vendredi 10 avril 2009

chapitre N-2

Parmi les grandes économies faites par la Sécurité Sociale, il y avait le grand nombre de gens se suicidant en apprenant qu'ils avaient un cancer, ou un peu après, plutôt que de se lancer dans la "non-vie d'esclave de la médecine" qui accompagnait souvent cette maladie. Certains acceptaient de faire "juste une opération et basta": malgré le gain d'efficacité (et la réduction spectaculaire des "dommages colatéraux") permis par la radiochimiothérapie (médicament très puissant mais n'agissant qu'aux endroits traversés par un flash radiologique, de sorte que l'irradiation non plus ne consitutait pas une dose importante) l'asservissement à tout un protocole médical semblait trop lourd pour beaucoup. L'accès facile et garanti au suicide y contribuait même chez ceux qui ne se suicidaient pas: ne pas faire les traitements lourds et de longue durée (les gens toléraient mieux ce qui était lourd mais bref, ou long mais léger), au profit de la qualité de vie "jusqu'au jour où", et comme ce jour-là il serait possible de sortir du jeu sans douleur ni angoisse, l'angoisse de la maladie diminuait et contribuait même à certaines guérisons pour les cas "incertains".
L'ELR étant ennemi du lobby pharmaco-médical, tout ce qui pouvait diminuer la consommation de soins dont beaucoup de malades préféraient se passer (en partie ou en totalité) était encourragé, ce qui dégageait d'énormes économies à la fois pour baisser les prélèvements obligatoires et améliorer l'accès aux nouvelles techniques médicales: grâce à la suppression des charges sociales et de toute taxe sur l'investissement la France fabriquait désormais une grande partie des équipements "de pointe" que jusqu'alors elle importait à prix d'or donc sans pouvoir en équiper assez de centres de soin.
Le nombre de cancers allait diminuer en raison de l'éradication du tabagisme ainsi que d'un grand nombre de substances dans l'alimentation (taxes "écrasantes" sur certains "intrants" phytosanitaires et interdiction d'importation d'aliments en contenant des résidus "non dénués d'effets à long terme") ce qui avait avantagé commercialement les producteurs "bio", d'une part, BFR, d'autre part (car dans ses aliments de synthèse il n'y avait aucun produit de ce genre, puisqu'inutile à leur élaboration: moins encore que les quelques traces inévitables dans le "bio" par contagion dûe aux vents ou aux nappes phréatiques servant à l'arrosage) et fortement diminué, en particulier, le taux de produits oestogénoïdes dans l'alimentation courante, ce qui aurait pour effet de réduire à terme le cancer du sein (entre autres) et de cesser d'anticiper l'âge de la puberté: certes, il y avait depuis 1997 libre accès des jeunes à l'implantation du retardateur-régulateur électronique, mais la circulation artificielle de molécules voisines des oestrogènes dans l'organisme d'enfants ne pouvait être que nocive, d'où l'intérêt de la dépollution de l'alimentation dans ce domaine (et bien d'autres) par les nouvelles règlementations qui consitutaient aussi un rempart efficace contre les importations venant de pays à très bas coût, sauf s'ils cultivaient "propre". L'Europe taxait aussi, depuis 2002, les importations de produits agricoles ayant poussé (ou ayant pâturé, pour le bétail) sur des terres obtenues par déforestation (jusqu'à 25 ans d'ancienneté), ce qui supprima ce débouché pour beaucoup de pays "vandales" dont le Brésil et l'Indonésie.
La population européenne entière diminuait (même si ce n'était pas le cas pour tous les pays) car bien qu'il n'y eût pas partout un accès facile et gratuit au suicide indolore, beaucoup de gens faisaient du "tourisme sans retour" pour profiter de cette possibilité dans un autre pays. Statistiquement, il y avait bien plus de suicides chez les vieux et les jeunes que dans "l'âge moyen", d'où l'augmentation du rendement économique européen puisque les âges improductifs (voire coûteux) se suicidaient bien plus que les autres, et que dans la tranche médiane les chômeurs sans avenir y recourraient eux aussi plus que les autres. Seul bémol à cette statistique: dans les pays où ils avaient encore des privilèges (en particulier la sécurité de l'emploi), les fonctionnaires se suicidaient bien moins que les non-fonctionnaires. L'immigration "parasitaire" diminuait aussi dans la plupart des pays, surtout ceux qui ne prenaient plus de gants pour traiter ce problème, la transformation en viande étant l'une des solutions, comme l'exploitation en travail obligatoire avant expulsion, pour que l'opération fût rentable au lieu de coûteuse. L'immigration productive (entrepreneurs ou travailleurs fortement qualifiés), elle, avait augmenté, l'Europe récupérant une partie de ceux que les Etats-Unis ne faisaient plus rêver. En France, les femmes se suicidaient statistiquement plus que les hommes, la logique de la société étant redevenue plus masculine puisque moins familiale, donc incitait la femme à adopter un comportement "d'homme comme les autres" pour y réussir. La taxation forte des produits jetables (statistiquement bien plus utilisés par les femmes que les hommes, par exemple les mouchoirs) avait aussi contribué à ce glissement des habitudes. Les mouvements féministes étaient divisés sur la vache porteuse (autorisée maintenant dans sept pays européens): les unes pensait que cela libérait "pour de bon" la femme du rôle de "ventre", d'autres que ça conduisait à ce que les hommes pussent totalement se passer des femmes, y compris pour devenir père, même si pour le moment fort peu d'hommes seuls recouraient aux vaches porteuses dans les pays autorisant cette technique qui intéressait surtout des couples homosexuels masculins, puis des couples classiques dont la femme pouvait ou ne souhaitait être enceinte tout en investissant dans un embryon suédois. La lactation maternelle pouvait être déclenchée artificiellement, un peu avant la naissance (qui, elle, concernait la vache) suite à quoi la têtée l'entretenait. Statistiquement, il naissait bien plus de garçons que de filles: avec les embryons sur catalogue, il n'y avait plus de hasard et "faire le garçon en premier" restait un réflexe archaïque dans beaucoup de familles européennes. La fille en second, mais donc seulement si second il y avait. La France était le pays d'Europe à avoir le plus rééquilibré les droits entre parents et enfants: l'autorité parentale s'y limitait à faire respecter par les enfants les lois du pays (contre le vol, le vandalisme, les coups et blessures autres qu'en légitime défence, les mauvais traitements à animaux, le tapage nocture, etc) et non les désirs, caprices ou projets parentaux. L'enseignement (partiellement à domicile, partiellement à l'école pour les travaux pratiques) formait très tôt les enfants à l'instruction civique, en particulier aux limites des droits des parents, ainsi qu'à ceux des enfants, rappelant qu'autant les parents n'avaient pas à frapper hors des cas qui auraient légitimé de frapper l'enfant d'autrui (par exemple cruauté sur animal, mais en aucun cas pour faire obéïr quand il n'y avait ni infraction ni délit) autant ils n'étaient nullement tenus de satisfaire les demandes des enfants autres que les besoins légaux, fort sobres. Les droits des uns et des autres étaient essentiellement défensifs: "le pouvoir du non", comme ce que l'ELR avait accordé au peuple français vis-à-vis de Bruxelles (avant la disparition de la Commission) sous forme de droit de véto référendaire d'initiative populaire. Les assistances sociales (ayant droit de vérification dans les domiciles y compris hors des horaires "classiques", et de faire poser une vidéosurveillance en cas de doute sur les dire des uns et des autres) et le système scolaire (qui avait accès aux chambres des enfants via le téléenseignement) servaient de médiateurs rappelant à chacun ses limites légales, voire les faisant appliquer si le rappel ne suffisait pas. Bien que tant que tout était "normal" ce système fût discret, cette télésurveillance par l'autorité publique était vécue par beaucoup de "parents potentiels" comme une dissuasion d'enfanter supérieure à la perte des avantages réservés aux personnes sans enfants, car en moyenne, le pouvoir d'achat "net de net" des gens ayant deux enfants s'était lui aussi nettement amélioré par rapport à l'avant-ELR, quoique moins spectaculairement que celui de ceux n'en ayant jamais fait. L'émigration de ces "parents potentiels" vers des pays voisins était souvent motivée par le souhait d'échapper à "Big brother", même si dans ces pays, en fin de compte, ils n'auraient pas une meilleure situation financière (et souvent moins bonne) avec deux enfants qu'en France.
Le Danemark avait maintenant un système de principe général voisin (ce pays avait accordé des droits "défensifs" aux enfants bien avant la France) mais dont la mise en oeuvre différait. Une télésurveillance avait récemment été imposée à toutes les familles (en profitant du recâblage optique de tout le réseau téléphonique danois) suite à des affaires de sévices sexuels decouverts trop tard par la médecine scolaires et autres intervenants sociaux. Les nouvelles lois danoises imposaient aussi un stage de dépistage des pulsions (sachant que ceux qui en avaient ne pourraient "garder les deux pieds sur le frein" pour les cacher pendant toute la durée d'un stage, y compris pendant les moments qui ne ressemblaient en rien à des tests mais où leurs réactions restaient enregistrées) à tous les parents, et avaient ainsi détecté un grand nombre de pères mais aussi un nombre non négligeable de mères à "risque pédophile sérieux". Suite à des affaires graves du même genre, la Belgique s'était inspirée à la fois du système français (vivre sous les caméras de l'inspection sociale) et du système danois (détecter les pulsions physiologiques et mentales lors de stages d'une dizaine de jours). Le Danemark avait éradiqué des familles non seulement le tabagisme, mais aussi la consommation d'alcool, celle-ci (car quand les Danois buvaient, ce n'était pas "un ou deux verres de vin pendant le repas") leur semblant à l'origine de beaucoup de cas de violences intra-familliales, y compris celles commises par les adolescents. La natalité danoise s'écroulait, suite à cette mise en observation (et intervention dès qu'il y avait lieu), ce qui était opportun dans ce petit pays qui ne bénéficait pas de la grande superficie disponible par habitant de ses grands voisins du nord. Cette chute de la natalité fit dire aux défenseurs des droits des enfants que cela prouvait qu'un grand nombre de parents danois n'en faisaient jusqu'alors que pour pouvoir en abuser sexuellement ou les battre les soirs d'alcoolisation. En Suède, le système de prévention de la violence familiale était moins invasif, tandis que l'une des nouveautés récentes étaient l'implantation obligatoire de puces alcootest dans le corps des personnes déjà arrêtées pour conduite en état d'ivresse ou ivresse sur la voie publique. Ces "boites noires" vérifiaient qu'ils ne réabusaient pas, en plus de neutraliser le véhicule auquel elles servait de clef de contrôle: il fallait que le porteur alcoolisé fût sur un autre siège que celui du conducteur (et que celui-ci fût occupé) pour rendre la conduite possible. Cela n'interdisait pas toute prise d'alcool, mais toute dose conduisant à la mise en ivresse (le seuil était mesuré pour chaque individu lors du règlage du dispositif) hors de quelques occasions par an (certaines fêtes traditionnelles) pour lesquelles le règlage était plus laxiste, mais sans les laisser aller jusqu'à la "défonce" typique de nombre de Nordiques. Les mêmes puces détectaient et mémorisaient aussi la prise d'un certain nombre de drogues, à commencer par le canabis, fortement impliqué dans les accidents de la route et du travail. La loi suédoise ne prévoyait pas d'en équiper tout le monde, mais ceux ayant déjà été arrêtés pour ça. Le système était russe (et peu coûteux), ce pays ayant depuis fort longtemps un problème d'alcoolisme "de masse" qui avait été l'occasion d'expérimenter à grande échelle et perfectionner au fil des ans ces mouchards intracorporels.
Aux Etats-Unis, les dispositions légales variaient beaucoup d'un Etat à l'autre. Les puces alcootests étaient imposées dans plusieurs d'entre eux en échange de la libération anticipée lors des condamnations pour conduite en état d'ivresse, ou avant de pouvoir repasser le permis s'il avait été annulé pour cette raison. Il ne s'agissait pas de l'importation des puces russes, mais de circuits intégrés chimiosensibles américains dérivés de recherches militaires visant à la détection automatique de certaines odeurs (en particulier pour les explosifs) en tentant de faire mieux que la truffe d'un chien entraîné. Le dosage automatique dans un liquide (le sang) était techniquement plus simple, surtout pour repérer des fractions non négligeables (décigrammes par litre) et non des "traces" infinitésimales à la limite de l'odorat canin, donc les mêmes usines avaient pu produire ces nouvelles puces en grande série à coût acceptable, de même que pour les diverses puces détectant et mémorisant la présence même brève d'un grand nombre de drogues mais aussi de produits dopants: pour la première fois, le suivi "longitudinal" des sportifs devenait continu et inviolable (sauf par des produits que la puce ne savait pas détecter), ce système surveillant le "patient" à la façon d'une prise de sang continue sans avoir besoin d'en extraire la moindre goutte. La Silicon Valley retrouvait à cette occasion un marché d'exportation de haute technologie, après avoir perdu celui de l'informatique grand public, et où les mises à jour seraient encore plus fréquentes que dans celle-ci: il ne suffisait pas de charger un nouveau logiciel, il fallait aussi ajouter des capteurs électrochimiques spécialisés dans les nouveaux dopants. Ces industries travaillaient aussi sur des puces reconnaissant un grand nombre de virus et bacilles même en proportion très faible dans le sang, de façon à accélérer les procédures de contrôles sanitaires aux frontières: ils ne serait plus nécessaire de mettre le prélèvement en culture jusqu'à avoir de quoi faire réagir les tests classiques. Beaucoup d'Etats américains autorisaient maintenant le recours aux vaches porteuses. Des laboratoires d'embryologie avaient leurs propres "Lebensborn" (même ceux qui n'avaient rien contre les appelaient souvent ainsi) de sorte qu'il n'y avait pas que de l'importation suédoise.
Le débarquement massif à prix imbattable (et disposant de l'atout massure du niagara de logiciel gratuits via le Lioubioutchaï, jeux inclus) informatique russe avait mis fin à la sortie incessante de nouveaux modèles d'ordinateurs, ce qui était aussi un facteur de rentabilité des chaînes de fabrication russes: peu de modèles, chacun produit longtemps et à des dizaines (voire centaines) de millions d'exemplaires. Proposer peu de modèles renouvellés peu souvent était déjà l'usage des fabricants de consoles de jeux, marché effacé par les ordinateurs portables russes qui les remplaçaient pour encore moins cher, tout en étant de vrais ordinateurs et sans faire payer les jeux: même quand on n'avait pas le Lioubioutchaï 2 ou 3, aucun jeu n'était blindé anti-copie donc la recopie manuelle, d'utilisateur à utilisateur, était le moyen le plus rapide de s'en procurer de nouveau, d'autant plus que le système de réseau "multimaillé" optique implanté d'origine dans tous ces ordinateurs rendait l'opération aussi simple que le copier depuis ou vers une clef USB. La norme russe n'était pas l'USB car elle était optique (il y avait des clefs et cartes sur ce principe, avec un débit de copie jusqu'à 1600 fois plus rapide que celui de l'USB, du moins en lecture: en écriture, le délai restait celui des mémoires statiques internes).
Ceci avait privé la Chine (et pas seulement les Etats-Unis) et divers pays du sud-est asiatique de tout le marché d'assemblage des ordinateurs autour de composants principaux d'origine américaine. Le réseau internet, trop compliqué, trop lent, trop cher, périclitait au profit du Lioubioutchaï, d'une part, et aux réseaux terrestes optiques ayant leur propre logique de fonctionnement (moins lourde que celle conçue pour l'internet) tout en veillant à être compatible avec l'informatique russe qui représentait plus de 95% du marché à l'extérieur des Etats-Unis.
Les gens se doutaient que le Lioubioutchaï était en même temps un énorme outil d'espionnage au profit de la Russie, mais justement: si des milliards d'utilisateurs y mettaient chacun beaucoup de données perso, il n'y aurait jamais, à l'autre bout, de quoi tout vérifier donc espionner.
Le Lioubioutchaï était surtout un problème pour les Etats qui avaient longtemps eu accès (avec autorisation judiciaire ou non, légalement ou non) aux communications sur leurs sols: le système de cryptage du Lioubioutchaï était impénétrable à tout autre que les informaticiens russes l'ayant créé, de plus ce système était souvent modifié, tant pour améliorer encore le débit et la "résilience" (tolérance aux défaillances partielles) que pour tirer partie de nouveaux algorithmes de cryptage. Les utilisateurs, souvent conscient de ce que cette étanchéïté des transmissions ne l'était que vis-à-vis des tiers, et non de l'organisation spatiale russe, cryptaient déjà par divers moyens (il était très facile d'en faire d'inviolables, en particulier dès que la "clef" était plus grosse que le message, ce qui était le cas dans la stéganographie et bien d'autres méthodes. Seules les mauvaises séries télévisées laissaient croire que l'on pouvait "casser" de tels codes) avant d'envoyer par le Lioubioutchaï. Dans ce cas les Russes tombaient sur un contenu non seulement crypté, mais qui ne pourrait même pas être identifié comme l'étant: il n'y avait pas de moyen mathématique d'établir qu'une photo ou un enregistrement sonore contenait un encodage si on n'avait pas, pour comparer, l'original ne le contenant pas. Ces procédés ne permettant même pas de soupçonner dans quoi chercher garantissaient l'inviolabilité, sauf si l'autre possesseur de la clef (plus grosse que le message) la divulguait. Les systèmes à "clef publique" (comme le "PGP"), eux, reposaient sur la difficulté de décomposer le produit de très grands nombres premiers et n'étaient pas mathématiquement inviolables. Ils demandaient juste une puissance informatique déraisonnable pour être découverts dans un temps raisonnable.
De ce fait toutes sortes d'organisations (des plus inoffensives au plus criminelles) étaient devenues impossible à espionner pour les Etats quelqu'ils fussent. De plus, l'impossibilité de retracer le point d'envoi sans l'aide des Russes (qui ne la donnaient pas, répondant que le réseau ne pouvait s'encombrer de tant de données donc ne les conservait pas, ne gardant pour chaque utilisateur que les débits constatés pour gérer sa baisse temporaire de priorité d'accès, information peu encombrante) garantissait la liberté d'expression dans les documents publiés (sous pseudonyme) de cette façon.
C'était ce qui avait permis les révoltes populaires en un grand nombre d'endroits en Chine, avec trafic d'armes (aidé par la Russie?) et accès à des informations sur les personnages "clefs" de l'Etat chinois, pour savoir où et quand frapper s'ils ne restaient pas continuement dans un bunker.
La "contre-déportation" consistait à enlever des fonctionnaires supérieurs et des membres de la famille des responsables chinois de mise au goulag ("lao-gaï") de dissidents et faire ainsi pression sur eux pour obtenir des libérations. De plus, la Chine ne pouvait plus cacher au monde extérieur ce qui se passait à l'intérieur de ses frontières: les révoltes, guerres civiles et sabotages d'administrations locales ou centrales étaient connues de tous, y compris des investisseurs étrangers, ce qui dissuadait de plus en plus ces investissements, certains groupes révolutionnaires prévoyant de nationaliser sans indemnités les implantations des entreprises occidentales qui auraient eu recours à de la main-d'oeuvre de déportés politiques via leurs sous-traitants chinois. L'enlèvement ou l'assassinat de hauts fonctionnaires chinois était devenu du fait-divers quotidien, problème auquel l'Etat chinois était en train de répondre par la téléadministration, avec son propre réseau de satellites (géostationnaires, lui, ce qui permettait d'en lancer bien moins et de se passer d'antennes motorisées "temps réel", quitte à n'arroser que la Chine, l'espionnage mondial restant confié aux satellites d'orbites basses) pour échapper aux sabotages (de plus en plus fréquents) des réémetteurs terrestres. La télévision (d'Etat, par définition) avait maintes fois été interrompue dans diverses zones de telle ou telle province chinoise. Un réseau par satellites réservé à l'administration ne nécessitait pas un grand nombre de canaux ni un gros débit sur chacun, dont il fut vite opérationnel et permit de tout faire sans quitter les bureaux blindés dont, de plus, les emplacements étaient tenus secrets. Le public, lui, n'avait affaire qu'à des petits fonctionnaires de bas niveau, qui ne savaient pas grand chose et n'étaient pas les cibles préférées des mouvements révolutionnaires.
La publicité avait beaucoup changé en France depuis la "révolution ELR", surtout à mesure que le pouvoir d'achat changeait de mains: le plafonnement des retraites et l'inversion de la politique familiale, privilégiant désormais les gens ayant peu d'enfant et plus encore ceux qui n'en avaient aucun, la disparition des avantages du secteur public, la création de la rémunération scolaire au mérite mettant directement du pouvoir d'achat (ou d'épargne) aux mains des enfants, le retour des profits dans l'industrie au détriment du pharmaco-médical, du juridique, des télécoms, médias et globalement du "tertaire" avait conduit les annonceurs à redéfinir en profondeurs leurs cibles de prospection: les gens disposant d'une marge d'achat superflu n'étaient plus répartis comme avant, et ils n'achetaient pas les mêmes choses que les précédents. La part des publicités lessivières, par exemple, c'était écroulée: on vendait encore de la lessive, mais l'argument prix devait être systématiquement mis en avant l'argument de résultat du lavage, auquel de moins en moins de gens croyaient et surtout n'accordaient la moindre importance. Après l'argument prix, c'était l'argument environnemental qui arrivait second, celui-ci agissant d'ailleurs sur le premier par le biais de la taxation des nuisances: du fait de ces écotaxes, peu de gens achetaient encore des piles jetables, donc c'était sur les différences de rapport performances/prix des rechargeables que les marques (ou "produits de distributeurs" pouvaient se disputer ce marché, les endurances au nombre de recharges n'étant pas les mêmes et conditionnaient donc le prix de reviens réel du produit, contrairement à du jetable. La tendance forte à la réduction du temps de travail (grâce au CNS, à la baisse du coût de la vie et à la dissuasion fiscale du cumul de deux emplois par les couples avec enfant) favorisait les ventes d'articles de bricolage et jardinage, ainsi que d'ingrédients alimentaires de base au détriment des plats préparés qui revenaient trop cher "par rapport à ce qu'il y avait dedans": on se préparait un repas assez vite, mais en le composant (comme le faisaient depuis toujours les gastronomes, d'une part, les personnes aux plus bas revenus, d'autre part) à partir d'ingrédients séparés au lieu d'acheter du "tout fait". Le "consommateur" faisait de plus en plus place à l'acheteur, et outre le gain d'argent en échange d'un peu de temps de préparation en plus (toutefois certains produits précuits gardaient l'argument "on économise du gaz ou de l'électricité", surtout pour le riz, les "légumes secs" et tout ce qui était long à cuire, et qui précuit en usine mais non mélangé pouvait s'avérer rentable bien qu'un peu plus cher en rayon que le "brut", en plus d'être pratique) il y avait le sentiment de reprendre les choses en main, de ne pas se faire "avoir" et de savoir précisément ce que l'on mangeait. En même temps, grâce à leurs prix imbattables par rapport aux "vrais" produits, à leur conservation plus facile (simplifiant stockage et transport) et des qualités nutritives supérieures (plus de nutriments positifs pour moins de calories inutiles et de graisses nocives, en particulier, sans perte gustative) les aliments artificiels de BFR se vendaient très bien: les tests réalisés par diverses associations de consommateurs, en Europe, confirmaient que c'était à la fois sain et satisfaisant en bouche. Le cinéma qui était devenu un vrai luxe (surtout pour y aller à plusieurs) avant l'instauration d'une concurrence totale entre salles (liberté d'implantation et des prix) était redevenu un loisir à peu près abordable en même temps que l'offre de films "méritant vraiment le grand écran surtout en stéréoscopie" s'était accrue. Les pauvres continuaient à ne pas y aller (puisque c'était une dépense superflue) mais la "classe moyenne inférieure" y retournait, après l'avoir déserté dans les années 80 et surtout 90. La disparition des télécommunications payantes avait elle aussi rendu beaucoup de pouvoir d'achat et d'épargne au plus grand nombre, de même que l'éradication du tabagisme pour ceux qui y gaspillaient leur argent jadis: les substituts nicotiniques, toujours en vente pour les "accros", revenaient beaucoup moins cher que le tabac de contrebande, ce dernier étant revendu aussi cher que le canabis par les trafiquants depuis que les peines encourues étaient aussi lourdes.
La jeunesse française profitait de l'accès dans certains cas gratuit ou partiellement pris en charge (bien mieux qu'avant) à nombre d'opérations de chirurgie esthétique, en particulier les remodelages maxilaires (parce que sources de problèmes dentaires. L'orthodontie sans remodelage maxilaire préalable n'était d'ailleurs plus du tout autorisée dès qu'il s'agissait d'un manque de place pour les dents: d'abord, modifier la mâchoire, ensuite seulement repositionner les dents (et sans tenter d'aller trop vite) en profitant de l'espace ajouté) et les nez déformés: la présence d'une bosse, d'une courbure plongeante ou d'une déviation permettait la prise en charge (partielle si le défaut était petit, totale s'il était important, un logiciel déterminant cette notion sans aucun jugement humain), prise en charge qui était facturée au parent ayant transmis ce défaut (même bien avant les lois de responsabilité parentale) si cela pouvait être établi par le morphomètre, idem pour les problèmes maxilaires et certaines autres malformations dont l'hérédité était détectable chez l'un ou l'autre des parents, en particulier la myopie (son opération n'était toutefois pas accessible à tout le monde, pour raison de différence d'inervation d'une personne à l'autre: certains patients ne pourraient pas en supporter des suites post-opératoires, quoique ceci était en train de changer avec les implants électroniques simulant l'usage d'analgésiques puissants sans en avoir les inconvénients chimiques, à commencer par l'accoutumance). En échange de cette prise en charge, le bénéficiaire acceptait d'être stérilisé, pour ne pas pouvoir transmettre le défaut, sauf bien sûr s'il résultait d'un accident et non de l'hérédité. Stérilisation ou non, prise en charge ou non, toute opération de chirurgie esthétique était enregistrée morphologiquement dans un fichier national, en France, ce qui permettait à la fois de juger objectivement des malfaçons éventuelles en cas de plainte pour mauvais résultat, et de savoir "qui venait de quoi" pour la procédure de demande d'agrément de procréation, de façon à éviter des problèmes de "vices cachés". La répération des tares transmissibles n'était prise en charge par la Sécurité Sociale qu'à condition de ne pas encore avoir eu d'enfant et d'accepter une stérilisation irréversible, pour ne pas pouvoir infliger à autrui ce que l'on déplorait avoir soi-même subi.
On vendait bien moins de literie de grande largeur qu'autrefois, les gens se mettant plus rarement en couple, plus tardivement (en moyenne) pour ceux qui s'y mettaient, et qui, de plus, étaient de plus en plus nombreux à pouvoir s'offrir chacun leur chambre (quitte à se "rendre visite") grâce à l'effondrement des prix de l'immobilier. La surface minimale pour compter légalement une "pièce" était passée de neuf à six mètres carrés, et l'on pouvait encore parler officiellement de "piecette" ou "chambrette" dès qu'il y avait au moins 4,5 mètres carrés nets de l'espace nécessaire à l'ouverture de la porte. Si ce n'était pas "net du balayage de la porte", la remplacer par une coulissante pouvait y remédier. De plus la facturation "crescendo" de l'eau (les premiers mètres cubes étant moins cher que les suivants, et l'abonnement gratuit) dissuadait d'avoir trop de lessive à faire, or laver de grands draps (ou pire encore: une housse de couette biplace, pour les adeptes de ce type de literie) posait ce problème, en plus de trouver un endroit pour les faire sècher. Les logements sociaux avaient été découpés pour faire deux ou trois studios à la place d'un appartement existant (si on arrivait à placer des portes d'accès indépendantes. Ca dépendait beaucoup de la configuration des lieux) d'où là aussi une tendance à privilégier le mobilier compact, empilable, rabattable ou escamotable par treuillage au plafond.
La nouvelle classification tendant à privilégier la création de plus de pièces plus petites (ou plus de studios au lieu d'appartements) partait du principe que plus un espace était cloisonné, moins il y avait de déperditions thermiques et de propagation des sons. De plus les familles avec au moins un enfant avaient l'obligation légale d'avoir au moins (que ce fût en location ou propriété) une pièce par personne, hors sanitaires et cuisine, qui pouvaient être des "piècettes" pour les enfants de moins de dix ans. Sinon, une taxe de surpopulation était appliquée (en plus de la TPA) pour inciter à passer à un logement plus grand... grâce au fait de ne plus payer cette taxe. La généralisation du télétravail à tout ce qui était "télétravaillable", pour réduire le plus possible les déplacements inutiles donc la consommation d'énergie, rendait bien plus facile qu'avant de s'éloigner des agglomérations pour trouver plus d'espace à budget constant voire réduit.
Le marché qui avait le moins changé était celui de la mode vestimentaire pour jeunes: la mode évoluait, mais la clientelle restait à peu près la même, ainsi que ses moyens. Des modes que les séries télévisées produites par VTP n'avaient ni lancées, ni suivies: le monde des séries n'imitait pas celui de la rue, "sinon autant regarder la rue plutôt que la télévision". Le succès antérieur des séries américaines qui présentaient un univers social totalement différent de celui des jeunes télespectateurs français avait montré qu'il ne fallait pas tenter de leur vendre une copie scénarisée de leur vie ordinaire. La plupart des séries françaises (non-VTP) et allemandes avaient eu un rythme trop lent, des dialogues trop artificiels et des scénarii trop fades pour convaincre, tout en revenant paradoxalement cher parce que difficiles à amortir sur le marché mondial, contrairement à leurs homologues américaines.
Le changement le plus perceptible dans la mode était que contrairement à la fin du siècle précédent, les filles cherchaient moins à paraître plus que leur âge ou plus délurées qu'elles ne l'étaient dans leur vie réelle: une sorte de retour à la simplicité bon enfant voire unisexe des années 70, privilégiant le confort et l'aspect pratique (multiplication des poches intérieures et extérieures, en particulier, au détriment du sac à main) au paraître et à ce que certains garçons (surtout dans les "cités") avaient alors considéré comme de la provocation au passage à l'acte. Le maquillage s'était lui aussi fait plus discret: beaucoup n'en utilisaient pas ou faisaient en sorte que l'on eût cette impression tout en cherchant à estomper les petits défauts de leur apparence: le maquillage destiné à avoir l'air "naturellement bien sans y recourir".
Ce n'était pas une tendance générale, car toutes continuaient à coexister (y compris les piercings, bien que cette pratique (tout comme le tatouage) fût formellement interdite chez mineurs, mais comme on pouvait réussir l'examen de majorité bien avant 18 ans, d'une part, et que les échopes hors légalité attiraient encore des clients, on en voyait encore apparaître) en proportions juste modifiées par rapport à l'ancienne situation. L'engouement pour le report, la modération et souvent l'évitement complet de la puberté (surtout chez les filles, mais le phénomène concernait de plus en plus de garçons après voir vu en particulier la taille finale supérieure atteinte par ceux, quelques années avant eux, qui avaient retardé leur puberté) y était pour beaucoup: on prolongeait l'enfance biologique tout en acquérant des droits (pour ceux reçus aux examens de majorité) et des moyens (grâce au CNS) de jeunes adultes. Les importateurs (et fabricants locaux) de déodorants, rasoirs, tampons hygiéniques, etc, avaient subi une chute nette de leurs ventes en France suite à ce mouvement qui existait aussi dans d'autres pays européens comme la Hollande. De plus, en France, les opérations contre la transpiration (retrait des glandes sudoripares des zones confinées, interruption de nerfs déclencheurs pour le reste du corps) et les épilations corporelles définitives (y compris la barbe) étaient proposées à prix coûtant par les services médicaux publics, soit dix à trente fois moins cher que jadis dans la chirurgie esthétique privée. Le commerce des jouets (surtout "technologiques": avions télécommandés, etc) lui, en bénéficiait: s'acheter enfin, sans attendre d'être "vieux" (et sans le prétexte d'avoir des enfants) ce que l'on n'avait pas eu à huit ou dix ans. Les cyclomoteurs électriques, fort peu coûteux à l'usage et conduisibles tôt (moyennant bridage électronique, assoupli au fil des degrés de permis passés ensuite avec l'expérience acquise) connaissaient aussi un beau succès auprès de cette nouvelle jeunesse. Les divers Lioubioutchaï s'y vendaient aussi fort bien, mais sans besoin de renouvellement tant que le système général ne franchissait pas une nouvelle étape technique, or il n'y en avait pas souvent, de plus les anciens modèles conservaient leur valeur d'usage et se revendaient donc sans problème, d'autant plus que c'étaient des produits fiables, y compris en résistance à la chute sur sol dur. Ni abonnement ni "recharge" (à part celle de l'accu, sur secteur ou à manivelle ou solaire, selon options): acheter l'appareil "et basta", puisqu'ensuite c'était gratuit à l'usage, gratuité rationnée mais en pratique le quota d'accès quotidien moyen qui en résultat suffisait à la plupart des utilisateurs. Le Lioubioutchaï avait tué le marché de la télécommunication payante depuis longtemps, les autres réseaux ayant soit disparu, soit adopté un modèle de gratuité rationnée financée par la publicité comme l'étaient depuis fort longtemps les stations de radio, avec l'avantage sur la radio de rendre la publicité interactive: pour avoir des "points" (un "avoir" de communication) supplémentaires, l'utilisateur devait parfois répondre à des questions sur les publicités qu'il venait d'entendre, ou de voir sur son écran dans il s'agissait de "pages illustrées" s'y affichant. Ceci diminuait énormément les coûts des enquêtes de prospection de marché et autres types de sondage donc rentabilisait assez facilement ces réseaux gratuits à l'usage. L'appareil était généralement moins cher à l'achat que le Lioubioutchaï (qui, lui, devait financer l'augmentation de la capacité satellitaire et, techniquement viser des satellites dérivants, ce qui demandait plus de complexité de gestion, de puissance d'émission et plus de "finesse" d'écoute que pour des retransmetteurs terrestres), en échange d'offrir un service souvent plus restreint (en particulier pour les logiciels) et demandant d'être attentif aux publicités pour obtenir un quota de communications intéressant.
Il n'y avait pas eu de troisième Troglodia, mais les deux premiers ayant fini par passer à la télévision (le second en octobre 2005) en attirant beaucoup de téléspectateurs, VTP en avait dérivé une série télévisée hedbomadaire (en seize épisodes de 110mn, formant chacun un téléfilm autonome (scénaristiquement) correspondant environ à deux épisodes "standard" de séries) réutilisant le générateur de décor planétaire (les moyens infographiques le mettant maintenant à la portée d'une série télévisée, ce que facilitait aussi la définition 1250 lignes utilisée par VTP pour les téléfilms) et quelques-uns des personnages, parmi de nouveaux puisés dans d'autres séries d'action au fil des décès des précédents. La série était tournée en définition 4x3, pour éviter les "bandes noires": l'immense majorité des écrans de télévision, dans le monde, étaient encore dans ce format, donc pas question de perdre de la surface (sauf dans quelques postes de haut de gamme où les bandes noires seraient à droite et à gauche) en utilisant le "16/9ème" ou le "cinémascope". On retrouvait dans trois des épisodes Alexandre Fresnel. Comme il jouait dans moins de films qu'Erwann, VTP estimait qu'il pouvait participer à cette série (si le scénario s'y prêtait) car on ne l'aurait pas "trop vu", au total annuel de ses prestations.
Une série utilisant comme premier épisode (le "pilote") "Les planétaires" (inédit à la télévision) était diffusée par les chaînes d'une vingtaine de pays cet été, la panoplie d'actions possibles pour des éco-terroristes (ou éco-résistants, éco-anarchistes, selon le point de vue de celui qui en parlait) fournissant de quoi faire bien plus que le film. Erwann n'y jouait pas non plus, son personnage étant mort dans le film, et là non plus, aucun personnage n'était durablement "récurent": certains tenaient quelques épisodes, mais finissaient par périr lors d'une action (ou devoir se suicider pour ne pas être pris vivants), d'autres n'animaient qu'un seul épisode.
Les théories cosmologiques foisonnaient, depuis que la découverte de la matière à gravité réduite avait obligé à revoir la relativité comme propriété du couple matière/énergie habituel uniquement, à l'intérieur d'un espace-temps non relativiste où bien d'autres matières et énergies (avec chacune ses propres constantes physiques, voire ses propres types d'interactions) coexistaient. Ce qui restait de l'ex-théorie du "big bang" était de considérer que "notre" matière était issue de l'explosion d'un méga-trou noir. Certains suggéraient que l'hypergravité dans les trous noirs n'écrabouillait pas que les particules élémentaires en une pâte (peut-être non-quantique, si la pression y imposait une vraie continuité?), qui, arrivée à un certain niveau de concentration d'énergie, réexplosait puis se quantifiait en se dilatant, mais chaque fois avec de nouvelles lois physiques, y compris une nouvelle constante de Plank donc une granulométrique qui pouvait être différente, voire peut-être pas de granulométrie du tout. L'accélération de l'expansion de notre portion d'univers suggérait une énergie additionnelle, ou de la gravité négative intercalée entre les galaxies, ce qui eût en même temps expliqué l'hypothèse de "masse manquante": les galaxies n'avaient pas besoin d'être plus massiquessi une "pression" de gravité négative externe les empêchait de se disperser sous l'effet de la force centrifuge. Les théories à dimensions supplémentaires avaient maintenant moins d'adeptes que celles à types de matière et d'énergie inédits, la météorite russe ayant prouvé qu'il en existait.
Fin août, VTP rappatria Aymrald et le réaffecta à l'équipe de robotique animalière du tournage de "l'instinct", film dans lequel sous l'effet des émotions les gens se changeaient en animaux et pour lequel il avait eu aussi le temps d'étudier un des rôles. Ils importèrent aussi Mika. VTPSF avait suffisamment entraîné (au simulateur de tournage à lunettes d'immersion) Nikolaï pour l'utiliser dans divers petits rôles "semi-actifs" des séries et téléfilms. Le tournage principal d'Erwann était le film d'aventures simili julesvernien provisoirement intitulé 1868: VTP aurait tout le temps de trouver un titre pendant la période de post-production. Il prépara aussi des modèles virtuels et réadapta de la robotique (déjà utilisée dans Serranix, puis Phytoclône et Durgavok. De plus, pour des photos, les robots n'avaient besoin d'aucune capacité fonctionnelle: ce serait donc les robots "figurants" imitant les plus perfectionnés qui s'y colleraient, une fois le modèle virtuel choisi) pour le calendrier DdD 2007, qui serait peut-être le dernier: ensuite, le sujet serait épuisé, estimait-il, ou alors le 2008 devrait piocher dans l'univers d'un ou plusieurs films de VTP, comme en 2005, et comme en 2005, il ne s'en occuperait pas, VTP pouvant se contenter de piocher dans les "tableaux" constitués par tel ou tel instant des films: là où l'on pouvait mettre en valeur un personnage vu d'assez près.
En France, toute personne (chasseurs inclus) habilitée à utiliser et détenir une arme à feu ou certaines armes de remplacement (pistolets à électrochocs, lance-gaz, etc) devait se faire implanter à l'intérieur de la main servant à l'actionner un transpondeur permettant au dispositif logé dans la crosse de l'arme d'identifier cette main et d'autoriser ou non le fonctionnement, ce qui tenait aussi compte de l'heure et de la date. Le transpondeur devenait inutilisable s'il était (même temporairement) retiré de la main ou que celle-ci cessait d'être iriguée par du sang d'une température suffisante avec des pulsations de type humain: une main coupée ne pourrait, ainsi, actionner l'arme. Le seul moyen de tricher était de se rendre maître du porteur encore vivant et presser la détente à travers sa main. Pour retirer ou suspendre le port d'arme, ou changer d'arme, on reprogrammait dans une gendarmerie ou une caserne militaire (seuls établissements équipés de l'appareillage) les autorisations liées à l'arme, qui n'étaient que temporaires: non réactivée, l'arme cessait d'être utilisable. Le transpondeur dans la main ne changeait pas: il restait aussi personnel qu'un ADN ou une empreinte digitale. Tous les tirs et même les simples prises en main étaient mémorisées par l'arme, dont le viseur prenait alors une photo stockée dans la même mémoire blindée. Ceci faciliterait l'élucidation de bavures éventuelles, tout en rendant impossible à un malfrat de s'emparer d'une arme et de l'utiliser aussitôt puisqu'il eût fallu l'avoir entièrement désossée et découpée (le système actionnant indirectement la percussion en aval de la détente, qui ne commandait rien directement, était soudé) sans déclencher l'autodestruction puis la reconstruire pour la "déplomber". Une arme pouvait avoir pendant un certain temps plusieurs utilisateurs autorisés, en particulier pour permettre aux membres d'un commando de réutiliser celles de leurs camarades morts. Il restait bien sûr le trafic d'armes (venant surtout de l'ex-Europe de l'Est) mais au moins il n'y aurait plus de situations dans lesquelles des armes officielles pourraient rester actives en ayant changé de main sans réactivation officielle, et les armes de chasses seraient inutilisables hors des périodes et lieux de chasse, car il y avait aussi une fonction SPS pour les armes utilisables seulement en certains lieux (par exemple des stands de tir). Le transpondeur dans la main pouvait aussi servir à l'authentification du porteur pour bien d'autres usages, en particulier remplacer des serrures de portes ou de véhicules sans la complexité technique de mise en oeuvre (ni la "fraudabilité" par moulage d'empreintes) d'un lecteur d'empreintes digitales.
Les emplois supprimés massivement dans le secteur public ainsi que dans d'autres activités (comme la construction automobile au sens classique) avaient été plus que compensés par tous ceux de la "société de conservation": jeter et remplacer étant devenu bien plus coûteux que réparer (grâce au "tout TVA") dans un premier temps il y avait eu des emplois créés dans la réparation de toutes sortes de choses, puis la remotorisation des voitures en fin de vie mécanique (mais à caisse encore saine), puis de plus en plus dans la robotisation de ces activités, pour augmenter encore l'avantage par rapport au marché du neuf: Kermanac'h produisait ses kits de robotisation de façon entièrement automatique (le personnel s'occupait de la conception et de l'amélioration) mais l'installation et les règlages dans les entreprises clientes utilisaient de la main d'oeuvre qualifiée, dont une partie pouvait provenir de l'entreprise cliente (après utilisation du didacticiel de formation), une autre de Kermanac'h mais plus souvent encore d'installateurs indépendants ayant une connaissance profonde de ces problèmes. La réduction générale du temps de travail (avec réduction uniquement des gros salaires) prônée par l'ELR supposait le retour à la vague de robotisation "urbi et orbi" entamée dans les années 80 et qui s'était essoufflée ensuite par pression étatique en raison du chômage de masse. La balance commerciale positive (grâce au tout-TVA et à la baisse générale de la consommation), la désimmigration massive, ajoutée à l'émigration et aux suicides permis par l'accès gratuit et facile aux moyens de se "libérer de la vie", avaient conduit à réduire le chômage tout en réduisant les effectifs des emplois publics (en effet, le coût de l'improductivité de ceux-ci détruisait beaucoup d'emplois par la ponction fiscale induite. Supprimer un emploi public superflu permettait de restituer aux "forces vives" de la nation de quoi créer plusieurs emplois productifs). Il finirait par y avoir plus d'emplois que de gens souhaitant travailler à plein temps (le CNS n'incitant pas à travailler à plein temps) d'où l'opportunité de robotiser à tour de bras tout ce qui pouvait l'être, de préférence les tâches pénibles et peu qualifiées. Les économies énormes réalisées sur le système scolaire permettaient de vivre en travaillant moins, car tout ce travail en plus ne servait qu'à rémunérer des fonctionnaires, des éditeurs de manuels (supprimés: tous les documents étaient virtuels et libres de droit de copie), des cantines, des transports scolaires, etc. Idem pour l'abolition de toutes les grosses retraites du secteur public et l'inversion de la politique familiale: la dépense publique avait été divisée par trois, au total (retraites incluses) en huit ans et demi, donc la ponction sur les revenus des "forces vives" aussi. S'y ajoutaient les bénéfices du commerce extérieur, qui permettaient de faire rentrer de l'argent dans le pays par là où il en perdait antérieurement.
Aymrald avait peu de goûts de luxe, à part les piscines de 50 ou 100m sans chlore (merci VTP), le pilotage d'hélicoptères (à lui ou prêtés ou loués, selon le lieu où il se trouvait) ou de petits avions (certains étant même classés "ULM" tout en ayant une apparence d'avion, léger et monoplace). La fréquentation des lieux "pour riches" ne l'avait jamais attiré, ni la fréquentation des "célébrités", en dehors des gens qu'ils connaissait déjà (en particulier chez VTP) et qui se trouvaient être célèbres (Hillevi, par exemple) mais qu'il fréquentait dans leur domaine "non public" puisque le travail et les loisirs chez VTP n'étaient pas accessibles au public. Il n'était ni dans le "Who's who" ni aucune institution de ce genre, et VTP ne l'envoyait pas dans des émissions "people" et autres divertissements ou débats: sa seule activité publique hors cinéma était le rinnepallo. Les matchs dans lesquels il jouait avaient plus de public (sur place, et à la télévision quand elle les diffusait) que les autres, mais cela pouvait encore venir de ce qu'il ajoutait techniquement au déroulement d'un match et non nécessairement au fait qu'il fût connu, bien qu'il sût que cela devait compter aussi pour une partie du public: "son" public. Ce qui lui avait plu, c'était d'apprendre qu'il avait aussi (surtout en Finlande) des fans via le rinnepallo: celles et ceux dont il n'était pas un des trois acteurs préférés mais que ses performances sur les pelouses pentues enthousiasmaient. Ce jeu restait bien moins médiatisé que le rugby, mais malgré la nécessité de construire un terrain remontant aux deux bouts, il devenait populaire dans de plus en plus de localités (surtout en Europe) en raison de son aspect à la fois technique et ludique, ainsi que du statut obligatoirement bénévole des joueurs, de l'arbitrage électronique obligatoire (très peu de décisions douteuses grâce à cela, et uniquement sur des points mineurs) et de l'interdiction de tous les gestes dangereux d'un joueur vers un autre. Le rinnepallo admettait plus de contacts que le football (on pouvait bousculer le porteur du ballon, qui pouvait faire de même face à un défenseur) mais bien plus règlementés qu'au rugby. En particulier les empilements volontaires ("caramels") sur joueurs déjà au sol provoquaient une éviction immédiate. Ceci et l'absence de crampons contribuait à la rareté et à la légèreté des blessures. Le nom finlandais "rinnepallo" était conservé dans presque tous les pays, de même qu'ils n'avaient pas cherché à traduire "sauna". Toutefois, peu respectaient oralement la longueur des consonnes du mot finlandais, de même que d'une langue à l'autre le "e" était parfois prononcé "é", parfois "eu", parfois "è". En suédois, le "o" se prononçait "ou", mais s'agissant du voisin le plus proche la plupart des Suédois savaient que ce n'était pas l'usage finnois donc disaient bien "rinnepallo", et non "rinnepallou". Il fût suggéré de l'orthographier "rinnepallå" selon l'usage fréquent en Suède de naturaliser phonétiquement les mots importés (comme pour "fioul" en français), mais les médias (y compris écrits) avaient massivement utilisé l'orthographe finnoise avant cette proposition qui, de ce fait, ne passa pas dans l'usage commun.
Au rinnepallo, pas moyen de "refaire la scène" ni "bidouiller en post-production": il fallait être bon en direct. Aymrald savait qu'il raterait certaines passes ou tirs et que ce qui comptait, c'était d'en réussir assez pour contribuer à la victoire de l'équipe (ou avoir nettement contribué à limiter sa défaite, quand elle se produisait), contribution que les autres lui reconnaissaient puisqu'il était sélectionné chaque fois que disponible. Il n'avait pas cherché à être capitaine d'une équipe et cela ne lui avait été proposé qu'une seule fois, suite à une blessure du titulaire. Il avait alors suggéré un autre joueur pour cette fonction, car il savait qu'il se déplaçait trop vite (tel était son rôle dans le jeu) pour pouvoir analyser en même temps l'ensemble du jeu: mieux vallait que quelqu'un d'autre le fît et lui fit signe quand telle ou telle opportunité non directement repérable de sa position et son orientation d'alors se présenterait. Ce qui l'inquiétait, c'était de s'être rendu compte qu'il se "regardait" (mentalement) jouer pendant le match, qu'il pensait à l'intérêt visuel d'une trajectoire ou d'un évitement et pas uniquement à leur efficacité. Pour le moment, ceci ne l'empêchait pas de rester efficace, mais cette tendance à choisir le "beau" mouvement (pourvu qu'il fût aussi un "bon" mouvement) plutôt que l'optimal du moment pourrait lui nuire au fil du temps, si jamais l'adversaire s'en rendait compte et l'invitait à passer par ici plutôt que par là parce que cette trajectoire, cette esquive de charge de défenseur, ce virage en limite d'adhérence (il n'y avait pas de crampons) rendrait mieux à l'écran. Pour le moment, il semblait que personne d'autre que lui ne s'en fût aperçu: ce qu'il faisait était utile et efficace, et peu auraient eu le temps de voir (surtout en n'étant pas à l'intérieur du jeu) qu'il y avait mieux à faire, techniquement, à cet instant. Aymrald le savait mais n'arrivait pas à se l'interdire, dès que son équipe avait pris un avantage "valable" au score. La plupart de ses fans pensaient que c'était agréable à voir parce que c'était idéalement décidé et exécuté. C'était effectivement une des solutions de la situation à cet instant, mais ce n'était pas forcément la meilleure, en particulier pour ce qui était de positionner (du fait des passes qu'il leur faisait ou qu'ils avaient à lui faire pour cette manoeuvre) d'autres joueurs de son équipe au moment où l'adversaire récupérerait le ballon (cubique). Ceci lui montrait aussi que le capitaine lui faisait trop confiance: d'où il était à cet instant, il voyait certainement mieux qu'Aymrald ce que tel ou tel choix aurait pour conséquence en matière de capacité de repli des autres joueurs participant à cette offensive. Aymrald eût suivi les instructions (geste pour passer par ici, en collaboration avec tel autre joueur, plutôt que par là donc en en mobilisant d'autres) s'il y en avait eu, mais il y en avait trop rarement, le concernant.
Il estimait qu'à partir du moment où la probabilité de gagner le match était devenue suffisante, il avait le droit d'y faire de "l'art pour l'art" tant que personne ne lui donnait d'instruction contraire ni le lui reprochait ensuite en réanalysant le match. C'étaient surtout les matchs perdus qui étaient décortiqués finement par l'équipe technique d'après les données issues de la capture de mouvements de chaque joueur et du ballon (équipement indispensable pour l'arbitrage automatique), or il ne se permettait de jouer "pour la caméra" que quand tout allait bien. Dans les matchs perdus, on eût pu trouver quelques "pouvait faire mieux" mais uniquement dans la phase où l'équipe dominait encore, si cela avait eu lieu. Dès qu'il y avait danger au score (retard, ou déjà avance insuffisante) Aymrald allait sobrement au plus efficace, en essayant de gérer, autant que possible, ce que cela imposait comme repositionnements à ses camarades qui avaient tendance à établir leur jeu en fonction du sien. Les choix "encore bons mais plus télégéniques qu'optimaux" contribuaient à l'enthousiasme, voire à la réputation de "génie de la côte" (car comme il jouait à l'avant, il avait surtout à monter, ne descendant qu'en repli) de sorte que le public, lui, ne devinait pas qu'il y aurait eu légèrement mieux à faire. S'il s'agissait d'entrer dans la légende du rinnepallo, c'était ce choix qui était le bon. S'il s'agissait d'écraser le plus possible l'adversaire par la différence de points, il eût fallu aller au plus pragmatique, mais cela aurait pu nuire à l'intérêt des matchs: Juustomeijeri gagnait déjà "bien assez souvent", donc gagner encore plus et avec une différence de points plus importante aurait encore ôté du suspens à ces matchs: "à vaincre sans péril on triomphe sans gloire". Le match annuel ayant le plus d'intensité "scénaristique" était donc France/Finlande au tournois européen, puisqu'alors Juustomeijeri jouait contre son meilleur "tireur" et contre une équipe française qui passait au moins autant de temps à s'entraîner au simulateur et décortiquer les matchs des meilleurs Finlandais qu'eux. De plus la France n'était pas favorite (la Finlande avait gagné la plupart de ces matchs), d'où la saveur incomparable de la victoire obtenue en 2006, abusivement attribuée à Aymrald dans l'esprit du public: il y avait certes bien contribué, mais sans une équipe aussi prompte à lui faire des passes précises et à se placer pour récupérer les siennes (ce n'était généralement pas lui qui marquait les essais: chacun sa spécialité, bien qu'il en posât deux cette fois, et avec la face "six" en haut, de plus), rien n'eût été possible contre les champions finlandais. Aymrald jouait toujours de bout en bout ses matchs ("contrairement à la plupart de ses personnages dans les films"), sans sembler ralentir ni perdre de précision. Il avait divers surnoms, dont "Kerminator" (bien qu'il n'eût pas joué ce rôle, mais l'un des ingénieurs le construisant) ou "machine à découdre", en raison de ses trajectoires en zig-zag ("comment fait-il pour ne pas tomber?") désorganisant la défense adverse car conduisant beaucoup de défenseurs à glisser et tomber en tentant de l'intercepter. "On dirait qu'il a des crampons et pas eux", avait-on parfois commenté. Observé au ralenti et au zoom, on voyait qu'en fait ses pieds glissaient aussi (et pas qu'un peu), mais qu'il gardait l'équilibre pendant ces glissades tout en continuant à pivoter sur lui-même donc en commençant déjà à appliquer une force motrice dans une autre direction, en fonction de celle vers laquelle le haut de son corps penchait. C'était du "drift" pour piéton, mais s'agissant d'herbe (généralement un peu humide) les semelles à lamelles ne partaient pas en fumée, contrairement à ce que l'on eût ajouté dans un dessin animé. L'ebsep était préféré au caoutchouc pour ces semelles, car permettant d'optimiser leur comportement sans dépasser le relief ni l'espacement défini par la fédération internationale de rinnepallo. Les lamelles pouvaient être droites ou légèrement courbes (sur un rayon théorique d'au moins 25cm: pas de courbure forte) et bord le plus sortant d'une lamelle ne devaient pas former de créneaux ni de vaguelettes: sa "saillance" devait être d'altitude constante, sinon cette évolution serait vite allée vers des "ébauches de crampons". Il n'était pas le seul à maîtriser ce type de glisse (moins homogène que sur la glace, tout en étant moins glissante) qui pouvait servir à donner un coup de cul (au sens propre) à un adversaire pendant la glissade (torse incliné) tout en changeant de direction, manoeuvre légale puisque ce type de choc (type "autos tamponneuses") n'était pas jugé dangereux, tout en étant apte à faire tomber la cible.
Pendant le tournage de "L'instinct", Aymrald et Mika participèrent à beaucoup de matchs de rinnepallo avec l'équipe de VTP22, souvent contre une autre partie de l'équipe (il y avait assez de joueurs bien entraînés pour en former deux d'excellent niveau plus des remplaçants pour chacune d'elle, comme à Juustomeijeri), parfois contre d'autres clubs français. Dans certains des matchs "internes", VTP22 testait des joueurs robots. Pour le moment, ils n'étaient pas encore aptes à jouer pleinement dans un match qui ne fût pas un peu scénarisé: la gestion de glissade et de déséquilibre sur l'herbe, ainsi que les probabilités de toucher ou non telle ou telle partie du corps (permise ou interdite) d'un adversaire restaient difficiles à évaluer en temps réel par une machine.
La robotique cinématographique avait résolu chez VTP le problème des personnages "non émilianométriques" coûteux à imiter fidèlement en synthèse. Les complications de modelés et surtout les défauts de surface de la peau, la pilosité indisciplinée, etc, se prêtaient bien mieux à de la fabrication réelle, sur un visage à l'animation naturelle (pas exagérée non plus) très précise grâce au réseau de commande électrique finement maillé dans de l'ebsep d'épaisseur et élasticité variable. Les éléments étant interchangeables il n'y avait pas besoin de disposer d'autant de corps aptes à jouer les scènes mobiles qu'il y avait de personnages robotisés devant avoir l'air vrai: quand l'un d'eux ne faisait que de la quasi-figuration, sa tête était fixée sur un corps moins sophistiqué, ce qui permettait ainsi de ne pas recourir au virtuel tout en ayant ces acteurs (artificiels) disponibles à plein temps, contrairement à un vrai.
Il était ainsi devenu possible de sortir sans trop de surcoût de l'univers trop "émilianien" des séries télévisées de VTP pour, par exemple, raconter une histoire dont le personnage central était un avorton boutonneux binoclard aux cheveux chiffonnés rampants parmi d'autres "pas mieux que dans la vraie vie", voire pires, maintenant que dans la vraie vie les pires s'étaient facilement suicidés dès qu'ils s'étaient rendus compte qu'ils seraient comme ça à vie, et que d'autres défauts (en particulier de peau) étaient traités efficacement et à peu de frais en échange d'une stérilisation définitive.
Il y avait maintenant 2132 têtes en stock chez VTP22, allant de très moche à "quasi-virtuel" (car il y avait déjà les copies matérielles de tous les Emilianiens) en passant par "presque bien mais coûteux à virtualiser fidèlement" et diverses bizarreries. En permuttant les perruques et en modifiant certains règlages internes (agissant sur la forme du nez, l'orientation des oreilles, le gonflement ou creusement des joues, de la zone sous les yeux, etc) on pouvait obtenir encore bien plus de personnages ayant l'air vrai à l'écran. Il n'y avait pas besoin d'autant de modèles différents de corps, le public reconnaissant moins finement les morphologies corporelles que les formes de visages et leur "habillage": vingt morphologies corporelles masculines et trente féminines suffisaient, d'autant plus que là aussi on pouvait à volonté faire engraisser ou maigrir telle ou telle partie du corps selon les besoins du rôle. On pouvait aussi adapter un peu (d'environ 6%) la longueur des sections des membres et du tronc sans trop tirer sur la peau artificielle ni y faire des plis, sauf si tel était le but. Les règlages de largeur de bassin, d'épaules et d'épaisseur du torse (puis ensuite des pectoraux ou des seins) augmentaient encore la polyvalence des corps robotisés. Le même corps servait souvent à plusieurs acteurs dans un tournage, selon le besoin qu'ils auraient d'effectuer des mouvements sans appui ou non: sinon des corps plus simples techniquement (et disponibles en bien plus grand nombre depuis fort longtemps) suffisaient, en particulier pour les "sitcoms". Jadis, VTP utilisait les vrais acteurs (Emilianiens) ou du virtuel (parce que les Emilianiens avaient été choisis pour être facilement virtualisables) et ne recourrait aux sosies robotisés que pour les scènes de destruction partielle ou certaines cascades manquant de réalisme avec le virtuel d'alors tout en étant dangereuses pour les vrais acteurs. Depuis, de plus en plus d'acteurs vus dans les séries, téléfilms et films de VTP n'avaient pas de modèle réel, ou étaient des variantes de l'un d'eux (comme "Gérard" dans "Règlements de compte" à partir d'Erwann) qui n'existaient pas en vrai. Kalle Alioravainen avait été le premier à jouer un rôle principal dans un film de VTP: c'était même le rôle principal de "La statue de Dorian Gray". Dans "Durgavok", beaucoup des guerriers médiévo-futuristes étaient des robots, lorsque cela facilitait les choses tant pour l'intéraction avec le réel que pour ce qui serait vu de près. Lorsqu'un robot devait effectuer quelque chose dépassant ses compétences gestuelles et d'équilibre (en particulier l'appréciation de l'adhérence des surfaces d'appui, surtout pour les sauts et les changements de direction rapides) il était télépiloté par exosquelette à retour d'effort, Erwann ou un autre "VTP" ayant une grande habitude de ce dispositif résolvant alors le problème pour telle ou telle scène. Dans les grandes batailles, la robotique donnait un rendu plus "matériel" que le virtuel (à moins d'y consacrer une puissance de calcul pas toujours raisonnable par rapport aux autres besoins du film et son délai de sortie) pour les impacts, estocs, arrachements et éventrations vues de près. Cela avait déjà contribué à l'impact de la scène d'attaque à cheval des drakkars échoués dans "Drakkars et dragons", scène souvent citée par les cinéphiles et autres amateurs de films d'action, laquelle (qui n'aurait pu être filmée ainsi ni avec de vrais chevaux, ni avec du virtuel à moins d'un coût infographique dissuasif à l'époque) avait encourragé VTP à investir de plus en plus dans la robotique réaliste, quitte à renouveller un peu moins vite que prévu l'arsenal informatique pour le virtuel. Renouvellement qui n'avait toutefois pas ralenti, vu les rentrées financières spectaculaires issues de "Drakkars et dragons" et autres grands "Kerfilm".
Les méningites neusocomiales avaient déjà fait 230 millions de morts dans le monde cette année, du moins était-ce le décompte de ceux qui avaient pu être recensés car dans certains pays sous-développés l'état-civil n'enregistrait ni toutes les naissances ni tous les décès, or c'était dans les grands bassins de population "sous-assainis" (entassement et manque d'hygiène) qu'il y avait eu le plus de morts, y compris en pourcentage de ces populations. Ayant peu d'enfants fréquentant peu l'école (peu de jours par mois, par rapport à la moyenne européenne) et n'étant plus mis en garderies (car devenues rares et très chères), la France était le pays le moins touché en pourcentage de sa population, et même en pourcentage de ses enfants de moins de dix ans. On voyait de moins en moins d'enfants dans les centres urbains, la règlementation y dissuadant l'établissement (et même le maintien) des familles, faute d'espaces verts, ceux-ci étant considérés comme nécessaire à l'enfance, qu'il s'agît de jardins privés (donc de la maison) ou de parcs publics à proximité ("à portée de petits pieds") d'un appartement. Les chiens y étaient devenus encore plus rares, la règlementation étant stricte sur ce point: on ne pouvait avoir un nouveau chien que si l'on disposait d'un jardin d'une taille suffisante (par rapport à celle du chien: un barème établi par logiciel la définissait), donc au fil des décès, la plupart des chiens urbains n'avaient pas pu être renouvellés par leur propriétaire à moins de déménager "au vert", ce que la généralisation du télétravail à tous les emplois s'y prêtant techniquement facilitait. Les amendes rapidement dissuasives (car augmentées à chaque récidive, puisque notées dans un fichier central) pour aboiements gênants et dépôt de crottes sur la voie publique avaient elles aussi réduit le nombre de possesseurs de chiens tout en disciplinant nettement les autres. Les chiens robots (suffisants pour faire peur à un rôdeur de l'autre côté d'une clôture) d'apparence réaliste connaissaient un succès croissant, malgré leur coût, car il n'y avait ni crottes, ni vaccins, ni puces, ni aboiements en dehors de la fonction "alarme intrusion" (remplaçant une sirène). Les gens ayant un chien comme dissuasion d'effraction plus que comme compagnon affectif ou d'activités sportives ne trouvaient que des avantages aux chiens artificiels (certains étant visuellement et techniquement issus de ceux développés pour le tournage de "Cave canem", sanguinaire à souhait). Les chats d'appartements décédés étaient parfois aussi remplacés par des faux, la règlementation interdisant le confinement de plusieurs chats dans un appartement et limitant déjà la possibilité d'en avoir un dans un petit logement sans jardin. Des mécanimaux plus exotiques se vendaient encore mieux, en particulier les pythons (l'imitation trompant la plupart des visiteurs, chez le propriétaire du faux), mais aussi de petits crocodiles, des mygales (appréciées des bijoutiers pour patrouiller les vitrines sans avoir à les chauffer comme pour des vraies, ni à prendre autant de précautions anti-évasion) et des êtres imaginaires issus du cinéma ou de l'imagination du constructeur, voire du client pour les modèles sur commande. Le marché zoophile était lui aussi fort actif, la truie restant un des modèles les plus appréciés.
La France et quelques pays d'Europe avaient autorisé la commercialisation d'enfants et bébés artificiels pour pédophiles, estimant que cela pourrait empêcher beaucoup de passages à l'acte avec des vrais, sauf pour les "surpervers" pour lesquels la notion même de délit et de risque d'incarcération faisait partie du plaisir. De même, la détention de photos pédophiles n'était plus un délit, à condition de pouvoir prouver leur origine artificielle (faites avec de faux enfants, ou par bidouille virtuelle) en cas d'enquête. Il était par contre strictement interdit (retrait immédiat de la garde et ouverture à l'adoption) aux parents d'emmener des mineurs dans un camp de nudistes, car ils avaient droit au respect de leur image, en particulier vis-à-vis de tiers qui auraient pu les photographier nus dans de tels camps et mettre les photos en circulation sur sites pédophiles, ces photos-là (avec de vrais enfants) restant interdites.
Les champs de nudistes comprenaient bien cette interdiction, nombre de photos de ce genre leur ayant déjà valu des ennuis par le passé: des juges les avaient accusés d'être complices des photographes alimentant les réseaux pédophiles puis en avaient découvert les preuves pour certains d'entre eux, avec des peines de prison et la fermeture du lieu. Il y avait un autre changement des usages dans ces camps, changement qui ne devait rien à une loi: certains n'acceptaient désormais que les corps "suffisamment épilés pour que cela ne se remarque pas de loin", condition qui avaient le plus souvent été imposées par les municipalités. Le goût croissant des jeunes pour la non-puberté et de nombre de moins jeunes pour le retour à un corps imberbe y avait contribué culturellement: la nudité était mieux tolérée si c'était "comme les statues".
Il restait en France un cas où une photo pédophile avec enfant réel pouvait être légale: si l'enfant était majeur (ayant réussi les examens de majorité) et avait donné son accord écrit à la diffusion. De plus, avec le report électronique de la puberté, les enfants restaient biologiquement enfants plus longtemps: juste en plus grands. La morphologie évoluait ensuite (avec ou sans puberté), mais plus "calmement".
L'accord ne vallait que pour un à trois mois, donc à renouveller, tout comme pour la pornographie adulte: ceci permettait (par exemple) à une étudiante ayant fait un peu de porno pour améliorer l'ordinaire de ne pas traîner ça toute sa vie: au delà d'un certain délai (dépendant de l'âge, et du type de document: l'autorisation était plus longue pour un film, car il fallait le temps de finir de le monter avant de pouvoir l'exploiter financièrement) celui-ci cessait d'être éditable et diffusable sans nouvel accord, ou modification infographique des scènes où l'on aurait pu reconnaître des acteurs et actrices ne l'ayant pas renouvellé. Cela pouvait donc donner lieu soit à son retrait de diffusion, soit à la perception d'une somme en échange de jouer les prolongations. Ceci encourrageait l'utilisation soit d'acteurs professionnels (ayant déjà au moins trois ans d'ancienneté dans ce type de tournage (il y avait aussi un nombre minimal de films et une durée cumulée de présence visible dans les scènes X de ces films pour être considéré comme "acteur porno professionnel"), et étant les seuls à pouvoir signer des autorisations définitives de diffusion) soit de robots, soit de corps réels anonymisés infographiquement en ôtant tout "signe particulier" personnel et en remplaçant la tête quand elle était visible. L'industrie du porno faisait donc grand usage des corps artificiels à animation réaliste fabriqués par VTP et certains concurrents japonais qui en vendaient depuis longtemps au prix fort aux particuliers.
Il existait des "poupées électroniques" (elles n'étaient plus "gonflables") à l'image des héroïnes de certains films X célèbres, et pouvant rejouer les scènes de ces films de façon synchrone à leur diffusion (l'enregistrement comportait ces informations: sorte de karaoké tactile), l'utilisateur faisant alors son possible pour être lui aussi en phase, avec l'avantage de pouvoir arrêter, accéler, ralentir ou revenir en arrière. En remplaçant la tête, le même corps (la partie la plus chère) pouvait resservir pour jouer en parallèle d'un autre film avec une autre actrice porno.
En France, aucune entreprise n'avait réembauché les ex-énarques dont l'administration ELR s'était débarassée d'entrée de jeu. C'était parce que le système administratif avait totalement changé que personne ne s'intéressait aux ex-spécialistes de l'ancienne administration, dans le monde industriel: ils ne pouvaient pas servir de consultants pour expliquer comment obtenir ceci ou cela de l'Etat ou des entreprises publiques. Il n'y avait plus de "hauts fonctionnaires" mais des réunions de gestion de tel ou tel secteur public comportant nombre de techniciens mais aussi de simples citoyens clients de ce secteur. Plus personne ne faisait une "carrière" dans l'administration: non seulement il n'y avait plus d'augmentation à l'ancienneté, mais en plus, priorité était donnée à l'embauche de ceux n'y ayant encore jamais travaillé pour prendre la place de ceux qui y étaient déjà et qui devaient donc retourner "dans la vraie vie", comme on disait à l'ELR.
La France avait la classe politique la plus jeune d'Europe, juste devant l'Estonie. En effet, l'impossibilité, désormais, de "garder au chaud" une place dans la fonction publique pendant un mandat et de faire fortune dans la politique (aucun poste de pouvoir public ne pouvant donner un revenu supérieur à la médiane nationale, calculée sur la totalité des 18->65 ans) favorisait le renouvellement des élus et en avait écarté tous les "vénaux" ou "carrièristes". La majorité élective non plus n'était plus un âge: il fallait avoir réussi l'examen de majorité depuis au moins trois ans et n'avoir commis aucun délit. De ce fait, il y avait une dizaine de députés de moins de vingt ans depuis les dernières législatives, jeunes gens fort sérieux et appliqués dans la gestion du pays. Il s'agissaient pour la plupart (bien que ce ne fût pas une donnée publiée) de jeunes non pubères (merci l'électronique), surtout les filles.
L'ELR n'avait rien fait pour ni contre la féminisation de l'Assemblée: il n'existait aucun quota (contrairement à ce qui avait eu lieu un peu avant pour certains scrutins de listes, et avait été aboli) mais la tendance massive des jeunes femmes à ne plus envisager de devenir mères de familles en avait poussé un plus grand nombre vers la politique économique, ce qui avait porté le taux à 17%. Des "filles adultes" et non des mères, ni des "ménagères" car aucune n'était mariée ni pacsée (donc "en ménage") bien que ce ne fût pas statutairement interdit.
Les élus étaient jeunes, presque tous célibataires, ne disposaient plus de revenus dépassant la médiane nationale, donc n'étaient plus des "notables", ce qui expliquait la fonte des tendances "molles" et la répartition des élus en un grand nombre de groupes ayant des convictions bien affirmées, chacun dans sa tendance. L'ELR était maintenant composée de onze sous-groupes ayant des désaccords entre eux sur certains points mais d'accord sur l'essentiel: la société de conservation, le mathusianisme et la "sobriété de l'Etat". Tout le "décorum" avait disparu, les bâtiments pompeux de "l'ancien régime" ayant été loués à des entreprises ou transformés en hôtels de luxe où l'Etat se réservait encore de temps à autre une semaine pour les réceptions internationales. Les voitures de fonction étaient fort rares et minimalistes. Les logements de fonction (pour les députés devant venir de loin) étaient de simples studios d'étudiants. La fonction publique attirait désormais bien moins les "chercheurs d'emploi" que les "vrais métiers" de l'industrie, celle-ci ayant repris de l'ampleur grâce à l'abolition des charges sociales, très favorable aux exportations malgré la nouvelle concurrence russe sur certains produits (mais pas tous), et grâce à l'effondrement économique de la Chine du fait de la multiplication des sabotages internes des grands équipements par les groupes de résistants renseignés "intraçablement" via le Lioubioutchaï et pouvant bien plus facilement, de se fait, s'organiser et s'armer que jadis.
Aux Etats-Unis, c'étaient les éco-résistants qui paralysaient une grande partie du trafic aérien, car il leur suffisait de re-détruire périodiquement au lance-roquette quelques grands radars des principaux aéroports américains pour empêcher la reprise de la plupart des vols. Certains les soupçonnaient d'être renseignés voire armés par les compagnies ferroviaires (le train avait retrouvé de la fréquentation voyageurs, y compris dans les trajets est<->ouest) ou les entreprises installant des sites de téléconférences pour les grandes entreprises, ce qui les dispensaient de faire voyager leurs cadres supérieurs, jusqu'alors gros clients des compagnies aériennes.
Ceci accentuait encore l'effondrement des ventes d'avions de ligne de Boeing et d'Airbus (qui, désormais, misaient surtout sur les drônes, y compris civils, en particulier pour les livraisons automatiques de colis et pièces de rechange dans des zones difficiles d'accès par d'autres moyens), déjà mises à mal par l'arrêt des commandes chinoises et la concurrence redoutable de l'hydravion catamarant géant russe, économique tant à l'achat qu'à l'usage puisqu'il s'exemptait des taxes d'aéroports en ne s'y posant pas. Même loin de la mer, un lac ou un canal ne présentant pas d'obstacles latéraux (pour les ailes) suffisait. S'y ajoutait, pour les hommes d'affaires (sauf entièrement convertis à la téléconférence) le supersonique, sur lequel certaines compagnies aériennes avait misé, sachant que la disparition du Concorde avait laissé un trou dans l'offre de voyages rapides et que l'avion russe, bien plus récent, était plus facile à mettre en oeuvre, en particulier concernant la longueur des pistes grâce au catapultage et aux systèmes ralentisseurs inspirés de ceux des porte-avions, couplés à l'automatisation totale de ces phases de vol, ce qui permettait une précision de manoeuvre et une économie de carburant impossible à obtenir par un pilote humain, celui-ci (même virtuose) ne pouvant gérer autant de paramètres par milliseconde qu'un logiciel, ni voir partout autour de lui pour éviter tout risque de collisions.
La France avait depuis longtemps rendu obligatoire le vol automatique à l'approche des aéroports, les installations au sol communiquant tous les paramètres nécessaires au système de l'avion. Les avions de ligne en pilotage manuel n'y étaient plus admis. Il n'existait plus de contrôleurs aériens humains: les machines, bien plus fiables et gérant bien plus d'informations plus précises en bien moins de temps, assuraient une sécurité largement supérieure, supprimant l'erreur humaine... et les grèves. Huit pays européens avaient instauré des règles du même type, les autres utilisant un système mixte recommandant l'automatisation du vol sans l'imposer à toutes les compagnies... de façon à récupérer ces vols-là sur leurs aéroports. Il y avait au total bien moins de vols depuis et vers l'Europe, la taxation du kérosène s'ajoutant à la hausse des primes d'assurances liées aux actes d'éco-terrorisme (et de riverains excédés par le bruit: ça s'était produit aussi, dans divers pays) ayant dissuadé beaucoup de gens de voyager en avion.
D'autres pays européens s'étaient en partie "défonctionnarisés" (la Suède ayant commencé bien avant la France), la tendance étant de réduire l'Etat à ses fonctions "régaliennes": au rôle d'arbitre et non d'agent économique. Dans le rôle d'arbitre, il y avait (en France) veiller à ce que l'abolition des monopoles d'Etat ne fît pas place à des monopoles privés, ce qui avait limité la part que BFR avait pu prendre dans la production électrique française et l'avait incité à accélérer son implantation dans d'autres pays, tandis que des sociétés de production électrique géothermiques allemandes, italiennes, etc, opéraient aussi sur le marché français pour maintenir une concurrence suffisante au profit de l'utilisateur.
L'avantage commercial massif acquis par la France du fait des réformes "société de conservation" freinant la consommation au profit de l'épargne, de la réutilisation et de la réparation (d'où une déflation très avantageuse dans un système à monnaie unique) avait conduit ses voisins à suivre plus ou moins cette voie: au fil des élections ça et là, c'étaient les partis prônant le tout-TVA (ou son équivalent local) et la baisse des dépenses publiques qui s'étaient peu à peu imposés. L'une des différences principales étaient que nombre de ces pays n'avaient pas estimé avoir besoin de mesures antinatalistes, leur natalité étant déjà faible, mais certains avaient tout de même éradiqué tout ce qui pouvait ressembler à de la prise en charge par tous les contribuables des coûts créés uniquement par les familles, en particulier la scolarité. En Allemagne, par exemple, depuis 2003 les gens sans enfants étaient intégralement exonérés d'impôts sur le revenu, ne payant que les taxes sur les nuisances (produits jetables, carburants, etc). Cette "contagion malthusienne" était dûe en grande partie aux migrations intra-européennes: les pays ayant adopté une socio-fiscalité malthusienne attiraient les "jeunes célibataires productifs" des autres tout en leur envoyant (elles y émigraient spontanément, en fait) leurs familles nombreuses ou envisageant de le devenir. Perte des "forces vives" (les célibataires productifs), arrivées de "bouches inutiles" (les familles nombreuses ou le devenant une fois installées) d'où déficits sociaux et réactions xénophobes, même dans les pays qui initialement considéraient qu'ils manquaient d'enfants et qui, suite à cette invasion, créèrent (la plupart) des taxes lourdes à partir du troisième ou du quatrième enfant, sachant que leurs "nationaux" dépassaient rarement deux donc que la taxe frapperait essentiellement cette immigration tout en permettant de diminuer l'impostion des "forces vives" donc de moins les inciter à aller en France, où malgé la TPA les immigrés de valeur pouvaient maintenant fort bien réussir, surtout comme travailleurs indépendants puisque les salaires, eux, étaient plafonnés. Pour continuer à pouvoir recruter des footballeurs de premier rang, les clubs devaient donc les rendre co-actionnaires, seul moyen de les rémunérer au delà du salaire maximum, mais ceci uniquement si le club avait des bénéfices à redistribuer sous forme de dividendes. Dans ce métier comme bien d'autres, le fisc étudiait tous les "montages" financiers qui pouvaient conduire d'une façon ou d'une autre à verser l'équivalent d'un "sursalaire", c'est à dire sans la part de risque d'un partenariat, et, le cas échéant, le confisquait. Il ne devait plus y avoir de gros salaires en France: l'administration y veillait, l'ELR sachant que pousser les plus vénaux à se constituer de gros revenus non salariaux serait bien plus productif (d'autant plus que la spéculation à court terme était elle aussi imposée à un taux confiscatoire, contrairement aux placements longs qui, eux, sortaient au fil du temps de toute fiscalité). L'autre idée était que si une tâche était pénible, la solution n'était pas de l'indemniser par un salaire (primes incluses) plus élevé, mais par un horaire de travail réduit.
La disparition des gros salaires rendait le CNS d'autant plus attractif (car cumulable) d'où l'incitation à ne pas faire d'enfant pour pouvoir en bénéficier, ainsi que de la Sécu à 100% sauf bien sûr pour ce qui n'était plus remboursé, comme les psychotropes, les bridges (au profit des implants au tarif de l'hôpital public) ou les cures thermales. L'opération de la myopie (tout comme les implants capillaires) ne l'était que contre stérilisation (en plus de ne pas encore avoir fait d'enfant) et après vérification de la sensibilité cornéenne pour éviter des douleurs post-opératoires insupportables. La prise en charge de nombre d'opérations antérieurement non (ou très mal) rembousées mais uniquement aux tarifs hospitaliers avait tari la clientelle des praticiens libéraux habitués à pratiquer les prix forts, qui ne conservaient que celle des riches ne souhaitant pas cotoyer la "France d'en bas" dans les hôpitaux, ou des "moyens-riches" avec enfants donc n'ayant pas accès à la prise en charge publique. Un certain nombre d'opérations jugées autrefois "purement esthétiques" ou "de confort" (comme celles contre la transpiration) donc non prises en charge l'étaient désormais aux mêmes conditions: ne pas avoir fait d'enfant et accepter une stérilisation définitive permettait maintenant non seulement d'avoir un meilleur revenu, mais aussi de devenir moins laid, si le problème était opérable.
L'accès plus facile dans un plus grand nombre de pays aux traitements ou systèmes antipubertaires imposait le recalcul des répartitions des tailles dans l'industrie textile car les vingtenaires étaient bien plus grands qu'avant, en France (alors que ceux des années 90 avaient été plus petits, statistiquement, que ceux des années 80) et allaient le devenir (leurs remplaçants) dans les pays ayant offert par la suite à cette possibilité à leurs pré-ados, sans oublier tous ceux qui traversaient une frontière pour bénéficier de cette possibilité. Il en allait de même de la literie, qui outre la réduction de la demande des formats biplaces devait proposer des longueurs supérieures, comme en Suède.
Ceci allait nettement accentuer le fossé entre cette génération et la précédente, l'écart d'âge paraissant bien plus grand qu'il ne l'était, en plus de ne plus partager (pour la plupart) les mêmes "valeurs". Psychologues et sociologues (ces formations n'étaient plus financées par l'Etat, mais il en existait déjà beaucoup en activité) avaient de quoi publiquer quantité de thèses, essais anticipatifs et modélisations du futur de la société, sous forme de livres ou parfois de documentaires télévisés. Les sociologues n'avaient déjà pas su prédire la société de communication généralisée (et moins encore gratuite, via le Lioubioutchaï) ni l'émergence de la Russie comme première puissance industrielle mondiale après l'effondrement du "soufflé chinois", donc leurs nouvelles prospectives avaient de fortes probabilité de rester parmi les futurs parallèles possibles tandis que le monde réel en forgerait encore un autre. Ceux qui comme BFR avaient misé sur un pétrole hors de prix (ainsi que le caoutchouc, etc) en investissant massivement dans les technologies de substitution en retiraient bien moins de bénéfices que prévus, l'effondrement des ex-deux plus gros consommateurs mondiaux d'énergie fossile (Chine et USA) ayant entraîné celle de la spéculation pétrolière (et sur tout un tas de matières premières) donc une chute des cours. Les technologies mises en oeuvre par BFR restaient rentables, mais seulement comme elles l'eussent été dix ans plus tôt. Le plus beau résultat de BFR restait celui des "chairs artificielles", car la raréfaction des sources de protéïnes animales continuait: la pêche n'était plus aussi intensive que jadis, mais restait supérieure au rythme de renouvellement de la ressource, faute d'avoir laisser à celle-ci les dix ans de sous-pêche qu'il eût fallu pour la reconstituer puis en obtenir chaque année des "intérêts" viabilisant une reprise de la pêche à un niveau intermédiaire entre celui ayant raréfié le poisson et ce qui était encore récolté par les navires après l'avoir tant raréfié. Le problème était que le poisson ignorait les frontières et que dans les eaux internationales, fort peu de flottes respectaient des quotas: "sinon de toute façon ce seront les autres qui vont le pêcher". La charcuterie marine de BFRSF, jadis si rentable par rapport à l'élevage porcin, avait fait place aux chairs artificielles du fait de la hausse dissuasive du prix du poisson, y compris des espèces jadis "de faible valeur commerciale" utilisées pour produire la "charcuterie marine".
Les progrès de la robotique de production étaient spectaculaires, tant au Japon qu'en Russie, en France, en Allemagne et dans bien d'autres pays: l'avenir était au financement des personnes âgées par la production robotisée, et surtout pas par un surplus de main-d'oeuvre humaine, la concurrence internationale empêchant de la rentabiliser: dans les pays "développés", des gens en plus coutaient plus qu'ils ne produisaient, dès que les tâches non encore robotisables étaient occupées. Chez Kermanac'h la production des robots était elle-même en grande partie robotisée depuis les années 70, seul le "sur mesures" (en particulier la réalisation de prototypes, ou de machines de très grande taille commandées par peu de clients) et le bureau d'études utilisait encore des ingénieurs et techniciens humains. Le Japon avait beaucoup misé sur les robots d'interaction humanoïdes (sans négliger l'industriel), l'Europe (Russie incluse) sur la robotique-outil: c'était essentiellement VTP qui avait acquis une grande maîtrise (et des coûts assez raisonnables) dans la robotique animaloïde (humains inclus) crédible à voir et parfois même au toucher.
La perte de compétivitité informatique et les restrictions protectionnistes mises sur l'importation de composants russes (massivement utilisés en Europe de l'ouest pour leur rapport puissance/prix imbattables, alors que les robots russes (bien qu'utilisant ces composants) ne pouvaient en dire autant: c'étaient juste des "concurrents sérieux") avaient fait prendre du retard à la robotique américaine, sauf dans le domaine militaire ou les budgets restaient fort généreux et où l'importation (silencieuse) de composants russes était tolérée, du moment qu'ils ne fussent pas mis en situation de servir de chevaux de Troie, ce qui excluait donc les sous-ensembles "décisionnels" élaborés. C'était l'échec de la mondialisation de l'internet (auquel le Lioubioutchaï avait coupé l'herbe sous le pied, parce que plus facile et gratuit d'utilisation) qui avait le plus "plombé" l'hégémonie culturelle et scientifique américaine. Les Américains considéraient aussi (pas tous, mais beaucoup) l'abandon de la théorie de la relativité générale comme une défaite nationale, bien qu'Einstein fût d'origine allemande. L'abandon du dollar comme monnaie de transaction par beaucoup d'Etats (surtout pétroliers) s'ajoutait à la perte d'influence de l'anglais dans le monde car les documents et messages dans cette langue transitaient moins bien que les autres dans le Lioubioutchaï, mais toutefois assez pour inciter les Américains eux-mêmes à renoncer à l'internet dont le débit était encore bien moindre, en plus d'être coûteux. Hollywood avait aussi perdu le marché des gros films d'action au profit de VTP et surtout (de plus en plus, car en 1998 ce n'était pas encore le cas) Bollywood où la plupart des productions d'origine américaines étaient désormais tournées. Les grands gagnants étaient les céréaliers américains qui outre un dollar très bas permettant d'exporter, avaient un atout sur le marché intérieur des biocarburants: certes, le pétrole n'avait pas atteint les sommets redoutés, mais vu la chute du dollar, il était maintenant hors de prix par rapport aux "carburants verts" nationaux. Les recherches et surtout applications d'OGM permettant de se passer le plus possible d'engrais (car traditionnellement consommateurs de pétrole dans leur production) et pesticides tout en réduisant (et parfois supprimant) l'arrosage avait encore contribué à la rentabilité des productions énergétiques agricoles américaines. Il n'y en avait pas assez pour exporter, mais cela permettait déjà d'alléger la facture pétrolière routière de 65%. La baisse du trafic aérien y avait elle aussi contribué en diminuant nettement la consommation totale de carburants. Si les Américains continuaient à ne plus acheter de gros véhicules là où de petits (genre citadines japonaises) suffisaient, et à renoncer à utiliser les pick-up à moteur V8 encore en circulation, la production intérieure de biocarburants atteindrait bientôt l'autonomie totale, puis générerait des capacités d'exportation. L'Europe restait très handicapée sur ce point par sa densité de population anormalement élevée par rapport à celles des Etats-Unis ou de la Russie. La priorité était donc à la réduction de la consommation d'énergie "mobile" (par opposition à l'électricité qui dans la pratique était surtout une énergie fixe), donc du besoin de transports.
Les pays pétroliers voyaient avec beaucoup d'inquiétude leur ex-premier client se serrer ainsi la ceinture et surtout changer de source de carburant: une fois le pli pris, les Américains ne reviendraient certainement pas au pétrole (au point de n'extraire le leur que pour la plasturgie), à moins d'une hausse du dollar telle que l'or noir redeviendrait moins cher que son équivalent bio. Le développement massif de la géothermie de grande profondeur (y compris sous-marine: le problème était d'y aller, mais ensuite les forages étaient bien moins profonds donc rapidement rentables) avait, lui, tassé la demande d'uranium et de charbon (selon le type de centrale qu'elle remplaçait: la situation était fort différente d'un pays à un autre). Non seulement les Américains importaient de moins en moins de pétrole (la baisse étant bien plus rapide qu'en Europe, ce qui était facile depuis le niveau de gaspillage "sans compter" d'où ils venaient) mais de plus la Chine qui était en voie de prendre le relais comme plus gros client pétrolier réduisait elle aussi ses importations suite à la récession industrielle que les mouvements révolutionnaires internes lui faisaient vivre.
Tout ceci (dont l'abandon d'un grand nombre de centrales au charbon au profit de la géothermie qui réutilisait les turboalternateurs des précédentes, point sur lequel les Américains étaient en retard) avait conduit à une baisse de 32% de l'émission mondiale de dioxyde de carbone dans l'atmosphère par rapport à 2000. C'était mieux qu'espéré (la crise économique sino-américaine, imprévue, en ayant induit une grande partie) mais encore nettement insuffisant pour éviter l'augmentation de l'effet de serre: pour cela, il fallait diviser par cinq. Les restrictions sur les voyages du fait des reprises ça et là de méningites neusocomiales (dont encore des souches inédites) avaient elles aussi contribué à la réduction de la consommation mondiale de combustibles fossiles donc à la retombée des cours. Ces épidémies avaient réduit la population dans de nombreux pays, dont tout particulièrement l'Inde où chacune induisait des dizaines de millions de morts: surtout des enfants de pauvres (puisque les plus entassés dans les zones les plus insalubres), ce qui contribuait à l'essort économique indien.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire