vendredi 10 avril 2009

chapitre N-23

Le succès financier du film passait pour Erwann au second plan par rapport à l'intérêt du tournage des scènes et de la participation aux essais des machines (dans les scènes où elles seraient en interaction avec des acteurs réels, moyennant des armes factices): comme pour "Les dents de la nuit", ce film lui avait plu à tourner et il supposait qu'il serait encore plus intéressant à voir comme spectateur. Il n'avait pas réellement besoin de cet argent, tout en ne le refusant pas: c'était un supplément conséquent (voire dominant, même si ça allait moins être le cas dans l'avenir, du fait de la baisse des revenus "moyen terme" d'exploitation) par rapport à la rémunération déjà suffisante de BFR, de même que BFR était une sécurité par rapport à n'être qu'acteur.
César et les Vénètes était prétexte à de grandes batailles navales et à la génération automatique de milliers de figurants ayant chacun un comportement un peu différent, dépendant de celui de ses voisins les plus proches et d'une part aléatoire (mais qui lui restait associée) de réactivité: ça marchait comme un "jeu de la vie" dont les cellules auraient eu chacune des coëfficients différents et n'auraient pas été réparties selon un quadrillage. C'était une répétition à la fois pour "Drakkars et dragons" (batailles navales antiques) et "Le crépuscule de Rome". La vérité historique était respectée: les Vénètes (occasion d'un beau rôle de jeune combattant assez rusé pour Erwann) finissaient par perdre, après avoir infligé quelques revers sévères à la flotte romaine. Pour jouer les Vénètes, VTP avait emprunté les Vikings du prochain tournage, en les roussissant plus ou moins par infographie, celle-ci allant jusqu'à saupoudrer de taches de son (qui ne dérappaient jamais par rapport à ses mouvements) certains visages. Il y avait aussi des Celtes blond-blanc, donc certains Finlandais pouvaient rester tels qu'ils étaient. On retrouvait nombre de personnages de l'Odyssée parmi les Romains: de fait les "Grecs" du grand film tourné cet été faisaient plutôt romains, à voir. Il y avait aussi des combats à terre, tant dans le Morbihan qu'en Vénétie, ce peuple ayant commercé entre ces deux régions. Beaucoup de péripéties, comme toujours des traîtres collaborant avec l'envahisseur, mais aussi des légionnaires romains se laissant corrompre, rien n'était simple mais tout était lisible: le film se suivait aisément, à tout âge, et avait le mérite (espérait VTP) de remettre dans les mémoires un peuple oublié. Les Vénètes étant censés être venus d'Europe du Nord (et par mer, pouvait-on supposer, vu qu'ils avaient une flotte) on pouvait supposer qu'ils avaient des points communs avec les Vikings, sauf que VTP n'en avait pas fait les brutes alcooliques à ventres et barbes de la série "Aquavit". C'était des Finlandais de VTPSF destinés au prochain film, dont pour la plupart c'était le premier voyage en France, tout le tournage ayant lieu chez VTP22. Les menhirs étant censés être encore plus anciens, ils avaient été synthétisés à partir des vrais alignements de Carnac (mais sans chercher à les reproduire individuellement à l'identique: un générateur semi-aléatoires de formes de menhirs se chargeait de créer à la fois un air de famille et une diversité comparables à celles des vrais) dans un environnement différent, puisque censé dater de plus de deux mille ans.
"Aux portes du néant" sortit pendant ce tournage, le 10 puis le 13 septembre. "Les dents de la nuit" vit le jour la semaine suivante. Ce fut une fois Erwann (ainsi que tous les ex-Vénètes) retournés en Finlande pour "Drakkars et dragons" que "l'Odyssée" sortit: 1er et 4 octobre 2000. Ceci laisssait plus de temps à l'infographie pour post-produire Troie, dans l'Iliade, ainsi que les décors et voitures (quand elles n'étaient pas réelles) de "Traction", film dont Kerfilm (VTP) attendait beaucoup, car abordant lui aussi un nouveau genre, par rapport à tout ce qui avait été tourné jusqu'alors chez VTP. Certes, un film avec des mitraillettes, des attaques de banques et des poursuites en voitures avait de fortes chances de connaître le succès, mais à quel point? Allait-on prendre Kerfilm au sérieux dans ce domaine?
Audry resta assurer l'intérim chez BFRSF car avec trois tournages finlandais simultané Stéphane était peu disponible, bien que présent sur place. Ils se connaissaient à distance, quand Stéphane participait à la téléassistance depuis la France pour Audry, et se rencontraient en vrai pour la première fois, sans surprise puisque chacun savait exactement ce que l'autre avait eu à faire dans l'usine.
Le finnois restait fort difficile pour Audry: heureusement la reconnaissance vocale du logiciel du souffleur l'y aidait. Les Finlandais savaient qu'il n'avait pas le niveau de Stéphane en finnois et utilisait plutôt le réseau interne de l'entreprise quand ils avaient besoin d'échanger des informations avec lui, d'autres que s'ils s'en tenaient à sujet, verbe, complément d'objet et éventuellement un autre complément à un cas locatif il pouvait suivre. Ils parlaient déjà peu à Stéphane et c'était encore plus succint avec Audry.
La Finlande, quel pays bizarre. Techniquement, il y avait beaucoup de points communs entre BFRSF et ce qu'Audry avait connu à Rennes, surtout depuis la mise à jour de son informatique lors du stage de Stéphane (dont il n'avait pas été informé), mais l'ambiance et le personnel étaient terriblement finlandais: on était sûr de ne pas s'y faire de camarades de divertissements: des robots suivant leurs rails, comme pour lui rappeler silencieusement qu'il était censé faire de même.
Audry- ce qui est intéressant, c'est de pouvoir passer inaperçu: je n'y étais pas habitué, et c'est reposant. Ca ne marche pas ici, où les gens ont très vite su qui j'étais, mais j'ai voyagé un peu dans ce pays et effectivement, l'anonymat est total, tant que je ne dis rien.
S- ne rien dire est une attitude typiquement finlandaise.
A- mais... Avec les Finlandaises?
S- les Finlandaises ne sont pas des Suédoises. A moins que ce soit différent en juin? Je n'y étais pas.
A- à partir du dernier jour de mai, des fêtes en tous genres qui sont un prétexte pour boire beaucoup d'alcool jusqu'à tomber ivre-mort, surtout les jeunes, voilà ce que j'ai vu. Le reste, je ne sais pas: je n'ai pas été invité dans de telles soirées.
S- les Finlandais tiennent probablement à conserver leur image de sérieux vis-à-vis de l'étranger. Ce qui se passe peut-être dans ces fêtes bien arrosées n'est pas destiné aux étrangers.
A- ça doit être ça. En fait, si j'avais eu un peu plus d'audace, j'aurais peut-être pu participer à une de ces soirées, dans une grande ville comme Tempere, en veillant à ce qu'ils ne sachent pas que je n'étais pas finlandais, mais je n'ai pas eu l'idée de cette astuce.
S- si tu étais arrivé avec de bonnes bouteilles, vu le prix que ça coûte ici tu aurais probablement pu te joindre à une de ces fêtes sans que l'on se demandât qui tu étais. A envisager en juin prochain, si c'est de nouveau toi mon remplaçant.
A- BFR ne te laisse donc pas ici en juin.
S- ni en 1998, ni en 1999, ni en 2000. BFR ou VTP me reprend fin mai jusque vers mi-juin, ensuite je préfère passer mes vacances en Bretagne aux alentours de mon anniversaire, puis en Suède. C'est très bien, la Suède, fin juin début juillet.
A- j'ai l'impression que les Finlandais ne font rien de non-professionnel hors saison.
S- ça, je n'en sais rien: ils ne parlent pas de leur vie privée.
A- il ne parlent pas de grand chose, de toute façon.
S- ce que j'ai vu dans les dates de naissances, c'est que presque tout le monde, ici, est né en mars ou en avril. Quelques-uns dans d'autres mois, mais mars et avril concentrent à eux seuls plus des deux tiers des naissances annuelles.
A- La fête du village est le 21 juin, mais ce n'est pas une grosse fête ici, car beaucoup de gens sont déjà partis en vacances.
Nikolaï avait quitté BFRSF: il avait éte embauché dans le service de maintenance et de sécurité technique du tunnel sous la Baltique, ce qui lui permettait d'aller souvent en Suède.
Aucune équipe d'acteurs ne fut envoyée au Mont St Michel, ni en Norvège: toutes les prises de vues stéréoscopiques, synchrones à celles qui seraient faites en Finlande avec les personnages, avaient été réalisées antérieurement, permettant d'avoir les fjords avec ou sans neige, dont la période de dégel des quatre fjords servant de cadre naturel aux diverses scènes situées en Norvège. Les mouvements de caméras du tournage avec navire et personnages suivaient fidèlement ceux de ces relevés, avec le rattrappage logiciel des petits désalignements et trépidations éventuelles (le matériel était conçu pour les éviter, mais il fallait prévoir tout de même de tels défauts) par rapport au pré-tournage du fond, en se contenant de le déplacer: tant que la direction de visée variait très peu, la translation (éventuellement un peu de rotation 2D, pour chaque oeil) suffisait, or ces petits défauts ne pouvaient pas faire varier la direction générale de visée d'une façon incompatible avec de tels rattrappage. De ce fait, ça fonctionnait très bien, et rendait ces tournages extérieurs (censés être en extérieur, mais qui ne l'étaient pas toujours) indépendants de la météo, de l'heure et de la date, les mouvements de l'arrière-plan (ciel inclus) étant déjà en stock pour chacune des paires de caméras concernés. Ca interdisait toute improvisation au niveau des "travelings", certes, mais VTP ne retouchait jamais ceux-ci après avoir entièrement virtualisé le scénario: le cadrage lui aussi était bon d'origine (calculé d'avance pour) ce qui était important, en tout numérique, pour éviter de l'érosion par interpolation de pixels sur un nombre non multiple ou diviseur de l'autre. Ce problème existait moins en analogique, ou la perte (petite) de définition était la même que l'on copie tel que ou recadré (ce qui revenait à agrandir légèrement la partie conservée). "On ne tourne que ce qui sera réellement monté, sauf si la scène est à refaire", était le principe de base des tournages de VTP depuis l'origine. Ceci expliquait la rapidité du tournage "réel", tous les essais, changements d'avis et remoutures ayant été faits au stade du brouillon virtuel de la totalité du film. De même, les acteurs répétaient séparément leurs rôles (hors site: avec les simualteurs avec lunettes d'immersion virtuelle) pour les savoir presque aussi fidèlement que si c'était du "théâtre acrobatique". Une fois toutes les prises réussies, le reste (leur intégration dans les décors réels ou virtuels, et le panachage avec le virtuel pour "faire du nombre" avec une précision de comportement (y compris des cascades) que l'on n'aurait pas pu exiger de milliers de simples figurants) était entièrement automatique, puisque déjà défini lors du brouilon virtuel. Il n'y avait que 156 acteurs réels dans ce film, y compris les "vieux", et non des milliers comme le croirait le spectateur. Le reste était du remployé (les "secondaires" faisaient chacun tour à tour divers rôles secondaires, quand leur précédent était dans une situation de prise de vue où il pouvait être virtualisé sans que ce fût détectable) ou du synthétisé. De ce fait il n'y avait pas de purs "figurants": tout personnage réel était aussi utilisé de façon active, à tel ou tel moment, selon ses capacités. La figuration pure d'arrière-plan, l'infographie la faisait encore mieux que les vrais, car pouvant simuler pour chacun un comportement complet. La multiplication infographique des foules, armées et hordes (humaines ou animales) était aussi utilisée dans certaines productions américaines.
Ce tournage n'utilisait aucun Norvégien: certains, ayant eu vent du projet dès le début de l'année, avaient tenté de faire candidature chez VTPSF, par courrier (réel ou informatique), qui leur avait répondu que VTPSF ne s'occupait que des Finlandais et qu'il faudrait consulter VTP, dont la réponse fut: "nous sommes au regret de ne pouvoir embaucher que des membres de la Communauté Européenne, pour des raisons d'assurances et de taxes sur les travailleurs immigrés extra-communautaires". Ce paramètre distinguait la Norvège des autres pays nordiques et donnait une raison objective, administrative et définitive (l'adhésion de la Norvège étant peu probable) de ne pas prendre de Norvégiens. VTP n'en voulait pas (mauvaise réputation, par rapport à leurs voisins) mais trouvait plus raisonnable de le dire ainsi.
La course de traîneaux à chiens (remplaçant les courses de chars romaines) fut tournée en Laponie (déjà suffisamment enneigée en octobre, sinon l'équipe avait prévu des canons à neige, comme dans les stations de ski) ce qui fut le seul déplacement de l'équipe du tournage "réel". Ca rendait fort bien en stéréoscopie dans les forêts: par rapport à une course de chars, les arbres consistuaient un péril supplémentaire, en particulier les troncs couchés cachés par de la neige: les chiens sautaient par dessus, mais pas le traîneau. Certaines prises de vues dangereuses furent faites avec une motoneige électrique télécommandée portant les caméras, les chiens (avec les traces de pattes dans la neige) étant ajoutés devant l'image par infographie, trucage aidé par les projections de neige devant et sur l'objectif.
L'assaut des drakkars par les chevaux mécaniques (remplaçant les vrais au moment de l'abordage des navires échoués) fut la scène la plus longue à réaliser: six jours à elle seule, pour huit minutes à l'écran, ceci malgré l'efficacité des techniques VTP. Ceci parce qu'il n'y avait que six prototypes mécanoéquestres crédibles pour cette manoeuvre: il fallait recommencer pour chaque navire, et chaque petit groupe de cavaliers pour chaque navire, et ceci de façon visiblement non-répétitive pour un spectateur attentif: remontrer le même assaut sous un angle différent était une bassesse que VTP ne commettrait pas, car ça s'était déjà fait ailleurs, donc certains spectateurs y veilleraient, surtout s'ils voyaient le film une seconde fois.
VTP voulait quelque chose de grandiose, légendaire, d'où l'utilisation de l'aurore: les Vikings épuisés après avoir échappé à la tempête (qui leur avait fait doubler le Cotentin à leur insu) s'étant endormis dans leur drakkars qu'ils croyaient avoir ancrés (avec de grosses pierres encordées) suffisamment loin de la côte pour ne pas être mis à sec par la marée (croyaient-ils. L'un deux disait: "il ne faut pas trop s'approcher, la mer va reculer, cette nuit") en prévoyant d'attaquer l'abbaye le lendemain matin. Puis, à sec, étaient réveillés par la rumeur sourde de la cavalerie qui commençait à poindre à l'horizon, cette scène étant mise en musique (ce que VTP ne faisait pas souvent, et jamais trop fort, dans ses tournages) avec "la Valkyrie". Les Bretons en "encore plus barbares qu'eux", de roux carotte à brun-roux, hirsutes, avec de longues lances et d'énormes casse-têtes plombés pour écraser les casques à cornes comme des cannettes vides, mais c'étaient piétinés par les chevaux dans leurs coques non pontées que la plupart périssaient, les lances servant surtout à percer les coques (puis quelqu'un derrière par la même occasion), les casse-têtes à "finir" ceux qui se relevaient. Les sables mouvants se chargeaient des fuyards.
Pendant le retour (écopage, colmatage, bricolage (mat cassé, voile déchirée beaucoup de rames cassées ou perdues)) les rescapés n'étaient pas d'accord sur le nom de la peuplade: "ce sont des Huns: ils attaquent toujours à cheval et là où ils passent l'herbe ne repousse pas". Finalement ils racontaient en revenant qu'ils avaient attaqués par les Huns parce que ça faisait plus peur. Le père d'Harald (personnage joué par Erwann) y était mort, c'était donc lui qui avait la charge de diriger ce retour difficile vers son fjord natal. On avait droit, bien sûr, à la cérémonie de la barque enflammée.
Cette scène d'assaut à cheval qui était techniquement la plus difficile (à cause des chevaux mécaniques) étant maintenant tournée, VTP connaissait mieux le temps nécessaire pour le reste, où l'infographie et des trucages plus faciles simplifiaient la tâche, y compris pour les batailles navales (navires câblotractés, le câble passant sous l'autre pour assurer un éperonnage précis: ça avait très bien marché dans "César et les Vénètes", donc ici aussi) ou quand la mer se vidait de façon angoissante, mettant le fjord à sec jusqu'à une profondeur vertigineuse, et ce qui se passait à la fin après avoir atteint l'Islande, sans savoir qu'une expédition rivale s'y était déjà installée et qu'en plus il y avait encore d'autres monstres, cachés sous les glaces et réveillés par les éruptions.
Le personnage Harald trahissait parfois (y compris les siens), était souvent courrageux mais pas toujours, commettait quelques grosses erreurs (dont une qui coûtait un drakkar) tout en faisant preuve de ruse et d'ingéniosité à d'autres moments, ou drôle sans avoir besoin d'un gag ni d'une plaisanterie. C'était le personnage le plus complexe que VTP lui eût fait jouer, tout en étant proche, au niveau de l'intensité et de l'enthousiasme (pour le spectateur) d'action, de ses rôles antérieurs. Il se passait beaucoup de choses en beaucoup de lieux, dans ce "péplum nordique" aux images que VTP espéraient "sublimes", en particulier par les variations de la lumière tangeante souvent utilisée, supposée dûe au roulement sur l'horizon nord du soleil de minuit. Il y avait aussi des aurores boréales et un énorme tsunami dans un fjord: après que l'eau eût disparu, il fallait bien qu'elle revînt.
Seuls quelques clichés étaient repris au film "Les Vikings" avec Kirk Douglas, en particulier la scène de beuverie avec le lancer de haches sur les tresses de la femme infindèle. Le scénario de "Drakkars et dragons" était entièrement différent, l'ambiance visuelle et le rythme aussi: celui de la "SF à l'italienne" qui avait tant réussi à VTP. Il y avait bien moins de barbus (en particulier dans les scènes d'action) que dans les films de Vikings habituels, bien plus émilianiens, et ils étaient tous d'un blond finlandais. On y retrouvait les Småprat et leurs remplaçantes, ainsi que nombre de Finlandaises de "Noitakeinot". L'ambiance n'était pas excessivement HF, contrairement à ce que le public allait peut-être craindre de la part de Kerfilm, mais le rythme, lui, l'était. Après la débâcle du clan d'Harald (de son père, à l'origine) au Mont St Michel (destination involontaire) on assisait au pillage en règle de deux abbayes en Neustrie (future Normandie) par un autre clan, celui de Heidar (joué par Torbjörn, auquel VTP avait déjà confié Siegfried), le cousin d'Harald. Les drakkars des compagnons d'armes d'Heidar rentraient gorgés de richesses et de barriques de vin. Harald n'était donc pas reçu à son retour comme un vainqueur, bien que l'échec de l'expédition fût dû à une imprudence de son père et non à une décision personnelle. Hélas celui-ci n'était plus là pour en témoigner. Ce n'était qu'ensuite en réussissant une expédition punitive contre un autre clan dans un autre fjord qu'il prouvait aux siens sa valeur et récupérait le commandement d'un des drakkars qu'il avait ramenés (assez endommagés) de l'expédition bretonne. L'histoire était parsemmée de rebondissements de ce genre, permettant de mettre en jeu cinq personnages principaux et nombre de satellites proches. Les huit personnages ayant les rôles les plus complexes et les plus mémorisés (probablement) par le public venaient de chez VTP (Suédois et Danois, en plus d'Erwann), les autres (dont nombre de rôles encore consistants) provenant de VTPSF. Leo avait un rôle auquel Harald (Erwann) mettait fin en lui passant par surprise un noeud coulant autour du cou tout en poussant à l'eau (du pied) une grosse pierre (ceinturée de la corde) pouvant facilement rouler: noyade rapide et garantie de non-remontée du corps. Il lui arrivait aussi de sauver certains de ses compagnons de périls, en particulier d'un des dragons ayant déjà grillé une partie du drakkar. "Il n'est pas gratuitement méchant mais il est opportuniste, tout en étant réellement brave quand il le peut", lui avait expliqué VTP. Harald prenait souvent avantage sur les autres du fait qu'il buvait peu: il faisait semblant, attendant que son concurrent ou adversaire fût saoul. Il n'était pas le seul traître ou fourbe parmi les personnages principaux: aucun n'était "blanc-bleu", sur ce plan, mais pas tous de la même façon. "Ce sont des Norvégiens, donc ce sont des gens tordus, y compris entre eux". Toutefois ce film ne chargeait pas autant les Norvégiens qu'Aquavit: ça restait un grand film d'action, d'héroïsme (même si les héros n'étaient pas sans reproches), d'aventures multiples ("ce serait bien trop long à raconter: il faut le voir") et de grands espaces rafraîchissants ou sidérants, comme le volcanisme islandais entre neige et glace. Une suite était prévue d'origine: "le drakkar fantôme", qui ferait bien plus appel à la mythologie nordique, alors que le premier film utilisait surtout des légendes marines, d'où l'abondance de monstres dès que l'on sortait des domaines maritimes connus, ou à la faveur de la brume.
Dans "le drakkar fantôme", Harald et ses quinze compagnons d'armes morts en Islande ressortaient d'un lac, dans leur drakkar partiellement pourri soulevé par un geyser. Ils étaient dans le même état que le bateau, à voir. Ils revenaient chercher au Spitzberg un cristal qui permettait de voir les morts-vivants en regardant à travers: en effet, une fois éloigné de l'Islande, les autres les voyaient tels qu'ils étaient avant, sauf s'ils avaient "l'oeil d'Odin" (nom donné à ce cristal) pour reconnaître les vivants des morts. Harald devait donc s'en emparer avant tout autre, en particulier les vivants. La légende disait que si un mort-vivant regardait la pleine lune à travers l'Oeil d'Odin, il retrouverait la vie, état plus confortable, "à commencer par le plaisir de manger". Si un vivant regardait un mort-vivant à travers cette lentille, il pouvait le tuer pour de bon d'un coup d'épée, alors que le reste du temps ça ne marchait pas. Il y aurait encore plus d'effets spéciaux (en particulier les morts-vivants, car il n'y avait pas qu'eux, comme allait le montrer l'Oeil d'Odin) que dans "Drakkars et dragons", puisque VTP ne le sortirait que bien plus tard. Quantité de petits démons invisibles (sauf dans certains cas, par exemple après avoir bu de l'alcool) s'embaquaient comme passagers clandestins dans le drakkar fantôme pour investir d'autres territoires que leur Islande natale où ils étaient en rivalité avec d'autres.
Le principe était "on écrit la suite en même temps que le début, et on tourne tout ensemble pour avoir les mêmes acteurs dans le même état d'esprit, en plus de tout le matériel et le contexte déjà prêts". En fait: un film de six heures bien remplies "que chez les Américains on étalerait sur quinze, à coups d'insertions de minutes pas chères" comportant deux parties, l'une lancée bien avant l'autre. De cette façon la suite d'un "porte-avions" Kerfilm avait peu de risque de décevoir ceux ayant aimé le premier.
Erwann joua aussi dans "Cave canem", utilisant le décor (partiellement réel, en grande partie virtuel) d'une version post-civilisationnelle de Tempere, où règnaient des bandes de molosses ayant pris goût (comme c'eût probablement été le cas dans une telle situation) à la viande humaine. On découvrait plus tard qu'ils étaient dressés pour ramener une partie de la viande à leur éleveurs, et non spontanément organisés en meutes. On pouvait en voir deux se disputer une petite fille braillant encore, déjà amputée d'un bras et d'une jambe: ils n'étaient donc pas tous disciplinés entre eux. Un film sinistre (bien que se passant la plupart du temps en plein jour), angoissant et ultra-violent. C'était un projet intrinsèque à VTPSF, le décor devant resservir pour un film de guerre bactériologique et une série télévisée. Les gens mangeaient les chiens, quand ils parvenaient à en tuer. Au début, des pièges relativement simples suffisaient, avec un enfant comme appât, mais les molosses devenaient de plus en plus malins.
Les scénaristes de VTPSF savait que peu importait que le contexte fût utopique (ville ravagée, sans sources d'énegie ni ravitaillement), car le péril, lui, était réel: les chiens tueurs existaient dans les villes réelles, et l'on entendait périodiquement à la radio le récit de la mise à mort ou de la mutilation profonde d'un enfant par le chien de la famille, "qui jusqu'ici avait toujours été gentil, on n'aurait jamais pu penser...". Ca commençait par des gens qui marchaient dans la rue, vus tels qu'ils étaient, puis vus par un chien (la caméra était entre les oreilles du chien puis on voyait, par le changement de la gamme de couleurs (réduite) qu'elle était dedans) que le chien voyait passer des saucisses bipèdes: saucisson sec courbé pour une vieille dame, saucisse courte et ronde pour un enfant, etc. Cette virtualisation n'était pas renouvellée dans le film: ensuite la vue de chien était juste à spectre de couleurs modifié, mais sans la vision "charcutière", amusante qui aurait cassé l'intensité dramatique de l'action, le film étant impitoyable, pour une espèce comme pour l'autre: on voyait par exemple un homme dont un chien était en train de broyer la jambe lui crever les yeux avec un gros tournevis rouillé et tordu, puis taper sur le manche avec une pierre jusqu'à réussir probablement à toucher le cerveau derrière l'orbite, le molosse s'immobilisant mais ne lâchant toujours pas: il fallait faire levier avec le tournevis en arrière de la mâchoire pour le faire lâcher, avec le risque que le chien lâche une fraction de seconde sa victime pour broyer comme une biscotte le bras d'un de ses libérateurs. Tisonnier rougi enfoncé dans l'anus ou plaqué aux organes génitaux, huile bouillante versée sur la tête, coup de marteau et burin par le côté pour casser les crocs plantés dans la victime, découpe au sécateur ou couteau à huître des muscles de la mâchoire, tout était essayé pour faire lâcher les chiens. Certains renonçaient vite, l'instinct de conservation l'emportant sur l'instinct de prédation, mais d'autres se laissaient tuer plutôt que de lâcher prise. Nombre d'humains avaient des doigts en moins, voire une main en moins, ou boitaient gravement, beaucoup mourraient, égorgés ou saignés à banc par une morsure ailleurs (assez souvent à l'entrejambes), quand ils n'étaient pas remorqués, de nuit, vers leur repère par deux ou trois molosses les crocs plantés dans leurs chairs. Les chiens étaient tout autant mutilés, tués, puis rôtis et dévorés. En réfléchissant un peu ou en remarquant les travaux de tannerie manuelle et de couture en arrière-plan des scènes principales, le spectateur comprendraient que les manteaux et couvertures étaient en peaux de chiens.
On voyait les éleveurs lâcher des enfants vivants dans leur cinodrômes souterrains pour entraîner leurs jeunes molosses, avec lesquels ils jouaient plus paisiblement à d'autres moments.
Dogues argentins, boer bulls, pitbulls, toutes sortes de molosses étaient utilisés, copiés sous forme de robots destructibles, et virtualisés (pour être vus de plus loin, surtout en meutes), y compris des chiens plus "classiques" comme le berger allemand et le doberman (dont la morsure n'avait pas la puissance d'un "molosse" mais dont l'aspect faisait peur: cinématographiquement, ça marchait), les chiens "poids moyens" étant capables d'accélérations vives et d'un peu d'agilité (escalade de gravats, poursuite dans des escaliers, etc) contrairement aux "poids lourds". Ca durait 1h50, car au delà, les scénaristes estimaient que l'on aurait épuisé le sujet, l'un des tournants étant la découverte d'un centre de dressage souterrain par certains des survivants de la ville, sans découvrir tout de suite tout ce qui s'y faisait. A la fin du film, la solution venait de la découverte d'un renard enragé, d'où l'idée de capturer au filet un des molosses sans le blesser, de l'attacher solidement et de lui faire boire de la bave de renard enragé, que l'on mettait aussi dans quelques petites plaies discrètes qui n'attireraient pas l'attention des éleveurs. Relâché, il retournait à son repère, mais ils se passait encore bien des choses avant que l'on sût si la rage avait pris et s'il avait eu le temps de la transmettre avant diagnostic et abattage par les éleveurs. Dans ce contexte de pénurie générale, les vaccins non plus n'existaient plus. La rage finissait par se propager entre chiens, mais avant qu'ils n'en meurent (or il en naissait sans cesse de nouveaux, dans les élevages alimentés à la chair humaine) ils consituaient un péril encore plus grave qu'avant: la moindre morsure serait mortelle à moyen terme.
Quelques séquences "vues autrement", dans une fenêtre le long du générique final défilant, montreraient aux amis des chiens que les molosses dont on crevait les yeux au tournevis où coupait les muscles maxillaires étaient des robots garnis de viande et de fausse peau, bien qu'ils aient l'air de continuer à s'acharner à broyer la partie mordue comme de vrais chiens. Après la mention "Loppu" (fin), était rappelé (avant le générique): "tout l'art d'élever un chien est de réussir à lui faire oublier que nous sommes commestibles, que nous n'avons ni griffes ni crocs pour nous défendre et courrons deux fois moins vite que lui".
Les chiens-robots étaient très partiques pour répéter séparément (pour chaque acteur) toutes les scènes de morsures, avant tournage: les crocs étaient télescopiques (sur ressorts) et les autres dents d'un élastomère blanc formant crampon anti-dérappant sans pénétrer la chair: le faux molosse attrappait et tenait solidement le membre (sa prise résistant aux secousses) mais sans risque de blessure. Juste d'avoir des fourmis dans le membre si on l'y laissait trop longtemps, mais ce n'était pas utile pour les répétitions ni le tournage. Erwann disponait de deux mordeurs (simplifiés): une grande gueule et une moyenne, le corps ayant les articulations et le poids d'un chien gros ou moyen, pour s'entraîner à se débattre et défendre contre cela. Il ne serait pas mordu souvent ni profondément, dans le film, puisqu'il y jouait longtemps, mais justement: il fallait qu'il puisse vaincre le chien de façon réaliste avant qu'il ne lui arrache assez de chair pour causer une hémorragie fatale ou une mutilation incompatible avec la suite du récit. Donc que ce soit rapide, violent, mais qu'il parvienne à se libérer d'une façon plausible, en profitant de ce qui lui tombait sous la main là où ça se passait, ou aidé par un autre. On le revoyait plus tard avec des protections, faites de plaques de tôles et de morceaux de cuir munis de clous de charpente, armé d'un sabre avec couvre-poignet articulé au pare-morsure clouté de l'avant-bras. Protections incomplètes, mais efficaces compte tenu des habitudes d'attaque constatées des molosses. On voyait aussi des gens faire de la pêche au chien, depuis le deuxième étage d'un immeuble, avec un morceau de viande (humaine, ou canine?) plantée sur un gros crochet dont la pointe n'en dépassait pas. C'était en faisant tomber un sac plein de gravats de l'autre côté de la poulie où passait la corde qu'ils ferraient et hissaient le chien d'un seul coup dès qu'il avait mordu, en le tuant d'un coup de pioche dans la tête pendant qu'il gesticulait suspendu par la mâchoire. Nombre de chiens plus malins (ou dressés à cela) ignoraient ces appâts au profit de la traque de viande sur pieds. Autre piège: la fosse d'ascenseur hérissée de fers à béton pointus (fosse située un peu plus bas que le garage du sous-sol de l'immeuble) et recouverte au rez-de-chaussée de planches articulées ne demandant qu'à s'ouvrir sous le poids du chien qui se précipiterait vers l'enfant qu'il croirait acculé dans ce cul-de-sac, plaqué au fond sur la partie non articulée du plancher ainsi ajouté.
Les éleveurs souterrains étant en fait canibales (leurs chiens faisant la chasse d'humains pour eux). Erwann était dans l'autre camp: celui des mangeurs de chiens, car canibale, il l'avait déjà fait dans "Viande urbaine" et VTP(SF) voulait varier.
Il participait techniquement aux mises au point comportementales et au pilotage des robots jouant les chiens d'attaque. Il fallait continuellement réparer les robots puisqu'ils endossaient les rôles des chiens destinés à être blessés ou tuer, et que les acteurs devaient cogner dessus sans ménagement (aux endroits prévus). On n'allait pas en construire une centaine, donc il fallait au plus vite pouvoir "reviander" et réhabiller un faux chien pour le réutiliser dans une autre scène, en en profitant pour en changer un peu l'aspect. Il en allait de même pour les robots humains, que l'on pouvait faire déchiquetter par de vrais chiens, en mettant la vraie viande là où ils allaient mordre, loin des parties métalliques internes qui auraient pu heurter les dents: c'était du plastique, aux alentours des zones de morsure. Pour certaines morsures devant se produire d'une façon précise, c'était un faux chien qui mordait un faux humain, quand on n'était pas assez loin pour le faire tout en virtuel.
Erwann eut l'occasion de se faire câliner par Hillevi, certaines fins de journées de tournage. Ce n'était pas tout à fait comme avec Pia, mais tendrement félin aussi et ça lui donnait envie de dormir, assis à côté d'elle sur une des banquettes. Une fois de plus, il regretta de ne pas savoir ronronner, alors le fit mentalement. Il lui arrivait de penser qu'il avait dû être un chat, dans une ancienne vie. Il s'était parfois demandé si Hillevi ne serait pas une de ses demi-soeurs via Eetu: celui-ci avait pu aller en Suède voir si les Suédoises étaient moins froides que les Finlandaises.
VTP mettait l'essentiel de ses moyens infographiques sur la post-production de "Drakkars et dragons" (qui avait été en bonne partie pré-produit, en plus de recourir pour beaucoup de paysages à de la prise de vue réele pré-synchronisée au tournage), dès que des scènes étaient tournées, de façon à pouvoir le sortir en décembre. Ce serait son premier "porte-avions" tourné en finnois chez VTPSF: "la prisonnière des Trolls" était un film d'enjeu plus modeste, sorte de dérivé parallèle de Sartivlar en version plus romantique: ce film aussi était issu du savoir-faire acquis dans "Noitakeinot".
Stéphane (en fait: Erwann) eut à enregistrer chez VTPSF une publicité. Ce n'était que la seconde de sa carrière, la première étant une apparition brève (de même que Zhao) dans le spot de lancement du "Minibleu". Cette fois, il s'agissait du Saumonix, pour le marché français, surtout: avant Noël. Il y apparaissait vêtu et armé comme Harald (qu'il était en train de jouer), descendant de son drakkar, avec en arrière-plan l'ambiance du film (fjord enneigé, etc) pour aller vers une table en gros bois rustique sur laquelle les diverses variétés de Saumonix étaient disposées dans des assiettes en grès, entre des crânes remplis d'Aquavit (semblait-il). Il disait, en norvégien sous-titré (gros sous-titres bien lisibles, dans une bande noire sous l'image format "Panavisione, qui l'obligeait à se baisser pour passer sous la bande du haut): "j'ai un aveu à vous faire: je ne suis pas Norvégien, et ça, ce n'est pas du vrai saumon. Pourtant, mmm!" en mangeant volupteusement une tranche, filmé de trois-quarts pendant la dégustation. Ca ne durait que vingt secondes, les quatorze premières étant dans l'ambiance du film, avant d'aller à la table. La publicité commencerait à passer en même temps que le film. Le truc du norvégien sous-titré (qui en réalité signifiait "je ne suis pas un saumon norvégien", pour ceux qui réussiraient à traduire, puis "et lui non plus") évitait d'avoir à réenregistrer d'un pays à l'autre: on changerait juste le gros sous-titre défilant dans la bande noire du bas. Dans la bande noire du haut: "3 fois plus d'Oméga 3 que dans du vrai, 40% de calories en moins".
BFR lançait un nouveau fromage n'était fait qu'à 40% de lait, tout en apportant 2,5 fois plus de calcium biodisponible: le "Bleu de Brest". Un nouveau produit simulant le goût gras (pour BFR ce goût faisait partie des saveurs primaires, puisqu'il était détecté sans recourir à l'olfaction) permettait de diminuer de 80% les matières grasses dans le produit obtenu tout en n'en donnant pas l'impression en bouche. C'était issu de recherches sur des cobayes humains (employés de BFR volontaires pour le test, sans risque puisque se contentant d'enregistrer divers signaux nerveux venant de la bouche) pour comprendre comment le goût "gras" était perçu par une bouche humaine et mettre au point un leurre: l'idée venait de ce que la sensation de froid de la menthe ou de chaleur du piment étaient elles aussi des illusions: un faux signal agissant chimiquement sur les récepteurs thermiques. Une huile théoriquement insipide (ni salée, ni sucrée, acide, amère, anisée ni réglissée, etc) était pourtant reconnue comme goût d'huile, et non d'eau. Le test à l'aveugle avait fini par faire disparaître cette distinction, quand l'eau contenait l'une des nouvelles molécules mises au point. BFR y avait consacré beaucoup de moyens, sachant que si la molécule pouvait être ensuite produite par une levure ou une bactérie génétiquement modidifée, le coût serait compétitif donc constituerait une mine d'or face au problème de surpoids s'étendant inexorablement dans le monde occidental, de même que les molécules simulant le goût sucré sans attaquer les dents et en fournissant beaucoup moins de calories. En interne, on rêvait déjà d'un kouign-amann sans sucre et à moins de 10% de matières grasses tout en ayant le goût et la consistance "déraisonnables" du vrai. La nouvelle recette du Saumonix bénéficait elle aussi de cette illusion gustative de matière grasse, les anciens Saumonix restant disponibles pour les gens qui n'auraient pas confiance dans cette nouvelle molécule. Le principe était que le client devait toujours avoir le choix, même face à un progrès technique que BFR estimait être 100% positif. Ce n'était que quand les ventes de l'ancienne version chutaient significativement que l'on envisageait d'en arrêter la fabrication, après s'être contenté de la diminuer.
"Les N voyages de Robert Trebor" sortit le 25 puis le 28 octobre 2000. Erwann craignait que l'échec d'un film dont il avait le rôle-titre (c'était la première fois) lui fût imputé, surtout après que Kerfilm eût obtenu d'excellents scores sans lui dans "Robur le conquérant" et maintenant "l'Odyssée", sachant que "l'Iliade" et "Traction" avaient eux aussi de bonnes chances d'en faire autant. Sa cuvée de juin 2000 ne comportait pas de films d'une telle ampleur: ce ne serait qu'avec Troglodia et "les giboyeuses" qu'il reviendrait sur les écrans dans du "gros" Kerfilm, catégorie à laquelle "César et les Vénètes" pourrait aussi prétendre. Jusqu'alors il considérait que le problème du succès était celui de VTP: du moment qu'il avait bien suivi le modèle -or si ça n'avait pas été le cas, ils le lui auraient immédiatement signalé- il n'aurait rien à se reprocher. Maintenant il pensait aux gens qui "misaient" sur lui et redoutait l'échec des films ne leur proposant pas suffisamment de personnages principaux sur lesquels parier: il ne croyait pas à la "vente forcée". Il estimait que le public devait pouvoir le choisir et l'évaluer parmi d'autres de sa propre initiative, comme un morceau de Saumonix dans un test de dégustation à l'aveugle.
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Ses tournages se terminèrent le 2 novembre. Celui de Cave Canem s'était terminé avant, ce qui lui avait permis d'assister au début de celui de "Commando 22" et la multiplication de la même coupe (proche du style "Damien" ex-Atte, mais sans l'effet anguleux de ce modèle: du "court mais pas trop" d'allure classique, en fait) d'abord sur Ville puis Saku, Nelli, Ronja (étonnant) et bien d'autres, dont Kjell que ça faisait paraître plus joufflu. Quelques garçons et filles qu'il connaissait (au moins de vue, via les tournages) y jouèrent sans changer de coiffure, dans des rôles annexes où ils n'auraient pas l'occasion d'ôter leur casque à visée virtuelle avant d'être tués, ou comme civils (tués comme "dommages collatéraux"), pillards ou francs-tireurs.
C'était ce casque qui rendait si facile de jouer dans cette série ou presque tout était virtuel, à commencer par les ennemis (embusqués au sol ou dans les immeubles) et les hélicoptères d'attaque Kamov 50 russes: grâce à lui, ceux qui n'avaient pas à jouer sans voyaient tout, et recevaient en plus des indications très précises sur ce qu'ils avaient à faire à cet instant, comme à l'entraînement: on était bien plus vite "bon" dans Commando 22 que dans un film joué sans cet accessoire. Cela avait déjà été le cas pour les soldats de "Mécanotron".
Tampere (en regardant un épisode, Stéphane cru reconnaître par où il était passé pour aller chez Esko) façon Beyrouth: ruines, tirs, gravats, pillards passant furtivement d'une planque à une autre, simples victimes déboussolées, commandos embusqués. Les voitures n'étaient pas toutes détruites mais la plupart étaient endommagées, ou simplement couvertes de poussière de ciment et petits gravats. Il en reconnut, mais certaines lui semblèrent inédite. Il n'avait jamais vu ce modèle de break Volvo. Plus tard, un soldat s'embusquait derrière le coffre d'une grande berline où l'on lisait, brillant, "507". Stéphane se souvint que Peugeot n'utiliserait pas ce numéro car il avait été utilisé jadis par une BMW. Le styliste automobile de la série le savait probablement, tout en supposant que le grand public ne le savait pas, et s'en était servi pour faire reconnaître rien que par son numéro une future Peugeot sans risque d'être démenti par ce à quoi elle ressemblerait quand elle sortirait...
Bien avant cette scène "post-datant" la série sans avoir affiché la moindre date à l'écran ni dans les dialogues (un finnois simple, net et encore plus concis que dans la vie courante: pas de problème), Stéphane avait pu savourer l'ambiance (surtout avec les lunettes virtuelles: VTPSF aussi tournait tout ainsi, que cela put être diffusé ainsi ou non, sachant qu'un jour ce serait un avantage écrasant par rapport à toute rediffusion d'anciennes séries "plates"): guerre civile dans un contexte proche de l'anarchie (il existait encore une armée, toutefois) suite à une pandémie bactériologique lancée urbi et orbi par une organisation terroriste internationale. Ca ne tuait pas tout le monde (vulnérabilité variable) mais avait causé une pagaille telle que le pays étant "sans foi ni loi", et que, de plus, des commandos de l'Armée Rouge (la Russie avait elle aussi été gravement touchée, comme le reste du monde) tentaient d'en profiter pour s'emparer d'intérêts finlandais, en particulier des stocks d'antibiotiques et surtout du système de dépistage des immunités naturelles dont ils soupçonnaient l'existence.
Les membres du commando 22 (dont quelques filles, effectivement) passaient toute une batterie de tests, en commençant par un test sur une culture de leurs cellules de moëlle osseuse de leur résistance aux contaminants en circulation: une grande mobilité et légereté étant requise en milieu urbaine, le port de tenues "NBC" était exclu, d'autant plus que le moindre accros ou une balle perdue même de petit calibre aurait eu un effet mortel si le porteur n'avait pas d'immunité naturelle à cette pandémie. Dans le cas des officiers, leur absence d'hésitation à donner l'ordre d'abattre les pillards et de le faire eux-mêmes (pas juste en donner l'ordre à leurs hommes) était un critère important, en plus du sang-froid général. Les nombreux morts (car les insurgés aussi avaient des armes, issues du bloc de l'Est plutôt que récupéré sur des soldats morts car leurs armes nécessitaient me transpondeur implanté sous la peau, et qui cessait de fonctionner si on l'extrayait où si la main ne donnait plus signe de vie (température, circulation, influx nerveux): une main coupée ne réactiverait pas l'arme.
Oskari (inchangé: il avait joué un détrousseur de cadavre abattu d'une rafale de Kalashnikov) raconta qu'il y avait une copie matérielle réaliste du Kamov Ka-50, avec le double rotor opérationnel (mais sans pas cyclique ni collectif: pales en fibre de verre à orientation fixe, ce qui simplifait énormément le "mât" de transmissions contentriques contra-rotatives), non volante. Stéphane vit des images en 3D du Kamov 50 "Black Shark" réel (des séquences avaient été filmées en Russies, pour réutiliser dans le film, en reconstituant un groupe de 4 en plusieurs "passes"): exactement ce qu'il fallait pour ce contexte de tournage. Oskari lui montra les images réelles et le schéma virtuel d'un tout autre hélicoptère d'attaque, inventé pour le tournage, celui-ci. Stéphane connaissait ce monoplace d'assaut russe produit à peu d'exemplaires à ce jour: il l'avait remarqué et essayé (en puisant dans le jeu de commandes réenboitables celles qui lui ressemblaient le plus, et en les configurant selon les indications du logiciel) et l'avait trouvé très intéressant. Dans les vols à plusieurs, les données d'acquisition de cibles étaient partagées, une cible "accrochée" par A pouvant servir à y guider le tir de B, si A n'avait plus de missiles, mais aussi pour que le tir ne vienne pas de l'hélicoptère vu par l'adversaire donc en lui laissant moins le temps de procéder à un tir défensif ou au lancement d'un leurre dans la bonne direction.
Le troisième modèle, volant, construit par Kermanac'h comme démo de son savoir-faire turbo-électrique et tout-électrique, était un birotor consécutif (et non superposé), inspiré du drône bi-caméras mais en plus gros: chaque rotor avait quatre pales, pour seulement 6m de diamètre, contre 10m69 pour l'Ecureuil et 14h50 pour le Ka-50, ce dernier étant nettement plus lourd. Les rotors du "Km 68e" étaient synchronisés par arbre, déphasés de 45°, ce qui permettait aux pales de se succèder sans jamais se superposer d'où l'altitude égale des rotors, au lieu de la marge de sécurité dû aux débattements de flexion des pales. Le tout restait compact (6m de large, 9m60 de long) avec le pilote-mitrailleur installé sous l'arbre de synchronisation dans un fuselage étroit, le moteur avant étant situé plus bas pour que seul l'arbre soit dans son champ de vision.
Ce n'était pas trop compliqué à construire et moins délicat à piloter qu'un monorotor qui ne pardonnait aucun manque de réactivité de pilotage sur le "cyclique" selon la vitesse et le changement éventuel de sens du vent: les pales avançante arrière étaient du côté des reculantes avant, comme dans les autres bi-rotors "tandem", de sorte que ça se compensait. La caractéristique la plus originale était la motorisation turboélectrique empruntée à la CRT, et suffisante pour faire voler cet hélicoptère monoplace léger (tout ce qui était "blindages" et armement pesait peu), y compris à l'électricité pendant plusieurs minutes: vol silencieux athermique. Plutôt que le modifier la loi de variation automatique du pas cyclique des rotors (grâce au rappel élastique en vrillage des pales, astuce déjà vue ailleurs) pour virer, c'étaient les rotors qui basculaient (un peu) latéralement en sens inverse, ce qui ne nuisait pas à la synchronisation "engrenages" des pales des deux rotors. Ils pouvaient aussi s'incliner du même côté pour le déplacement en crabe, le fuselage et ses accumulateurs (au fond) faisant pendule sous les rotors. Les moteurs accéléraient automatiquement un peu lors de tels manoeuvres pour conserver l'altitude (puisque le soufflage devenait moins vertical) sauf si le pilote commandait la descente en même temps. L'assiette longitudinale (tangage) se règlait en faisant coulisser les groupes d'accumulateurs vers l'avant ou l'arrière, sous le pilote. Kermanac'h avait ainsi pu simplifier et fiabiliser la conception des rotors, où les variations de régimes importantes permises par la motorisation électrique (contrairement à un turbine), ajoutées à ces capacités de manoeuvre complémentaire, permettaient de supprimer la commande mécanique complexe et fragile des pas cycliques et collectifs, indispensables sur un monorotor (sous peine de chavirage dès que la vitesse d'avance variait, phénomène ne concernant pas les bi-rotors) au profit d'un montage légèrement flexible cabrant un peu plus les pales reculantes (par rapport au flux d'air) que les avançantes: système déjà vu ailleurs. Certes, cette astuce ne convenait pas à de grandes variations de vitesse longitudinale (même sur un bi-rotor) mais ce prototype Km68 ne prétendait pas dépasser 140 km/h. C'était le rapport fiabilité/poids des rotors, la compacité et la légèreté du tout qui avaient été privilégiés. Testé d'abord sans pilote chez Kermanac'h, et même sans la turbine, l'un et l'autre étant remplacés par leur poids d'accumulateurs Li-ion, le prototype avait tenu les promesses de la simulation et conduit ensuite à une démonstration de vol habité (au dessus d'un terrain appartenant à l'entreprise, pour éviter les problèmes d'autorisation et homologation du prototype) où le Km68 tout électrique était monté à 1109m: "plus de 1000m". De plus (en s'inspirant du Kamov, mais sans siège éjectable) un système de secours avait été installé: de petites charges explosives brisaient près du moyeu (sans abîmer celui-ci) et éjectaient les pales (synchronisées à la rotation pour que l'éjection se se fît pas d'un rotor vers l'autre) puis libéraient un parachute, les acculumateurs étant largués sous leur propres petits parachutes car il supportaient une vitesse d'impact au sol supérieur à celui de l'hélico (dans pales ni accus, alors) et son pilote, un "airbag" sous-ventral se chargant d'amortir l'impact. On n'avait alors à remplacer que les pales. Leur chute pouvait présenter un danger pour qui les recevrait, mais moins que celle d'un avion ou hélicoptère complet donc le pilote se serait éjecté. Des démonstrations utilisant un mannequin de crash-test puis l'un des ingénieurs du projet (Gwen Roscoët) avaient facilité l'homologation de l'engin pour usage personnel (de toute façon il n'y avait pas de place pour un passager). La motorisation turboélectrique n'avait pas un mauvais rendement si l'on considérait qu'elle supprimait le réducteur et autorisait un régime variable des rotors sans faire varier celui de la turbogénératrice calée et optimisée pour un seul régime, à couple variable selon la charge de la génétratrice. De plus l'existence de l'arbre de synchronisation entre les deux rotors était sécurisant: l'un des moteurs suffirait à maintenir le tout en rotation à vitesse moindre, mais suffisante pour un atterrissage sans casse (en utilisant au besoin les tampons gonflables ventraux). De plus un moteur électrique était notoirement plus fiable que n'importe quel moteur thermique, et le comportement des accus prévisible: un pépin sur la turbine laisserait même le temps de bien choisir où aller se poser, dans un rayon de près de 10 km. D'où l'utilisation de la turbine à destination automobile fabriquée par Kermanac'h pour la version la plus puissante de la CRT, légère et d'un coût raisonnable car dispensée (grâce à la motorisation électrique et son autonomie résiduelle) des impératifs de fiabilité d'une turbine d'hélicoptère.
Le Km68e n'était pas encore homologué pour être commercialisé (même en France) quand VTPSF s'en servit comme hélico d'attaque compact dans "Commando 22", mais pour utilisation au dessus d'un terran privé, c'était possible: l'assurance, qui avait assisté aux démonstrations de récupération de chute à moyenne et basse altitude (le scénario le pire pour un hélico classique: pas le temps d'accumuler de l'énergie cinétique rotative par "autorotation") avait dit que c'était bien plus sûr qu'un ULM, donc n'avait mis aucun vélo à son utilisation lors du tournage, y compris piloté et passant au dessus d'acteurs vivants. Kermanac'h avait d'abord pensé faire une version turboélectrique (voire uniquement électrique, pour les vols de démo de quelques minutes) d'une imitation légère du Ka-50, avec son double rotor coaxial, mais le trouvait encombrant en largeur (grandes pales), surtout pour un monoplace, d'où l'étude d'un monoplace à rotors "tandem" synchronisés ne débordant pas de la chaussée d'une rue à double-sens ordinaire (7m, en général). On pouvait même s'introduire dans la plupart des tunnels routiers (sauf voie unique) avec ce modèle, contrairement à toutes les séquences où l'on voyait un hélicoptère devoir renoncer à y poursuivre une voiture. Avec huit pales et un poids de 480kg seulement (tous organes inclus) le Km68e n'avait pas besoin de grands diamètre ni d'une vitesse en bout de pale élevée pour voler. De plus l'heure de vol était bon marché, le système turboélectrique étant bien plus robuste et tolérant à des pannes éventuelles qu'un groupe turboréducteur classique d'hélicoptère. Le peu de pièces utilisées dans la construction des moyeux de rotors contribuait aussi à la fiabilité et à la simplicité des vérifications de sécurité avant vol du Km68e. Il n'y avait tout simplement pas de "plateau oscillant" pour le pas cyclique, les effets de celui-ci par rapport à la vitesse étant gérés d'une part par l'auto-vrillage des pales ayant la vitesse relative à l'air la plus faible, d'autre part par l'inclinaison transversales des rotors. Pour le tournage, la turbogénératrice étant absente, remplacée par des accumulateurs Li-ion supplémentaires, les prises en vol ne durant pas si longtemps. De ce fait, il n'y avait alors aucun combustible à bord, ce qui était un facteur de sécurité supplémentaire compris des assureurs.
Kermanac'h espérait que le prototype intéresserait les miltiaires: une version un peu plus grande et nettement plus puissante, pour pouvoir emporter de l'armement, serait ainsi apte à faire une approche finale non seulement peu bruyante (les pales s'entendaient moins qu'une turbine, d'autant plus qu'en les multipliant elles n'avaient pas tourner aussi vite) mais en plus sans source de chaleur localisable aux infrarouges: "moins que les muscles d'un oiseau". Le simulateur de pilotage avait été construit avant que l'engin ne le fût, puis réétallonné plus finement suite aux mesures en vol. Même les comportements en détresse et leur rattrappage avaient pu être vérifiés, en partant d'assez haut et sans pilote humain à bord. L'entreprise n'avait dû sacrifier que deux jeux de pales (pour utiliser le parachute dorsal), lors de l'ensemble de ces essais: dans tous les autres cas le logiciel avait réussi à remprendre le contrôle de l'électroptère avant qu'il ne fût trop près du sol. Essais faits sans turbine, avec des accus supplémentaire comme lest et autonomie additionnelle. Quand aux tests de réaction au vent en vol stationnaire, il s'étaient faits sur secteur, avec un câble venant du sol, pour ne pas avoir à se poser et échanger les accus trop souvent. Ca avait aussi servi pour les tests d'endurances les moteurs et des moyeux de rotors: alimenté par câble (tout en ayant des accus à bord comme lest complètant le poids du câble et permettant l'atterrissage automatique tout doucement en cas de rupture de cette alimentation externe) le Km68e avait fait des montées, des descentes, des pivotements sur place (en comptant les tours pour ne pas vriller excessivement le câble sous lui), et même des rattrappages de chute par autorotation (théoriquement inutile avec cette motorisation, mais tant qu'à faire, c'était un moyen de brutaliser les rotors au moment de l'inversion du pas collectif en fin de phase d'autorotation) pendant 500 heures non stop, sous contrôle de caméras au sol plombées par huissier (pour ne pas avoir à demander à l'huissier de rester 500 heures sans dormir): celui-ci venait juste échanger et conserver les enregistrements, une caméra au moins continuant à filmer le Km68e. La solidité et la fidélité dans le temps du moyeu simplifié "à réponse élastique" utilisé furent ainsi attestées, de même que l'endurance des moteurs et de la transmission. On n'exigeait pas d'un hélicoptère ni même d'un avion autant de temps de service entre deux révisions.
Certes, la charge utile réduite et la vitesse modeste limitaient les débouchés commerciaux d'un tel engin, malgré un prix de production envisageable proche de celui d'une grosse voiture. La fiabilité, le faible coût de l'heure de vol, la facilité de pilotage (pour un hélicoptère), le système de parachute en cas de panne "irratrappable" et la possibilité de débuts et fins de trajets silencieux, donc compatibles avec la tranquilité urbaine, étaient ses atouts principaux. Sans turbine, l'intérêt était évident comme outil de prise de vue pour des tournages: maniabilité, bruit modéré, possibilité de préprogrammer un "travelling volant" sans pilote, à la façon d'un drône de grande précision: un avion ne permettait pas le vol stationnaire, moins encore la marche arrière (il suffisait d'incliner vers l'arrière en reculant les accumulateurs) ou en crabe. Au fil des essais Kermanac'h avait ajouté une commande électrohydraulique (montée au dessus de chaque moyeu et tournant avec) modifiant le rappel élastique en vrillage des pales, ce qui jouait le rôle d'un "pas collectif", pour éviter l'inconvénient du système vrillage élastique (intéressant pour fournir spontanément du "pas cyclique" auto-adaptatif) quand on augmentait la vitesse de rotation: l'incidence diminuait donc la vitesse ascentionnelle était moindre qu'espérée. Ce système n'étant qu'un règlage "autonome" du moyeu du rotor (sans s'occuper de par rapport à quoi il tournait) nécessitait peu de puissance pour fonctionner et n'aurait pas l'occasion de s'user. Le régime des deux rotors étant toujours identique (variable, mais commun), c'était par différence du pas collectif, en plus du transfert de masse, que l'on choisissait la direction de déplacement (avant/arrière) de l'hélicoptère.
Kermanac'h avait aussi construit un tout autre engin, plus ludique et plus poëtique: la libellule. Des jouets ornitoptères (ailes battantes) avaient volé depuis longtemps, avec moteur à élastique actionnant des bielles, mais les catastrophes subies par les pionniers de l'aviation à d'être engagés dans cette voie (dès l'Antiquité) avaient dissuadé pour longtemps d'y revenir. En fait, c'était juste un problème de matériaux, selon Kemanac'h: il fallait une rigidité suffisante tout en ayant peu d'inertie: le mouvement d'avancée des ailes fournirait la portance (en augmentant leur vitesse par rapport à l'air ambiant, selon une incidence bien choisie), leur recul la poussée (et encore un peu de portance en chassant de l'air sous elles, avec incidence inverse), comme des rames (mais pas "sur la tranche", tout de même, pour garder de la portance). Si comme chez la libellule il y avait deux paire d'ailes pouvant se croiser, il y en aurait toujours une avançante (sauf en bout de course), donc porteuse, et l'autre reculante (donc porteuse et poussant plus que l'avançante ne tendait à faire reculer l'insecte). Le principe du double rotor coaxial, mais avec mouvement alternatif et non une rotation continue, ce qui était moins régulier pour le mécanisme (d'où les problèmes d'inertie dès que ce n'était plus assez petit) mais plus pratique pour la construction, les pales-ailes pouvant être autour du fuselage sans avoir à passer au dessus. Les deux mouvements étant antagonismes il ne devait pas en résulter de vibration longitudinale d'inertie pour le corps.
Les "hélicoptéristes" étaient une branche d'un nouveau bureau d'études, sans savoir si ça déboucherait sur autre chose que des jouets: l'industrialisation tout-automatique du Km68e était en cours, mais sous forme de modèle réduit vendu en kit et équipé d'une vidéotransmission stéréoscopique achetée en grand nombre chez AK (déjà fournisseur de tels systèmes "vision embarquée" pour d'autres fabricants de modèles réduits) pour pouvoir le piloter "comme de l'intérieur" avec des lunettes stéréoscopiques. Ca, ils étaient sûrs d'en vendre, car dû moment que c'était fabriqué et emballé en tout automatique (les opérations humaines étant confiée à l'acheteur, dans un kit, comme c'était fréquemment l'usage en modélisme) les Chinois ne pourraient pas faire moins cher, de plus il y avait une pièce en polymère spécial constituant le moyeu du rotor (comme dans le vrai) qui, si on se contentait d'en imiter l'aspect, ne permettrait pas les mêmes performances en vol ni la même fiabilité. Kermanac'h espérait que les Chinois ne comprendraient pas la nécessité d'une imitation structurelle intime (fibrage, moulage, cuisson...) de cette pièce donc rateraient leur contrefaçon, et n'investiraient pas dans les recherches nécessaires pour la réussir, sans espérer vendre leur contrefaçon moins cher que l'original français. Si la série "Commando 22" avait du succès hors de Finlande, le "vu à la télé" contribuerait aux ventes. L'industrialisation d'un modèle réduit esthétiquement fidèle (et techniquement aussi, à part la motorisation) du Ka-50 était envisagée elle aussi, mais ultérieurement.
Ces ingénieurs eurent à réétudier le principe de l'aile battante (façon libellule plutôt qu'oiseau, mais en incluant comme pour les oiseaux un mode "planeur") en simulant puis testant en vrai toutes sortes de matériaux à propriétés mécaniques anisotropes pour voir si c'était raisonnable à tenter de construire. Cahier de charges: un pilote humain, un quart d'heure de vol à l'air comprimé: cette énergie semblait plus adéquate que l'électricité pour un mouvement alternatif relativement lent, les ailes étant longues pour bénéficier de l'effet "planeur".
Les prototypes effectivement construits ne dépassèrent pas le stade d'une libellule de 1m40 d'envergure, pouvant voler dix-huit minutes à 40 km/h sur ses accus tout en alimentant une bi-caméra émettrice. L'atout par rapport à un hélicoptère miniature était moins de bruit (les ailes étant plus proches du type "avion") et surtout la capacité de planer, ailes légèrement en X, en fin d'autonomie d'accus: le petit logiciel embarqué conservait de quoi gérer la stabilité de vol et l'attessissage en douceur sur des pattes élastiques en fibre de carbone, qui se déployait au moment du cabré final, en pliant aussi la queue vers le haut pour permettre ce posé.
L'EC130 avait été acquis par VTP dès le tournage de "Au vent du large". Il avait été déguisé avec de simples panneaux de polycarbonate (évoquant un blindage plus lourd) et de l'armement factice pour "Commando 22".
Cette série tuait beaucoup de soldats (garçons et filles: dans ce futur proche, toute discrimination était abolie): c'était l'occasion de proposer des rôles à de nouveaux.
Cette année il n'avait joué "que" dans onze films, au lieu de quinze, mais avec les quatre de 1998 ça faisait déjà trente en moins de trente mois (dont huit mois de tournage): il se demanda si VTP avait une raison de croire qu'il allait mourir jeune (et bien avant Huntington, même), pour l'utiliser dans tant d'oeuvres ces deux années.
Il savait que "Le crépuscule de Rome" était déjà entièrement scénarisé et en pré-production infographique: tout ce qui n'interagirait pas avec les acteurs, leurs ombres ou reflets. Il ne jouerait que dans la dernière partie (l'invasion des Francs lituaniens) avec un an d'allongement capillaire: après tout, ce ne serait "que" du Rolvar (approximativement) lui avait rappelé VTP. Des rôles d'envahisseurs furent proposés à Mika et quelques autres, ce qui intéressa Stéphane: il serait plus amusant de s'entraîner à plusieurs sur des destriers mécaniques, ici, vu que le reste de l'équipe serait en France.
Il parla à Mika du Crépuscule de Rome.
M- déferlerons-nous à cheval pour tout casser?
S- à peu près, mais il faudra user de ruse pour forcer les portes de la ville: nous éblouirons les gardes avec des miroirs en laiton poli, puis nous enverrons un bélier tracté par deux groupes de chevaux attelés de part et d'autre, qui se sépareront du bélier peu avant l'impact. Il y aura des balistes, des trébuchets, des catapultes: toute la machinerie romaine et son équivalent copié par les barbares.
M- est-ce celle qui a déjà servi dans Sartilvar?
S- à peu près.
Mika fut facile à intéresser, pour un rôle annexe qui ne présenterait pas de difficultés, et comme VTP l'avait déjà vu dans quelques productions VTPSF (dont récemment "Drakkars et dragons") l'affaire était pliée. Via VTPSF (sans que Stéphane eût à lui parler directement d'un nouveau rôle), il y eût aussi Viljami Liimatainen, un mécanicien de 22 ans embauché par VTPSF (et non BFRSF: il faisait des travaux pour eux, entre de petits rôles) qui avait eu un rôle annexe (assez facile) dans Drakkars et dragons et qui était un "Attéen", visuellement. Comme lui et Mika, mais à sa façon. Trois machineries équestres furent donc installées pour les y entraîner. Les montures n'avaient pas besoin d'être ressemblantes, mais juste d'en fournir le volume et les parties pouvant être touchées ou cramponnées. Ce rodéo mécanique d'abord simple se compliqua peu à peu, les cavaliers devant rester en selle (heureusement, les Francs avaient déjà de meilleures selles et surtout étriers que les Romains) malgré les sauts d'obstacles, volte-faces, cabrages, ruades, etc. Il y avait des tapis gonflables autour de chacun d'eux, mais dans leur masque virtuel ils voyaient des rochers, des ennemis avec des lances, des escaliers en pierre, des charrettes renversées dans les ruelles romaines, etc. L'exercice se compliquerait ensuite en devant donner des coups d'épée ou de lance dans des cibles humaines désignées par la simulation, tout en évitant de se faire désarçonner. Pour les grandes scènes de batailles où seuls quelques cavaliers seraient vus de "pas trop loin", presque tous seraient virtuels (cheval et cavalier) donc il n'y avait pas eu à en entraîner un grand nombre pour les scènes équestres des tournages antérieurs, par exemple les Huns dans Sartilvar. Dans "le crépuscule de Rome" il y aurait des chevauchées et combats dans des ruelles étroites et encombrées: le premier (du point de vue de la caméra) devrait donc être réel, puis le second une fois le premier passé, etc.
Beaucoup d'entraînement pour ce film avait lieu en France, dans les temps disponibles de tel ou tel acteur entre ses autres tournages, tandis que les supercalculateurs (encore étendus grâce aux recettes des succès précédents) de Tarsini continuaient de bâtir la ville: tout ce qui serait vu à tel ou tel instant du scénario. En fait, Tarsini avait modélisé tout Rome (assez librement pour ce dont il ne restait pas de ruines), y compris les parties que le film ne parcourerait pas (or parcourir toutes les ruelles, même au galop, aurait demandé un film de plusieurs jours): si jamais on modifiait telle ou telle partie du scénario pour passer ailleurs, cela ferait perdre le temps aux ordinateurs de créer ces nouvelles images, mais ne demanderait pas à Tarsini ni à d'autres d'improviser ce qu'il devrait y avoir par là: c'était déjà prévu, grâce à un générateur automatique de quartiers non répétitifs mais ayant un air de famille, jusqu'à détenir une mémoire du contenu des pièces (sans en engendrer les images) jusqu'à la cruche dans un coin ou au couteau sur une table. Puisqu'à présent les logiciels savaient quoi faire (restait à le faire sans que cela fît virtuel à l'écran, ni neuf, ni propre, sauf pour ce qui était censé l'être: là était la consommation de temps de calcul, un travail de Romains pour les centaines de millions de coprocesseurs graphiques du système) Tarsini s'attaquait maintenant à Paris, qu'il allait falloir faire voyager dans le temps, pour un projet ultérieur. C'était plus difficile car la plupart des bâtiments présents en 2000 existaient déjà au début du siècle, ainsi que le tracé des moindres ruelles, à quelques exceptions près: il n'y avait pas eu de seconde révolution haussmannienne. De plus, contrairement à Rome dans l'Antiquité, il existait beaucoup de photos et même de films de parties de Paris antérieures, jusqu'au début du siècle, voire milieu du XIXème, pour la photographie, ainsi que des peintures, dessins ou gravures, encore avant. Tarsini ne pourrait donc pas utiliser un générateur automatique pseudo-aléatoire de quartiers parisiens, sauf pour les petits immeubles anciens anonymes démolis entretemps, dont personne ne se souviendrait en regardant le film: seuls ceux qui iraient faire une recherche documentaire ensuite pourraient s'en rendre compte. S'il avait fallu faire Paris au moyen-âge, c'eût été bien plus facile: seul quelques monuments et constructions bourgeoises avaient traversé les âges peu changés, tout le reste (y compris les plans de rues) pouvant être improvisé.
VTP avait déjà recréé quelques rues parisiennes des années 30 pour "Traction", mais, profitant du rytme d'action et de la vitesse des déplacements (donc des mouvements de caméras) dans ce film, la synthèse utilisée en arrière-plan ne s'imposait pas une fidélité de faux-monnayeur: on pouvait facilement tricher et improviser.
Viljami s'avéra être un bon adversaire aux échecs pour Stéphane (Mika était bien trop fort), d'un jeu de niveau "amateur compétent mais sans plus" conduisant à des parties divertissantes, surtout quand un troisième larron, Roni Rapo, 26 ans, participa aux échecs à trois. Roni était un "Timoen", si on gardait le principe de Nelli, mais coiffé en meule informe "cache-lunettes" et non en plumeau. Il n'avait pas les yeux verts, mais à peu près les traits et le surpoids de Timo. Mika prenait les échecs trop au sérieux pour se lancer dans le jeu à trois, qui incitait à parler, négocier et trahir.
"Les giboyeuses" sortit le 29 octobre puis le 1er novembre 2000. Deux semaines plus tard, ce fut "Troglodia", confirmant l'investissement de Kerfilm dans la science fiction "totale", c'est à dire sans contact avec notre type de civilisation. Les Troglodiens descendaient d'esclaves pris sur Terre dans l'Antiquité par une autre espèce maîtrisant le voyage spatial. "Les giboyeuses" avait lieu sur terre, mais longtemps après la chute de la civilisation industrielle, qui avait probablement engendré soit les machines à viande, soit d'autres systèmes homéostatiques (comme eût dit Philip K Dick) qui avaient fini par comprendre que la chair humaine était un bon engrais pour faire pousser ses arbres à carburant sur des terres aussi pauvres, en plus du fait que la tendance des humains à voler du bois pour le feu était une menace. Troglodia n'était pas aussi cruel ni désespéré: même la météorite crevant la coque de cette planète creuse n'avait pas causé une extinction générale des espèces, malgré l'ampleur des cataclysmes propagés à sa surface. Cela permettait des effets spéciaux étranges, comme la pellicule d'eau et de poussière se formant (par retombée des poussières et ruissemment des bords du trou) dans la pellicule de gravité nulle du trou, à peu près à mi-épaisseur. Avec "les N voyages de Robert Trebor", "Dédalux", "Troglodia", "les giboyeuses" et "Cave canem" cinq types différents de science-fiction étaient présentés. Manquait encore la grosse bataille spatiale avec d'énormes vaisseaux et des canons lasers: VTP savait techniquement le faire (c'était plus facile que de tourner un "0016" qui devait utiliser une grande partie du monde réel contemporain), restait à trouver un scénario qui n'eût pas trop goût de déjà vu, tout en rassasiant les amateurs du genre. Deux étaient à l'étude, l'un technophile (des récupérateurs d'épaves de vaisseaux à moteurs gravitationnels devant faire face à une attaque de nature inconnue), l'autre "militaire-fiction", avec de grandes flottes se canardant sans merci, mais avec une variante: l'arrachement à grande distance de portions de structure passant dans le faisceau d'attraction des moteurs gravitationnels de l'ennemi. Certains, chez VTP, regrettait d'avoir tourné "Mécanotron" trop tôt, ce qui avait cantonné l'affrontement entre militaires et machines à une variante plus futuriste de La Défense et quelques commandos de la nouvelle armée française, alors que cela aurait gagné à être planétaire, avec engagement des diverses puissances militaires "un peu consistantes" de la planète.
L'armée russe s'était récemment réorganisée sur un principe voisin de celui des petits commandos ultra-technologiques français (remplaçant le service militaire puis l'armée de carrière classique depuis l'été 1997), aidée en cela par l'avance technologique à bas prix disponible chez AK et par les possibilités non divulguées du réseau Lioubioutchaï, qui comptait maintenant 3346 satellites actifs, soit 87% du total des satellites terrestres de tout type, lancement rapidement rentabilisés par la vente (des milliards d'exemplaires, déjà) des émetteurs/récepteurs Lioubioutchaï urbi et orbi, dont le coût de production n'était que de l'ordre de 10% du prix net d'exportation, le reste finançant l'extension du réseau. D'où la nécessité de puces blindées à auto-destruction à la moindre tentative d'analyse, de façon à éviter la mise en circulation de contrefaçons (chinoises?) accédant au réseau sans le financer. La seconde sécurité était fournie par les numéros de série, très longs (60 chiffres et lettres mélangées) et non consécutifs, sur un principe proche de celui des numéros de cartes téléphoniques pré-payées: la probabilité de produire un numéro inédit qui fût accepté par la base de données du Lioubioutchaï (celui d'une machine déjà construite mais pas encore vendue) était inférieure à celle de gagner cinq fois de suite au Loto. Il n'existait pas d'algorithme produisant ces nombres: ils étaient produits par les toutes dernières décimales de mesures faites à intervalles irréguliers dans un système électrochimique très dépendant de la température, de la pression et même de la gravité (donc de la météo et des marées). Le système se contentait de vérifier que le nouveau nombre n'avait pas déjà servi (sinon on prendra le prochain tirage à sa place). Puisqu'il n'existait aucune logique (même chez AK) permettant de savoir si un code était valable ou non, mais juste qu'il fût déjà issu du générateur analogique aléatoire, même en changeant tous les atomes de l'univers en ordinateurs pour chercher une solution et vu le temps de réponse avant de savoir s'il était bon ou non (aller-retour en orbite puis de là, de satellite en satellite, à ceux qui "savaient") il était impossible d'essayer à toute vitesse plein de codes au hasard. Beaucoup de systèmes se protégeaient contre les essais répétitifs par un temps d'attente ne permettant pas une cadence d'essais élevée, et un code à "question": celui à envoyer dépendait d'un paramètre (changé à chaque fois) envoyé par le réseau, le plus simple étant l'heure (avec date, année, etc).
Stéphane prit le train inaugural (il avait eu des places via BFR) pour le voyage en Suède sous la Baltique, le mardi 21 novembre 2000, après avoir pu voir l'Iliade en finnois chez VTPSF le 19. Un autre Pendolino (c'était le train rapide italien qui avait eu le marché, car plus apte à rouler relativement vite sur des virages non relevés. Il n'y en avait pas dans le tunnel, mais il y en avait avant et après, dans chaque pays) partait au même instant de la gare suédoise, à l'autre bout. Le train suédois roulait au dessus du train finlandais, dans le tunnel à tubes superposés. Le plus long tunnel ferroviaire sous-marin du monde était enfin en service. "Le prochain, ce sera entre Gilbraltar et le Maroc", avait plaisanté quelqu'un, tout en sachant que ce détroit très profond (car intercontinental) rendait ce projet utopique, à moins d'imaginer un tube flottant sous les eaux entre les deux versants, à la merci de la moindre chute de container sur lui.
"Drakkars et dragons" fut lancé le 10 et le 13 décembre 2000, trois semaines après "L'Iliade" et une semaine avant "Traction", suivi (pour Noël) par "Les 21 ballons". Stéphane n'alla pas le voir en finnois chez VTPSF, préférant attendre de le découvrir d'un seul coup en français chez VTP, puis le redéguster en finnois en rentrant, en 2001.
César et les Vénètes, Cave Canem et Le drakkar fantôme sortiraient en 2001, ce qui expliquait que l'on parlât de 27 films avec Erwann d'Ambert et non de 30, dans les médias s'amusant du rémploi de cet acteur dans autant de films. Le phénomène "Commando 22" avait agi sur environ un tiers de l'effectif des vingtenaires de l'usine, et semblait s'en tenir là. D'autres y avaient joué sans changer, soit parce qu'ils étaient tués vite donc avaient porté tout le temps leur casque, doit parce qu'ils faisaient partie des civils se terrant dans les ruines (beaucoup de bavues) ou des francs-tireurs et pillards. La série Lobosibirsk continuait, avec un succès international remarquable, les scénaristes arrivant encore à ne pas tourner en rond malgré 122 épisodes. Son rythme de tournage s'était ralenti au profit de "Commando 22".
Ni VTP ni VTPSF ne produisaient assez de séries, téléfilms et films pour constituer une menace sérieuse pour Hollywood: ça écornait quelques parts de marché à l'exportation, d'où une petite perte de recettes, mais là n'était pas l'important, pour les gens travaillant dans ce secteurs aux Etats-Unis: le modèle VTP commençait à être copié (en partie) par divers producteurs américains, pour tourner mieux avec quatre fois (voire onze fois moins, chez VTP) moins de personnel autour d'une scène, et les contrats de jeunes acteurs "en participation" se multipliaient, pour éviter d'avoir à payer des cachets avant que le tournage ne fût rentabilisé à l'exploitation. La fin justifiant les moyens, ce fut à de l'informatique russe (rapport puissance/prix imbattable, jusqu'à présent) que furent confiés les trucages numériques, ce qui acheva d'anéantir le cours de bourse des constructeurs américains et de provoquer des vagues de licenciements dans la Silicom Valley. L'argumentation d'Hollywood auprès du gouvernement (ultra-protectionniste, comme toujours) avait été simple: "rien ne pourra sauver notre industrie informatique, puisqu'elle n'arrive plus à exporter face aux Russes: en plus, eux, ils donnent gratuitement tous les logiciels pour leurs ordinateurs, via le Lioubioutchaï, donc même si nous arrivions à faire des ordinateurs moins chers nous ne réussirions pas à les vendre. Par contre nous pouvons au moins sauver notre industrie cinématographique, car Kerfilm n'est qu'un tout petit échantillon insignifiant de ce qui arrivera quand les Indiens se mettront à en faire autant, avec les ordinateurs russes eux aussi. L'Inde à d'immenses studios de tournage, beaucoup d'expérience, beaucoup d'informaticiens et des coûts bien plus bas que l'Europe, donc s'ils se mettent à faire des films à l'occidentale, en copiant Kerfilm, nous serons rayés de la carte. A moins d'avoir nous aussi divisé nos coûts par vingt". Ce fut donc la mort dans l'âme que le gouvernement américain autorisa l'importation de supercalculateurs grahiques russes à Hollywood. Le taux de chômage, déjà très élevé depuis le lancement des AK et surtout du Lioubioutchaï tarissant les débouchés des éditeurs de logiciels, grimpa à 62%, dans la Silicon Valley: tout le monde n'y vivait pas de l'informatique ni de l'électronique, mais presque tous les autres vivaient des dépenses de ceux qui en vivaient. Des studios hollywoodiens furent pris d'assaut, dénoncés comme chevaux de Troie soviétiques ("soviétiques" et non "russes"). Aucun constructeur automobile européen ni ni japonais ni coréen ne s'étant intéressé à la General Motors, ce furent les Chinois qui la rachetèrent, tout en sachant que de ce seul fait cette entreprise perdrait tout accès aux contrats militaires américains (sauf ceux en cours et proche de leur fin) au profit de Ford, mais les économies énormes possibles grâce aux méthodes chinoises et à la délocalisation là-bas de tâches les plus gloutonnes en main-d'oeuvre allaient largement compenser cela. L'ampleur de la créance chinoise sur les Etats-Unis ne s'en trouvait que très légèrement diminuée: pour quelques mois seulement. Les "fonds de pension" avaient vendu la GM aux Chinois avant qu'elle ne vaille encore moins: réaction logique, la finance passant avant le patriotisme. Ceci provoqua la chute des actions du groupe Ford, malgré la perspective de récupérer les prochains contrats de l'armée américaine: le risque de voir baisser fortement le coût des voitures des marques de GM grâce aux Chinois prévalait: les Américains n'avaient déjà eu aucun scrupule à acheter massivement japonais, dès les années 70, alors des voitures américaines (d'aspect, de nom, et de lieu de production finale) sous contrôle chinois allaient encore moins les faire hésiter: seul le prix compterait. L'argument des investisseurs chinois était que les modèles co-produits aux Etats-Unis seraient enfin exportables, alors que cela s'avérait fort difficile jusqu'alors, d'où la création depuis très longtemps filiales produisant des modèles différents (de ceux du marché américain) dans le reste du monde. Ces filiales aussi passaient sous contrôle chinois (par exemple Opel), lors de ce rachat. Ceci fit baisser les actions des constructeurs européens, japonais et coréens.
Rentré en France (cet année, il y passait des vacances de Noël) Erwann vit "Drakkars et dragons" le 23 décembre sur l'immense écran stéréoscopique de VTP22. Il ne connaissait que ce qu'il avait joué (comme d'habitude) et pas dans l'ordre (comme d'habitude aussi) aussi fut-il agréablement surpris: il y avait encore plus de belles choses dans ce film qu'il ne s'y attendait. En particulier, les ponts de glaces sur lesquels il se battait pour traverser le fjord (scène en rappelant certaines de "La mémoire des glaces", sauf que cette fois son adversaire n'était pas une mante religieuse géante) apparaissaient suite à la vidange grandiose de la mer dans ce fjord (lors des essais virtuels auxquels il avait assisté au début de l'année, il n'y avait pas la glace par dessus) avec l'effrondrement d'une grande partie de la portion gelée, laissant d'immenses arches translucides survoler le gouffre ainsi formé, ce qui accentuait le contraste de profondeur. Les morceaux continuaient de tomber, ça et là, dont parfois des arches de ce maillage résiduel fin et fragile.
Le film était mené à bon rythme, comme l'eût été une adaptation des "trois Mousquetaires" ou un "remake" de certains films de Jackie Chan: il y avait un côté "de cape et d'épée" dans les combats, malgré la lourdeur des épées (carolingiennes et non vikings, d'où des mouvements à la Highlander), les escalades et les sauts de drakkars en mouvements, ou d'un traineau à chiens à un autre, etc. Il y avait une charge de cavalerie sur la glace d'un fjord (non vidé, lui) pour prendre d'assaut une flotte concurrente prise par les glaces. Certains cavaliers tombaient à travers, avec leur monture (mécanique, mais ça ne se voyait pas), d'autres réussissaient à s'emparer des navires, sans calquer la scène d'assaut du Mont St Michel puisque cette fois ils n'étaient pas échoués. Erwann n'avait pas non plus vu, dans la scène du Mont St Michel, les fuyards engoutis par les sables mouvants (prévisible) ni la marée revenant à la vitesse d'un cheval au galop.
Trois heures d'aventures constament renouvellées, laissant toutefois l'occasion de s'intéresser à une douzaine de personnages (au moins), dont cinq principaux, prises de vues dominées (comme d'habitude dans un "Kerfilm" tarsinien) par l'ampleur étourdissante des paysages, effets atmosphériques (il avait été possible d'en faire encore plus que dans "Les relfets du temps"), mouvements de caméras (réelles ou virtuelles), le renouvellement des contextes (il y avait aussi les poursuites en forêt, un peu de spéléologie subglaciaire, et surtout, comme bouquet final de la première partie, l'Islande), les grandes actions supposant des centaines de navires et milliers de figurants, dont seule une minorité était réelle. Ce n'était pas tout à fait de la "HF", par rapport à Sartivlar, mais ça tendait à le devenir vers la fin, après avoir commencé de façon "pseudo-historique". "Le drakkar fantôme" serait bien plus onirique, tout en étant la suite logique (mais inattendue) du précédent.
Il ne lut et n'écouta (enregistrées pour lui par Atte, en France) les critiques qu'après avoir vu le film trois fois (les deux suivantes en finnois, la dernière le matin du 24), tant il y avait à y voir, comme dans un bon "Tarsini". Celui-ci avait réussi à y bâtir une immense forteresse de pierre de lave, supposée être en Islande, laissée là par une civilisation plus ancienne, inconnue, et qui était détruite par un séïsme, pendant que les Vikings y étaient, sans faire disparaître toute l'Islande: ce n'était pas un "remake" de l'Atlantide. En Norvège, il s'était contenté de palissades impressionnantes faites de troncs d'arbres entiers assemblés debouts les uns contre les autres, rappelant celle de l'île de King Kong, destinée (grâce à un système de noria pour y faire ruisseller de l'eau) à arrêter les dragons, fortification ponctuée de quelques tours de guêt servant en même temps de château d'eau pour empêcher les dragons d'incendier les troncs. Harald demandait à quoi ça servait, puisque les dragons volaient. Un ancètre de ce clan fortifié lui répondait:
- les plus gros ne volent pas: il ne faut pas croire toutes les légendes. Leur ailes leur servent de nageoires. Ceux qui volent ne dépassent pas la taille d'un sanglier et ils ne volent ni haut ni longtemps, sauf quand ils peuvent profiter de la colonne d'air chaud d'un incendie pour s'élever.
Ceci expliquait d'avance au spectateur les performances bien plus redoutables des dragons islandais.
Les commentaires étaient divers, certains insistant sur les invraissemblances historiques "au profit d'un gros divertissement à la Kerfilm qui ravira les amateurs du genre", la plupart estimant que ceux qui avaient aimé "Les miroirs du temps" et "Sartilvar" ne seraient pas déçus. Sur lui: "l'inévitable Erwann d'Ambert y est comme un hareng dans l'eau", ou "même si vous aussi vous trouvez qu'il a trop de films avec Erwann d'Ambert, allez au moins voir celui-là". Ailleurs: "un film qui va encore creuser le déficit budgétaire des fans d'Erwann d'Ambert, d'autant qu'il mérite d'être revu tant il y a de choses à y voir". Ou encore "Erwann d'Ambert en Viking, c'était tellement évident que ça aurait pu manquer d'imagination, mais le scénario emporte tout ce monde dans une série d'évènements qui ne laissent guère le temps de se poser la question".
Erwann fut invité pour Noël (qu'il passait en France, cette fois) dans Cinexplix (en direct tard le soir) deux semaines après la sortie de "Drakkars et dragons" qui rencontrait le succès (énorme) espéré par VTP, ceci malgré les (ou grâce aux?) nombreuses grosses productions maison lancées en cette fin d'année, en particulier "Traction" qui faisait aussi un démarrage en trombe. Chez "Cinexplix", quand on lui demanda si 27 films en moins de trente moins ce n'était pas trop, il rectifia:
E- trente, en fait. Trois n'ont pas encore fini d'être retravaillés par les ordinateurs et sortiront en 2001. Même chez les autres producteurs de films, si vous regardez bien, les acteurs passent peu de temps par jour devant la caméra. Ca leur laisserait le temps de tourner dans plusieurs films simultanément, si ces tournages avaient tous lieu au même endroit.
- comment faites-vous pour ne pas tout mélanger?
E- comme les enfants devaient faire autrefois quand ils avaient des maths, du français, de l'allemand, de la géographie et du dessin le même jour. Ce gloubiboulga scolaire était un mauvais système, mais malgré cela, beaucoup arrivaient à apprendre de quoi passer le Bac.
- que pensez vous des grands succès obtenus par Robur le Conquérant, L'Odyssée, l'Iliade ou Traction?
E- j'ai pris autant de plaisir à les découvir que n'importe quel spectateur, car je n'en avais pas vu la moindre scène avant le début de la projection.
- c'est vrai que pour les acteurs, le scénario perd de son suspens.
E- même si Kerfilm ne nous dévoile que les scènes où nous jouons, j'aimerais pouvoir effacer temporairement cette mémoire juste avant de voir le film en entier. C'est pour cela que dans un film policier à énigme, je préférerais jouer le mort: il n'a pas à connaître la fin.
- toutefois dans beaucoup de vos films, vous jouez sans voir le décor ni même certains de vos adversaires puisqu'ils seront ajoutés en post-production.
E- au moment de la prise réelle, non, mais je les ai vus avant, à l'entraînement en réalité virtuelle. C'est nécessaire pour apprendre à réagir de façon précise et naturelle à ce qui ne sera plus visible au moment du vrai tournage.
- Harald est-il votre rôle préféré?
E- pour le moment, oui.
- y aura-t-il une suite? "Les miroirs du temps" et "Sartilvar" en ont eu une, qui en fait avait été tournée au même moment pour que l'on ne s'en doute pas.
Stéphane corrigea mentalement "que l'on ne s'en doutât pas", mais sans le mentionner.
E- "0016: embryons suédois" n'a pas été tourné en même temps que le premier. Heureusement, sinon Kerfilm n'aurait pas pu l'ancrer sur ce scénario. Le tournage simultané pour sortie différée convient à des films qui ne dépendent pas de l'actualité, qui doivent utiliser beaucoup de moyens en commun et à peu près les mêmes acteurs coiffés pareil, ce qui ne serait peut-être plus le cas l'année suivante. Quand ces paramètres comptent peu, les tournages peuvent être distants.
- êtes vous payé aussi pour les scènes où vous êtes remplacé par du virtuel?
E- ça compte, en raison du "droit à l'image", mais c'est moins payé qu'une scène tournée en vrai. Le barème est précis, selon la difficulté de ce qu'il y a à faire donc de l'entraînement nécessaire avant tournage, et surtout, c'est le même pour tout le monde: il n'existe pas de cachets de stars, chez nous. La seule façon de gagner plus est d'avoir beaucoup de scènes difficiles dans des films qui font beaucoup d'entrées.
- qu'est-ce qui vous fait accepter d'être si peu payé, par rapport aux usages dans le cinéma pour des acteurs ayant totalisé autant d'entrées?
E- à l'heure, ça rapporte plus qu'ingénieur de production dans une grande usine. Il faut comparer ce qui est comparable: les usages dont vous parlez sont en voie de disparition, en France, et même à Hollywood, c'est devenu plus raisonnable, ces derniers temps.
- plus raisonnable, mais j'en connais qui gagnent cinquante fois plus que vous en jouant dans des films qui font dix fois moins d'entrées dans le monde.
E- c'est leur problème: ce n'est pas le mien. L'avantage du tournage en participation, c'est que toute la carrière commerciale du film continue à nous rapporter.
- vous passez plus de jours par an à travailler comme ingénieur que comme acteur: cela vous rassure-t-il?
E- oui: ingénieur, c'est un vrai métier. Acteur, c'est un hobby rémunéré, pourrait-on dire. Dès qu'ils auront trouvé quelqu'un convenant mieux que moi aux rôles qu'ils comptaient me confier, et qui ne soit pas déjà occupé à autre chose, ils ne m'utiliseront plus. L'autre certitude, c'est que le pourcentage de scènes où les acteurs virtuels -ou les robots- peuvent être aussi crédibles que les réels va continuer d'augmenter.
- vous avez joué dans une publicité pour du faux saumon fumé. En tant qu'ingénieur alimentaire et que consommateur, que pensez-vous des OGM?
E- je ne mange que ceux dont le connais bien les principes de développement. Je me méfie de ceux des Américains: il faudrait aller voir en détail dans leurs laboratoires ce dont il s'agit réellement, avant d'y goûter.
- vous pouvez donc comprendre que ceux qui n'ont pas vos connaissances de ces produits s'en méfient.
E- oui. Je sais que les nôtres sont inoffensifs, mais je comprends que ceux qui ne savent pas comment c'est fait puissent en douter. Ce qui est prouvé, c'est que la consommation de sucre classique fait beaucoup de morts chaque année, idem pour le beurre ordinaire, le jambon fumé et tant d'autres mets traditionnels: si l'on parle de risques alimentaires, il ne faut pas oublier ceux-là qui ne sont pas des doutes, mais des faits constatés.
- avez-vous déjà mangé du kouign-amann sans beurre ni sucre?
E- oui: j'ai dégusté une part d'un prototype. Je mange trop rarement du vrai pour me prétendre expert, mais je l'ai trouvé inutilement gras et sucré, donc il pourrait plaire aux habitués.
- en tant que Breton, ne trouvez-vous pas choquant de contrefaire ainsi des recettes traditionnelles?
E- non, si c'est bien fait. Beaucoup de gens n'osaient plus manger de kouign-amann, surtout les femmes, alors que le nôtre ne devrait pas les inquiéter pour leur ligne ni leurs artères. Les recettes traditionnelles sont ce qu'elles sont parce qu'elles étaient faites avec les moyens disponibles à cet endroit à leur époque. Si nos ancètres en avaient connu de plus modernes et plus sains, soyez sûrs qu'ils les auraient utilisés. Sinon autant revenir au vin acide cuit dans des vases en plomb comme le faisaient les Romains, et remplacer le pastis par l'absynthe. Absynthe, amiante, tabac, excision: il y a des traditions à ne pas conserver.
- vivez-vous en Finlande parce que l'on vous y remarque moins?
Question déjà posée dans une autre interview.
E- ce n'est pas la raison, mais je me fonds mieux dans une foule là-bas qu'ici, effectivement.
- préférez-vous la SF ou la HF?
E- ça dépend des films. Comme spectateur, j'aime un peu plus la SF, en général, mais la HF est plus intéressante à jouer: j'adore décapiter à l'épée à deux mains. Au désingrateur, on ne ressent pas l'impact dans la poignée: c'est frustrant.
- avant que VTP n'en tourne, quels étaient vos films préférés?
E- il est difficile de choisir: j'aime New York 1997, Los Angeles 2013, l'Aile ou la Cuisse, Le Magnifique, Willow, l'Age de Cristal, Ne nous fâchons pas, Mad Max II, Peur sur la ville, le Corniaud, la planète interdite, Midnight Expess, l'homme qui rétrécit, King Kong première version, Ben Hur, "Affreux, sales et méchants", Retour vers le futur, Christine, Voyage au centre de la terre, l'Ile mystérieuse, Taxi, les Visiteurs, et j'en oublie beaucoup d'autres. Disons que je ne suis pas un intellectuel, même si j'ai aussi vu plusieurs Bergman en VO.
Il ne précisa pas que c'était en grande partie pour faire des progès en suédois.
- les Vikings?
E- je le croyais, mais en le revoyant je me suis rendu compte qu'il y avait trop de temps morts. Dans Ben Hur aussi, il y en a, mais ça passe mieux. Je ne suis pas contre les films lents, dans certains cas, mais un film d'action ne devrait pas avoir trop de plages de "théâtre parlé".
- mais ne pensez-vous pas que dans certains cas trop d'action tue l'action?
E- si c'est répétitif, oui: certains films de kung-fu, par exemple. Si on ne fait pas trop la même chose et si on répartit l'attention sur plusieurs personnages dont l'histoire mérite d'être suivie, on peut mettre une belle densité d'action sans saturer l'attention du spectateur. Du moins: nous l'espérons.
- est-il exact que vous avez enregistré, "rotoscopé", comme on dit chez vous, les mouvements du personnage Rahan, dont vous faites aussi la voix dans les quatre dessins animés qui sont sortis?
E- oui.
- auriez-vous aimé le jouer en vrai?
E- uniquement si je lui ressemblais, sinon ça décevrait les fans de la BD. Or je ne lui ressemble pas. [il montra l'image de Rahan, tirée du film de synthèse, que l'émission venait d'afficher sur l'écran mural du fond du studio] De plus nous aurions beaucoup de mal à trouver des acteurs ressemblant aux autres personnages: ça devait donc rester virtuel. D'après ce que les amateurs en disent, le procédé graphique utilisé rend bien l'ambiance et le dynamisme de l'oeuvre d'origine.
- dans combien de films vous reverra-t-on en 2001?
E- trois ont déjà été tournés cet année, et je ne dois rien dire pour le reste, d'autant que certains projets ne sont que des hypothèses de travail. Cela dépendra des scores qu'auront fait les différents types de films sortis cette année après quelques mois d'exploitation. Si "Les miroirs du temps" n'avait pas marché, il n'y aurait pas eu Sartivar ni "Les maîtres du fer": le deuxième essai aurait probablement été l'Atlantide.
- quel est votre plus mauvais film, indépendamment des résultats d'exploitation? Ou le moins bon: celui que vous n'auriez pas tourné si vous n'aviez pas eu le temps en plus des autres.
E- je ne citerai aucun film tant qu'ils seront exploités en salles. Une fois passés à la télévision, je considèrerai qu'il y aura prescription, alors je pourrai répondre à votre question.
- "Les miroirs du temps" va passer à la télévision.
E- donc ce n'est pas lui: au contraire, c'est mon second préféré, après "Drakkars et dragons". Tout change presque comme dans un rêve, dans ce film. Tarsini en avait l'idée depuis qu'il était enfant, et peu à peu il l'a étoffé, dans son esprit, en y rajoutant des évènements et des personnages: au début, il n'y avait que la machinerie. Il ne pensait pas qu'il pourrait un jour en faire un vrai film. Le suivant apporte quelque chose de plus, mais c'est le premier qui crée toute l'histoire.
- il n'y a jamais de romance, dans vos rôles. Pas même un baiser.
E- ces films ne sont pas fait pour ça: dans bien trop de films américains ou français, ça tombe de nulle part comme un préservatif dans la soupe: on voit tout de suite que c'est juste un moyen de faire tourner l'horloge pour pas cher, et on s'ennuie, en attendant que le vrai scénario reprenne. Je ne dis pas que ce soit toujours inutile: dans les films d'horreur, en particulier, ça permet de faire tuer deux personnages trop occupés pour s'être rendus compte que le danger approchait. Par exemple dans Digestion, si vous vous souvenez de la scène dans la Fuego...
Ce film était plus du gore qu'un vrai film d'horreur. Erwann y était très souvent exposé à des salissures diverses, des paquets de varech aux crottes de mouettes et bien sûr les entrailles, la bave ou autres humeurs provenait des bestioles à combattre, parfois du sang, de la chair grasse et des tripes humaines quand il était à proximité d'une victime: en particuler pour les attaques par des bêtes à pinces. Ca lui rappelait les bombardements pâtissiers de "devine qui vient dîner ce soir", avec une matière bien moins appétissante à l'écran, mais en fait de même nature: gelée diversement colorée, opaque ou translucide par endroits, films plastiques déchirés ou tubulaires remplis de cette matière, colorée diversement selon que cela dût simuler des tripes ou des filaments tentaculaires de méduses géantes.
- les miroirs du temps, votre premier film, passe à la télévision le soir du 31 décembre. N'est-ce pas un peu bizarre, un soir où les gens font autre chose?
E- beaucoup de gens passent cette soirée tranquillement devant la télévision avec leur chat. Il faut penser à eux.
- on ne vous voit jamais dans les fêtes ni les soirées.
E- je n'en vois pas l'intérêt. On peut perdre définitivement plusieurs décibels d'audition en restant plus d'un quart d'heure dans de tels endroits. Je ne suis attiré ni par le bruit, ni par la foule.
Comme les (rares) autres fois où il avait eu à se rendre dans des studios de télévision qui n'étaient pas ceux de VTP, il était arrivé et reparti incognito parmi des techniciens envoyés par VTP pour la prise de vue stéréoscopique ("pour archives"). Même combinaison de travail et bob aux armes de VTP, bien enfoncé et dont dépassaient des mèches d'un brun-roux banal un peu froissées, air "le nez dans le boulot", portant de grosses caisses avec les autres: personne ne l'avait repéré. Une autre fois, des fans avaient pensé qu'ils était dans une des caisses, sans supposer qu'il faisait partie de ceux qui les portaient: les Småprat avaient déjà été transportées ainsi à l'insu de la foule. Il était moins connu qu'elles (ses films n'étant pas encore passés à la télévision), mais tout aussi voyant, en France, donc VTP et lui-même préféraient ne pas l'exposer.
"Les miroirs du temps" allait passer à la télévision pour la première fois le soir du 31 décembre, où il n'y avait généralement que du vide et du creux, genre "bêtisier" et autres "best of", alors que beaucoup de gens souhaitaient un bon film ce soir-là. Il n'y aurait donc pas de concurrence sur les autres chaînes. VTP espérait qu'après avoir permis à tous ceux qui le souhaitaient de voir enfin gratuitement un de ses grands films chez soi, cela inciterait à aller voir les autres au cinéma (ou même revoir celui-ci): tant que l'on n'y avait pas goûté, on pouvait penser que c'était du "gros qui tache", genre "film américain sans s'en donner les moyens". L'avantage de ce film, pour la télévision, était que l'image était généralement claire, donc dans les zones de mauvaise réception la synchronisation ne décrocherait pas (pas de sauts d'images) et que la neige parasite s'y verrait moins, celle-ci étant toujours claire, et non noire. Il y avait aussi quelques scènes de nuit ou par temps sombre (en particulier avant orage), mais elles étaient minoritaires. Tarsini ayant une prédilection pour les plans d'ensemble, et VTP ne pratiquant les gros plans de plus d'une seconde que dans ses sitcoms, préférant ici filmer les personnages en entier (et sans les coincer contre le haut de l'image), ceux-ci allaient être minuscules, sur le petit écran amputé du haut et du bas par les bandes noires. En fait c'était la version "télévision" qui serait diffusée: 4h20, de 20h50 à 1h20, avec une coupure pub de 10mn à mi-chemin. Il y avait quelques plans "de moins loin" insérés, et des scènes supplémentaires, profitant de ce que chez eux les gens avaient plus de temps qu'en salle, surtout avec la pause-pipi offerte par la pub. Des scènes d'action supplémentaires, pouvant indirectement constituer des gags surtout quand on reverrait le film une seconde fois (par exemple enregistré).
Certains hebdomadaires de télévision signalaient que la version cinéma ne durait que trois heures, la plupart mentionnaient des effets spéciaux de paysages et de météo étonnants, quelques-uns qu'Erwann d'Ambert avait tourné dans trente films, à ce jour (or à l'époque des "miroirs du temps" il était moins connu que plusieurs autres des acteurs qui y jouaient), la plupart mettaient une bonne note voire le maxi à ce film, dans la marge. Par exemple "beaucoup d'imagination et d'originalité dans ce film plein d'action que pourtant on arrive bien à suivre". Problème des cassettes de quatre heures, et perte de qualité en cas de sélection de la demi-vitesse (double durée) juste pour la demie-heure manquante? VTP avait estimé que des gens faisant un réveillon regarderaient le début (parce que souvent ils se mettraient à table tard, ce soir-là) puis lancerait l'enregistrement de tout le reste, donc que ça ne poserait pas de problème de K7. Ceux qui voulaient enregistrer pour garder pourraient utiliser la demi-vitesse pendant la première heure, de façon à avoir 3h30 disponible de meilleure qualité pour les 3h30 restantes (pubs incluses). Il existait aussi des K7 de plus de quatre heures (à vitesse normale) et il était possible d'utiliser deux "150mn" (voire 180): une pour chaque moitié, avant et après pub. Ou une 120 et une 180, en changeant au bon moment: ça ne ferait perdre que quelques secondes.
Drakkars et dragons était le premier film tourné en finnois à faire plusieurs millions d'entrées dans le monde dès sa première semaine d'exploitation. Pour l'exportation aux Etats-Unis il était présenté comme "film finlandais", bien que franco-finlandais: le scénario, l'essentiel des moyens techniques, le financement et la post-production venaient de VTP, le tournage proprement dit et la plupart des acteurs étant finlandais, avec le finnois comme langue de tournage: la "VO" était finnoise. VTP estimait que si on pensait "film français" on allait penser "les Charlots font la Norvège" ou quelque chose de ce genre: une grosse farce franchouïarde pseudo-viking. Un film "finlandais" était supposé plus sérieux. La production restant signée "Kinokylä & Kerfilm" on pouvait toutefois s'attendre à ce que le scénario fît une belle part aux scènes d'action: ce ne serait pas un film "nordique" au sens rébarbatif (pour une part du public) du terme.
Le Saumonix, lui, n'avait pas eu autant de succès que BFR l'espérait: ça se vendait bien, mais sans prendre les 95% de parts de marché espérés, face à du "vrai" saumon fumé plus cher et moins satisfaisant en bouche, à de rares exceptions près, d'après les divers tests organisés par des panels indépendants. Le Saumonix n'avait pris que 48% du marché du saumon fumé en Europe. En soit, c'était un succès massif pour un nouveau produit, mais ça montrait aussi qu'un consommateur sur deux préférait manger du vrai saumon fumé moins bon et plus cher, à part la petite pincée préférant payer encore bien plus cher pour avoir celui classé devant le "Saumonix" dans deux des trois comparatifs, et qui n'était pas disponible en quantités industrielles, puisque préparé et proposé seulement par un artisan traiteur parisien. De plus, il y avait cinq nuances gustatives et texturales de Saumonix proposées, plus les deux nouvelles variétés à taux de matière grasse réduite sans "dégraissage du goût". Le plus gros succès était le Kanardix, effaçant du marché les produits concurrents, surgelés inclus. Le "Fouagras", déjà proposé depuis 1999, était acheté toute l'année, en diverses occasions, mais beaucoup de gens n'osaient pas encore servir à leurs invités, lors des fêtes, cet ersatz bien noté par les dégustateurs mais trop bon marché.
La France finissait l'année avec 45,8 millions d'habitants, le nombre de suicides restant plus élevé que ne l'avait supposé l'ELR, ainsi que l'émigration: il pouvait s'agir de ceux qui espérait que l'ELR ne gagnerait pas la présidentielles. Il y avait toujours une émigration "par le haut": pour raison fiscales, la France restant un des pays européens les plus attractifs sur ce point, avec la Belgique, la Hollande (qui s'étaient alignées) et juste derrière l'Angleterre dont le taux de "flat tax" était encore moindre, en échange d'une franchise moins importante: jusque vers deux smics on avait intérêt à rester imposé en France. La suppression des grèves dans le service public (en fait, elles n'étaient pas totalement interdites, du moment qu'elles n'entravaient pas le service dû aux citoyens), la baisse des coûts de transport qui s'en était suivie et l'amélioration spectaculaire du système de télécommunication (permise à bas prix grâce aux travaux forcés permettant de rentabiliser la prison, et parfois la remplacer: il y avait aussi des travaux forcés en externat, pour les condamnés jugés non dangereux) rendait notre pays attractif pour les nouveaux entrepreneurs des pays voisins. Cette immigration de créateurs d'emplois et de produit national net (et non de parasites sociaux) expliquait le chiffre de la population, alors qu'il y avait eu 2,3 millions de décès (le suicide gardant beaucoup d'adeptes) et 224 550 départs à l'étranger contre seulement 87 500 naissances. Ce taux très bas s'expliquait, selon certains, par l'attente de disponibilité des embryons suédois: les gens projetant d'avoir un enfant par ce moyen n'avaient pu le faire qu'à partir d'avril, donc ces naissances ne commenceraient qu'en 2001. Cette officiallisation de l'eugénisme (disaient certains) pouvait désamorcer le racisme, car désormais n'importe quel homme avec n'importe quel femme pouvait avoir des enfants suédois triés sur le volet (ils ne seraient pas pas que suédois: ils seraient aussi exempt de bogues qu'il avait été techniquement possible de s'en assurer): la descendante était totalement libérée de l'hérédité. L'ELR supposait qu'il y aurait environ 330 000 naissances en 2001, d'une part en raison de l'attente suédoise, d'autre part en raison de projets de maternité différés dans l'attente de savoir si l'ELR gagnerait ou non les présidentielles. Cette victoire avait conduit certaines à se dire qu'il fallait partir enfanter ailleurs (si leur but était une famille nombreuse) et d'autres que ça ne changerait plus rien d'attendre plus.
Le taux de suicide élevé pouvait provenir de la mauvaise conjoncture internationale, car les autres raisons de se suicider avaient généralement déjà servi, même si de nouvelles personnes âgées se retrouvaient chaque année en état de dépendance ou de nouveaux jeunes comprenaient qu'ils n'auraient jamais, absolument jamais, le physique ou le talent qu'il leur fallait, ou avaient définitivement raté tous leurs concours d'entrées aux grandes écoles. Bifidus était réputé avoir donné plus de complexes aux garçons que Småprat n'en avaient donné aux filles, car ils n'étaient pas tous exotiques, alors que pour le svenskband, les jeunes Françaises pouvaient penser "ça ne compte pas: ce sont des Suédoises". Erwann avait entendu à la radio une analyse du même genre, qui le mentionnait:
"non: Zhao Zan n'existe pas vraiment, dans l'esprit d'un jeune Français. Ce n'est qu'un personnage de film: on ne s'y compare pas. Idem pour Erwann d'Ambert et tous ceux qui n'ont pas l'air de venir d'ici. Ce sont des garçons comme Romain Gouillouzouïc qui peuvent leur donner des complexes, car il fait bien de chez nous, lui, mais en mieux fait de partout: ça, c'est très dur car la comparaison reste possible".
En 2000, il y avait eu 3 487 255 suicides en France (recensés comme tels. D'autres pouvaient avoir été classés comme accidents) dont plus de la moitié étaient des étrangers (la plupart étant européens), venu se faire "éteindre en douceur" dans ce pays où l'on pouvait l'obtenir sans avoir à justifier pourquoi. "La loi française sur le suicide a déjà causé plus de morts en Europe que la guerre de 14", protestaient les adversaires du libre-accès au suicide pour tous, dans plusieurs pays, "et si l'on ajoute la Hollande, cette année ça fait plus de quatre millions: on ne tardera pas à avoir l'équivalent des décès des deux guerres mondiales, comme trou dans la pyramide des âges européenne". C'était oublier qu'il y avait plus de suicides de gens de plus de cinquante ans que de moins de vingt-cinq ans, d'où un allègement important du haut de la pyramide: simplement, on en parlait moins. L'ELR disait (en 1997) que l'Europe de l'Ouest devrait diviser sa population par dix pour vivre en équilibre avec son environnement, la France n'ayant besoin que d'une division par six pour y parvenir, tandis que certains pays nordiques y étaient déjà. Dix millions d'habitants en France correspondraient à peu près à la densité de population suédoise, estimée "environnementalement viable". Parmi les critiques de l'accès trop facile au suicide en France, ceux qui disaient qu'en dehors des malades -ce qui correspondait à de l'euthanasie et se comprenait assez bien- ce n'étaient pas forcément les individus les plus nuls qui souhaitaient mourir, mais ceux qui en étaient les plus conscients, les plus lucides, alors que les crétins fiers de l'être restaient en vie. Le nombre très élevé de suicides d'enfants, par rapport à ce qu'il était antérieurement, dissuadait nombre de parents d'en faire: "si on ne peut pas les rendre heureux, on les perdra". Là aussi on pouvait supposer que c'étaient les enfants les plus sensibles qui se suicidaient le plus facilement, à conditions extérieures égale, alors que les petits caïds en poussaient d'autres au suicide sans y songer eux-mêmes. La modification du système scolaire le rendait maintenant extrêmement sévère pour les persécuteurs: une réduction de puissance musculaire pouvait être ordonnée, consistant à injecter des produits détruisant une partie de la masse musculaire, surtout au niveau des bras (qui redevenaient bien plus fins, de ce fait), pour leur ôter "un avantage génétique déloyal utilisé comme moyen de nuire". Ceux qui ne s'en servaient pas comme moyen de nuire n'étaient pas concernés. Des morphosociologues avaient proposé d'aller plus loin en procédant à une avortonisation: opérer pour rendre le menton étroit et fuyant, rétrécir la cage thoracique (port d'un corset métallique pendant deux ans qui ne permettrait que la respiration ventrale), tailler de grandes orbites écarquillées d'imbécile (le "savant" avait fait des gestes des deux bras pour illustrer) et opérer la cornée pour induire une forte myopie, "car l'avorton binoclard au torse étroit et au menton fuyant ne persécute jamais ses camarades". On jugea toutefois plus sobre et plus simple, à l'ELR, de guillotiner les cas dont la gravité aurait pu justifier cette chirurgie. La peine de mort était systématiquement requise contre les enfants ayant torturé des animaux évolués "car une telle cruauté à cet âge ne pourra qu'empirer", et une peine de travaux forcés (quelques mois à faire nu, quatorze heures par jour, des tâches de nettoyages et de tri de déchets, avec un contacteur à chocs électriques pour ceux qui manqueraient de zèle) pour la torture de "petites bestioles".
Ce fut le 31 décembre à 23h59 qu'une bombe éventra le troisième élément de la rame à grande vitesse circulant de Suède en Finlande, à 39 km des côtes suédoises, coupant la rame, ainsi que le courant, les deux premiers éléments ne continuant guère, la rupture ayant déclenché automatiquement le freinage pneumatique. Les Finlandais accusèrent aussitôt les mesures de fouille suédoises, qu'ils trouvaient moins sévères que les leurs. Quinze morts, cinquante-quatre blessés (dont beaucoup aux tympans, par l'onde de choc dans cet espace confiné), mais le tunnel lui-même n'avait pas été fissuré, la charge n'étant pas assez puissante pour cela, ce qui laissait supposer qu'elle avait été introduite comme bagage à main et abandonnée sous un siège, d'après les artificiers, d'où la rupture du châssis du wagon au lieu de juste en souffler les tôles et vitres.

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