vendredi 10 avril 2009

chapitre N-8

##N-8
2004

. Il n'y avait eu qu'un peu plus d'un million et demi de suicides cette année en France, ce qui combiné à la mortalité et à la natalité (restée en dessous des 200 000) ramenait la population à 40,8 millions d'habitants. 71% des 19-20 ans, 68% des 18-19 ans, 57% des 17-18 ans étaient majeurs (par réussite d'examen de capacités), 38% des 16-17 ans, 23% des 15-16 ans, et ainsi de suite: on trouvait encore 5% de jeunes majeurs dans la tranche des 10-11 ans et quelques-uns avant. Inversement, certains n'avaient toujours pas réussi leur examen de majorité à 24 ans, et ne pouvaient (et ne pourraient peut-être jamais?) effectuer seuls certains actes civils, financiers ou autres: ils restaient sous tutelle ou curatelle. La notion de majorité civile ne dispensait pas les parents de leur obligation de loger et nourrir. Elle n'avait rien à voir non plus avec la majorité pénale, abolie, les peines étant appliquées selon l'avis du jury, la notion d'âge ne devant pas être prise en compte mais seulement le rôle éventuel d'influences extérieures (en particulier les parents, qui pouvaient être jugés co-responsables donc co-condamnés, dans certains cas). 8% des enfants non encore majeurs avaient divorcé de leurs parents et obtenu le versement d'une pension.
. Le taux de natalité avait légèrement augmenté puisque le nombre de naissances restait stable dans une population ayant diminué. 3,74% de la population s'était suicidée cette année, ce qui restait à la fois beaucoup et peu. Beaucoup par rapport aux statistiques d'avant la mise en accès public du suicide confortable pour quiconque le souhaitait, mais peu par rapport au nombre de situations où un individu lambda préférait cesser d'exister et pouvait le faire aussi facilement qu'en France.
. Il y avait selon certains un effet pervers de cet accès facile au suicide: ses bons points étaient que les malades se suicidaient plus que les bien-portants, les nerveux plus que les calmes, les gens en échecs plus que les gens en réussite, les laids plus que les anonymes ou beaux, ce qui aurait à long terme un effet darwinien pouvant être positif, mais il y avait plus de suicides de gens intelligents que d'idiots, ce qui confirmait l'expression "imbécile heureux".

. Depuis l'ELR, la valeur du "Q.I." avait été beaucoup remise en cause par les "gens autorisés à causer dans le poste" (qui n'étaient plus les mêmes qu'avant, en particulier on était sorti de la psychanalyse à l'ancienne) suite aux études montrant qu'il n'y avait pas de corrélation entre Q.I. et réussite sociale (sauf quand il était inférieur à 100: la moyenne, par définition), ni même réussite scolaire. Les indices mis au point pragmatiquement par BFR semblaient plus pertinents:
. le QRO: "Quotient de réaction opportune" mesurait l'aptitude d'un sujet à mobiliser ses connaissances et son savoir-faire face à une situation réelle, par rapport à ce qu'il savait théoriquement faire. Cela mesurait en quelque sorte le "sens de l'à-propos" mais généralisé à tous les savoir-faire, pas juste sortir le bon exemple au bon moment dans une discussion au lieu de n'en avoir l'idée qu'un quart d'heure plus tard. Le QRO était bien plus important que le QI pour les militaires, les sauveteurs en situation d'urgence et tous ceux qui devaient avoir la bonne idée ou le bon souvenir au bon moment, et non après.
. Le FDI: "Facteur de Disponibilité Intellectuelle": la capacité d'accéder en pratique à son intelligence théorique.
. Il y avait aussi des mesures pour la résistance au stress, la résistance au décourragement, la résistance à la tentation de faire autre chose. Tout ceci permettait de mieux cerner la capacité d'un individu à réussir ou à échouer. Ceci pouvait expliquer les échecs répétitifs d'individus supposés (au QI) intelligents, et la "chance" de ceux qui n'étaient pas "des lumières" dans les tests classiques mais venaient sauver un projet ou une situation en faisant exactement ce qu'il fallait quand il le fallait. La paresse (phénomène très puissant, expliquant énormément d'échecs) devait être décomposée en divers domaines, les individus étant rarement paresseux partout (on pouvait déjà distinguer la paresse physique et la paresse intellectuelle) et le "flair" était difficile à estimer, même si les gens dotés d'un bon flair étaient tous parmi ceux ayant un bon QRO, mais l'inverse n'était pas toujours vrai: on pouvait ressortir la bonne connaissance, la bonne compétence au bon moment sans être capable de deviner quoi que ce fût. C'était le cas de Stéphane: efficace même "à chaud" ou à l'improviste, mais ne disposant pas d'une boule de cristal pour trouver ce qui ne lui avait pas été appris d'une façon ou d'une autre. Le flair était un don que la science finirait peut-être (sûrement, pensaient les recruteurs de BFR) par expliquer, mais ce n'était pas encore le cas. Ce qui était certain, c'était que les gens ayant une volonté forte avaient peu de flair, car leur esprit était moins ouvert à remarquer, détecter puis examiner sans à-priori ce qui ne semblait pas faire partie directement du problème. Ceci expliquait qu'il échouassent dans tout ce qui ne demandait pas juste de foncer droit devant. Toutefois, on pouvait n'avoir ni volonté ni flair, comme Stéphane: avoir peu de volonté lui donnait un excellent QRO (il avait toujours toute son intelligence (banale) et sa mémoire (excellente) sous la main au moment où il le fallait), mais ne devinait, n'inventait rien pour autant. Son QRO élevé lui était utile pour les langues: le mot opportun venait tout de suite, s'il le connaissait antérieurement, même s'il l'avait rarement utilisé. La gestion des exceptions innombrables du système de déclinaison finnois demandait énormément de mémoire "directe" (celle d'un annuaire ou d'un dictionnaire). Il en avait plus que la moyenne des Français, mais tout de même pas assez pour un usage aisé et impeccable du finnois, en dehors des expressions et phrases qu'il avait déjà utilisées plusieurs fois.

. L'utilisation de vaches porteuses était maintenant autorisée dans de nombreux pays, y compris certains Etats américains, ce qui donnait un nouveau débouché à l'élevage bovin mis à mal par le succès croissant des chairs artificielles et des faux laitages riches en calcium biodisponible sans avoir les effets hormonaux du "lait de soja". Les substituts de viande de BFR avaient pris 74% du marché français (il restait des gens méfiants et prêts à payer bien plus cher pour un produit moins sain pour les artères), la conquête des laitages étant plus lente (28%) car la différence de prix était moindre. Les usines avaient été transformées en forteresses par crainte d'attaque par des commandos d'éleveurs, mais au total il y avait eu (y compris sur le transport, point faible de la chaîne) peu d'attaques de ce genre. Bien qu'il y aît eu aussi quelques expériences réussies de gestation humaines à bord de truies (le premier cas réussi étant chinois), la filière porcine avait bien moins bénéficé de cette reconversion que la filière bovine. La vache ne faisant (en principe) qu'un veau à la fois semblait (aux gens de la population ordinaire) plus proche du modèle de gestation humain, bien que pour les greffes le porc fût bien plus intéressant.
. La gestation bovine d'embryons humains n'était été autorisée en Allemagne que depuis le 1er janvier 2004, sous la pression de ses éleveurs et du manque à gagner national en raison du nombre de gestations à l'étranger (Belgique, Hollande, France, Danemark, Hongrie) au profit de mères (familiales) allemandes.
. Les féministes, très actives en Allemagne, y voyaient une menace terrible pour les femmes: "les hommes pourraient se passer de nous", alors que dans les anticipations antérieures on imaginait plutôt la parténogénèse, sans homme. Certaines (et certains) objectaient qu'il resterait incomparablement préférable d'allaiter au lait humain, plutôt que bovin, et que jusqu'à présent on n'arrivait pas à en faire produire aux tétons masculins, alors qu'il était possible de déclencher artificiellement une montée de lait chez une femme n'ayant pas été enceinte, le processus étant ensuite entretenu par la têtée de son enfant né d'une vache porteuse. La crainte était donc l'étape suivante: la modification génétique du pis de la vache pour produire du "colostrum" humain puis du lait humanisé naturel. Il faudrait aussi miniaturiser les tétons, ceux d'une vache étant trop gros pour une bouche de bébé.

. Le clônage humain (l'ADN l'étant entièrement, contrairement à celui des mitochondries) dans un "oeuf" fécondé bovin (méthode économique et discrète, car ne nécessitant pas de donneuse humaine) avait été réussi par diverses équipes de plusieurs pays, après la publication des chercheurs suisses dont les scientifiques avait beaucoup discuté, à Stockholm, pour savoir s'ils méritaient ou non le prix Nobel. Finalement, l'institution suédoise avait décidé d'attendre (officiellement) de savoir si l'enfant était exempt de problème de santé: "nous en reparlerons dans cinq ans".

. Quantyx sortit le 28 janvier 2004: ce film où les gens se croyant vrais découvraient que le monde était une simulation (eux-mêmes inclus) allait plaire aux amateurs de jeux vidéo, d'informatique (même non joueurs) et de films de SF "à changement de contexte" en général, avec nombre de surprises, dû à l'équivalent numérique de "l'effet papillon": changer un seul bit à un endroit significatif pouvait totalement modifier l'univers et son contenu.

. Il y aurait 27 films (de cinéma) sans Erwann tournés cette année par VTP (et cinq chez VTPSF, qui tournait surtout des séries et téléfilms), dont le péplum "Cléopâtre" par Westfilm pour les Américains. Là bas, une émission de télé s'intéressant au cinéma avait passé quatre séquences brèves de "Autobahn" comme illustration de "à qui cela vous fait-il penser?". L'allure générale, les vêtements, la façon de tenir l'arme et de tirer, l'expression, tout y était: pas juste sur une image, mais sur des portions de plusieurs secondes, plusieurs fois dans le film. On ne pouvait pas déposer une gestuelle, ces scènes se situaient dans un tout autre scénario et Erwann n'était pas un sosie de l'original (contrairement à Jarkko pour Brad Pitt): il était juste "dans ce genre-là" tout en s'avérant un imitateur d'une fidélité remarquable y compris pour l'évolution d'expression que le spectateur n'aurait probablement pas eu le temps de remarquer, d'autant moins que le scénario dans lequel cela se déroulait n'avait rien à voir avec celui de "Heat". Au jeu des sept erreurs, on remarquait qu'il tenait une AK47 (car cette arme existait déjà à l'époque, elle), que la voiture derrière était une Opel Diplomat (Américaine à moteur V8, mais construite dans l'usine allemande), etc. Dans d'autres scènes n'ayant l'air de rien, on pouvait reconnaître certains gestes avec des objets (semblant être des tics) qui évoquaient eux aussi Val Kilmer, mais uniquement pour les fans ayant remarqué qu'il faisait souvent ça dans ses films. L'émission se demandait aussi comment il faisait pour tourner plusieurs films en même temps sans s'embrouiller. Un invité répondit:
- ça doit être comme les joueurs d'échecs qui font des simultanées: un compartiment du cerveau pour chaque partie, et pas de ponts entre eux. Il y a des joueurs qui arrivent à en mener plusieurs dizaines en même temps, donc pour les tournages, ça doit marcher de même.

. Le succès incroyable de "Danger nouilles" lui avait fait franchir les 400 millions d'entrées dans le monde. Encore loin des "Drakkars" (chacun) mais effectivement un peu plus que le chef-d'oeuvre tarsinien "Le crépuscule de Rome". Le troisième score cinématographique de tous les temps était donc détenu par un film à base de nouilles carnivores... VTP aussi avait du mal à l'expliquer, à part par le phénomène: "puisque tant de gens sont allés le voir, ça ne peut pas être un mauvais film, malgré le titre". Le bon score de Torx par rapport à son budget était inattendu mais compréhensible, de même que celui de "Peur filante". Mais les "nouilles" n'espéraient même pas égaler "Digestion", dans le style "horreur absurde". C'était un film que la production avait conçu pour s'amuser, sur une idée d'Erwann (le cauchemar à nouilles), sans se douter un instant (tout en y mettant le soin technique et la densité scénaristique de tout vrai film de VTP) qu'il aurait un tel impact. Une rumeur humoristique faisait état d'un projet de superproduction tarsinienne intitulée "Le crépuscule des nouilles": ce n'était pas incompatible avec l'architecture, puisque Dali avait peint "Construction avec des haricots bouillis".

. Gamma continuait de faire nombre d'entrées dans le monde: l'attrait des scènes d'action, de technique (bureau d'études) et de mécanique en faisait un "film d'ingénieurs" au moins autant qu'un film de guerre, tout en gardant un rythme soutenu. Quant à l'holocauste, on voyait que ça n'intéressait pas le nouveau dictateur: il voulait récupérer les trains pour ravitailler et réamer les troupes, de même que la réorientation des bombardements (V1 puis V2) sur les infrastructures industrielles plutôt que les zones d'habitation, cessant de priver les habitants de toits, mais leur coupant l'électricité ainsi que l'eau courante: châteaux d'eau détruits, stations de pompages arrêtées faute d'électricité. Idem aux Etats-Unis, ou habitants et entreprises devaient quitter en masse des gratte-ciel intacts mais inutilisables sans eau ni ascenseurs, les bombes volantes lancées depuis des sous-marins (et guidées par gonio grâce à des balises allumées par des espions) détruisant bien plus de stations de transformateurs, centrales électriques et réservoirs d'eau de grandes villes qu'il n'eût été possible d'en reconstruire. La simple impossibilité de tirer la chasse rendait vite un immeuble inhabitable, tant la corvée d'eau sans ascenseur était dissuasive. Les mouches et les rats règnaient sur Manthattan et tant d'autres quartiers. Cela sappait bien plus vite le moral des habitants qu'un bombardement direct créant ruines et gravats: à part de raves "bavures" à proximité des centrales électriques, raffineries ou autres installations-clefs, tout était encore intact, mais inhabitable. Eau, essence, vivres: les tickets de rationnement ne tardaient pas à être instaurés. L'économie s'étouffait, Wall Street plongeait plus brutalement qu'en 29, alors qu'habituellement une guerre était stimulante industriellement donc capitalistiquement. Les frappes sur les industries pharmaceutiques supposées (disait Thorgård) fabriquer en secret des armes chimiques redoutables (dans certaines c'était effectivement le cas: quel pays ne l'avait pas fait?) avaient surtout pour but de rendre l'Amérique incapable de faire face aux épidémies que l'absence d'électricité, de ramassage d'ordures (le carburant encore disponible étant attribué en priorité à l'armée) et manque d'eau potable allaient induire dans les grandes villes, car là aussi, les médicaments allaient être attribués en priorité aux millitaires "plus d'eau, plus d'électricité, plus de médicaments: ils n'ont pas connu le moyen-âge, alors nous allons combler cette lacune culturelle", disait Thorgård à son frère qui demandait des explications sur cette stratégie inédite. La population américaine finirait par exiger d'avoir accès aux médicaments, à un minimum de transports utilitaires (donc de carburant) au moins pour livrer de l'eau potable, donc le gouvernement finirait par devoir rationner l'armée, ce qui était le but recherché, parallèlement aux frappes sur les industries militaires, construites en se croyant à l'abri de toute attaque extérieure donc ni cachées ni dotées d'une bonne DCA, qui de toute façon eût été plus efficace contre des bombardiers que des bombes volantes, bien plus petites et rapides. Les champs pétroliers du Texas étaient des cibles faciles, tout comme les raffineries: rien n'était prévu pour faire face à une attaque directe, de même que les frappes faisant s'effondrer les hauts-fourneaux: filmé à Pittsburgh (pourtant loin de la côte) et passé aux actualités cinématographiques allemandes, qui présentait Rüdiger Kellner: "le bûcheron de Pennsylvanie", directeur technique et tactique du raid de V1 ayant abattu tous les hauts-fourneaux de cet Etat américain. Idem dans les autres grands centres sidérurgiques, même assez loin dans les terres. Le rationnement de l'acier interrompait la production de voitures particulières, à Detroit, ce qui restait de capacité sidérurgique étant réservé à l'industrie militaire, en particulier les navires et les bombes, tandis que les usines d'aluminium non encore détruites détournaient à leur profit l'électricité encore disponible sur certains réseaux, pour continuer à produire des avions, quitte à "délester" des régions entières pour cela. Les bombardements américains étaient tels que la consommation d'acier autour de ces explosifs n'avait rien de négligeable.
. La perspective d'être dépassés par l'URSS, surtout si elle gagnait contre l'Allemagne et s'emparait de toute l'Europe, conduisait les Etats-Unis à se retirer d'un conflit "inutilement coûteux" pour laisser les Nazis et Soviétiques s'appauvrir mutuellement sur le front de l'Est. En plus d'entraîner des représailles ruineuses, bien que peu meurtrières, diminuer les moyens de l'Allemagne de combattre l'Armée Rouge ne semblait plus une si bonne idée, à Washington, le prochain adversaire des Etats-Unis dans le monde risquant d'être l'URSS qui ne manquerait pas l'occasion de profiter de l'affaiblissement industriel et économique américain si l'Allemagne perdait. En 1944 c'était Lindberg qui était élu président des Etats-Unis, l'estime mutuelle entre les deux aviateurs (et le penchant pro-nazi de l'Américain) facilitant encore le non-interventionnisme américain en Europe.
. Le film s'intéressait peu à l'après-guerre aux Etats-Unis (tout se passant en Europe, une fois les Etats-Unis en paix avec l'Allemagne, quoique pas encore avec le Japon) mais c'eût été intéressant à simuler, estimait Stéphane, bien que le film ne fût pas conçu pour cela. Il y avait quelques vues sur l'accumulation d'ordures non ramassées dans New York, fouillées par des hordes de rats sous des nuages de mouches, mais le scénario ne s'y attardait pas: le siège de l'Angleterre (avec les mêmes méthodes, mais concentrées sur un territoire plus petit et plus proche, privé de ravitaillement américain: le traité de paix stipulait que les Etats-Unis ne fournirait aucune aide à la Grande Bretagne en échange de quoi l'Allemagne n'en fournirait plus non plus au Japon) ainsi que les combats du front de l'Est occupaient la suite de l'histoire.

. Stéphane avait appris entretemps que parmi les scénarii de départ de "Gamma" il y avait l'hypothèse de l'élection de Lindberg à la Maison Blanche en 1940, ce qui avait donné l'idée "et si Allemands avaient le leur, mais plus jeune?", puis de remaniement en réexamen du réaliste technique des décisions stratégiques, Thorgård avait été créé, et même un peu "surcréé" à l'époque où c'était prévu pour Atte, avant le recentrage "ingénieur-aviateur" demandé par Erwann et approuvé par une partie des scénaristes. Entretemps Lindberg n'était plus élu en 1940, car alors les Etats-Unis ne seraient pas entrés en guerre (ou alors contre l'URSS...) ce qui eût trop transformé l'histoire. Lindberg était élu en 1944, après l'armistice par lequel les Etats-Unis se retiraient du conflit européen.
. Ce que Stéphane avait aimé chez Thorgård, c'était à la fois la virtuosité de pilotage et la capacité d'inventer des choses qui marchent réellement, ce qu'il n'avait jamais fait, et savait qu'extrêmement peu de gens étaient capables de faire. Imaginer, oui: la plupart des inventions avaient déjà été imaginées par des millions de gens, supposait-il, avant d'être enfin réalisées, car réaliser nécessitait d'avoir soit deviné (prévention), soit su contourner les difficultés réelles rencontrées partout au cours de la réalisation, or ça, c'était très rare, demandant à la fois du flair et de la rigueur, donc deux hémisphères cérébraux de forte puissance collaborant bien entre eux.
. En fait Thorgård inventait peu, dans le film (à part ses propres avions espions silencieux et l'adaptation de la réfrigération à désorption pour les bobines de film infrarouge), mais réussissait souvent à rendre réalisables et surtout industrialisables les inventions des autres dès qu'il estimait qu'elles lui seraient utiles.

. Stéphane s'observait de temps en temps dans la glace de la porte de la salle d'eau (et supposait que nombre d'acteurs s'examinait souvent). Il le faisait surtout pour vérifier qu'il n'y avait pas de couenne commençant à s'installer ici ou là, car à part ça (qui dépendait de la discipline alimentaire et du taux d'activité) jusqu'à présent, son corps ne lui avait jamais joué de mauvais tour. Il aperçut Gorak, qui venait voir ce qu'il faisait (ou se demandait pourquoi il restait là debout à ne rien faire), ce qui lui rappela qu'il n'était bien fait que par rapport à la moyenne des humains: Gorak était tellement plus beau! Il se revêtit, retourna au séjour et sitôt assis sur le canapé, sentit Gorak atterrir sur lui avec une douceur étonnante pour un chat de 8kg. Ce dernier, ronronnant, lui mit ensuite les pattes autour du cou et lui donna un coup de tête affectueux sous le menton, puis contre une joue, pendant que Stéphane le carressait. Gorak finit par s'endormir sur lui. Il prit les lunettes à verres polarisés et utilisa la télécommande pour lancer un épisode de "Traque Express": il en avait en stock (dans l'ordinateur) qu'il n'avait pas encore vus. Un équipementier automobile tentait de faire disparaître la voiture (puis seulement le boitier électronique, suite à un échange) soupçonnée par les enquêteurs d'avoir causé un accident (17 véhicules impliqués, 22 blessés, 5 morts) sur autoroute.
. Regarder un film confortablement installé avec un gros chat sur soi était quelque chose qu'il pourrait encore faire dans vingt ans, supposait-il, sauf qu'alors ce serait un écran à microdiodes occupant tout un mur. Dans vingt ans, ce ne serait certainement plus Gorak, et dans vingt ans le cristal clignoterait rouge et noir, dans sa paume, se souvint-il. Il lui restait un peu plus de vingt ans, en principe, puisqu'il n'en aurait 28 que le 16 juin, mais Huntington n'était pas précis comme un horaire de train: ça pouvait aussi bien être à 44 ans qu'à 52. Comme dans l'épisode de "Traque Express", ce serait le boitier de multiplexage qui se mettrait donner des ordres anarchiques à un corps probablement encore en excellent état. Il eût fallu changer le boîtier, mais comment? Raison de plus de profiter au mieux de la longue route sans bogue restant possible avant cela. Quel bonheur de vivre avec Gorak! Quand dans un tournage il était l'objet de diverses attentions (purement fonctionnelles: manucure, poudrage, brossage) il avait l'impression d'être un chat d'exposition.

. Il poursuivait les travaux sur les mécanimaux, avec Oskari, Roni, Viljami et quelques autres techniciens locaux. Il y en avait de toutes sortes, pour les prochaines HF: une partie du travail pour VTP était sous-traité ici, la fabrication proprement dite se faisant en France avec beaucoup plus d'automatisation. BFR avait rapidement étendu la production de l'ebsep, tout en démultipliant les variétés disponibles: l'électrocontractable utilisé pour les surfaces de peau des mécanimaux et des robots imitant les humains avait des performances nettement supérieures à celles des premiers prototypes: cela remplaçait maintenant une grande partie des effecteurs électromécaniques ou hydrauliques servant de muscles pour tout ce qui ne demandait pas une puissance importante. Les tentacules, par exemple, restaient hydropneumatiques, avec des électrovannes à chaque segment, mais les déformations actives de leurs nombreuses ventouses étaient maintenant obtenues bien plus simplement en les réalisant en ebsep alimenté par zone (chaque ventouse en comportant plusieurs) selon les effets souhaités. Stéphane s'amusait à se faire attrapper et soulever par ces machineries souples et puissantes: être porté ainsi lui rappelait peut-être sa petite enfance, ou une vie antérieure féline? Il ne croyait pas vraiment aux vies antérieures (ou suivantes) mais aurait souhaité être un chat si cela existait.

. BFR produisait aussi une autre variété pour faire des pneus de vélo sans gonflage plus faciles à produire, car il était bien plus facile de donner des propriétés anisotropes à ce matériau: le pneu opposait bien plus de résistance axiale (évitant le déport à droite ou à gauche de la jante) que radiale (amortissement des chocs et du roulement) et pesait 28% moins lourd, à épaisseur et fermeté égale, que son équivalent en caoutchouc.
. La production initiale (gants chirurgicaux et préservatifs sans latex) avait connu un grand succès et avait largement financé l'industrialisation des autres. L'ebsep était exporté jusqu'au Japon pour la production de poupées réalistes dont les mamelons pouvaient maintenant tressaillir (et bien d'autres réactions cutanées) sans y installer un mécanisme.

. Ce fut la première année où un joueur de Dinan fut utilisé dans le XV de France: c'était dans le tournoi, contre l'Angleterre. En raison d'une blessure à la cheville du 11 titulaire en début de 2ème mi-temps, Yannick Kerdazenn, 1m96, 109kg (contre 104 en 2001: musculation au fil des entraînements), ailier gauche rapide, lourd et excellent buteur (surtout depuis le printemps dernier) à Dinan, entra sur le terrain avec son numéro 22. Il était fort adroit en "cadrage-débordement" mais aussi redoutable en "cadrage-démolition" (ce qu'en fait il ne fit qu'une fois dans le match contre l'Angleterre) quand l'autre solution n'était pas applicable. L'entraînement contre le faux Georg Krüger (qui pouvait prendre un grand nombre d'attitudes juste avant l'impact) avait contribué à ce que les joueurs de Dinan devant tenter de tels arrêts ne se blessent pas. On rappelait à Kerdazenn: "109kg, ce n'est pas 139, et personne n'est indestructible". Sa capacité à improviser des drops (un peu moins que le 10, Yvinnec, mais "bien assez") fut utilisée contre l'Angleterre. Les Anglais ne connaissaient pas ce joueur, ne s'attendaient pas au premier drop et ne purent arriver assez vite sur lui pour empêcher le second. La troisième fois, il put forcer le "second rideau" anglais et aller applatir un essai en remorquant sur les dix derniers mètres deux Anglais accrochés à lui. 90 secondes avant la fin du match il eut l'occasion de tenter un drop à 28m, à 45°, qui passa. Toutefois cela n'empêcha pas la France de perdre le match.
. Pour l'entraînement avec l'équipe de France, Kerzadenn avait reçu consigne de Dinan de ne jamais donner son avis sur les méthodes d'entraînement si on ne le lui demandait pas plusieurs fois, et dans ce cas de le donner le moins possible, de suivre exactement les recommandations des entraîneurs nationaux, même si ça ne correspondait pas aux habitudes de Dinan. Il avait pu emporter un peu de matériel (lunettes à réalité virtuelle, ballon, filet de capture du ballon et chaussures avec capteurs télémétriques) pour continuer à travailler les drops sur place, sans avoir besoin de beaucoup de place sur la pelouse: c'était dans les lunettes (asservies à l'orientation de la tête) qu'il voyait où passait le ballon virtuel (après avoir tapé dans le réel) selon les conditions météo et le départ du ballon réel: même principe que les simulateurs de golf, sauf qu'il pouvait courir avant de jeter le ballon pour le taper au pied. Il avait emmené des capteurs supplémentaires à fixer à d'autres chaussures au cas où d'autres souhaiteraient essayer ce système, ce qu'il ne devait pas proposer de lui-même: il fallait que la curiosité vînt d'eux. Il y en eut trois qui testèrent le système et le trouvèrent intéressant. Kerdazenn était estimé "transplantable" par le Dynamo de Dinan: c'était quelqu'un qui s'adaptait sobrement à ce qui lui était demandé, avait un tempérament calme et ne parlait pas trop. Sa tâche principale lors de cet entraînement avait été de s'habituer à prévoir les passes des autres et à qui les retransmettre, s'il y avait lieu, car là, les repères étaient faussés par rapport à Dinan au point de rendre les automatismes d'équipe de Kerdazenn contre-productifs. Ce problème existait aussi pour certains autres, surtout ceux présents dans la première fois dans l'équipe nationale. De plus on ne pouvait pas établir un modèle de jeu du XV de France comme il en existait pour certains clubs: en raison de cette origine composite qui changeait chaque année (voire pour partie de match en match) la coordination de jeu de l'équipe nationale était moins bonne que celles des bons clubs du Top16. Il était donc logique que le Breton n'y fût prévu que comme remplaçant: sinon, il vallait mieux en prendre plusieurs.

. La ressemblance des personnages artificiels et réels avait encore progressé, grâce à cela, au point de pouvoir tromper même vus en vrai, tant que l'on ne demandait pas au faux d'improviser, où s'il était télépiloté par quelqu'un d'autre avec une armure articulée et un projecteur de réseaux de lignes facilitant la modélisation temps réel des expressions. Ceci allait encore faire gagner du temps dans les tournages, en particulier ceux des séries, en pouvant utiliser des copies des acteurs réels pour des scènes plus simples pendant que les vrais en jouaient de plus compliquées, ceci sans consommer autant de puissance de post-production que pour rendre crédible un modèle virtuel vu de près. Disposant des modèles virtuels animés de chacun de ses acteurs, VTP pouvait en déduire des robots sans la moindre erreur de recopie: ils étaient bien plus ressemblants que les figures de cires du musée Grévin par rapport aux vrais personnages historiques leur ayant servi de modèle. L'ebsep avait permis des économies spectaculaires dans la réalisation des visages animables: autrefois, quand cela nécessitait toute une machinerie agissant via des câbles ou des petites zones gonflables, on y recourait le moins possible, en n'animant que ce qui servirait réellement dans le tournage, quitte à créer d'autres petites déformations par morphing en post-production. Avec l'ebsep, il était possible d'habiller un squelette avec une "peau" animée moins épaisse que ne l'eût été la vraie avec le système musculaire d'origine. Ceci permettait d'aller très loin dans le réalisme, y compris pour des personnages très maigres: prisonniers de goulags, nauffragés, malades en phase terminale... De plus le revêtement artificiel pouvait être quadrillé ou doté d'autres repères (sans avoir à maquiller à chaque fois un acteur pour ça, surtout s'il devait reprendre son aspect normal pour d'autres tournages le même jour) guidant le système de synthèse pour augmenter encore le réalisme de l'état de surface, ou le changer fortement (blessures, brûlures). De même on avait le choix entre utiliser une perruque, avec implantation de précision aux lisières, ou préférer le quadrillage d'un crâne nu pour créer les cheveux par synthèse sans le moindre décallage par rapport à la tête lors des mouvements de celle-ci. Cela dépendait de ce que devait être le personnage à ce moment, ou de ce qui devait lui arriver. VTP utilisait de la robotique réaliste depuis longtemps, et ses possibilités d'emploi avaient fortement augmenté avec l'ebsep. Les roboticiens et infographistes étaient à la fois concurrents et complémentaires, l'image d'un robot ou d'un acteur réel pouvant être modifiée en infographie. Les uns et les autres n'étaient plus très loin (combien d'années? Moins de dix, estimait VTP) de pouvoir non seulement remplacer totalement les acteurs réels, mais en plus rendre cela rentable: tant qu'il fallait plus de temps pour configurer le jeu d'un robot (et la post-production infographique le remplaçant dans d'autre cas) que pour l'obtenir d'un acteur réel, les robots serviraient surtout pour l'ubiquité (dans le même film ou dans un autre) et pour tout ce qui n'était pas faisable avec un acteur réel, en particulier les scènes d'endommagement ou destruction.
. Kalle Alioravainen, au jeu plutôt froid (mais c'était censé être un acteur finlandais) et pas trop compliqué (peu de scènes d'action, et laissant la possibilité d'y employer un robot moyennant une bonne préparation des mouvements) avait été le candidat idéal, selon VTP, à la robotisation totale d'un rôle.
. VTP était allé plus loin en permettant à Kalle de participer à une interview, le robot étant télépiloté par Adrien, en coulisses, avec un système de retour d'effort, comme celui utilisé dans Kerminator, et de lecture de précision des expressions. Adrien imitait directement la voix de Kalle (c'était lui qui l'avait doublé dans le film, y compris en finnois) ce qui garantissait la cohérence avec le mouvement de la bouche. Adrien voyait aussi ce que voyait le robot. Toutefois, pour que le système pût lire ses expressions, il ne portait pas de lunettes à immersion: c'était projeté sur un écran courbe à l'extérieur de la structure, mais accompagnant les mouvements de la tête. Comme il ne ferait qu'être assis et pas de mouvement "spéciaux", ça ne posait pas de problème technique.

. Adrien avait aussi piloté l'un des faux Erwann, pour les essais, mais VTP ne le ferait pas en public sans l'accord préalable du vrai. Dans les films, ce serait parfois lui qui piloterait son simulacre mécanique pour les scènes endommageant celui-ci, ce qui était également le cas pour les autres acteurs. C'était d'ailleurs le sens des essais de téléjeu (via le Lioubioutchaï 2, puisqu'il n'y avait à transmettre que des coordonnées et des angles, et non une image, à chaque instant, ainsi que d'autres données (pas plus lourdes) pour le retour d'effort). Il existait un petit retard (mais bien moins qu'en géostationnaire: le réseau Lioubioutchaï circulait aux alentours de 900 km d'altitude, et non 36000) de transmission, donc cela n'eût pas convenu à des mouvements très rapides, comme de l'escrime ou des arts martiaux en réaction à un adversaire réel, mais si le modèle auquel Erwann devait réagir était artificiel et lui était envoyé avec juste l'anticipation qu'il fallait pour compenser la fraction de seconde de retard ajouté par le système, la réaction temps réel était possible. Le système avait encore quelques progrès à faire (en particulier sur la finesse tactile du retour d'effort: c'était encore trop "comme avec des gants de ski"), donc il n'était pas encore envisagé de lui faire téléjouer tout un film de HF, mais l'expérience intéressait autant Erwann que VTP. Ce qui l'amusait, c'était que l'on pouvait connecter un tout autre personnage que lui, à l'autre bout, comme cela avait été le cas de Kerminator, mais aussi des "ayant l'air réels", par exemple le faux Vittorio ou la fausse Hillevi: les proportions et répartitions des masses étaient différentes, mais le retour d'effort en tenait compte, permettant à Erwann de se sentir plus lourd ou plus léger d'ici ou de là, dans ses mouvements, l'armure motrice en assistant certains et en freinant d'autres. La qualité du retour d'effort permettait même de donner de l'équilibre à un robot "libre" (non assis ou appuyé contre quelque chose) bien plus facilement (et à moindre frais) que ce qu'il eût fallu pour en rendre le robot lui-même capable avec une posture et une démarche naturelles. Il y avait beaucoup de travaux en ce sens au Japon, il y en avait aussi chez VTP, à Hollywood et maintenant à Bollywood (l'Inde formait de bons ingénieurs, travaillant pour moins cher) et la comparaison avec le télépilotage à retour d'effort restait fort utile: Erwann ressentait les micro-déséquilibres du robot qu'il pilotait, mais cette fois en laison directe chez VTPSF, car le moindre retard évitable devait être évité, pour cet exercice. Ces travaux avaient aussi des débouchés possibles pour les handicapés: on savait depuis longtemps stimuler électriquement les muscles, le problème restant la gestion de l'équilibre par quelqu'un ne ressentant ni ses pieds ni ses jambes. Ca permettait déjà (et sans électronique sophistiquée) de pédaler assis, ce qui libérait les mains, dans l'utilisation d'un fauteuil roulant mû par des repose-pieds à pompes (façon "stepper") ou (en version plus "intelligente") de marcher avec un déambulateur ou en poussant un charriot, ce qui, toutefois, ne résolvait pas le problème des escaliers. Entretenir ainsi le fonctionnement des membres inférieurs était bon pour la circulation sanguine et évitait de prendre trop de poids.

. On avait pensé, quelques années plus tôt, que les progrès de l'infographie remplaceraient les trucages mécaniques. Cela finirait par se faire aussi, mais pour le moment, chez VTP, les progrès de la mécanique réaliste permettaient d'économiser de la puissance de calcul infographique (devenue énorme, mais les films en demandaient toujours plus, et l'on tournait de plus en plus de films) pour la réinvestir là où l'on ne pouvait pas tricher autrement, en particulier pour les choses et êtres de très grande taille ou devant avoir des propriétés inimitables à coût raisonnable par du réel. VTP avait aussi une autre idée motivant la construction de trucages réels: les mécanimaux et autres chimères (comme l'éléphant calmar, dont il existait maintenant cinq exemplaires de tailles et aspect légèrement différents, pour monter que l'on ne filmait pas cinq fois le même dans d'autres attitudes) seraient (quand ils ne tourneraient pas) des attractions dans les parcs à thèmes prévus par les studios et le groupe fromager dont ils dépendaient.

. "Extraction" sortit en salles (stéréoscopiques d'abord, les autres une semaine plus tard) le 27 février 2004, film d'action et d'anticipation proche très violent (mais plus divertissant que violent, en fin de compte) qui connut le succès espéré: le public n'était pas encore blasé.

. Dans "Moby Dick", tourné par VTP en mars, la baleine blanche géante était matérielle: c'était un sous-marin souple, hydropneumatique (on refaisait la pression d'air comprimé en moins d'une minute entre deux prises: il n'avait pas besoin de pouvoir fonctionner longtemps) à queue motrice, doublé d'une "chair" épaisse et ferme dans laquelle les harpons pouvaient s'enfoncer tout en créant des saignements. Il y en avait aussi une virtuelle: cela dépendait de ce que le film en attendait à cet instant. Ce roman avait été moulte fois adapté à l'écran, mais pas encore (en tout cas pas à la connaissance de VTP) en stéréoscopie, or le voilier rendrait très bien ainsi, de même que les scènes de chasse (ou pêche) sur mer démontée. Le voilier existait aussi en version réelle: sa construction était à la portée du chantier proche de Dinard, même s'il était plus long que les galères et autres navires antiques construits jusqu'alors. Ce serait pour le détruire et le couler que l'on tricherait en virtuel, car VTP comptait s'en resservir dans d'autres tournages, de plus cela assurait qu'il fût endommagé (par la baleine, elle aussi virtuelle pour ces impacts) et coulé exactement comme le souhaitait le scénario. La robotique facilitait aussi l'utilisation d'un personnage avec jambe de bois (Achab), ou lorsqu'un autre matelot avait son bras écorché puis arraché par le défilement très rapide d'un cordage ayant fait un tour autour, etc.

. Les scénaristes (qui de fait étaient aussi réalisateurs, puisque chez VTP construire un storyboard animé revenait à définir aussi le jeu des acteurs, même si c'étaient parfois d'autres qui le précisaient par la suite, les premiers ne donnant aux "avatars" virtuels simplifiés que la position et l'attitude générale nécessaire à ce qui se passait à ce moment) avaient revu la plupart des films tournés à partir de ce roman, et puisé dans quatre d'entre eux ceci ou cela pouvant être repris dans le nouveau, tout en en profitant pour cadrer et rythmer autrement, surtout quand c'étaient (leur semblait-il) des raisons techiques qui ne l'avaient pas permis à l'époque.

. 17 mars 2004: sortie (Westfilm, donc partout, sans semaine d'avance pour les salles stéréoscopiques) de "La table ronde", titre choisi pour le projet arthurien désigné jusqu'alors par "Brocéliande" faute de connaître le titre définitif.

. L'autre adaptation de "grand classique" ce premier semestre était "Vingt mille lieues sous les mers". Là aussi, il fallait faire plus que juste apporter la stéréoscopie à des précédents souvent réussis, même si perfectibles ici ou là (en "désaméricanisant" ce qui l'avait parfois été, puisqu'au départ il s'agissait d'un auteur français). On suivait autant que possible les gravures de Jules Verne, et pour le reste, VTP avait déjà tourné du "vernien" (vrai, ou "à la manière de") donc avait tout ce qu'il fallait. Les créatures aquatiques ne posaient pas de problème de robotique réaliste souple, l'eau les portant, contrairement aux versions terrestres. "Robur le conquérant" (incluant "Maître du monde") et "L'île mystérieuse" avaient connu un grand succès populaire, donc il devrait en être de même, estimait VTP, pour "20000 lieues sous les mers", puis "l'île mystérieuse", film tourné après l'été si le planing des autres était respecté. Vittorio maquillé pour paraître plus âgé (ce à quoi l'infographie ajouterait son coup de pouce, car pour la stéréoscopie il eût fallu deux maquillages différents à chaque instant, quand il s'agissait de simuler un relief (positif ou négatif) n'existant pas) jouait le capitaine Nemo, souvent remplacé (c'était plus simple, d'autant que ce personnage n'avait pas souvent un rôle d'action) par un robot. Vittorio avait proposé de jouer aussi Achab, mais ça ne collait vraiment pas: il fallait quelqu'un au visage plus long et plus creux, donc artificiel (aucun Emilianien ne convenait), alors que pour Nemo, un peu de maquillage et de barbe suffisait, sans chercher à imiter tel ou tel acteur.

. Tout en aimant les rôles d'action ("La part du feu" en regorgeait: action, périls et héroïsme) Vittorio était aussi intéressé par des rôles en comptant bien moins que ceux confiés habituellement à Erwann, sans souhaiter pour autant retomber dans le romantisme sirupeux de l'époque où il était un clône d'Emiliano dans une série de milieu d'après-midi. Il souhaitait devenir acteur dans plus de domaines, et pas uniquement acteur-cascadeur-escrimeur.

. L'escrime et les arts martiaux auxquels VTP entraînait ses acteurs (avec les progrès de la robotique qui pemettaient d'aller maintenant jusqu'au judo et à la lutte) ne respectaient pas les règles des compétitions, car dans un film "tous les coups sont permis", d'ailleurs il en avait toujours été ainsi dans les films "de cape et d'épée", de karaté ou de kung-fu. Ce qu'avait appris Erwann dans ces domaines rendait bien à l'écran et lui aurait permis de combattre efficacement dans une situation réelle mais pas d'acquérir des niveaux officiels dans ces disciplines, puisque c'était hors règles: l'efficacité d'abord, qui recommandait des emprunts à d'autres techniques de combats dès que l'occasion s'en présentait.

. Le rinnepallo était moins rare à la télévision cette année, y compris hors de Finlande. La domination finlandaise dans la coupe d'Europe des clubs ainsi que dans le "tournois inter-nations" ôtait une partie du suspens des compétitions. Le ballon cubique, critiqué par les non-fans, était justifié techniquement par la pente du terrain à chaque bout: même un ballon de rugby l'eût dévalée trop facilement. Le cube, lui, n'allait ni trop loin ni trop vite sur l'herbe pentue.

. Ce sport restait souvent ignoré par certains médias, et souvent critiqué, comme cette définition reparue récemment dans "L'Equipe":
"rinnepallo: parodie finlandaise du rugby avec ballon cubique, terrain en pentes et interdiction des crampons de façon à multiplier les chutes. N'aurait probablement pas dépassé le stade de curiosité locale finlandaise sans Erwann d'Ambert et les moyens mis par BFR pour créer de tels terrains en France. La présence de plusieurs acteurs de VTP très appréciés du public -VTP considère que c'est un excellent entraînement à l'action, et à faible risque- attire de plus en plus de public (surtout féminin) vers le rinnepallo, souvent sans bien en comprendre les règles". Ces règles étaient pourtant plus simples que celles du rugby.

. Un nouveau jeu de ballon était apparu, le "quattroball": il autorisait tout ce qui était permis au football et tout ce qui était permis au handball, ces deux jeux utilisant un ballon rond et des cages de buts. Il se jouait sur gazon plat, comme le foot, mais sans campons, et comportait de l'arbitrage électronique pour toutes les règles "géométriques" (en particulier le hors-jeu, fonctionnant comme au foot), comme au rinnepallo. Les placages et percussions n'étaient pas autorisés, ni marcher (ou courir) en tenant le ballon: quand le ballon était pris à la main, la règle était la même qu'au handball. Les équipes pouvaient compter huit à quinze joueurs.

. L'intérêt (connu des médias) de ses fans pour les matchs dans lesquel il jouait avait effectivement contribué à l'accession du rinnepallo au petit écran, renforcée par l'arrivée d'autres "vus dans du Kerfilm". Moins souvent en direct et moins souvent en tout que les "grands" sports, mais "l'Equipe" n'avait pas totalement tort d'expliquer ainsi l'apparition du rinnepallo à la télévision française, d'autant que ce n'était pas la tranche de la "2" détenue par VTP qui passait les matchs, l'horaire (généralement le matin) ne correspondant pas. La Finlande s'était elle-même étonnée de voir que ce qui n'était même pas un de ses sports nationaux, initialement (mais juste régional) eût conquis une partie de l'Europe au point de donner lieu à des compétitions officielles entre équipes nationales. Les terrains abrités du vent, chauffés par dessous et drainés (pour ne pas devenir des marécages) construits par BFRSF autour de son usine permettait à Juustomeijeri de pratiquer toute l'année, d'où la domination persistante de cette équipe (y compris sans Erwann d'Ambert, quand il jouait dans l'équipe nationale française) que toutefois celle de VTP22 (pouvant elle aussi jouer toute l'année, et disposant d'optimisation informatique et physiologique de l'entraînement de ses joueurs) approchait souvent, et avait parfois battue. La différence de gabarits (au profit des Finlandais) avait bien moins d'importance au rinnepallo qu'au rugby, "le poids devenant l'ennemi" (y compris le poids de muscles) dès que l'on attaquait les pentes. De plus on n'y jouait pas les touches comme au rugby (ça ressemblait plus à celles du football) donc des joueurs de grande taille n'étaient pas indispensables. Les progrès importants des deux équipes japonaises confirmaient cela: dans certaines phases de jeu, les "fourmis" (comme aurait dit une ancienne ministre) pouvait damer le pions aux "rhinocéros". Les japonais avaient construit des robots tentant de jouer au rinnepallo car c'était un excellent problème de recherche pour la gestion de l'équilibre dynamique: pente, manque d'adhérence, changements de direction, évitement d'impacts avec d'autres ou même (comme le faisait parfois Erwann) utilisation de ces impacts (en faisant juste en sorte qu'ils n'aient pas lieu sous l'angle escompté par l'assaillant) pour éviter de redescendre ou pour être dévié "comme une boule de flipper" vers une trajectoire plus favorable.

. Dans une de ses rares interviews, il avait été demandé à Erwann s'il avait envisagé de faire aussi du théâtre, vu la précision de préparation avant ses tournages qui lui permettait d'être la plupart du temps bon dès la première prise, grâce à l'entraînement au simulateur. Il avait dit que non, car "jouer en direct n'aurait d'intérêt qu'en l'absence de scénario, comme dans un match: là, ce sont les joueurs qui créent le scénario en temps réel. Le théâtre ne m'attire ni comme spectateur ni comme acteur, contrairement au cinéma d'action et à certaines compétitions."

. Après Thierry Guegannic, ce fut un autre ELR fut élu: Philippe Dravigny, ex-ministre de l'industrie, 31 ans paraissant moins car ressemblant vaguement à Fabrizio. La fonction présidentielle avait perdu beaucoup de son importance dans l'esprit du public. Guégannic avait été le président le plus discret de la Cinquième République (et pas seulement le plus jeune), jouant le rôle prévu par la Constitution sans jamais le "monarchiser" contrairement à ce qui avait été fait jusqu'alors. Les fastes et ors du Pouvoir n'étaient ressortis (et pas trop, même dans ce cas) que pour les sommets internationaux et autres. Au quotidien, le Président occupait un bureau dans un immeuble anonyme (mais sécurisé et doté des meilleurs réseaux de communication) et disposait d'un deux-pièces de fonction au dessus. Certains frais lui étaient évités (logement, transports liés à sa fonction, vêtements "de présentation"), mais il ne touchait que l'équivalent de 2 smics, ce qui avait à soi seul dissuadé beaucoup de candidatures. Depuis l'été 1997, l'Etat s'était fortement serré la ceinture, en commençant par son sommet pour être crédible. Il n'y avait plus d'avantage financier à être fonctionnaire plutôt qu'ouvrier dans le privé, et il fallait choisir entre sécurité de l'emploi et droit de grève, ces deux notions étant devenues constitutionnellement incompatibles. La baisse importante du chômage grâce à la fois à la baisse de la population et à l'amélioration de la balance commerciale avait aussi amélioré les salaires dans le privé (loi de l'offre et de la demande) donc contribué à draîner hors du "secteur public" nombre d'ex-fonctionnaires ou assimilés. Le cumul des mandats avait lui aussi disparu. On ne venait plus en politique pour faire fortune, mais uniquement pour faire de la politique et surtout de la gestion nationale.

. 14 avril 2004: sortie de "0016: game over" avec Igor (revenu au rôle "un des méchants mais pas le plus présent à l'écran") mi-humain mi-robot au service (en Europe) des Yakusa détenant l'industrie du jeu vidéo conçue pour laver le cerveau des joueurs et les faire entrer (sans bouger de chez eux) dans une sorte de secte les accaparant totalement, puis les poussant à commettre des actes dans la vie réelle. Ce film pouvait en grande partie être tourné avec du virtuel "qui se voit" (du très bon jeu vidéo, mais pas du "photoréalisme") donc à un coût écrasé, sauf là où il fallait faire du "qui n'ai pas l'air virtuel" pour représenter la vie réelle. Cette fois Igor était totalement détruit, Zhao ayant réussi sa mission (mais avec encore des dégâts supplémentaires). Le prochain 0016 utiliserait probablement Tanguy (0018?), même si VTP ne le lui avait pas encore confirmé.
. Dans la réalité, l'industrie du jeu vidéo avait perdu beaucoup d'importance depuis que les Russes proposaient pour moins cher qu'une "console" un vrai ordinateur bien plus puissant (y compris en graphisme 3D) et quantité de jeux gratuits. Ce 0016 faisait référence à une situation antérieure, mais dont les gens se souvenaient encore, d'autant que certains (non informés sur ce sujet, et généralement non-joueurs) croyaient encore que le Japon était l'empire du jeu vidéo.

. Le tournage des six HF prévues se fit à la chaîne en avril et début mai: "Les citées oubliées: Nord", "Le mur d'Hadrien" (acteurs "romains" aussi utilisés dans le péplum "Spartacus"), Maréssima et "Le crépuscule des gueux" dont Erwann eût l'impression que ce serait celui qui plairait le plus aux amateurs du genre, mais ce qu'il voyait de l'intérieur du tournage ne lui donnait ni le rythme ni le scénario complet du film, et juste une idée de son ambiance visuelle. Alexandre Fresnel jouait dans "Le mur d'Hadrien" et "Le crépuscule des gueux", mais pas dans les autres, sa capacité d'entrelacement des tournages importants tout en s'entraînant encore à d'autres (les suivants) n'étant pas encore celle d'Erwann.
. Une SF sur le thème de la submersion des terres avait finalement été choisie, mais où tout n'était pas noyé en permanence, en échange de quoi la Lune, fortement rapprochée de la Terre suite à sa collision avec l'énorme traînée de glace (d'où d'ailleurs la chute de tant de glace sur la Terre, fondant à sa rentrée dans l'atmosphère) créait d'énormes marées précipitant d'énormes tsunamis à l'assaut des terres. De plus, dans "Maréssima" cette proximité lunaire créait aussi une marée continentale moins négligeable qu'antérieurement, d'où reprise du volcanisme ça et là et nombreux séïsmes. Un film catastrophe aboutissant à une décivilisation spectaculaire et "héroïque". VTP devait mettre la barre plus haut en matière d'effets spéciaux gloutons en calculs que ce que pouvait maintenant faire Bollywood pour les Américains, et ces films-là devraient y parvenir, au moins pour cette année. Pendant ces cinq tournages, il continuait la robotique, cette fois chez VTP22. Il vit chez VTP22 "Cléopâtre": le gros péplum "Westfilm" inspiré des "B2000", sur rythme modernisé (de même que les trucages) et bien sûr en stéréoscopie. Il vit aussi "Moby Dick", le 23 juin, peu avant de partir en Suède.

. VTP avait "importé" Viljami et Kare pour ces tournages de HF, ainsi que d'autres Finlandais, surtout utilisés dans "Cités oubliées: Nord". Ils repartiraient fin mai.

. Des films tournés avec lui en 2003, c'était "Le bout du monde" qui avait connu le succès le plus rapide, puis persistant, confirmant du point de vue de VTP que la HF marchait fort bien quand elle apportait un concept inédit, et pas juste des têtes tranchées à l'épée à deux mains, et plus encore quand elle comportait aussi du péplum. Jusqu'ici Erwann n'avait joué dans aucun "flop": les scores les moins forts restaient importants, comparés à ce que connaissait le cinéma d'avant. "Le drakkar fantôme" avait à son tour franchi le demi-milliard d'entrées dans le monde, cette suite de "draggons et drakkars" conçue et tournée en même temps bénéficiant fort logiquement du succès énorme du premier, en plus d'une durée de post-production bien plus longue ayant permis d'y faire encore plus de choses. "Le serpent de Mygdar" ne pourrait probablement en espérer autant, bien qu'ayant bénéficié d'une puissance de traitement encore accrue, de même que les moyens robotiques. Toutefois il connaissait déjà le score d'une bonne HF "Kerfilm".

. Erwann préenregistra à l'exosquelette à retour d'effort les mouvements de plusieurs "cyborg" humano-insectoïde en métal poli (et divers autres êtres ou machines androïdes) dans "Les 16 lunes de Garakande" où Derek jouait aussi. Le Hollandais avait beaucoup progressé sur tout ce que souhaitait VTP, pratiquait aussi la nage en monopalme, le rinnepallo (sans ambition d'être dans l'équipe principale) et le simulateur de combat de rue. Tout en étant devenu moins lourd (mais plus adroit) que sa version "bodybuildée" de 2001 c'était maintenant un adversaire d'exercice de lutte plus difficile (donc plus intéressant) pour Erwann. Il n'était pas tellement apte au multitournage mais fort efficace dans nombres de rôles d'action, maintenant. Une sorte de "camaraderie animale" continuait entre eux: c'était ainsi qu'Erwann interprêtait cet attrait tactile mutuel (et généralement sans paroles) qui ne causait pas pour autant d'impression de manque en l'absence de l'autre.

. "Waterworld" ayant été un flop, Maressima avait évité l'erreur de tout recouvrir d'eau (trop monotone, et vu par le spectateur comme une solution de facilité: il suffisait de filmer en plein océan hors de vue des terres) il y avait bien trop d'eau, mais qui ne submergeait pas toutes les terres, et surtout des marées d'une puissance dévastatrice (l'impact contre les grandes montagnes créait des gerbes "colossales"), donnant l'impression d'être dans une machine à laver inversée (l'eau déferlant contre l'extérieur du tambour et non l'intérieur) en raison d'une Lune volant si bas (la colision avec le "train de glaces" en était la cause) qu'elle avait dévié ou capturé un certain nombre de satellites lancés par les humains et provoquait d'énormes éclipses (ce qui en soi n'était pas dangereux, mais rendait bien au cinéma). De plus elle avait une trajectoire plus éliptique et dans un plan de rotation bien plus incliné par rapport à l'équateur qu'avant. Les marées terrestres induites réveillaient nombre de sites volcaniques et induisaient des tremblements de terre. Ce film ne durait "que" deux heures, la catastrophe commençant au bout de dix minutes (de film) après que les astronomes aient d'abord cru que le train de glace (une comète géante avait été déviée par la collision avec un astéroïde situé entre Mars et Jupiter, évènement très rare mais expliquant que les calculs n'aient pu être lancés que peu de temps avant la catastrophe) éviterait la Terre. Oui, mais pas la Lune, qui allait en arrêter une partie et la faire tomber à travers l'atmosphère sous forme de déluge, longue série d'impacts modifiant la trajectoire de notre satellite naturel donc le régime des marées ainsi que celui des vents: ajouter de l'eau donc noyer des terres modifiait fortement le cycle thermique solaire et les courants marins donc toute la météo: pendant le déluge, des lacs se formaient autour des Pyramides, la crue du Nil s'étendant jusque là, au point qu'il ne s'agissait plus d'un fleuve, mais d'une extension de la Méditerranée. La Seine et la Tamise débordaient aussi, noyant (et cette fois sans décrue ultérieure) leurs capitales respectives, idem dans bien d'autres villes (Venise ne serait plus qu'un souvenir pour plongeurs). Aux bords des terres encore émergées, le niveau de la mer variait par endroits de près de cent mètres, entre marée haute et basse, au lieu de quatorze à seize dans les sites des plus grandes marées antérieurement, ce qui faisait parcourir à l'eau d'énormes distances horizontales non plus à la vitesse d'un cheval au galop, mais d'un TGV, là où c'était le moins pentu. Au Japon, on voyait un tsunami poursuivre et rattrapper un train à sustentation magnétique lancé à plus de 400 km/h, ce qui avait pu être synthétisé bien avant le tournage humain.

. "Soif" avait bien marché (et continuait à avoir des spectateurs), pour une fiction aussi négative, alors après le manque d'eau, les marées géantes de "Maressima" convaincraient-elles autant de monde?

. Outre la tétralogie HF "Les cités oubliées": Nord, Sud, Est, Ouest, il y eut la SF "Multivers" pleine de canardage en vaisseaux spatiaux ainsi que de poursuites en scooters volants et bien d'autres engins dans des cités insolites et grandioses (merci Tarsini) dans laquelle Erwann jouait aussi. Une ambiance très "jeu vidéo" avec une richesse d'image, une profondeur d'ambiance qui n'étaient pas possibles dans un jeu vidéo, qui en plus de devoir tourner sur un ordinateur "grand public" aurait eu à produire les images en temps réel. Tournage d'une partie des scènes d'Erwann dans "le secret des templiers", où il jouait deux personnages (en fait le même, mais amnésique suite au voyage dans le temps) dans une "rétro-SF" (mêlée de HF, pour cause de remontée à l'époque des Templiers) située dans les années 50 (deuxième moitié, puisque l'on voyait des DS). En fait le trésor des Templiers n'était pas de l'or (il y en avait aussi, mais ils ne le retrouvaient pas) mais le voyage dans le temps (et via lui, utilisé d'une certaine façon, l'immortalité). La découverte de l'un de ce qu'ils supposaient être les Templiers (Erwann) immobilisé dans une cuve remplie d'acide sulfurique, mais sans le dissoudre, et qui restait suspendu en l'air une fois la cuve vidée, montrait que l'on avait tenté de s'en débarasser ainsi, mais tant qu'il était hors du temps aucune réaction chimique n'avait lieu. Le bain d'acide avait été construit autour pour le détruire au cas où il sortirait de l'arrêt temporel.
. La ressemblance avec un des jeunes scientifiques (joué par Erwann, mais dans la prochaine session, où il aurait quitté le style "HF") était notée par d'autres, et l'on finirait par comprendre qu'en fait c'était réellement lui (à l'époque il n'y avait ni ADN ni empreintes digitales: c'était un peu avant), qui ultérieurement allait remonter le temps, s'y trouver prisonnier plusieurs années et perdre la mémoire une fois "défigé". C'était une fois dans le passé (grâce à cette découverte) que Gauthier comprenait que c'était probablement lui que l'on retrouverait ainsi.
. S'il était facile d'imaginer qu'en immobilisant le temps de quelqu'un (qui continuait toutefois de tourner avec la planète, tout en restant fixe par rapport au décor quoique l'on fit: tirer avec des cordes, s'y suspendre, essayer de fléchir un pan volant de ses vêtements: impossible, figé et immuable comme dans "l'invention de Maurel" sauf qu'il était immobile au lieu d'exécuter sans fin le même scénario) on pouvait l'envoyer dans le futur (si un jour on parvenait à le débloquer), mais dans l'autre sens? C'était là la partie la plus difficile de l'énigme. Il leur fallait d'autres indices, ce qui les mettait aux prises avec d'autres chasseurs de trésors, plus ou moins pirates: il y avait une belle scène de piraterie en Méditerrannée.
. Erwann avait joué à plusieurs exemplaires dans "les Cités oubliées" (tout comme Viljami et Kare, eux aussi non-humains et "régénérables"), mais cette fois ce ne serait pas en même temps: comme dans "l'invention de Maurel", il faudrait parfois réincruster le second dans des scènes tournées avec le premier, ou l'inverse (on le préenregistrait) selon ce qui serait le plus pratique à fusionner. Parfois l'un des deux était artificiel (robot ou virtuel) ce qui simplifiait le tournage.

. VTP avait annulé (ou parfois seulement reporté) un certain nombre d'autres projets de SF et de HF, car il allait déjà falloir gérer la sortie dans le temps de tout ceci, en veillant à ne pas lancer trop près les uns des autres des films de nature voisine. Erwann d'Ambert était dans six des HF (il n'était pas dans "Brocéliande", toutefois), même s'il était logique qu'il fût (et refût) dans les quatre "cités oubliées" puisqu'il y jouait un personnage artificiel répliqué. "Le crépuscule des gueux" lui allait comme un gant. On eût pu le remplacer dans "Le mur d'Hadrien", mais "pourquoi se priver d'un élément aussi satisfaisant à voir dans ce genre de scènes d'action?" avait estimé VTP. Il ne ferait pas d'autre HF cette année ni au début de la suivante, alors autant "faire des stocks": la sortie des "cités oubliées" serait étalée sur un an et demi puisque tous les six mois, en moyenne.
. Multivers marcherait certainement auprès des jeunes et des moins jeunes amateurs de SF à grand spectacle comme "Serranix".

. Les images de matchs de rinnepallo étaient très utilisées dans les sites faits par ses fans, car c'était du "en vrai", contrairement aux films, quoique son expression fût un peu modifiée par le protège-dents, qui pour inclure les canines ne lui permettrait plus de fermer complètement la mâchoire, en plus de déformer (comme chez les autres) les lèvres. Renforcé par un profilé en titane, ce moulage en ebsep (plutôt qu'en caoutchouc, pour posséder des caractéristiques anisotropes) était aussi résistant que ceux des boxeurs sans être plus épais que ceux du rugby.
. Il existait des milliers de ces images, disponibles dans les sites de VTP22 et de Juustomeijeri. Il y avait fait allusion une fois, dans une allusion après le tournois de cette année:
- ce serait mieux de ne pas me trancher les pieds, quand vous mettez des photos de matchs dans vos sites. Le rinnepallo, ça marche mieux avec.

. Erwann ne décevait pas "en vrai", comme d'ailleurs la plupart des Emilianiens. Il n'y avait pas de photos "posées" (toutefois on pouvait considérer qu'à certains instants, dans les films, des "tableaux" l'utilisant avaient été pensés par le réalisateur, même si ça ne durait qu'1/24ème de seconde), il n'y avait que très peu de passages télé (et "n'apportant rien"). Aymrald avait fait un site "perso" (histoire de réserver le nom) qui ne comportait que des photos de paysages, de chats, de véhicules, etc: ça montrait ce qui lui plaisait, sans donner d'autre info sur lui. C'était un site, et non un forum: on ne pouvait pas y déposer de messages. Il y avait juste une fiche sur lui disponible dans le site de VTP, retraçant sa filmographie et un CV simplifié.

. Après que Sophie l'eût remit en version Kergatoëc/Viande Urbaine, Erwann vint s'observer en entier dans l'angle de miroirs habituels: cette fois il pouvait vraiment comparer à sa version 1999 par laquelle il n'était pas vraiment repassé lors de l'évolution post-Gamma, la répartition étant un peu différente. Outre la taille et le poids (de muscles) par rapport à 1999, ce qui avait surtout changé c'était qu'autrefois il s'observait moins. Il lui était même arrivé au cours d'un match de rinnepallo contre Temperé, à un moment pas trop intense, de penser à l'air qu'il avait vu du public: ça, c'était très mauvais. Y penser avant ou après, mais surtout pas pendant le match. VTP lui avait fait perdre son "indifférence à l'image produite", mais en fait il l'avait perdue à 18 ans, quand il avait commencé à chercher Eetu et s'intéresser à ceux qui lui ressemblaient. A l'époque il n'avait pas encore la notion d'Attéens ni de Karéens, n'ayant rencontré ni l'un ni l'autre, mais il cherchait des "comme lui" ou des "comme Eetu". Parmi les Attéens vivants, c'était Viljami qui lui ressemblait le plus, mais il n'était probablement pas un descendant d'Eetu. Mika lui ressemblait un peu moins que Knut ou Derek, mais était réellement son demi-frère.
. Il vit ensuite arriver Alexandre, coiffé "carré Arvi" (mais sans l'arceau, à ce moment) à peu près comme son état d'origine de 2001. Un Alexandre plus grand et plus solide qu'il ne l'imaginait. Ceci parce que par paresse mentale il n'y prêtait pas tellement attention, ce "blond canari" suffisant à l'identifier de très loin. Même dans une foule finlandaise on aurait pu le retrouver, et plus encore en version HF. Tout en reconnaissant les qualités esthétiques de cet Emilianien, Erwann n'avait pas pour lui l'intérêt qu'il avait pour Derek et certains autres. La variante "Barbie Boy" d'Erwann, avait-on écrit à propos du si clinquant Alexandre, quand il avait commencé par des rôles de garçon-objet dans des séries à l'eau de rose, avant d'être suffisamment entraîné pour passer à autre chose. Toutefois l'image "garçon-objet" lui était moins restée collée qu'à Derek.

. Après s'être ainsi observé, il alla s'entraîner au simulateur à retour d'effort de combat de rue, où il n'y avait aucune règle et où on utilisait tout ce qui tombait sous la main (ou le pied). Outre l'utilité pour les films et l'entretien à la fois des réflexes et du sang-froid permettant de ne pas se laisser aller justement à tel ou tel réflexe qui eût été perdant dans un nouveau contexte (juste légèrement différent, donc pouvant susciter un réflexe inadéquat), Il gardait à l'esprit qu'il en aurait peut-être besoin en vrai un jour, par exemple contre un crétin ayant bu assez pour lâcher les freins mais pas au point de devenir incompétent au combat et qui voudrait vérifier si Erwann d'Ambert ce n'était pas que du cinéma, ses scènes d'action. La plupart des hommes (il n'utilisait pas le terme pour lui-même: garçon convenait mieux) lui semblaient plus forts et surtout plus durs, plus indestructibles et pugnaces que lui, même si en réfléchissant objectivement il se savait au dessus de la moyenne, côté capacités physiques, et plus encore dans l'adresse à les utiliser: il pourrait au moins échapper à son adversaire, à condition de s'y attendre, ce qui lui donnerait le temps de repérer une faiblesse (manque de mobilité, par exemple) et contre-attaquer. Il fallait repérer et éviter les attaques par derrière, celles avec armes blanches, et aussi (le plus dangereux en pratique) les projections de substances corrosives, incendiaires ou alcalines. Les armes à feu, dans la réalité quotidienne, étaient très rares, et de toute façon à moins d'avoir affaire à un imprudent se tenant trop prêt, il n'y avait d'autre parade que de bouger avant le tir. En immersion dans ce monde cruellement réel (c'était le sordide de la rue, et non des monstres ou des extraterrestres) il finissait par s'y intégrer mentalement, ce que le type particulier de décharges électriques (fréquences simulant des chocs) dans l'exosquelette à retour d'effort rendait encore plus palpable. Dans ce jeu comme dans la réalité, on s'en tirait souvent mieux en esquivant voire en fuyant au bon instant qu'en affrontant trop "courageusement" une bande. L'autre tactique payante était de frapper le premier, et autant que possible pour tuer, ca pouvait faire un exemple faisant hésiter les autres à être le prochain, même au total du nombre leur bande aurait forcément gagné: ce n'étaient pas des kamikazes, en général, sauf parfois s'il y avait des drogués. En France ce type de délinquance avait énormément baissé par les effets conjugués de la désimmigration, de l'incarcération immédiate des jeunes violents et aussi par la loi sur les nuisibles, qui faisait qu'un citoyen "ordinaire" n'était jamais condamné s'il tuait ou mutilait un nuisible au cours d'une action déclenché par celui-ci ou ses complices, y compris dans le cadre de l'assistance à autrui ou de la défense des biens. Si la destruction du nuisible avait empêché un acte grave ou mis fin à une nuisance chronique (en particulier les bruits répétitifs de tapage diurne ou nocturne), le citoyen ayant détruit le nuisible était même récompensé.
. Il combattit un peu plus d'une heure. Il était fatigué, mais l'avantage des "châtaignes" électriques étaient qu'elles ne faisaient mal que sur le moment: il n'en subsistait ni bleu, ni toucher douloureux.
. Il savait que la vie sans "nuisibles" (justement) dans le cadre de travail de VTP22, VTPSF ou BFRSF ne l'exposait à rien de tel donc aurait pu le rendre inapte à réagir à de telles situations. De même, le rinnepallo, jeu très codifié, était moins brutal que le rugby dans lequel (en principe) tout n'était pas permis.
. Il songeait parfois à cette phrase "la valeur d'un homme se mesure au nombre de ses ennemis" et en déduisait qu'il ne vallait pas grand chose, car il ne se connaissait pas d'ennemis: s'il en existait, ils ne le lui avaient pas fait savoir. Ses personnages de cinéma en avaient, ou étaient eux-mêmes des ennemis de personnages supposés plus positifs (bien que cette notion fût rarement entière et rarement fixe, dans du "bon" VTP). Se désharnachant (pour limiter l'échauffement il ne gardait pas son polo) il ne remit pas tout de suite son polo, la chaleur (sèche) de l'exercice étant encore présente.

. Il dut encore réavaler sa salive. Il en produisait plus qu'autrefois, comme il l'avait constaté au fil des ans, au point que parfois, il lui arrivait de baver un petit peu en dormant. D'après les chercheurs japonais qui l'avaient étudié (de même que d'autres sportifs) pour voir d'où venait son endurance remarquable, cela pouvait être une conséquence de son exemption génétique de transpiration: il était plus "refroidi par air" que la moyenne, ce qui avait aussi pu contribuer à développer plus son volume thoracique (son débit d'air étant supérieur à la moyenne lors des efforts prolongés par temps chaud, ce qui contribuait à l'absence de crampes (pas de fonctionnement hypoxique, même "à fond") mais pouvait le soûler légèrement à la fin d'un match de rinnepallo aux courses intensives l'été. Phénomène déjà connu des nageurs, le mouvement de natation suscitant une "hyperventilation" spontanée, au delà des besoins musculaires) et peut-être aussi la salive, la langue servant de radiateur complémentaire (en plus des poumons) comme chez les chiens, sans aller toutefois jusqu'au halètement. Quand il n'utilisait pas ce radiateur d'appoint, la production de salive restait peut-être un peu trop généreuse. Ca pouvait aussi expliquer son absence de tout pépin dentaire: plus il y avait de salive (dans une bouche initialement propre: ça ne dispensait pas de se laver les dents) moins les dents et aussi les gencives risquaient de se détériorer.

. Les Japonais, dans leur étude, voyaient deux conséquences positives à cette particularité génétique: d'une part Aymrald d'Ambert perdait peu d'eau (il en perdait en respirant, mais six fois moins qu'un sportif transpirant "comme la moyenne") donc perdait très peu de puissance lors d'efforts prolongés: 2% de masse d'eau totale en moins causaient 20% de baisse de performances, admettait-on généralement. Quand ses concurrents perdaient ces 20%, il n'en avait perdu qu'environ 3%, lui. D'autre part "avec cette capacité thoracique importante et réellement utilisée, le métabolisme d'Aymrald Dambert fonctionne en excès d'air, sous effort: il n'y a de ce fait remarquablement peu d'imbrulés. Les cellules produisent surtout du CO2 et très peu d'autres produits nocifs pour la suite de l'effort, en particulier l'acide lactique qui s'accumule bien moins chez lui que chez les autres concurrent de notre test. De plus la circulation sanguine est favorisée par la non-deshydratation: le sang reste bien fluide et circule facilement sans demander un effort de plus en plus élevé au coeur. Ceci joint à l'excellent rendement de ses articulations et de sa course en ferait un excellent maratonnien, malgré un assez grand gabarit". On ne retrouvait pas cela (ou moins) chez ceux s'étant fait opérer adultes pour empêcher la transpiration, sans que leur organisme ait eu l'occasion de développer pour s'en passer en toutes circonstances. Sa tolérance au froid avait aussi été étudiée: le corps laissait baisser la température jusque vers 33 degrés, puis mettait en oeuvre le frissonnement et l'accélération sanguine classiquement, mais continuait à le faire si la température baissait encore, au lieu de "se réfugier dans le donjon et sacrifier la périphérie": Aymrald n'aurait pas eu d'engelures en gravissant l'Everest, ou en tout cas pas avant d'être mort de froid après avoir brûlé la totalité de la graisse corporelle, contrairement à un humain ordinaire qui perdait ses doigts (ce qui le condamnait à mort, puisque perdant toute aptitude à l'escalade pour quitter ce lieu) alors qu'il avait encore largement les réserves pour maintenir sa température. Aymrald était donc à la fois mieux conçu pour survivre dans le désert ou par grand froid, car son organisme n'utilisait pas de méthode de sabordage. Toutefois (surtout pour le froid) il fallait le savoir et ne pas se contenter de la sensation rassurante de ne pas avoir les doigts gourds pour rester encore dans l'eau glacée. C'étaient peut-être des gènes venant de primates plus anciens qui étaient mieux équipés pour survivre isolés, sans ravitaillement en eau organisé et sans feu. Cela confirmait l'impression qu'en avaient les autres: "a la fin du match, il a l'air prêt à en rejouer tout de suite un autre. A y réfléchir, c'est effrayant". Ce n'était pas réellement le cas, car la disponibilité de reconversion glycémique pour les efforts importants (le rinnepallo ne se pratiquait pas au rythme "endurance"), elle, ne pouvait suivre en temps réel. Sans signe de fatigue apparente, l'hypoglycémie (momentanée) aurait eu raison de lui au cours de la troisième mi-temps. Il n'y avait jamais de prologations au rinnepallo, donc le risque n'existait pas donc il n'avait à se ménager au cours d'un match. Toutefois BFR en avait tenu compte en modifiant son alimentation, après qu'il eût signalé que vers la fin, il lui était arrivé d'avoir un brouillage de la vision ("mosaïque verte") quand il produisait l'accélération maximale ou bondissait pour un plaquage: "quand j'y vais à fond, il y a les lumières qui baissent". L'analyse japonaise lui prédisait aussi un avenir rénal sans nuages, malgré un régime plutôt riche en protéïnes, car par rapport à ses concurrents il lui restait plus de liquide pour uriner tout en ayant moins de toxines à éliminer, en plus d'en avoir moins produit à effort égal.
. BFR l'avait clôné en partie sur la base de cette étude (de 2001): il n'était ni parmi les plus grands, ni parmi les plus forts, ni même le plus rapide, mais "le plus longtemps rapide", en plus d'être remarquablement précis (ce qui permettait de lui confier toutes sortes de cascades), souple et de garder tout le temps la tête froide: "comme un Finlandais sans alcool".

. On ne lui prévoyait pas de remplaçant spécifique pour les matchs, sinon celui-ci n'aurait jamais joué, sauf accident. Dans ce cas, on eût permutté le rôle de 10 avec un autre bon buteur de l'équipe ayant un rapport puissance/poids voisin (par exemple le 15, voire un des 3/4 centres), et envoyé un remplaçant à cet autre poste.

. Tout ce qui dépendait de BFR ou BFRSF (Juustomeijeri, VTP22, Dynamo de Dinan) comportait une surveillance médicale continue des articulations et tendons des joueurs: check-up après chaque match (mais sans recourir à la radiologie, pour cause de dose) pour déceler toute amorce de tendinite, luxation, etc et y remédier au plus tôt, sans risquer de forcer dessus sans le savoir. Comme il n'y avait pas le temps de vraiment tout vérifier pour chacun à chaque fois, c'était l'analyse infographie de toutes les actions des matchs qui décelait ce qui avait été le plus solicité (cheville, genou, collisions ici ou là) chez tel ou tel pour l'examiner plus attentivement que le reste, sans attendre qu'il ne s'en plaigne. "Vous ne monteriez pas dans un hélicoptère dont on n'aurait pas vérifié le rotor, et bien en sport non plus".

. La piscine: de l'endurance calme après du discontinu soudain. Après une demie-heure de natation, il se sentit "paisiblement fatigué" par la journée de tournage de HF et les exercices faits ensuite: "n'abuse pas de la natation, attention au surpoids", lui avait rappelé VTP, mais 85kg (sans couenne) pour 1m87 et en tenant compte d'un assemblage épais (chevilles, poignets, cou), c'était loin d'être de la "surmusculation". D'ailleurs il n'avait jamais eu de problème articulaire malgré l'intensité des matchs (certes, sans crampons les pieds glissaient sous impact transversal, ça limitait aussi le risque), et ses réflexes de cascadeur avaient évité trop de conséquences aux impacts violents qu'il avait parfois reçus. En fait, VTP aurait pu l'autoriser à jouer comme 10 ou comme 15 au rugby, mais maintenant il aimait trop le rinnepallo pour avoir le moindre regret à ce sujet. Au rinnepallo, il n'était pas rare de jouer plusieurs matchs la même semaine voire le même jour, ce qui obligeait les équipes soit à avoir beaucoup de remplaçants, soit des joueurs capables de ne pas trop "aller dans la zone rouge" de façon à en avoir encore sous le pied pour le prochain match, ce qui privilégiait l'efficacité sur l'énergie pure, et les joueurs pas trop lourds, endurants, par rapport aux bulldozers déjà pénalisés par les pentes.

. Comme tout joueur "emblématique" il était fréquemment remis en question, par exemple "est-il le meilleur tireur au pied?"
- dans l'absolu, non seulement il n'est pas un des plus puissants mais il n'est même pas le plus précis à l'entrainement, par contre dans le contexte d'un match, oui, car il ne perd aucune précision ni lucidité par rapport à un tir d'entraînement.
. C'était ce qui lui permettait d'improviser des drops "à la moindre occasion", et qui généralement passaient. Cette précision et ce sang-froid l'avaient fait comparer à Wilkinson, l'artilleur à guidage laser du "XV de la Rose". Côté puissance de tir, il n'y allait jamais "à fond" car c'était au détriment de la précision de ce tir... et aussi du suivant, s'il avait lieu peu après. Si c'était à tirer de trop loin, l'équipe utilisait un joueur spécialisé dans ce cas, moins précis mais plus puissant et habitué à tirer ainsi. Erwann avait d'ailleurs l'art de ne presque jamais y aller à fond, y compris pour les actions de match, préférant faire une belle passe que continuer à tenter de forcer le passage, etc, ce qui lui permettait d'en garder sous le pied pour la fin et de surprendre en y allant à fond (cette fois) alors que beaucoup, en face, avaient déjà des voyants rouges allumés ça et là, pouvaient un peu moins sortir de leurs automatismes habituels, que la longueur du match avait permis à Erwann d'examiner, d'où l'amplification de la différence d'efficacité. Il n'était pas "inépuisable" ou "branché sur le secteur et les autres sur accus": il savait surtout s'économiser sans en avoir l'air. Il tombait souvent (qui ne tombait pas, au rinnepallo) mais de façon fluide et permettant un relevage presque sans interruption, il jouait de l'inertie des autres pour se relancer en y prenant appuis, sans chercher (dans ce cas) à les faire tomber (mais si l'occasion s'en présentait, ils allaient au sol) et maîtrisait si bien les glissades qu'elles lui évitaient de dépenser de l'énergie à ralentir ou "forcer" un changement de direction (attrapper brièvement le maillot d'un joueur d'une main pouvait aussi y contribuer): il n'utilisait d'énergie que pour accélérer, et utilisait aussi celle de ses adversaires (mais pas de la même façon qu'au judo) chaque fois qu'il voyait qu'il allait en avoir l'occasion, les accélérant vers lui là où ils auraient souhaité ralentir, ou l'inverse. Il avait l'impression de pouvoir repérer, évaluer, décider et attrapper plus vite que la réaction adverse. L'entraînement de cascadeur y avait beaucoup contribué. Parfois il mettait un défenseur par terre non pour s'en débarasser, mais simplement parce qu'il avait eu besoin de s'y suspendre pour virer plus serré et être en position de passer à un coéquipier, son propre parcours aboutissant à une impasse, comme souvent, vu le nombre de joueurs envoyés pour l'arrêter au détriment de ceux devant barrer le passage à certains de ses coéquipiers. Il n'était pas le plus gros marqueur d'essai de son équipe, mais il était souvent celui qui avait passé au marqueur de l'essai, car il y avait un autre risque dont l'adversaire devait se préoccuper quand il attaquait la côte: les drops. Ce jeu très mobile mais avec relativement peu d'arrêts-relances brutaux, peu d'impacts directs (il attrappait ou était attrappé, car l'impact direct, il était assez agile pour l'éviter, donc ça se faisait par pivotement-chavirement et non arrêt brutal) expliquait aussi son endurance et l'absence de pépins articulaires quelque fût le nombre de matchs. Il n'était pas le plus rapide, mais il était le plus longtemps rapide, surtout en fin de match où il gardait aussi toute sa précision de tir, ce qui démoralisait certaines équipes: "c'est un robot: il n'est toujours pas fatigué quand les autres sont sur les rotules, il vise comme au laser et il se relève aussi vite qu'il tombe, comme un personnage de jeu vidéo". Juustomeijeri misait un peu dessus pour ne pas en faire trop avec ses autres joueurs non plus, quitte à être légèrement mené au score vers la 45ème ou 50ème minute (si l'équipe d'en face était vraiment forte) et reprendre à plein régime dans le dernier quart d'heure. Ca dépendait aussi de la gestion des remplaçants en face. L'inusable Erwann d'Ambert plus un autre joueur "économisé" et un ou deux remplaçants gardés à cet effet traversaient alors la défense adverse impuissante: "autant vouloir attrapper des mouches avec des pelleteuses" avec une forte probabilité d'essais, de drops ou de pénalités (fautes pour tenter d'empêcher un essai).

. Ce style de jeu n'était que partiellement transposable au rugby, car en raison des crampons (et de l'absence de pente) on n'y voyait pas ces longues glissades habilement maîtrisées, certaines règles étaient plus contraignantes qu'au rinnepallo donc cassaient un peu le rythme (en particulier les lancers en touches, alors que ceux du rinnepallo ressemblaient à ceux du football à ceci près qu'il n'était pas permis de lancer vers l'avant), mais le Dynamo de Dinan avait beaucoup développé le "jeu fluide" qui (bien maîtrisé) économisait un peu les joueurs sans en avoir l'air tout en faisait cavaler l'adversaire. Cela décevait un peu, dans le public, les amateurs de belles percussions. Il y en avait encore (surtout avec les Krüger), mais moins que dans la moyenne des clubs.

. Le lendemain matin, il participa à l'entraînement de rinnepallo avec l'équipe maison: le planning de tournage en tenait compte. Il n'avait participé qu'à deux matchs pendant les tournages précédents, dont un comme remplaçant (30mn sur 90), mais à la plupart des entraînements de 7h30 à 9h. Il y aurait plus de matchs en septembre-octobre et il les jouerait tous comme titulaire en 10, sauf contretemps. Il savait que par rapport à quelqu'un s'y entraînant à plein temps, il aurait dû être dépassé, comme tireur au pied: il avait donc un don "tridimensionnel" particulier pour y rester le meilleur sans y consacrer tant de temps. Le meilleur? Pas sûr. Il ne l'avait jamais prétendu (il ne répondait pas à la question: il disait "seuls les matchs pourront le dire"), et sur le point précis des tirs aux pieds, d'autres ayant aussi des dispositions de visée balistique et s'entraînant plus souvent tiraient encore mieux que lui de plus loin... A l'entraînement. Mais dans le feu de l'action, en particulier pour les drops qu'il fallait improviser en une fraction de seconde, il gardait 100% de sa précision d'entraînement, et pour le moment, il était le seul dans ce cas (même en Finlande), d'où l'histoire du "missile à guidage laser" évoqué par les commentateurs quand il improvisait de tels drops, que ce fût avec Juustomeijeri ou le Cube de France. Aymrald dans un match c'était aucune faute offerte à l'adversaire, des tirs "comme à l'entraînement", une habileté rare au slalom en côte (là, le cinéma aidait le rinnepallo et vice-versa), des placages efficaces et des passes aussi précises que ses tirs au pied. Il ne cherchait pas à aller à l'essai si un autre était mieux placé pour ça (moins de mur devant lui), évitait plus qu'il ne percutait, ou préférait le "raffut centrifuge": saisir d'une main l'obstacle (au lieu de le repousser) et s'en servir comme colonne de pivotement, avec souvent pour effet de le faire tomber au moment où il le lâchait. La difficulé était alors de ne pas laisser le temps de se faire attrapper aussi, sous peine de continuer à tourner avec l'autre et devoir improviser une passe vers quelqu'un dans ces conditions, était précis dans la signalétique gestuelle codée pour ses camarades. Toutefois ce qu'il avait déjà à faire sur le terrain ne lui permettait pas de prendre en plus le rôle de capitaine (il en avait été question): il fallait confier cela à un joueur ayant par sa position moins souvent à gérer le ballon donc pouvant mieux coordiner l'équipe. C'était avant de joueur qu'il participait à l'élaboration de la stratégie, par analyse des données de ceux déjà joués par l'autre équipe. Au rinnepallo il y avait trop peu de temps à la mi-temps (simple changement de côté et autorisation de boire un demi-litre d'eau, sans quitter le terrain) pour rediscuter de l'organisation du jeu en fonction de ce qui avait été constaté dans la première mi-temps.

. Le 10 était un poste moins défini au rinnepallo qu'au rugby, en fait un 10 de rinnepallo était un "non avant" (pas en mêlée) auquel on confiait souvent les tirs aux pieds. On lui demandait plus d'accélération voire d'impact qu'au rugby, les gabarit des joueurs de rinnepallo étant moins différents d'un poste à l'autre d'où leur polyvalence: la présence des pentes dissuadait l'emploi de joueurs lourds, quelque fût le poste. 8-9-10 formaient le "trio central", au rinnepallo, le 10 étant généralement l'artilleur (mais il y en avait souvent d'autres, par exemple un plus puissant pour les tirs de loin). Tirer au pied avec un ballon cubique était moins difficile qu'avec l'élipsoïde (indûement appelé ovale) car un cube était juste une "mauvaise sphère", aérodynamiquement, mais ayant comme la sphère trois moments d'inertie orthogonaux identiques, contrairement à ceux du ballon de rugby, et il n'y avait pas à se soucier de le caler au sol: le règlement imposait de le poser à plat dans l'herbe, et non sur pointe.

. Il n'y avait pas de "mêlée ouverte" (ruck) donc pas besoin de "déblayeurs", la touche était presque aussi facile qu'au football (la seule règle étant qu'il était interdit de lancer vers l'avant ou à moins de trois mètres, mais tout ce qui n'allait pas en avant et franchissait au moins trois mètres était valide) et il était interdit de soulever un joueur pour mieux l'attrapper. Il était ainsi très rare que l'équipe jouant la touche en soit dépossédée dès le premier mouvement. Il y avait aussi des différences dans la tenue: aucun "blindage" autorisé sauf les protège-tibias et protège-dents, pas de crampons, le maillot comportait un col (comme au football) et ne pouvait pas être uni: il devait avoir des motifs compris entre une taille mini et maxi, et présentant un constraste suffisant. Chevrons, carreaux, losanges, triangles, pois, on voyait un peu de tout. VTP22 restait fidèle aux grands chevrons en V étroit, pointe en bas. Cette année on avait droit à cinq remplacements (à prendre parmi huit), mais chaque remplacement était définitif (si on remplaçait le remplaçant par celui qu'il avait remplacé, ça "consommait" un des remplacements restants). Le système des cartons jaunes, oranges et rouges était conservé, le jaune correspondant à celui du football ("dernier avertissement") et l'orange au jaune du rugby (exclusion temporaire).
Cette équipe "VTP22" était la composante principale de l'équipe de France de rinnepallo, ou "Cube de France".

. C'était plus un entraînement tactique, de synchronisation des joueurs dans telle ou telle situation d'action, que du travail de puissance (il y en avait aussi, mais pas à plein temps), de sorte qu'il n'était pas "moulu" en revenant tourner des scènes pour VTP22. Au contraire: il était bien réveillé et venir du rinnepallo augmentait un peu la précision (déjà réputée être son point fort) de son exécution des scènes d'action.

. De retour aux studios VTP22 il retrouva Hillevi qui était revenue de Suède, coiffée court: bien plus court que lui dans "Chargeur Camembert". Il restait un effet de débordement devant, mais qui ployait sans vraiment replonger, ainsi allégé. Ca ressemblait à ce qu'il avait vu récemment sur Tanguy Hemery (un peu plus âgé que lui, taille et masse musculaire voisines, châtain clair). Pas inintéressant sur une fille d'allure simple et robuste comme Hillevi, mais il eut préféré voire ça sur une fille "comme Hillevi" que sur la vraie. Comme il y passait les mains:
H- donc ça ne te déplaît pas trop.
E- mes mains apprécient, mais ça va mieux à Tanguy.
H- c'est effectivement le même modèle.
. Il savait aussi qu'elle avait déjà fait bien plus court (en brosse) dans son enfance et de nouveau vers 15 ans. Si cette Hillevi était inédite pour VTP, elle ne l'était pas pour elle-même. Il savait que VTP avait autorisé (sans les souhaiter) de tels changements aux actrices et acteurs jouant au moins 25 épisodes de "Chasseurs d'ombres", la série étant très salissante, en plus d'être difficile à tourner, d'où la difficulté à y recruter suffisamment de personnages "récurrents", surtout les filles. Erwan n'y jouait que les trois premiers épisodes.
E- [continuant à carresser] mais ça me fait bizarre, tout de même.
H- tu aurais peut-être préféré plus court? Comme sur Derek, ton Attéen préféré? Malgré ça il te ressemble de plus en plus, d'ailleurs.
E- c'est le même entraînement, donc il prend les mêmes réflexes.
H- j'ai trouvé des sites de fans de Derek: si, si, ça existe. Il est souvent comparé à Atte, et parfois à toi ou Knut.
. En disant cela, elle le gratouilla sous le mention. Il appréciait les caresses d'Hillevi et se laissa manipuler détendu comme un gros chat. Parfois il lui arrivait de penser qu'une fille trop éprise de lui pourrait "pêter un fusible" et lui lacérer les yeux à pleines griffes, par exemple. C'était une raison de ne pas fréquenter de si près les filles aux ongles affutés, ce qui n'était pas le cas d'Hillevi: ses pratiques sportives ne le lui permettaient pas, sous peine de se les retourner. Ses yeux étaient peu exposés aux coups de doigts, du fait de leur forme, mais il fallait tout de même en tenir compte. Là, au pire, elle lui rayerait un peu la cornée, le temps qu'il réagisse: ce ne serait pas irréparable. Bien sûr, il ne pouvait pas se protéger de tout, genre attentat par surprise au pic à glace, mais estimait qu'il n'était pas un personnable "ostensiblement connu" et que le public du rinnepallo ne le choisirait pas pour cible au fusil à lunette, toutefois il ne regardait jamais dans les tribunes (sauf là où il y avait parfois un "panneautage" par des complices de l'équipe renseignant sur ceci ou cela dans une autre partie du terrain) pour ne pas risquer de s'aligner avec un laser (surtout ceux à ultraviolet, non visibles et bien plus dangereux). En biais, ça ne finirait pas dans la rétine donc ce ne serait pas grave, même si un système de visée réussisait à suivre ses mouvements plusieurs secondes. Les sabotages, dans le sport, ce n'était pas nouveau, à commencer par le dopage à l'insu du dopé pour le faire disqualifier. Erwann devait sa précision de tir à une excellente coordination générale et une vue de pilote de chasse. C'était donc cela que l'on aurait pu tenter d'endommager à distance, et de façon indétectable sur le moment. Il suffisait de quelques petites lésions dans la fovea d'un des deux yeux pour rendre ses tirs moins précis, surtout si les lésions étaient assez petites pour ne pas le gêner dans la vie courante et donc ne pas lui faire prendre conscience du problème, sauf par les tirs moins précis. L'autre risque (mais beaucoup moins discret à mettre en oeuvre) eût été une balle dans le genou, mais ça n'était jamais arrivé dans le football donc dans un sport moins médiatique et non lucratif comme le rinnepallo le risque était proche de zéro. La rareté des attentats sur des sportifs connus (les rares cas connus venaient de concurrents ou de parents de concurrents, dans le tennis ou le patinage) montait que les gens étaient moins méchants que l'on aurait pu l'imaginer dans un film. Le risque était encore plus faible pour l'acteur, qui n'était pas accessible au public (sauf via le rinnepalliste, en fait) car la mort d'Atte avait montré que ça n'empêchait pas VTP de terminer une grosse production en bidouillant par infographie un autre acteur, en cas de nécessité, en plus des possibilités offertes par les personnages virtuels et la robotique réaliste.
H- à quoi penses-tu?
. Inutile de raconter tout ça, de plus les caresses paisibles d'Hillevi lui suggéraient autre chose.
E- ce serait agréable d'être un chat.
H- mais alors qui s'occuperait de ton chat?
E- effectivement.
H- parce que si vous échangez, je ne suis pas sûre qu'il soit capable de te remplacer comme ingénieur. Comme sportif, probablement, puisque ta félinité te sert beaucoup. Comme acteur peut-être, si on choisit bien les rôles, mais pour réparer une usine ou concevoir des robots de tournage, ça me semble difficile. Comme chat, il faut aussi s'habituer à manger des têtes de poisson crues et se nettoyer le derrière avec la langue.
E- leurs goûts sont différents des nôtres, donc si on est un chat on peut le faire sans dégoût. C'est un automatisme, leur séquence de toilette: toujours les mêmes gestes dans le même ordre, donc ils font ça en pensant à autre chose en même temps, je suppose.
H- en fait, si j'étais une chatte ça ne me dérangerait pas d'avoir des chatons, alors que je n'ai jamais pu imaginer avoir un enfant: quelle horreur!
E- les chatons sont bien plus mignons. Et puis ça ronronne en têtant.
H- et toi?
E- non plus. Ni être prof, ni ce genre de choses.
H- je te verrais bien dans un remake du "substitute", à casser de la racaille.
E- oui, mais alors casser vraiment, plus que dans le film d'origine.
. Il n'avait jamais démoli quelqu'un en vrai car la situation ne s'était pas présentée, mais l'entraînement au simulateur à retour d'effort réaliste l'y préparait efficacement, espérait-il. Ca augmentait la crédibilité de telles scènes d'action dans certains de ses rôles, mais cela fonctionnerait-t-il aussi bien en vrai? Ce serait au moins plus efficace que sans avoir suivi cet entraînement, qui comportait aussi l'anticipation et l'évitement.

. Dinan avait remporté son second Top16 et conservait donc le bouclier de Brémus, toutefois le club breton n'avait pas si bien réussi en coupe d'Europe, faute d'y avoir accordé une priorité de composition d'équipe au profit de l'économie des joueurs pour les matchs du Top16. L'équipe utilisée contre les clubs d'Outre-Manche ressemblait plus à celle des matchs à domicile du Top16, avec moins de joueurs du plus haut niveau, ce qui avait d'ailleurs permis à Lefar (qui, lui, était peu utilisé pour les matchs d'extérieur du Top16, donc plus disponible) de s'y illustrer comme d'habitude (en mettant quelques adversaires hors d'usage sur son passage sans avoir commis de faute pour cela) aux divers postes de "3/4" (plusieurs fois 12, cette année) mais aussi comme buteur "longue portée": on lui faisait tirer les pénalités approchant ou dépassant les 50m, de sorte que des clubs anglais souhaitaient le racheter (ainsi que d'autres joueurs de Dinan), mais bien que la rémunération à Dinan fut raisonnable (entre 1,4 et 2,5 smics selon résultats, pour ce joueur qui n'était pas présent dans tous les matchs) les conditions d'entraînement, de jeu et de vie à Dinan suffisaient à l'y faire rester. Il fut cette année le premier marqueur d'essais de la coupe d'Europe: un peu plus de deux par match, en moyenne. Dinan maintenait pour le moment le principe d'une ligne de 3/4 assez lourde, pourvu que ces joueurs-là fussent suffisamment rapides et précis pour compenser la petite perte de maniabilité que cela entraînait. Dans le cas de Lefar, ce joueur commençait à être bien connu pour son habileté à disloquer ceux qui se mettaient trop directement sur son passage (la synchronisation sur les mouvements de l'adversaire, comme dans les arts martiaux, en ajustant légèrement sa longueur de course pour cela) ce qui avait un effet légèrement dissuasif: on tentait de moins en moins de l'arrêter ainsi, mais plutôt à l'attaquer par le travers ou en oblique arrière de façon à le ceinturer et à le ralentir (voire le renverser, si c'était bien fait au bon instant) sans aller à la collision directe. S'il ne tombait pas (en général, non ou plus tard) il avait alors le temps en remorquant encore un peu cette "meute" fixée à lui de choisir à qui faire la passe. Ce qu'on ne le voyait pas faire, c'était des percussions à faible distance pour déblayer un ruck ou des tentatives de départ en force ballon en main: il fallait qu'il dispose d'au moins une dizaine de mètres d'accélération libre pour atteindre la vitesse à laquelle il devenait périeux de tenter de l'arrêter de face, son principe de traversée d'obstacle sans dommages (pour lui) étant basé sur la percussion inertielle (sans continuer à forcer sur les jambes au moment de l'impact) pour éviter tout risque dorsal, or pour faire cela (et aussi pour la synchronisation sur l'adversaire) il fallait aller déjà vite. Pour participer efficacement à une action il devait donc partir de plus loin (mieux vallait laisser le jeu "au ras" aux avants), ce qui le prédisposait aussi à assurer le rôle mixte défense/attaque d'un 3/4. Parmi les joueurs de Dinan faciles à reconnaître, il était celui dont le jeu enthousiasmait le plus les supporters bretons, car il avait à la fois beaucoup de vitesse, beaucoup de puissance (et l'impression d'indestructibilité dans les collisions, qui venait surtout de l'habileté à les faire et de décider lesquelles éviter) et beaucoup d'adresse. Lefar avait aussi un rôle moins avouable sur le terrain: celui d'engin de représailles contre joueur anglais (surtout, mais pas uniquement) ayant au cours du match commis un coup bas contre un Breton (bien visible au ralenti) insuffisamment sanctionné par l'arbitre. L'équipe s'arrangeait alors avec un ou deux autres joueurs pour que le coupable réussisse à capter le ballon à l'instant où il allait se trouver en plein sur les rails de Lefar (arrivant souvent en biais, dans ce cas) pour lui défoncer les côtes tandis que le troisième larron le prenait aux jambes pour un peu plus le plier en Z, aussi transversalement que possible. Les diverses variantes de ce scénario étaient souvent répétées (en secret) à Dinan, de sorte que comme des joueurs d'échecs, ceux qui auraient à le faire sauraient reconnaître le meilleur moment et quelle version y exécuter. En variante courte (quand il n'y avait pas la distance pour la prise d'élan) c'était le redoutable Fritz Krüger qui remplaçait Lefar comme "bélier de crash-test latéral". Cette fonction fut d'ailleurs plus souvent confiée à Fritz Krüger, quand il était présent sur le terrain, mais ce ne fut pas toujours de cas des matchs de coupe d'Europe alors que Lefar y était à chaque fois. Ce fut Fritz Krüger qui rompit à la fois les côtes et un des genoux de James Flint, talonneur anglais coupable d'une fourchette sur un joueur toulousain (donc français, même si d'un autre club) et injustement peu sanctionné (juste un jaune, pas d'exclusion pour N semaines) ensuite. James Flint se trouva ainsi "suspendu" six moins pour raison médicale: ligaments croisés. Fritz Krüger n'avait pas commis de faute, simplement il l'avait fait très fort, avec beaucoup de masse et de précision dans le choix du point d'impact et des appuis de la cible à cet instant, tandis que Le Manac'h, le 15, avait bloqué Flint aux jambes par l'autre côté, non sans avoir vérifié qu'il n'avait pas lâché le ballon. Le caractère prémédité de l'action (qui restait légale) pouvait se deviner au fait que le Dynamo de Dinan ne faisait pas cela aux joueurs français ni à ceux des clubs étrangers n'ayant pas commis d'agressions antérieures insuffisamment sanctionnées. D'autre part, il n'y eut pas de variante pouvant aboutir à des lésions des vertèbres cervicales ou dorsales: il s'agissait de punir, d'exclure "un bon bout de temps" mais pas de causer un handicap permanent. Bien sûr le groupe le plus attendu sur le terrain était celui des Krüger, avec l'épreuve de la mêlée mais aussi les progrès importants qu'ils avaient faits dans le jeu rapproché et les tas. Dinan conservait un avantage important sur les autres clubs (y compris étrangers) sur cinq points du jeu:
- beaucoup de drops
- touche
- mêlée
- très peu de fautes
- peu de blessures
De plus, personne n'y jouait avec des lentilles de contact, alors que ça se voyait souvent ailleurs.
. Alexandre Galliot jouait aux postes 6,7,8, le plus souvent en 8, ayant conservé et continué à développer ses acquis rugbystiques dans l'excellent système d'entraînement de Dinan, tout en abandonnant une personnalité qui n'avait longtemps été qu'un rôle ("inventé" initialement par Lefar): Galliot était simple et réservé, et avec les cheveux épais mais un peu informes (ce n'était pas de l'émilianien, contrairement à ses traits) taillés à vue de nez il n'évoquait plus "Angel"/David Boreanaz. Lefar n'y avait pas fait d'allusion et surtout pas cherché à l'y remettre: il était déjà rétrospectivement surpris que Galliot eût joué le personnage "Angel le tombeur" aussi longtemps. Il pensait maintenant qu'au début, ça avait dû l'amuser aussi et lui permettre d'oser un peu plus, en manière d'être et en relationnel, puis c'était peut-être devenu une "gestion de rôle" qui ne lui apportait plus rien. Galliot ne participerait pas au calendier de cette année: ça aussi, ça faisait partie son ancien rôle. Lefar ne savait pas qu'une dérive de cet ancien rôle l'avait conduit à quelque chose qu'il aurait préféré ne pas avoir fait. Mais à bientôt un an de distance, Galliot estimait que ce n'était pas bien grave (aucun n'avait mis quelque chose dans l'autre, même si l'épisode était culturellement peu avouable surtout pour un sportif connu) et qu'il s'était peut-être trop inquiété de la signification possible de ce dérapage: après tout il ne savait pas ce que certains autres avaient peut-être fait. Plus probablement avec des animaux, dans cet arrière-pays rural, car le bétail ne risquait pas d'en parler.

. Outre "Braquages", "Mécanotron 2", "Centrale Meurtres", "Nuages rouges", "Bombes roulantes" et "Le secret des Templiers", Erwann allait jouer dans le "pilote" de la série "Chasseurs d'ombres" ainsi que les deux premiers épisodes (54mn chaque. Son personnage serait tué 14mn après le début du dernier de ce groupe) qui seraient généralement diffusés en une seule soirée, d'où le terme "triple pilote" équivalent à un téléfilm de trois heures. Il s'y passerait énormément de choses dans plusieurs univers accessibles depuis des grottes, après avoir d'abord dû traquer dans le monde contemporain ce qui en sortait.

. Erwann pensait que le plus "entrant" (nombre d'entrées) de cette fournée serait "Le secret des Templiers", puis "Braquages", car "Mécanotron" s'adressait à un public plus typiquement "SF", comme "Nuages rouges", tandis que "Centrale Meurtres" avait selon lui l'inconvénient d'une unité de lieu (bien que l'on explorât un peu tous les bâtiments, y compris des sous-sols bourrés de tuyaux), ce qui avait d'ailleurs conduit VTP à ne pas dépasser deux heures, comme pour Mécanotron qui se déroulait en bien plus de lieux. "Le secret des Templiers" remplissait trois heures, "Braquages" vingt minutes de moins.
. Il joua un jeune préparateur d'automobiles ("tuning" et films) et cascadeur dans "Bombes roulantes", un film dans lequel des terroristes (ou maître-chanteurs) équipaient des voitures d'un pilote automatique simplifié (guidage SPS via des cartes numériques, le système russe étant bien plus précis que l'américain, détection de distance et de vitesse du véhicule précédent, suivi de pointillés) pour soit les envoyer exploser quelque part (éventuellement contre un autre véhicule) soit déclencher depuis eux des tirs à la mitraillette ou au lance-roquette en passant devant l'objectif. Les voitures comportaient des mannequins de toutes sortes (y compris enfants ou parfois chiens) légèrement animés: juste de quoi ne pas avoir l'air inertes si quelqu'un regardait dedans en doublant cette voiture ou en étant doublée par elle. Les voitures disposaient de ce pilote automatique permettant de suivre un itinéraire et de réagir à des situation simples, en plus de quoi il existait une commande à distance permettant aux terroristes d'intervenir en cas de besoin, ce qui permettait à un seul d'en surveiller plusieurs, ayant peu de probabilité d'avoir à intervenir pour deux en même temps, d'autant plus que la décision pour l'une des deux pouvait la plupart du temps être un peu différée, par exemple en ralentissant. Ce film donnait lieu à moultes poursuites, acrobaties (saut en marche d'un véhicule à un autre, classique mais particulièrement "prenant" dans la façon de filmer de VTP, qui semblait ne rien cacher ni ne cèder à la facilité de trucage. Trucage il y avait, mais le spectateur allait pouvoir chercher comment...), carambolages et attentats. Très "Kerfilm" donc pouvant utiliser Erwann, même si (et heureusement) de plus en plus de "gros" Kerfilm s'en passaient.

. BFR avait fait continuellement des tests sur les deux premiers exemplaires nés de la souche déboguée à partir d'Aymrald Dambert, qui avaient maintenant 21 mois, et d'autres exemplaires avaient "silencieusement" été mis en gestation par des membres des laboratoires, pour leur propre usage. C'était aussi la raison des nombreux examens sur le premier Erwann d'Ambert (l'ingénieur-acteur-rinnepalliste) pour continuer de vérifier les atouts techniques de cette souche: le Huntington n'interférait pas avec ces tests, et les souches expériementales n'avaient pas cette séquence dans leur chromonosme 4 issu d'Eetu. Retirer des CAG surnuméraires n'avait aucun effet sur les autres parties de l'ADN. Aymrald Dambert semblait ne comporter que des avantages (ou une absence d'inconvénients) par rapport aux autres souches examinées, si on ne cherchait pas une taille exceptionnelle. La fiabilité médicale, immunitaire, métabolique semblait excellente, la stabilité mentale aussi. Cette dernière était même exceptionnelle: Aymrald avait eu un des tout meilleurs scores aux tests de destabilisation psychologique maison, tout en n'étant pas indifférent par lacune mentale. BFR n'avait pas de notion précise de la part héréditaire de l'intelligence, mais en avait sur les facteurs pouvant nuire à son développement et à son fonctionnement. La capacité à disposer à chaud de la même intelligence qu'à froid en faisait partie, à partir d'une intelligence "bonne mais sans plus" dans l'absolu. Le rinnepallo était aussi l'occasion de beaucoup de mesures biométriques dans tous les joueurs, et souvent plus de mesures encore chez Aymrald, banc d'essai génétique de BFR, en plus du fait qu'ils étaient tous des bancs d'essais nutritionnels. Moins "cassant" que le rugby et plus ouvert aux "moyennes cylindrées" musculairement, le rinnepallo de VTP22 utilisait beaucoup de ses acteurs, tournant sur cinq à six équipes. En fait 100% de l'effectif, garçons comme filles, venait de VTP: le système de formation au tournage avait des points communs avec celui de formation au rinnepallo, de sorte qu'il avait été estimé inutile de recruter ailleurs. D'où la télégénie remarquable de ces équipes, lesquelles n'avaient toutefois pas l'apparence monotype de celles de Juustomeijeri. L'utilisation d'acteurs (et actrices) avait d'autres avantages: ils avaient une source de revenu (compensant le fait que le rinnepallo, lui, était nécessairement amateur), sur lesquels VTP ne trichait pas (les pourcentages d'intéressements des rinnepallistes n'étaient pas augmentés: l'entreprise savait que la fédération européenne de rinnepallo vérifierait) et des temps de disponibilité (au détriment de ces revenus, certes) pour s'entraîner au rinnepallo, mais le haut niveau scientifique de cet entraînement, d'une part, et d'autre part le fait que le rinnepallo n'avait pas l'usage de gens très lourds de muscles, faisaient qu'il n'était pas nécessaire de passer autant d'heures par jour à ces entraînements que pour le rugby avec des méthodes classiques. De plus le sens de la discipline et de l'organisation (condition nécessaire pour travailler pour VTP) était fort utile au rinnepallo lui aussi, de même que l'habitude de travailler en virtuel, avec lunettes à immersion et systèmes à retour d'effort.
. Vittorio (qui était maintenant "troisième ligne", avec le 6, parce que plus massif) ne jouait pas dans la même équipe qu'Aymrald. Le premier était dans l'équipe 2, plus "impact", Erwann dans la 5 (la plus utilisée, surtout pour les compétitions internationales), la plus rapide quitte à ne pas comporter de joueurs aussi puissants que ceux de la 2. Cela dépendait du type d'équipe qui serait rencontré. On n'utilisait donc pas Vittorio pour le slalom en côte entre défenseurs (sauf opportunité) mais comme force d'impact, impact suite auquel il transmettait le cube à un relayeur plus rapide en côte mais après avoir "simplifié" un ou deux obstacles qui auraient pu gêner celui-ci.

. Dans "Chasseurs d'ombres", les scènes avec Erwann englué, couvert de sang ou d'autres substances furent rassemblées en fin de journée, avec celles où il était mouillé dans d'autres films. S'il fallait passer plusieurs fois de sec à trempé, on utilisait le faux Erwann (juste pour cet instant), après avoir tourné sec avec le vrai puis (plus tard) tourner tout le mouillé avec le faux. Il en allait de même pour les autres acteurs et actrices à sèchage non rapide de cette série, dont Romain et Fabrizio. Hermine, autre "récurrente" ressemblait à Typhany coiffée entre paillasson et hérisson "avec un peu moins de lait dans le chocolat". Donc (contrairement à ce qui avait été proposé deux mois plus tôt) elle commençait directement la série ainsi.

. "Braquages" était un film dans le style "milieu des années 60" (style et dialogues faisant penser aux "tontons flingueurs" ou à "ne nous fâchons pas", etc), filmé "surexposé et net jusqu'au fond" pour mieux ressembler à l'ambiance des films de l'époque (la stéréoscopie en plus) avec des DS (quelques "21 à injection" mais ayant encore les phares à l'ancienne, doublés des petits "obus" externes, puisqu'avant 67), des Aronde, Chambord, des Ami-6, des 4L "première calandre", des Floride, R8, R10, R16, 404, 204 (mais pas 504, par contre on croiserait encore des 403 et même des 203, ainsi que des Dauphine, PL17 et quelques Traction), des Simca 1000, 1300, 1500, Erwann y jouait un jeune vicomte breton dans le château (tarsino-granitique) duquel une partie de l'action se déroulerait, avec beaucoup de dégâts, de sorte que lui aussi participerait ensuite (et fort activement, y compris quelques assassinats à l'arbalète... avec lunette de visée) à la chasse au butin (qui n'était pas là), en concurrence avec les autres. Ce film utilisait moins d'Emilianiens que d'habitude, les progrès de l'infographie (et de la robotique réaliste) permettant de s'en passer. Il suffisait que les personnages ne fussent pas ridiculisés par la stéréoscopie quand ce n'était pas le but de la scène, mais ils pouvaient être plus compliqués et moins "zéro défaut" que d'habitude. Erwann était le seul Emilianien parmi les personnages principaux, plus âgés et plus "France de tous les jours" que lui. On le remarquait donc plus (quoiqu'il ne fût que septième en temps de présence à l'écran) que dans les films avec des Emilianiens et surtout des Attéens dans beaucoup de rôles, mais comme d'habitude ça ne jouait aucun rôle dans le scénario (pas même pour une plaisanterie) tout en contribuant à construire son personnage: jeune, frais, élégant, mais s'avérant au film du scénario endurant et pugnace. Après une bagarre très "années 60" on le voyait ramasser une grosse pierre et finir d'un bon coup sur la nuque un des adversaires (du moment: ça changeait) au sol. Ce que le spectateur voulait voir faire, aggacé par les réattaques d'ennemis que les vainqueurs du moment avaient oublié de terminer.

. Les séquences se passant dans Paris (beaucoup se passaient ailleurs, en particulier en bord de mer, mais aussi à la montagne, au fil des poursuites) utilisaient la modélisation virtuelle déjà mise au point pour les années 60 parisiennes dans "La statue de Dorian Gray".

. "Nuages rouges" se déroulait sur Mars, après "terraformation" par envoi de plantes conçues génétiquement pour cela (transformation incomplète: il fallait encore un compresseur pour respirer dehors, mais la composition de l'atmosphère était devenue tolérable) et qui devait ensuite repousser une attaque de "space peoples" fuyant des conditions devenues invivables sur Terre. L'interception des vaisseaux de ses indésirables (armés) était l'occasion de belles batailles spatiales, veillant à ne pas copier celles de Serranix tout en reprenant leurs points forts comme l'absence de son d'explosions dans le vide (sauf entendu de l'intérieur du vaisseau touché) et de boules de feu bourgeonnantes. L'ennemi n'était pas de nature inconnue, cette fois, mais humain, et c'était après avoir réussi à s'emparer des premiers vaisseaux ayant débarqués (à cours d'hydrogène et d'oxygène pour un retour, mais les "Néomartiens" en avaient dans leurs réserves souterraines, eux) qu'ils pouvaient combattre les suivants.

. "Centrale meurtres" était un thriller situé dans une école d'ingénieurs. Parmi les divers meurtres, un élève était victime du piratage informatique d'une machine-outil à commande numérique et de son robot de chargement. Chaque club (cuisine, auto, informatique, modélisme... fournissait le thème d'un meurtre, de même que certains cours). Le thème du voyage en Suède était évoqué entre élèves, en particulier dans les scéances d'acharnement mécanique sur patiente en phase terminale, mais comme l'histoire se passait en cours d'année personne n'y allait au cours du film. Le limiteur de poids de l'ascenseur se laissait encore "avoir" quand les élèves (trop nombreux: limité à six) sautaient tous en même temps, or ensuite il ne lui était pas permis de s'arrêter avant la prochaine présélection. Le contexte était très différent de celui des universités américaines tant de fois vues dans tant de films. Ce n'était pas une université: c'était bien plus petit, et il n'existait pas de chambres partagées comme aux Etats-Unis: elles étaient minuscules, mais individuelles.

. Erwann y jouait un personnage plus jeune que lui, mais ayant tout de même 21 ans (deuxième année sans redoublement ni avance) donc pouvant avoir sa taille, voire sa consistance s'il était sportif et à croissance moins lente. Quant à la fraîcheur, il n'y avait même pas à tricher, et le jeu qu'il devait imiter avait été préenregistré par un acteur de 20 ans (qui ne faisait d'ailleurs presque que ça et des doublages audio) donc il n'y aurait aucun décalage perceptible. Sa simplicité émilianienne y contribuait aussi, tout en étant crédible dans des rôles de prédateur.

. Certains avaient jadis dit d'Erwann quand il passait les derniers tests de sélection pour VTP, là où les décideurs triait en aval de ce qu'avait déjà pu éliminer les systèmes automatiques.
- c'est rare d'avoir quelqu'un de si bien fait, d'un blond si voyant et qui sache si bien se faire oublier. C'est intéressant.
. On pouvait aussi, à l'inverse, lui reprocher l'absence de présence, voire l'absence de regard (quand le scénario ne pilotait pas ce détail, dans ses premiers rôles), au sens de ne pas l'utiliser autrement que pour repérer des obstacles sur son chemin ou lire ce qu'il devait apprendre.

. Tarsini, lui, était un réalisateur qui ne s'intéressait pas aux regards. La mémoire des trajets et la mémoire gestuelle étaient les impératifs pour les rôles d'action, de même que la précision de réexécution. Pour ce qui était du jeu (autre que l'action), l'expression générale suffisait, et sa façon de filmer (rarement de près et toujours brièvement) faisait qu'il ne demandait pas une grande précision dans ce domaine: il était facile de prendre cette dizaine d'expressions de base, même pour les débutants (n'ayant fait que de la série télévisée), alors que les gestes de l'ensemble du corps, eux, étaient bien plus exigeants. Pour la gestion d'expressions, VTP repérait ce que tel ou tel acteur faisait d'un peu moins banal que la "série de base", de lui-même, voyait si ça pouvait resservir ça et là, d'une part, et d'autre part qui saurait les imiter sans les caricaturer, selon le principe qu'un acteur jouait souvent sur un modèle gestuel et expressif préenregistré par un autre, même si de plus en plus souvent on piochait dans la base de données d'animations de ce type pour éviter le temps de préenregistrement, lorsque ça n'avait rien d'inédit et pouvait être un patchword de "morceaux choisis". Tarsini, d'après ses storyboards animés, s'intéressait aux gestes, et plus encore au mouvement, à la vitesse ou à l'arrêt de la vitesse, comme en documentaire animalier ou en reportage sportif: il n'était donc pas étonnant qu'il utilisât nombre de rinnepallistes comme acteurs, même si à l'origine cela s'était fait dans l'autre sens, Kerfilm ayant commencé à tourner avant l'essort du rinnepallo en France. On disait parfois de la HF Kerfilm: "il n'y a pas besoin de talents de comédien, là-dedans: il faut d'excellentes aptitudes sportives, un profil droit et de beaux cheveux, ensuite la gestion des cascades et l'infographie s'occupent d'en mettre plein la vue au spectateur". Ce n'était pas totalement faux, admettait-on chez VTP, mais "tout de même un peu réducteur".

. De même qu'il ne dérangeait pas du regard, il ne souriait que si quelque chose l'amusait ou si c'était indiqué dans une scène: il ne souriait jamais "de convenance" et ça donnait d'ailleurs l'impression à nombre de gens qu'il était naturel, qu'il ne "jouait" pas et n'essayait pas de leur vendre quelque chose ni un "personnage". Il avait toutefois une gestion consciente d'attitude, depuis l'enfance, qui s'étaient peu à peu automatisée: se tenir droit (ni cambré, ni dos rond), car étant à croissance lente il avait surtout eu affaire à des plus grands entre 14 et 20 ans. En fait il "jouait" déjà un peu, mais par omission: ne pas se tenir de travers, redresser le dos (mais sans bomber le torse: "position neutre"), rentrer le ventre, remplir un peu plus que d'instinct la cage thoracique, ce qui était au fil du temps devenu instinctif. Il était décontracté mais pas "avachi".
. On retrouvait la même attitude chez Romain Gouillouzic, et c'était en partie cela qui avait conduit VTP à choisir ces deux-là comme personnages principaux de Kergatoëc. Deux Emilianiens agréables à voir, mais simplement impliqués dans les problèmes pratiques (et surtout "pas pratiques") auxquels ils étaient confrontés avec cette reprise d'usine. De fait le scénario et les scènes d'action leur donnaient une présence qu'ils n'avaient donc à pas à "revendiquer" personnellement, et cela avait plus d'impact ainsi, en plus d'une impression plus naturelle malgré l'emploi d'Emilianiens. Il y avait dans Chasseurs d'Ombres beaucoup de scènes dans la boue ou des trucs (paraissant) gluants, d'où après tournage les combats d'hydrothérapie ou pour se rincer, chacun cherchant à ne pas reculer sous la poussée de la lance à eau tenue par l'autre. Les matières paraissant gluantes et immondes dans cette série télévisées ne comportaient pas de corps gras (mais une dose de gélatine) donc étaient solubles dans l'eau, d'où les batailles de jet d'eau entre beaucoup d'acteurs en fin de journée sous prétexte de nettoyage. L'eau était réaspirée et filtrée dans les installations de VTP. Tout ceci était assez fatigant en fin de journée de tournage mais il allait tout de même à la piscine ensuite, pour un effort régulier et -d'une certaine façon- reposant par sa simplicité.

. Une partie du deuxième épisode l'envoyait dans un monde glacé, et fut tournée dans la partie réfrigérée (et fort bien isolée: mieux qu'une patinoire ordinaire) des studios, avec canons à neige, vastes hangars conçus pour pouvoir tourner des scènes d'hiver n'importe quand dans l'année. Si on avait besoin de plus d'espace, il y avait VTPSF, près de la moitié de l'année. La variété des situations, des décors et la mise en oeuvre de trucages comparables à ceux des films étaient ce qui distinguait "Chasseurs d'ombres" d'une série télévisée classique de VTP. Sa mise en oeuvre se comparait plus à Commando 22 ou Lobosibirsk (VTPSF). Tout était sérieux et minuté dans les tournages de VTP, donc les acteurs et techniciens eurent rarement le temps de jouer avec la neige. Erwann aimait les tournages dans ce bâtiment: un petit morceau de Finlande (voire de Sibérie) à portée de vélo de chez lui, où il semblait plus à sa place (en tout cas on le lui disait) que dans la réalité bretonne de cette saison.

. Son rôle (Adrien) dans Chasseurs d'Ombres s'arrêterait au cours du troisième épisode formant le "pilote", mais il continuerait dans ce tournage pour la téléanimation à l'exosquelette de nombre de créatures terrifiantes ou simplement répugnantes. Il avait développé de nombreux réflexes d'interprêtation des sensations restituées par l'exosquelette, malgré leur imprécision par rapport du toucher direct. Il s'y sentait à l'aise gestuellement comme un berger landais sur des échasses ou un chirurgien opérant par laparoscopie, ce qui donnait un bon rendu gestuel de la chose ainsi animée, à l'autre bout, et expliquait que VTP fît souvent appel à lui pour cette tâche, parmis ceux qui s'y étaient suffisamment entraînés. Cette aptitude à gérer en temps réel d'autres gammes de sensations que dans la vie courante faisait qu'il ne risquait pas de blesser un des acteurs réels en le pressant exagérément avec les pinces ou tentacules du monstre, tout en le tenant assez fermement pour ne pas le laisser s'échapper et pouvoir le soulever sans qu'il ne tombe. Il programma aussi la machinerie pour être manipulé ainsi: il aimait être porté, et puisque c'était lui qui avait fait mémoriser les manoeuvres au système il pouvait avoir totalement confiance.

. Il passa de nouveau du temps avec les félins artificiels, de plus en plus réalistes dans leur souplesse et leur adresse de réaction, surtout les tigres de Sibérie: plus le robot était grand et lourd, moins ses réactions étaient difficiles à rendre réalistes. Les divers modèles de mécanimaux étaient un autre point fort qu'avait encore VTP par rapport à "Bollywood", car cela facilitait grandement le tournage en intéraction avec des acteurs réels par rapport au virtuel ou aux animaux dressés. Dans "Chasseurs d'ombres" il y avait toutes sortes de bestioles proches du réel (mais souvent en plus gros, en particulier les araignées) ou franchement chimériques.

. Comme d'habitude, en plus d'y jouer Erwann travailla beaucoup à l'instrumentation des scènes d'action les plus spectaculaires de ces divers films. VTP savait qu'il fallait en donner toujours plus, tout en gardant leur légimité à ces scènes ("pas comme dans les films coréens où ça partait de partout en arrivant de nulle part") et que le grand public international voulait en avoir pour son argent, avec le label Kerfilm. Des films plus mystérieux, de suspens et de défi invisible chasseur/proie comme Silmät étaient encore possibles, on l'avait vu, mais ne feraient jamais deux cent millions d'entrées dans le monde. "Un acteur de HF qui joue parfois d'autres rôles", continuait-on ça et là de dire à son sujet. La HF+SF (et assimilé) ne représentait que le tiers de sa filmographie, en réalité, toutefois elle totalisait 58% des entrées en salles de ses films.

. Mécanotron était le tournage le plus virtuel, car presque rien de ce qui serait vu à l'écran n'était présent sur les plateaux, à part des formes-repères (ciblages réfléchissant) sur lesquels certains déplacements et cascades pouvaient prendre appui. Braquages comportait plus d'éléments réels, même si les poursuites en voitures étaient truquées: tournées en extérieur avec des véhicules (réels, mais pas toujours) pilotés par logiciel puis fusionnées avec d'autres effets en studio. Il y avait des clins d'oeil à des poursuites en voitures de films anciens, en y ajoutant ce que les progrès techniques permettaient et que VTP estimait que les réalisateurs de l'époque auraient aimé pouvoir faire aussi. Beaucoup d'effets "caméras embarquées" dans les véhicules ou des hélicoptères télécommandés pilotés eux aussi par le même logiciel coordinant toute la poursuite. Idem pour les fusillades, avec la synchronisation (classique) des micro-explosions d'impacts dans le décor et d'autres effets créés par infographie. Les gags étaient calqués sur ceux typiques des films français des années 60 et début 70 sans reproduire précisément tel ou tel. Outre son personnage vu directement Erwann en téléopérait (robot animé par exosquelette) ou préenregistrait (avec repères collés pour le remplacer par l'infographie du personnage souhaitait) quatre autres, dont deux des principaux. VTP n'avait pas en réalité ce genre d'acteurs-là à bord. C'étaient des robots réalistes ou de la synthèse (de plus loin) comme VTP le faisait systématiquement pour les enfants et depuis quelques années pour les animaux, dans les films: tout ce qui avait une probabilité élevée de ne pas être bon du premier coup devait être simulé.

. Les entraînements au rinnepallo étaient redécomposés par logiciels grâce à la télémétrie et il put voir qu'il avait encore un peu progressé dans la maîtrise des glissades en rotation sur lui-même dans l'esquive et la destabilisation des adversaires: prendre appui sur l'un de la main tout en se tassant sur lui-même comme un skieur de descente, profitant de cette projection en arrière pour mettre un coup de cul à l'autre et ouvrir un passage là où il n'y en avait pas, puis en se détendant augmenter momentanément l'adhérence des pieds pour exploiter ce passage: des effets impossibles au rugby pour cause de crampons. Le rinnepallo évoquait par moment le patinage artistique, sauf que personne ne tentait de sauts "gratuitement compliqués" au rinnepallo.
. Les décompositions d'images filmées à grande vitesse montraient qu'il posait plus vite la pointe du pied (après avoir posé le talon) que la moyenne des joueurs, en côte, et qu'il relevait le talon un peu plus tard, en écrasant de 15% le centre de son cycle de course: il avait les jampes plus fléchies dans la position médiane. Ca augmentait aussi l'adhérence, en plus du fait qu'au moment de la poussée vers l'arrière le corps ne redescendait pas donc ne diminuait pas d'autant la force d'appui au sol. La "course tassée" avait le même effet que de dégonfler un peu des pneus sur sol glissant: la surface de contact par tour (par foulée, dans ce cas) était augmentée. L'inconvénient était que (de même que le sous-gonflage) ça consommait plus d'énergie, mais comme elle était moins gaspillée par dérappage il réussissait à accélérer un peu plus en côte que ses camarades.
. La gestion de l'adhérence comptait aussi dans les mêlées, où la capacité des semelles à faible relief (lamelles souples) à transmettre de la puissance au sol était inférieure à la puissance des jambes des joueurs, d'où le risque de dérobades des pieds en arrière et de demi-chute, le joueur restant lié aux précédents par ses bras. Comme cela se produisait aussi en première ligne, les mêlées du rinnepallo étaient bien plus mobiles et instables que celles du rugby. La règle avait changé cette année pour les mêlées en côte: elles étaient désormais à nombre égal de joueurs, comme sur le plat, mais jouées transversalement. On pouvait la gagner en refoulant l'adversaire longitudinalement, ou en faisant tourner la mêlée pour le mettre vers le bas de la pente, auquel cas ensuite ça allait tout seul, le poids des adversaires jouant alors contre eux. La mêlée servait maintenant aussi de coup d'envoi: une mêlée "neutre" puisque le ballon était introduit par l'arbitre sur la ligne médiane. Stéphane participa aussi à cet entraînement, avec les numéros 6 et 7, non pour être utilisé ainsi dans les matchs (on mettait des joueurs de plus de 90kg, en mêlée) mais pour que tout le monde connût de l'intérieur les impératifs techniques de chaque poste, de même que comme au Dynamo de Dinan l'équipe de France de rinnepallo entraînait tout le monde à tirer au pied avec le cube sans pour autant être destiné à le faire dans des matchs, mais juste pour qu'en cas de bon placement pour un drop facile un non-buteur n'hésitât pas à le tenter.

. France/Finlande eût lieu en Belgique le 16 mai, une semaine avant la fin de ses tournages. C'était le début du tournoi, situation un peu dommage pour le suspens, pensaient les uns comme les autres, mais le tirage aléatoire des matchs n'en tenait aucun compte.
. Les matchs de rinnepallo étaient la seule partie de sa vie qui ne fût pas scénarisée: les équipes créaient le scénario au fil du match, l'une contre l'autre et non de concert. 90mn d'aventure (2x45 avec une pause de seulement 2mn au milieu) non écrite d'avance, avec cascades non truquées et aucune possibilité de refaire une prise si quelque chose n'allait pas. Ses fans venaient aussi voir ça (venaient devant la télé: très peu faisaient le déplacement): Erwann d'Ambert (ou plutôt Aymrald Dambert) en vrai dans de l'action non truquée.

. A 6h40, dernières révisions des codes gestuels entre membres de l'équipe pour transmettre les informations de terrain et les décisions. Aymrald était le seul à jouer l'essentiel de l'année avec une grande partie de l'équipe de Finlande (Juustomeijeri) et contre le reste (les équipes rencontrées souvent par Juustomeijeri dans le championnat finlandais) donc pour ce match, c'était à lui que l'on demandait de définir les stragégies. Il ne souhaitait pas ce rôle d'organisateur, mais ne pouvait nier qu'il était le mieux placé pour cela et fit donc de son mieux pour partager son savoir "finnois" via le moins de mots possible, pour un maximum d'efficacité par rapport au temps disponible. Le rinnepallo s'organisait avec froideur et sérieux, surtout quand il s'agissait de jouer contre la Finlande, et ceci dès le premier match. Si on avait pu garder cette rencontre pour la fin...
. 6h57: entrée sur le terrain des équipes, le temps pour les caméras de parcourir tous les joueurs (remplaçants inclus) tout en affichant le nom et le rôle de chacun en bas de l'écran. Pas d'hymnes nationaux pendant cette présentation: au rinnepallo, on jouait seulement celui du gagnant à la fin du match. Pas de mouvements de caméras vers le public pendant cette présentation, au détriment du parcours des joueurs: les publics du football et du rugby détestaient ces "disgressions", à juste titre, et elles n'avaient pas lieu au rinnepallo. Il savait à peu près quand l'image serait sur lui, et regretta qu'en raison du protège-dents il ne put laisser "percer" un peu ses canines sur ses babines pour faire plus "Thierry de viande urbaine", mais le reste y était, regard inclus. Il aurait aussi préféré du vert dans le maillot, mais ce n'était pas dans la tradition française. Le bleu ne lui allait pas mal, savait-il, mais il préférait le vert. Le maillot de VTP22 était formé d'un emboitement de V très ouverts noirs et verts, cette année: en fait c'était le même dessin que celui du Dynamo de Dinan. Celui de l'équipe de France était façon "nid d'abeilles" (trompe-l'oeil. La surface était lisse, en fait, mais donnait l'illusion d'une telle structure à reflet métalliques) indigo et noir, le blanc et le rouges n'étant présent que dans les chaussettes, sous forme de chevrons.
. Aymrald examina bien l'équipe finlandaise au cours de cette présentation, grâce aux gros plans sur les écrans situés au dessus des tribunes. Au rinnepallo, le numéro était répété devant (en moins grand), sur les manches et sur les côtés du short. Il était le seul de l'équipe de France à pouvoir distinguer quinze rinnepallistes finlandais en action sur un terrain: les autres les auraient confondus par groupes de trois ou quatre.

. C'était à la fois un sport d'équipe et une sorte de jeux d'échecs, tant chaque équipe avait étudié le jeu des autres et espérait prévoir que "s'ils font ceci, on fera cela, il est probable qu'alors il feront ainsi et que nous pourrons avoir une ouverture". Sauf que el même raisonnement avait probablement été tenu en face et que le troisième "coup" ne serait donc pas celui-là, sauf en pensant que justement on souhaiterait l'éviter alors que la parade au quatrième avait en fait été trouvée. Les écrans vidéo géants du stage pemettaient aussi aux joueurs d'avoir une "vue d'oiseau" ou presque sur ce qui se passait loin d'eux sur le terrain. Restait à trouver le bon instant pour y jeter un coup d'oeil sans perdre de vue (directe) une situation plus urgente. Le Cube de France n'espérait pas "gagner" contre la Finlande sauf si les Finlandais perdaient: le sort du match viendrait d'eux, la responsabilité française n'étant que de ne pas laisser passer l'opportunité d'exploiter une imprudence finlandaise s'il s'en produisait une. Aymrald et quelques autres espéraient toutefois pouvoir donner un petit coup de pouce "perso" au sort du match si une "fenêtre de tir" de drop se présentait, même sans véritable imprudence finlandaise, ou si (mais sans trop "taper" dans l'énergie de réserve pour la suite du match) un effort inhabituel pouvait à un instant ouvrir une possibilité d'essai. Tout le monde utilisait les méthodes de préparation et d'études de match finlandaises (en fait celles créées à Juustomeijeri par Aymrald puis d'autres ingénieurs de VTPSF/BFRSF), donc l'avantage finlandais était surtout de jouer à l'année contre plus d'équipes différentes, dans leur propre pays, que leurs concurrents étrangers. La France était le second pays du rinnepallo en nombre de pratiquants réguliers, devant la Suède.

. Très surveillé par des adversaires le connaissant comme sur des rails, Aymrald ne put rien faire directement, en particulier il n'eut pendant 81 minutes aucune occasion de drop, mais put renseigner efficacement ses camarades moins surveillées et fournir des ballons à deux buteurs français qui au total en mirent quatre. Il alimenta aussi une combinaison menant à un essai et ce fut dans les neuf dernières minutes qu'il put éviter trois fois une défense finlandaise devenue un peu moins réactive, inverser le score d'un premier drop, en placer un second, avoir une pénalité à tirer sur une faute commise sur un de ses camarades (ce qui montrait là aussi une baisse de précision du Finlandais ayant mal fait ce placage) et finir par un essai (à 7 points avant transformation, grâce au dé posé le 6 en l'air), ce qui montrait la baisse d'efficacité de l'équipe adverse. Il y eut au total deux essais finlandais, deux essais français, un drop finlandais, six drops français, une seule aucune pénalité, les deux équipes évitant soigneusement les fautes, sachant que le score serait serré et qu'une seule pourrait suffire à le faire basculer. Victoire française 46-26, ce qui allait rester longtemps dans les mémoires car jusqu'alors la Finlande avait toujours gagné. Surveiller étroitement Aymrald avait été au détriment d'autres actions finlandaises, d'où un score assez proche (28-26 en faveur de la France) puis un nauffrage rapide dès que cette surveillance avait un peu perdu de sa vivacité de réaction. Au moment où il avait eu à tirer la pénalité, à trois minutes de la fin, le score était déjà de 34-26, et Erwann avait eu l'impression de continuer de mitrailler les canots de sauvetage après que son équipage eût déjà coulé le porte-avions finlandais, mais ça faisait partie du jeu: pas de survivants. Marquer l'essai par surprise (et aptitude mieux conservée à slalomer en côte sur herbe) dans la dernière minute lui avait fait plus plaisir: comme ça au moins les Finlandais n'auraient aucun regret... et Juustomeijeri, bien que fournissant le gros de l'effectif, serait probablement fier de lui.
. Il fut interviewé. Il avait eu le temps d'y réfléchir et ne dit rien d'original:
A- maintenant, nous savons que ce n'est pas impossible, mais ils le savent aussi donc ce sera encore plus difficile à rééditer.

. Il put bavarder un peu avec les Finlandais ensuite, surtout ceux de Juustomeijeri. dont Viljami (coiffé comme lui) qui était le seul à être (un peu) bavard et suffisamment familier avec lui. Il avait joué dans la seconde mi-temps à partir de la 53ème minute (il y en avait 90 au rinnepallo, comme au foot).
Stéphane- dans quoi joues-tu en ce moment?
Viljami- "Nouilles à bord" et "l'île aux glutes".
. Stéphane jouerait aussi dans "Nouilles à bord", après le match France/Belgique dans une semaine.
S- "l'île aux glutes": je ne connais pas ce projet.
V- ce sont des cubes de pierre polie qui apparaissent en sortant peu à peu du sol au pied d'un volcan éteint...
S- et qui donnent aux habitants l'idée d'inventer le rinnepallo.
V- essaie de tirer un drop avec ça... Non, c'est une histoire mystérieuse basée sur des glutes.
S- c'est vrai qu'il faudrait d'abord faire 21 trous hémisphériques dans chaque glute pour en faire des dés.
V- il ne faut pas faire de trous dans les glutes: ça porte malheur. Si on les empile pour faire les murs d'une maison avec, le premier à entrer dedans disparaît. Et ça ne compte pas d'envoyer un animal, contrairement à d'autres contes et légendes.

. Viljami ne faisait pas que du film d'action: VTPSF l'utilisait dans toutes sortes de rôles, y compris romantiques. On le supposait moins froid de caractère qu'un Karéen, tout en ne le prenant pas trop pour le remplaçant d'Atte. Ils jouèrent aux échecs, Viljami gagna ce qui fit supposer à Stéphane qu'il était plus fatigué par le match qu'il ne le pensait, mais ça pouvait aussi venir de ce que Viljami y avait plus souvent joué que lui ces temps-ci. Aucun n'était un "très bon" joueur, juste de "bons amateurs", ce qui rendait les parties plus vivantes qu'entre joueurs trop chevronnés.

. Il apprit qu'il y avait moins d'Emilianiens qu'il ne le supposait, dans le cheptel VTP: 89 Emilianiens et 94 Emilianiennes seulement, emprunts à VTPSF inclus. L'entreprise en avait perdu en les payant trop peu et il restait très difficile d'en trouver, tant le système était exigeant, d'où l'existence de "sous-Emilianiens": ceux (et celles) qui ne passaient pas un contrôle visuel vierge mais étaient facilement améliorables par infographie. Le système reprenait un peu les proportions, les traits, les cheveux, à partir d'une base suffisamment proche de ce qui était souhaité, dans tel ou tel modèle, mais qui n'aurait pas convenu "brute". La robotique réaliste et les capacités de plus en plus rentables de l'infographie pour certaines scènes permettaient de multiplier les personnages. Erwann en joua dix-neuf, au total, dont seulement six identifiés à l'écran comme joués par lui.

. Il se renseigna un peu sur ce qui se disait de lui dans des médias et le lioubioutchaï, et comme personnage français il n'arrivait qu'au 81ème rang en terme de notoriété (toutes catégories confondues), ce qui le rassura, d'autant que son indice de statisfation était le onzième grâce à très peu d'opinions négatives. Le plus mauvais classement était à "accessibilité" ou c'était 4/20: on pouvait le voir en vrai au rinnepallo, contrairement à nombre d'acteurs "totalement internes" de VTP, mais pas l'approcher, car ensuite il était déjà ailleurs, comme toute l'équipe. Les rinnepallistes de VTP22 avaient consigne de ne pas fréquenter la foule ni les médias: "les caméras du stade suffisent". De façon générale, le rinnepallo, tout en étant amateur, réellement non lucratif et de ce fait simple (pas de festivités organisées par des annonceurs) était jugé un peu distant, en France: trop finlandais. Les joueurs venaient faire le match, "et c'était tout", ce qui leur faisait gagner du temps pour la récupération comme pour les entraînements, les matchs étant bien plus fréquents pour une même équipe qu'au football ou au rugby, mais frustrait les spectateurs venus du rugby qui n'y retrouvait rien de l'ambiance du ballon ovale, en particulier il n'y avait pas de "troisième mi-temps".
. Le Dynamo de Dinan était sur ce plan quelque part entre le rugby (et encore: plutôt celui de l'Auvergne que du Sud-Ouest) et le rinnepallo, d'où l'étiquette "rugby industriel", "rugby allemand". Heureusement pour le public, le jeu "industriellement" organisé mais grâce à cela rapide et changeant des équipes de Dinan compensait la sobriété de l'ambiance avant et après match. Au total de ses équipes et de leurs remplaçants, Dinan contenait maintenant de quoi faire toute une équipe d'Allemagne, et c'était à peu près la composition de l'équipe d'Allemagne depuis que Dinan était parmi les grosse cylindrées du championnat français. Le trio Krüger ou "mur de l'Atlantique" était célèbre mondialement, maintenant, mais il n'y avait pas qu'eux, comme chevaliers teutonniques, parmi les joueurs de meilleur niveau de Dinan.

. Le second match (celui contre la Belgique) eût lieu au Danemark dimanche 23 mai à 7h, donc le lendemain de la fin de ses tournages: sa part de tournages avait été ajustée (car même sans y réfléchir elle se fût terminée proche de cette date) pour ne pas avoir à le faire revenir en France après le match, ni lui faire quitter la Finlande, histoire d'économiser des voyages. Il passerait donc par le Danemark, puis irait en Finlande après le match, pour une semaine de travail, il y aurait France/Suède en Finlande (où par contre le reste de l'équipe de France ferait l'aller-retour, puisque ne résidant pas en Finlande) puis France/Danemark en Suède. France/Finlande ayant déjà eu lieu les Finlandais ne voyaient aucun inconvénient à ce que Stéphane s'entraîne avec l'équipe de Juutomeijeri pendant la suite du tournoi. Il ne pourrait que télétravailler avec l'équipe de France, mais au rinnepallo la part tactique était importante donc le télétravail n'était pas un apport négligeable, surtout après six semaines d'entraînement (et de matchs) réels avec l'équipe de France avant son départ. VTP tenait compte du rinnepallo, sachant qu'Aymrald eût préféré renoncer à un des films qu'à des matchs importants. De plus le rinnepallo était assez lié à l'image de VTP (et de là de VTPSF) même si le "sponsoring" direct n'était pas autorisé. Seule la logistique (en particulier les transports, l'hébergement et la nourriture, et le prêt d'un stade s'il y avait lieu) pouvaient être offerts par un "mécène" (qui pourrait le mentionner dans sa communication, avec des photos de l'équipe et des matchs, mais non imprimer de la pub sur les maillots des joueurs ni sur les bords du terrain) lorsque la fédération nationale n'avait pas envie de mettre la totalité des fonds. Le rinnepallo avait comme coût principal les déplacements des équipes lors des matchs internationaux, la règle étant que personne n'en jouait à domicile.

. Victoire française 22-14, avec deux drops d'Aymrald dans le premier quart d'heure et pas d'autres occasions directes ensuite, mais participation à des transmissions de ballon menant à deux essais. Un match sans grand suspens mais fort animé. Les spectateurs de rinnepallo aimaient les "prises d'assaut" de la montée adverse par l'une ou l'autre équipe et les nombreuses chutes (de défenseurs comme d'attaquants) qui s'ensuivaient. On allait plus souvent par terre dans ce jeu qu'au rugby, mais les tas (ou "rucks") étant interdits (la vidéo, la télémétrie et les arbitres vérifiaient si la chute d'un joueur sur un autre était délibérée ou seulement "inévitable", pour savoir s'il y avait ou non faute) il y avait bien moins de risques. Aymrald tombait aussi, mais moins que la moyenne et surtout il était rare que cela gâchât une belle action: s'il avait le ballon il avait généralement pu le passer avant ou pendant la chute.

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