démarraient la communication, lui montraient quelque chose, lui proposaient une activité, ou faisaient aussi participer d'autres personnages comme Oskari ou Mika qui ne l'auraient pas fait spontanément. Ces "générateurs d'ambiance" n'étant plus disponibles, les "consommateurs d'ambiance" (dont lui ou Oskari) avaient bien moins d'occasions de convivialité.

Côté affectif, il avait surtout Gorak (une relation d'une qualité et d'une honnêteté qui ne pouvait pas exister entre humains) et de temps en temps Nelli pour de la tendresse simili-féline. C'était le peu de gens avec qui pouvoir bavarder librement qui lui semblait un vide, même s'il supposait que c'était normal en Finlande. Il devinait maintenant qu'en imitant les usages locaux il y avait autant contribué qu'eux. Certes, il pouvait "clavarder" avec Adrien et Flavia, voire leur téléphoner (par le Lioubioutchaï c'était gratuit, en plus) ce qui était un moyen de rester en contact avec quelqu'un de son pays.

Nelli ne faisant plus "partie de la boite" Stéphane eut droit à des scéances de tendresse quasi-félines, évoquant un peu Pia, en échange de quoi il s'appliqua à pétrir Nelli comme pâte à pain: ce n'était pas ça qui résorberait son surpoids, mais "ça ne pouvait pas nuire". Ils ne firent rien (et de fait ne souhaitaient rien: Stéphane supposait que Nelli non plus) que des gens normaux n'auraient pas fait avec leur chat, se comporter avec quelqu'un comme avec un chat étant déjà une intimité tactile qui n'était pas de mise entre employés de la même entreprise, ce qui expliquait que cela n'ait pas eu lieu avant. Stéphane aimait son chat, et aimait aussi être traité comme un chat, de temps en temps (pris dans les bras, carressé), ce que Gorak ne pouvait pas faire, tout en fournissant beaucoup de tendresse à sa façon.

C'était aussi à force d'écouter à la radio (pour progresser en finnois "de la vie courante", au début) des émissions de témoignages de gens sur des sujets "de société" (souvent psy) qu'il avait commencé à se poser des questions sur son propre univers relationnel, qu'au début il n'évaluait pas, ayant l'esprit à des choses plus intéressantes comme la grande campagne de rafistolage de tout ce qui se détraquait chez BFRSF. De plus, les disparitions par décès, dans son univers relationnel finnois, avaient attiré l'attention sur le peu de "connaissances" qu'il lui restait. Gorak vint s'installer sur lui et dissipa toute pensée de ce genre, lourd et angora à souhait.

Mika ayant fait beaucoup de progrès au rinnepallo fut intégré dans l'équipe principale de juustomeijeri comme remplaçant pour les grands matchs et titulaire pour les matchs moins importants. Stéphane avait vu qu'il ne dépassait plus tellement le style "cache-lunettes", au fil du temps, comme s'il s'était réinstallé dans le personnage de son enfance. Un modèle conçu avec plus d'élégance que "Saku 1", en fait, tout en donnant l'impression d'une banalité confortable, pour un Attéen.

Stéphane apprit que l'année prochaine, le tournois comporterait un cinquième pays: le Danemark dont les clubs avaient beaucoup progressé (émulation par voisinage avec la Suède?) s'ajoutait aux quatre autres. Il y aurait donc dix matchs (5x4/2) à répartir dans cinq pays: deux par pays (jamais ceux joués par ce pays).

Le championnat d'Europe des clubs en comportait maintenant de quatorze pays: il y avait comme nouvelles nationalités quelques clubs russes, lituaniens et portugais, cette année. Les clubs français s'étaient un peu multipliés, ne se cantonnant plus au voisinage des sites de BFR ou de VTP. Certes, jouer avec un ballon-dé restait ridicule du point de vue de beaucoup de sportifs traditionnels, mais le jeu était télégénique, divertissant et favorisait des joueurs ayant le pied très sûr (pas de crampons, pelouse pentue à chaque bout): ceux qui, venus d'un autre jeu de ballon, s'y essayaient "pour voir" constataient qu'il était difficile de rester debout tout en slalomant entre les défenseurs, et, si on était défenseur, de revenir sur sa trajectoire après avoir pris de l'élan en descente à la rencontre d'un attaquant.

Il y avait dans Troglodia une erreur de calcul (connue du scénariste, mais pensant que les gens n'auraient pas le temps de faire une intégrale multidimensionnelle en regardant le film: ce n'était pas comme dans un roman où l'on pouvait s'arrêter pour vérifier): la coque de la planète n'était pas assez massive, par rapport à son diamètre, pour avoir un champ de gravité créant une densité d'air suffisante pour y respirer, d'autre part les gens auraient dû y marcher comme des sélénites. En effet, il fallait soustraire de la masse totale de la coque (vide, donc bien plus légère qu'une sphère) l'anti-masse (puisque répulsive) du noyau central. La gravité répulsive interne ne pouvait pas être forte non plus, au niveau de la coque (face interne) sinon elle eût chassé les constituants de la coque plus loin, pour en recréer une plus fine au rayon d'équilibre. La sphère d'équilibre devant (par définition) être quelque part dans l'épaisseur de la coque, la gravité de part et d'autres (de sens inverse) devait être d'intensité voisine, l'épaisseur étant faible par rapport au rayon. Avec une coque bien plus épaisse Troglodia aurait pu avoir les propriétés mentionnées, mais passer d'une face à l'autre eût été un voyage beaucoup plus long et difficile, surtout avec des moyens techniques limités comme l'étaient ceux des habitants. Les gens ne sachant généralement pas calculer la gravité à la surface d'un corps creux (parmi ceux qui savaient la calculer à celle d'un corps plein: parmi ceux qui l'avaient su, au lycée, qui s'en souvenait?) et la planète étant plus grande que la Terre, ceci pouvait dans leur esprit compenser le vide intérieur, sans trop tenir compte du fait que la gravité n'était pas éclipsable, donc l'anti-gravité non plus, donc que la force répulsive du noyau, bien que décroissant elle aussi avec le carré de la distance, continuait d'agir sur la face externe de la coque et au delà, diminuant d'autant la gravité attractive de l'ensemble.

Autre question: la coque de Troglodia pouvait-elle s'écrouler? Lors de la collision avec le gros astéroïde, dans la dernière heure du scénario (3h en tout), celui-ci semblait montrer que non, car puisqu'elle contenait la zone de gravité nulle, tout ce qui s'en échappait vers l'intérieur tendait à y retomber, idem pour ce qui s'en échappait vers l'extérieur. La collision défonçait localement la coque, projetant des morceaux (et de l'eau) vers l'intérieur, ce qui créait de nouveaux séïsmes (ressentis des deux côtés) en retombant ailleurs sur la face interne (où les débits de l'astéroïde ricochaient aussi), d'où d'immenses montagnes à certains endroits (les morceaux dont l'érosion mettrait longtemps à venir à bout), qui, repoussées par le noyau, déformaient la coque (dans un modelé plus progressif) vers l'extérieur, et un trou au point d'impact, gouffre ressemblant à une mer vide sans fond, d'où l'entrée périodique (pour la première fois depuis le peuplement humain) de la lumière solaire (stellaire: ce n'était pas notre soleil) à l'intérieur, formant une sorte d'anti-éclipse balayant à chaque tour une partie de la face interne, sport éclipsé à son tour lorsqu'il passait sur le noyau (bien plus gros que le trou). La poussière des nuages (dûs à l'impact: ça se passait dans l'air baignant l'intérieur et l'extérieur, et non dans le vide) et l'eau se déposaient petit à petit dans le trou mais ça n'empêchait pas une lueur tamisée de filtrer: il faudrait bien plus de temps pour que l'érosion comble le trou.

Ceci donnait dans ce dernier quart du film des effets de jour et de contre-jour saisissants. A l'intérieur, il faisait enfin (un peu) jour. A l'extérieur, les gens venaient voir cet immense cratère n'ayant comme fond qu'une vague bruine puis assez vite un miroir sombre d'eau sale. Effet miroir car l'intérieur semblait obscur, produisant bien trop peu de lumière (un peu d'éclairage électrique, très loin) par rapport à la clarté externe, y compris la simple lueur des autres étoiles. Ce qui avait été projeté vers l'intérieur par l'impact n'était pas tombé au fond, pour cause de fond répulsif. C'était retombé plus loin, suivant la trajectoire de frappe légèrement oblique. Effet secondaire: des marées plus importantes, la coque étant moins bien équilibrée qu'avant, omme une toupie bousculée. Une toupie très ralentie, mais par rapport aux masses et diamètres mis en jeu ceci suffisait à lui en donner les propriétés. A part la triche sur la masse attractive de la coque (elle aurait dû avoir une densité supérieure à celle de l'uranium pour que cela pût marcher), tout le reste était géologiquement bien étudié, avec simulations sismiques, hydrographiques et atmosphériques (évolution des nuages de poussières, surtout à l'intérieur: beaucoup moins avait été émis dehors) dans ce modèle très particulier. Séismes, ras de marée, boulversements climatiques: tout y était. Troglodia n'ayant pas été détruite ni tous ses habitants exterminés, il y aurait peut-être une suite, avec des conditions de vie fortement modifiées (y compris pour les végétaux) de la même façon que celles de vie sur Terre l'avaient été après l'énorme météorite supposée avoir causé l'extinction des dinosaures. La retrouverait-on en pleine ère glaciaire?

Certains chez VTP trouvait que l'astéroïde était une solution de facilité pour créer un coup de théâtre permettant de réaliser que les rivalités entre peuplades du monde interne n'étaient que querelles de microbes par rapport au personnage principal du film: la planète. Envoyer un gros caillou à travers permettait d'en réévoquer autrement les propriétés, d'avoir enfin de la lumière (avec énormément de poussière, du fait de la collision, donc pas de problème de "profondeur de synthèse de paysage" à réaliser) et de verser dans le film-catastrophe à très grande échelle, où les personnages déjà mis en jeu allaient pouvoir montrer d'autres facettes d'eux-mêmes (pour certains), disparaître (pour d'autres) ou saisir déloyalement certaines opportunités, comme lors de l'assèchement total d'une mer intérieure (moins profonde que le trou, elle s'était vidée vers lui par infiltrations dans les fissures de la coque) révélant une "pâte" nutritive, au fond, que se disputaient aussitôt les riverains, bien qu'il y en eût bien plus qu'ils n'auraient pu tous en manger (même s'ils avait été beaucoup plus nombreux) avant qu'elle ne s'altère au contact de l'air.

Erwann avait beaucoup aimé ce film, même vu depuis le tournage (où ça perdait l'essentiel de son ambiance) et le personnage Milan, qui faisait "ce qu'il pouvait" sans être un héros ni un zéro, en ayant du mal à savoir avec qui s'allier ou de qui se méfier dans le "monde intérieur". Au début, il rencontrait les gardiens du coordinateur, donc adoptait leur point de vue, mais ce n'était pas définitif. Après avoir repoussé un assaut laissant quelques morts, il se mettait à manger de la viande humaine, sans aucun préjugé: par simple curiosité, parce que ça semblait plus nourrissant que la pulpe d'algues unicellulaires des mers et parce qu'il n'y avait pas d'insectes (faute de végétation) dans le monde intérieur. Il constatait que c'était moins digeste que les insectes (à huit pattes, tout en n'étant pas des arachnides) rapidement grillés auxquels il était habitué depuis son enfance. Suite à l'impact, le coordinateur semblait avoir disparu (c'était non loin de lui que ça avait eu lieu), mais vers la fin, après qu'un déluge eût enfin plaqué au sol l'essentiel de la poussière flottant dans la coque, quelqu'un remarquait avec des jumelles qu'il y avait une lueur à couleurs changeantes vers le noyau. Le coordinateur ne pouvait pas tenir dessus s'il était fait de matière: il eût été repoussé. Il ne s'y était pas nom plus écrasé à pleine vitesse de chute puisqu'il fonctionnait encore: ce n'était pas des cristaux émiettés et éparpillés sur cette masse obscure. Donc si le noyau l'attirait (au moins assez pour que sa rotation ne l'éjecte pas), ce n'était que faiblement. Etait-ce un élément à gravité variable, ou quelque chose qui avaient servi aux "mains crabes" à stabiliser la planète en agissant sur les constantes (qui devenaient donc des variables) de gravité? On n'aurait pas la réponse dans "Troglodia", ce qui laissait espérer un "Troglodia 2" d'autant que Milan n'était pas mort: les personnages joués par Erwann ne survivaient généralement pas à leur film. On ne savait pas encore à quoi servait le coordinateur, ni ce qui était arrivé à ceux qui l'avaient (peut-être) construit, à moins qu'il ne fût pas leur oeuvre non plus et que ce fût en le manipulant sans en connaître le mode d'emploi qu'ils avaient causé leur propre extinction.

Ce fut aussi en Finlande qu'il vit "La croix du sud", autre "film d'avions" qui, lui, avait comme contrainte d'être proche de l'histoire réelle, ce qui bridait la créativité des scénaristes: c'était donc surtout sur la qualité visuelle et technique (pour lecteurs de Saint-Exupéry? Celui-ci y était aussi, conçu par infographie (ou par robot, selon la scène) à partir du jeu d'un acteur (Zhao) ne lui ressemblant pas) de cette reconstitution, l'impression d'incertitude d'envol, avec le mélange de puissance "rugueuse" des moteurs et de fragilité des avions, la beauté des vues aériennes que ce film comptait, car l'histoire était déjà connue, y compris sa fin. Mermoz (Tanguy "bidouillé" en infographie) n'était pas sur l'affiche (comme d'habitude): on n'y voyait que l'hydravion en pleine tentative de décollage, en bas, et d'autres modèles, plus haut, dans un "fondu progressif" de contexte. Priorité à la mise au point des avions, leurs problèmes, leurs accidents, en particulier dans les Andes enneigées. Ce n'était pas labélisé "Kerfilm", d'ailleurs "La Fayette" ne le serait pas non plus: ce label n'était pas utilisé pour les reconstitutions historiques, de même qu'Erwann ne jouait jamais de personnage ayant réellement existé.

Il vit aussi un autre tournage "historique": Gaston Phébus, comte de Foix, tourné en mai dernier avec Sigur Falkendal (un des Suédois de VTP, jusqu'alors rarement utilisé dans les rôles principaux. Ce n'était ni un Attéen ni un Karéen, mais un "Sigurien", donc, qui avait semblé bien convenir à VTP) dans le rôle titre (l'infographie le faisant d'un blond un peu plus or (moins froid) et les yeux verts, avant de le vieillir subtilement au cours du film, plus que le maquillage seul n'y fût parvenu: en stéréoscopie, le "trompe l'oeil" marchait souvent mal, puisque l'on en percevait l'absence de relief). Un film insistant sur les empoisonnements, les morts, les intrigues, tout en comportant de superbes scènes de chasse, le personnage historique étant auteur d'un traité sur ce sujet. Ces scènes tirèrent partie des progrès faits par VTP dans la machinerie animale, combinée avec l'infographie. Idem pour les combats médiévaux, en ces temps de guerre. Il y avait eu dans les années 70 une télésuite avec JC Drouot, mais VTP trouvait qu'elle manquait de rythme: trop pesante, probablement faute de moyens pour en faire quelque chose de plus vif et plus enthousiasmant.

Ce fut Viljami qui fut importé pour jouer Fersen (cette fois le personnage d'origine était suédois, mais l'acteur finlandais) dans le téléfilm "Louis XVII", une histoire-fiction basée sur les doutes sur l'origine de l'enfant mort à la prison du Temple, en partant de l'épisode de la fuite à Varennes, etc.

Puisque les producteurs habituels semblaient avoir aussi jeté l'éponge pour ce types de productions, autant s'y essayer. Pourtant VTP n'avait initialement pas prévu de les concurrencer: la reconstitution historique n'était pas ce que les scénaristes ni réalisateurs maison préféraient, en plus d'être coûteuse et moins facile à vendre au "très grand public" que de la HF ou la fiction historique (FH) dans lesquelles personne ne connaissait d'avance le scénario. Gamma leur avait plu parce que ce n'était pas une reconstitution: c'était une FH techniquement plausible, avec un festival de combats aériens jamais répétitifs rappellant à quel point "Top Gun" et autres en manquaient. Toutefois les scènes de chateaux, de costumes, de chevaux, de carrosses, de combats à l'ancienne rendaient fort bien en stéréoscopie: VTP estimait ne certainement pas perdre d'argent avec, surtout en factorisant certains moyens avec ceux d'autres tournages. Ca permettait aussi de lancer dans des rôles semblant importants (mais en fait tout à fait à leur portée, contrairement à certains de ceux des Kerfilm) de nouveaux acteurs maison, jusqu'alors utilisés dans des productions télévisées à moindre enjeu. Enfin, c'était une occasion supplémentaire d'éviter le "triumvirat" Zhao-Erwann-Vittorio, statistiquement, dans l'ensemble des sorties de l'année: tel ou tel aurait pu avoir un rôle annexe dans une de ces productions, mais ce ne fut pas le cas, pour économiser leur image.

L'économie américaine restait affaiblie par la perte de ses parts de marché dans les hautes technologies grand public et par la modification du régime mondial des brevets, désormais bien plus difficiles à déposer, à champ d'application très étroit et à durée de vie réduite (selon le domaine). Nombre de pays du tiers-monde ne reconnaissaient plus du tout la notion de brevet: l'hégémonie russe dans le monde des télécommunications gratuites (après achat de l'appareil) y avait beaucoup contribué à désaméricaniser les mentalités à travers le monde. L'échec commercial des réseaux payants avait tari les moyens de développer ces réseaux vers l'ADSL, qui n'était donc disponible que dans quelques quartiers de certaines grandes villes dans le monde. L'échec des logiciels payants face au niagara d'exécutables disponibles gratuitement sur le réseau Lioubioutchaï avait eu le même effet: retour à la pratique en amateur, dans ce domaine.

La disparition progressive (pour échec financier) des autres acteurs de ce domaine laissait un quasi-monopole aux Russes, ce qui devenait inquiétant du point de vue de beaucoup de gens: "sibernet", comme on surnommait parfois le Lioubioutchaï (et non "cybernet") allait donner à un seul pays une emprise totale sur les communications mondiales, avec en échange de la gratuité à l'usage le fait d'être seul à pouvoir savoir ce qui transistait par ce réseau. Au début, le Lioubioutchaï avait été bien acceuilli par ceux que l'hégémonie américaine inquiétaient, mais si c'était pour basculer dans une hégémonie russe, où était le bénéfice? "Au moins, dans celui-là, on ne paye pas", répondaient les pragmatiques, même si certains se demanderaient si cela resterait gratuit une fois que toute concurrence payante aurait jeté l'éponge.

Le "sibernet" avait aussi beaucoup d'adeptes aux Etats-Unis, et pas uniquement parmi les opposants à l'Etat: le rapport performances/prix imbattable du réseau russe était la seule considération orientant le choix de la plupart des utilisateurs américains. Le nombre d'abonnements au téléphone terrestre, au mobile payant et à l'internet payant ne cessait de régresser. L'appareillage était importé aux propres risques (service après-vente) de divers petits importateurs locaux, tandis que les frontaliers l'achetaient au Mexique ou au Canada.

L'importation locale des ordinateurs AK se faisait de même, le constructeur russe n'ayant jamais créé de réseau "propriétaire" là-bas, sachant que c'était perdu d'avance: tracasseries juridiques en tous genres. C'était donc aux distributeurs et clients américains de se débrouiller entre eux s'ils voulaient importer ces ordinateurs. Ils se débrouillaient plutôt bien puisque ce matériel avait pris 71% du marché grand public américain et 52% du marché professionnel, où pour raison d'image on hésitait à laisser voir que l'on utilisait du matériel informatique russe: les ordinateurs situés à l'acceuil clientelle ne l'étaient généralement pas.

Autant il n'y avait pas d'importateurs AK ni Lioubioutchaï sur place, l'importation se faisant individuellement via le Mexique ou le Canada, autant le réseau satellitaire, lui, fonctionnait partout, sans perturber les transmissions herziennes terrestres ni être gêné par celles-ci. Après avoir perdu le marché international, la "Silicon Valley" voyait fondre son marché intérieur.

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