vendredi 10 avril 2009

chapitre N-4

###N-4
. L'ELR estimait que l'Europe devrait diviser sa population par au moins sept pour arriver à un équilibre écologique correct sans trop de restrictions individuelles, mais pour le moment les instances européennes (qui, par ailleurs, avaient perdu beaucoup de leur pouvoir) ne s'étaient pas encore données d'objectif malthusien, certains "anciens économistes" continuant encore à dire qu'il y aurait même besoin d'immigration, en dépit du chômage massif que tout un chacun pouvait constater dans les pays n'ayant pas réduit leurs dépenses publiques donc n'ayant pas amélioré leur compétitivité industrielle. Si la France faisait toute sa comptabilité en PNN (le PIB n'était plus jamais évoqué, car n'ayant aucun rapport avec l'enrichissement ou l'appauvrissement réel d'un pays), ce n'était pas encore le cas pour certains autres, et pour l'Union Européenne elle-même: en ne regardant que le PIB, la France était en forte "récession", alors que le pouvoir d'achat individuel net avait augmenté, l'endettement public diminué et que la balance commerciale était durablement excédentaire (l'agro-alimentaire y pesant beaucoup).
. Le flux migratoire est/ouest s'était inversé: la Russie, depuis le succès du Lioubioutchaï et l'essort de ses hautes technologies grand public, embauchait de jeunes ingénieurs européens (souvent finlandais ou allemands) au chômage. Cette "fuite des cerveaux" (attirés à la fois par un travail intéressant en soi et une fiscalité très favorable par rapport à celle de leur pays d'origine) vers les industries russes inquiétaient les pays européens qui en fournissaient les plus gros contingents: le phénomène concernait aussi la France, l'Italie, l'Angleterre, l'Espagne, la Suède, etc, mais c'étaient les anciens eldorados industriels (Allemagne, Finlande) qui se vidaient le plus vite de leurs "têtes bien pleines". On pouvait devenir propriétaire pour bien moins cher en Russie qu'en Europe de l'Ouest (malgré ce flux: l'immensité du territoire était telle que l'offre de terrains resterait largement suppérieure à la demande pour... peut-être un siècle), il n'y avait pas là-bas de taxes antifamilliales à la française, ni d'impôts sur le revenu à la suédoise, ni de charges sociales à l'allemande, etc. La Russie n'avait pas de problème de surnatalité (sa population baissait déjà depuis quelques années, ceci sans mesures malthusiennes de la part de ses gouvernements), dépensait peu par habitant pour la santé, l'école, etc, donc prenait peu à ceux qui venaient y travailler. Ceci et un coût de la vie bien moindre que dans la moyenne européenne (surtout pour le logement) compensait des salaires plus modestes: le pouvoir d'achat réel y était supérieur, surtout pour ceux ayant besoin d'un logement de plusieurs pièces. On construisait là-bas pour pas cher (en plus du coût insignifiant des terrains) autour des nouveaux pôles industriels, même si la qualité des logements construits laissait encore à désirer par rapport aux habitudes ouest-européennes dans le neuf. Carburant moins cher, circulation facile (sauf quand les routes étaient gelées), denrées courantes bon marché: pour les ingénieurs, chercheurs de "recherche applicable" et techniciens de pointe qui avaient le courrage de "sauter de l'avion sans parachute" pour tenter l'aventure russe, et s'étaient surtout astreints à un apprentissage suffisant du russe (critère impératif de recrutement). Il y avait des gens bien formés en Russie, mais l'expansion industrielle était telle que le recrutement de "cerveaux" ouest-européens allait encore durer un certain temps, phénomène favorisé par la perte de parts de marché de certains secteurs industriels européens, voire la quasi-disparition d'une partie d'entre eux comme la téléphonie mobile.
. Ceci pouvait expliquer que pour le moment, la Russie diversifiait peu cette expansion: elle ne s'était pas lancée dans la haute technologie agro-alimentaire à la BFR, ni dans l'extraction marine des métaux, puisqu'elle avait déjà d'énormes réserves minières. L'offensive continuait donc dans l'aérospatiale (nécessaire au Lioubiouchaï), l'informatique, les télécommunications et les véhicules "grand public". BFR exportait massivement (de plusieurs de ses usines européennes, dont BFRLT en Lituanie) du Saumonix et autres chairs industrielles en Russie, ce qui payait les achats d'ordinateurs géants de VTPSF (entre autres). BFR y exportait aussi du lithium pour la production russe d'accumulateurs légers, ce métal ne se trouvant pas dans les mines, et des pneus increvables de vélos, cyclomoteurs et voiturettes. Par contre, le marché des chenilles de motoneiges s'était tari en raison de la redescente du cours du caoutchouc suite à la baisse des consommations américaines et chinoises (entre autres).

. L'Inde tentait de profiter de la récession (en PNN aussi) de la Chine pour prendre sa place comme "usine du monde", en plus d'avoir déjà commencé à devenir une pépinière de bureaux d'études mercenaires pour nombre d'entreprises occidentales et d'avoir pris à Hollywood le rôle de plus grands studios de tournages "tous marchés" du monde. De plus, le Tibet indépendant avait lié des accords avec l'Inde, la Corée du Sud, la Russie pour le commerce des matières premières, tandis que la Chine se débattait avec nombre de mouvements de résistance interne à la dictature communiste: depuis que le Lioubioutchaï privait l'Etat chinois de tout moyen de contrôle des communications, les informations et les armes (ainsi que les moyens d'en fabriquer sur place, par détournement de moyens de productions de certaines usines travaillant pour diverses entreprises occidentales) circulaient entre révolutionnaires anti-communistes. Les attentats contre les symboles et les détenteurs du pouvoir, en Chine, se multipliaient, différents des frappes "punitives" d'affaiblissement économique des résistants tibétains infiltrés qui avaient lieu avant l'indépendance. Les premiers attentats réussis contre la dictature deshinibaient d'autres citoyens chinois jusqu'alors tentés de passer aussi à l'acte mais estimant que c'était impossible. Ils rejoignaient des réseaux de résistance anticommuniste, ou créaient leur propre groupuscule, ou encore agissaient seuls. Nombre furent déportés dans les camps et torturés, mais beaucoup purent y échapper en ayant sur eux du poison (par exemple à mordre dans un rabat du col d'un vêtement, ce qui restait possible les mains attachées). Nombre d'organisations étrangères tentaient de (et parfois réussissaient à) faire parvenir des armes aux résistants internes. Des chars venus mater une insurrection paysanne (ils avaient osé déclarer la propriété privée des terres qu'ils cultivaient) sautèrent sur des mines. Juste quelques-uns, sans empêcher l'opération punitive, mais c'était suffisant pour diminuer la confiance en elle de l'armée d'oppression interne: désormais les risques n'étaient pas que pour les civils. Le communisme soviétique s'était dissout sans passer par une guerre civile, mais il en faudrait probablement une pour faire tomber le communisme chinois, de même que ce n'était qu'après avoir perdu quantité d'infrastructures de grande valeur économique et stratégiques (probablement sous l'effet d'armes fournies et guidées par la Russie) que la Chine avait fini par se retirer du Tibet et cessé de piller ses ressources naturelles. La résistance anticommuniste ne semblait pas disposer de tels moyens, ou ne voulait pas ruiner le pays puisque c'était le sien (alors que les résistants tibétains, eux, estimaient n'avoir plus rien à perdre, contrairement à la Chine qui avait énormément à perdre depuis qu'elle était devenue "l'usine du monde") et qu'il allait falloir le faire fonctionner après la chute (si jamais elle se produisait) du communisme. L'inde investissait au Tibet, sous forme d'usines, fournissant de l'équipement et de l'armement (la menace chinoise restait lourde et "à bout portant", d'où l'intérêt pour le Tibet de s'associer avec un voisin ayant lui aussi l'arme nucléaire) en échange de minerai.

. L'Inde avait depuis fort longtemps une production cinématographique pléthorique, mais centrée sur son propre marché et ne maîtrisant pas les techniques nécessaire aux grands tournages ex-hollywoodiens. Bollywood était en train de rattrapper ce retard avec des bottes de sept lieues: certains studios étaient déjà d'un niveau hollywoodien, même ce n'était pas encore le cas du plus grand nombre d'entre eux. C'était toutefois largement suffisant pour tourner en Inde tous types de "sitcoms" et la plupart des séries policières du marché mondial, or ceci représentait un volume de bénéfices supérieur à celui des "grands" films. Kerfilm espérait vaguement que l'Inde, forte de ses coûts de main-d'oeuvre "à deux roupies", se contenterait du marché des productions de masses des séries ex-américaines plutôt de d'investir fortement dans la robotisation de pointe pour concurrencer les studios français et finlandais: cette robotisation donnait bien moins de retour sur investissement en Inde qu'en Europe. En effet, si là-bas on avait besoin de 400 figurants pour une scène, on les recrutait, tout bêtement, vu le faible coût individuel, suite à quoi pour en obtenir 4000 à l'image l'infographie classique savait multiplier les moins proches, filmés à un autre moment, pour ne pas être dans la même attitude ni répartition. Kerfilm pouvait toutefois tourner des scènes avec des animaux rares ou dangereux qui étaient irréalisables par d'autres moyens: ce n'était pas un problème de coût de main d'oeuvre, d'où le travail intensif pour accentuer l'avance sur les autres studios dans le réalisme à l'écran des "mécanimaux" de toutes sortes, acteurs humains mécaniques inclus. L'ebsep électrocontractile y avait énormément contribué, en remplaçant tout un tas de mécanismes jadis séparés et devant agir sous la "peau". Cette propriété avait aussi contribué à rendre les préservatifs plus faciles à mettre (sauf les "premiers prix"): c'était une petite pile au lithium de rien du tout, logée dans l'ourlet de bord, qui assurait la tension de la membrane une fois en place, le système pouvant fonctionner une demie-heure et même serrer plus à la base si l'érection diminuait (automatiquement, par détection d'une moindre tension du matériau), pour éviter toute fuite.
. L'ebsep avait envahi le marché des "sex toys" grâce à ses propriétés électrocontractiles dans des directions précises sous des tensions de fonctionnement très faible donc indolores même en cas de contact avec la peau suite à une déchirure accidentelle du matériau. Le vagin actif artificiel (équipant les "boute-entrain": ces femelles animales coquines proposées par les banques de sperme) était ainsi devenu jusqu'à trente fois moins cher à produire, tout en gagnant à la fois en confort, en variété d'effets tactiles et en précision de fonctionnement. Le cybexsexe s'était ainsi démocratisé: des partenaires à chaque bout du monde se connectaient via le Lioubioutchaï (le "2" suffisait pour la transmission du flux d'informations tactiles), le godemichet et le vagin artificiel communiquant chacun à l'autre ce qu'ils captaient de l'intéraction avec le partenaire réel. Bien sûr, le partenaire réel n'était pas indispensable techniquement, le système établissant vite les diagrammes de fonctionnement perçus et pouvant le simuler en son absence. Toutefois, pour beaucoup, le ou la savoir à l'autre bout en temps réel (et lui parler en même temps) contribuait à l'effet ressenti. Tromper en cybersexe, était-ce encore tromper? Biologiquement, non, mais affectivement, oui. L'utilisation de mannequins (ou "poupées") entièrement animées reproduisant (il fallait alors une combinaison capteuse, ou se coller sur la peau des cibles pour la capture optique de mouvements du corps) le contact avec tout un corps, par juste l'organe copulatoire, connaissait un succès croissant (en particulier au Japon) malgré le coût encore élevé: celui d'une grosse voiture, pour une paire de mannequins émetteurs-récepteurs complets et d'aspect réaliste. Les fabricants japonais étaient nombreux sur ce marché, d'où un débouché supplémentaire pour les surfaces en ebsep conçues sur mesures (à la fois géométriques et d'aptitudes de déformations motrices). BFR en fabriquait à coût raisonnable pour le monde entier mais n'accordait toujours pas de productions sous licence, la machinerie le fabriquant devant rester un secret industriel, faute de quoi ce serait immédiatement piraté par des pays comme la Chine qui n'avaient que faire des brevets. Il n'existait qu'une seule usine produisant cette variété-là, probablement située en France: très peu de gens, même chez BFR, savaient sous quelle usine du groupe c'était situé. La production était 100% automatique, les machines elles-mêmes ayant été installées par des télémanipulateurs et non des ouvriers ou techniciens. Leurs diverses parties avaient été produites séparéement parmi bien d'autres fabrications, tant chez BFR (qui fabriquait les parties les plus "sensibles" stratégiquement de ses machines) que chez Kermanac'h (pour ce dont la divulgation éventuelle aurait eu moins de conséquences).
. Des chaînes de télévisions utilisaient déjà des présentateurs artificiels "sans en avoir l'air", pour la météo, le journal télévisé ou des jeux. Elles auraient aussi pu se passer de présentateur, ou incruster un personnage virtuel, mais il semblait à certaines d'entre elles que la "matérialité" visuelle d'une présentatrice (c'étaient surtout des filles, mais pas uniquement) "mécanhumaine" apportait quelque chose de plus auprès d'un public ancré dans ses habitudes. Il y avait aussi l'attrait du défi technique quand le personnage artificiel (et non virtuel) prenait le relais d'un vrai pendant ses congés ou pour toute autre raison: le public réussirait-il à détecter une différence? Le personnage pouvait être téléanimé par le vrai, depuis sa position géographique du moment: comme il s'agissait la plupart du temps d'un rôle peu mobile, être filmé par plusieurs caméras sous projection qu'un quadrillage laser fin suffisait pour faire reproduire fidèlement au faux toutes les attitudes et expressions, sans que le public réellement présent dans une émission en direct (quelques défis techniques de ce genre avaient été tentés: ce n'était pas plus compliqué que pour les hommes politiques se faisant remplacer par leur sosie téléanimé pour éviter un attentat dans une occasion publique) s'en aperçût, d'autant qu'il n'était pas tout près: on voyait mieux à la télévision, même si le public réel voyait le personnage de bien des directions différentes, contrairement au téléspectateurs. VTP avait utilisé depuis longtemps un des faux Erwann d'Ambert pour les téléinterviews sans le faire revenir de Finlande, personnage rarement disponible en interview donc connu "en vrai" de fort peu de gens de médias (hors VTP) et jamais longtemps.

. Les médias avaient vite suivi l'exemple de BFR: payer fort peu un personnel plus motivé (puisque sans "matelas" financier donc ayant besoin de cet argent dès le mois suivant) et évoluant plus: remplacements plus fréquents. L'inutilité voire la contre-productivité des grosses rémunérations de jadis s'était vite imposée par effet de concurrence: pour produire des émissions en direct (donc non délocalisables) pour cinquante fois moins cher, il fallait à la fois prendre moins de bénéfices et dépenser beaucoup moins, pour qu'il restât tout de même un bénéfice. La robotisation des fonctions "de présence visuelle" avait contribué à empêcher les hausses de rémunérations de ceux qui commençaient à s'y faire un nom (et surtout une image). Le PNF et autres antisémites ne manquaient pas de souligner que s'il n'y avait presque plus de Juifs dans les médias français (de même que dans le cinéma), ce n'était pas parce qu'ils en avaient été chassés, mais parce que l'on ne pouvait plus y faire fortune, contrairement à l'industrie (si on était co-actionnaire d'une bonne usine) qui était redevenue rentable dans de nombreux secteurs exportateurs, depuis l'abolition des charges sociales (converties en TVA) et la baisse générale des "prélèvements obligatoires", en particulier sur l'épargne et les investissements de longue durée: seule la spéculation à court terme restait fortement taxée (idem pour l'immobilier, ce qui avait tué le marché des "ventes à la découpe" et autres opérations rapides, d'autant moins que l'on ne pouvait pas déduire de la plus-value le montant de travaux éventuels: seule l'inflation était déduite). Plus on restait sur sa position, plus une part importante de l'investissement sortait du champ de tout prélèvement, ce qui avait eu pour effet de fidéliser fortement les actionnaires (directs ou par "opcvm") donc de stabiliser le marché: les cours suivaient désormais mieux les résultats réels nets des entreprises.

. La situation finlandaise restait mauvaise par rapport à ce qu'elle avait été avant le Lioubioutchaï, mais dans une "bonne moyenne" européenne dans l'absolu, le pays ayant comme atout d'être peu peuplé au km² donc de pouvoir se chauffer au bois (entre autres économies) et de n'avoir pas démantellé ses industries traditionnelles pendant la "bulle télécom". Les habitants avaient toutefois dû changer fortement leur mode de vie, ce que la production locale des "chairs artificielles" avait facilité: ce n'était pas produit par une entreprise à capitaux finlandais, certes, mais c'était produit en Finlande avec de l'électricité géothermique elle aussi produite sur place. Ce changement avait contribué à diminuer les coûts médicaux par rapport à l'alimentation trop riche en graisses animales (de l'avis même des médecins finlandais) pratiquée jusqu'alors. Les voyageurs Finlandais pressés prenaient aussi moins l'avion, grâce au tunnel ferroviaire rapide sous la Baltique. Les exportations de films et de séries télévisées pesaient elles aussi favorablement dans la balance commerciale finlandaise, jadis fortement déficitaire dans ce domaine (comme ailleurs en Europe) en faveur des oeuvres américaines. VTPSF employait maintenant (en moyenne annuelle) vingt-deux fois plus de personnel que VTPSF. Certes, l'usine avait été à la fois automatisée et "allégée" de certaines productions au profit de sa cousine lituanienne, mais VTPSF n'en était pas moins un des employeurs principaux de la région, avec un roulement important de personnel et beaucoup d'emplois pour des jeunes. VTPSF était moins rentable par employé que BFRSF, en raison de la concurrence indienne qui interdisait de vendre les épisodes, téléfilms et films aussi cher que cela eût été possible quand il n'y avait (à peu près) que les Américains sur le marché mondial, mais restait rentable grâce à son degré de robotisation et d'automatisation de type "industriel", que les Indiens n'avaient pas encore cherché à suivre, comptant sur leur main-d'oeuvre pléthorique à coût écrasé pour récupérer les tournages d'une grande partie ce qui était autrefois tourné aux Etats-Unis (ainsi qu'en Nouvelle-Zélande avant que Bollywood eût atteint un niveau de qualité suffisant).
. Outre l'usage massif qu'en faisait le cinéma, la robotique réaliste de VTP fabriquait aussi des sosies "crédibles en situation" (discours, inauguration, passer en voiture en salluant) pour des célébrités et des patrons milliardaires (en particulier les Russes). Ces modèles étaient dotés d'une peau électroanimable en "ebsep" avec un tissage de fils légèrement chauffants permettant de recréer l'apparence humaine thermique (et ses variations) quand les "faux" étaient filmés en infrarouges, truc classique utilisés par des préparateurs d'attentats pour distinguer un robot animé réaliste d'un humain vivant. Pour cela, le personnage à copier était filmé avec plusieurs caméras thermiques dans ces diverses situations (en tenant compte aussi des variations climatiques) et le modèle copié dans les puces du robot. Comme il était la plupart du temps utilisé dans un véhicule ou une tribune, pour de telles occasion, il avait peu à marcher donc ne posait pas de problème d'agilité (contrairement aux modèles pour le cinéma, lesquels, par contre, "savaient" exactement d'avance ce qu'ils auraient à faire) et pouvait être raccordé à une alimentation électrique externe une bonne partie du temps pour alimenter l'effet thermique de surface ainsi que de respiration, que ce fût en parlant ou à l'arrêt.

. BFR avait pris une grande partie du maché des pneus pour vélos, cyclomoteurs légers et voiturettes avec l'increvable utilisant plusieurs variétés d'ebsep (donc sans dépendre du marché de l'hévéa) pour réaliser chaque couche. Cela restait un peu plus lourd que le pneu gonflable, inconvénient compensé par la suppression de la roue de secours dans les véhicules qui jusqu'alors en avaient une. La production des pneus destinés au roulage à grande vitesse sous charge élevée restait limitée à quelques modèles, la mise en oeuvre du matériau s'avérant plus compliquée pour obtenir une bonne longévité sous ce type de contraintes: ça marchait bien, mais ça revenait pour le moment 47% plus cher que les pneus classiques. L'effondrement de l'économie chinoise et la chute des ventes de voitures (surtout les gros pick-up, utilisateurs de gros pneus) aux Etats-Unis (entre autres) avaient relâché les tensions prévues jusqu'alors sur le marché du caoutchouc dont le cours était retombé, privant BFR de l'argument prix. Il restait toutefois celui de l'increvabilité et de la facilité de rechappage, le procédé d'électropolymérisation ne nécessissant pas de cuisson. Sur la durée de vie prévisible d'un véhicule, le client s'y retrouvait en coût, car sauf gros dégâts (déchirure profonde, effet du feu ou d'un obstacle brûlant) il ne jeterai jamais ses pneus, que l'on pouvait faire "repousser" pour moins de 20% de leur prix neuf (service d'échange-rénovation transport compris) une fois leur bande de roulement trop usée. BFR récupéra aussi le marché de remplacement pour les métros sur pneus (en remplaçant aussi la roue, le pneu en ebsep ne pouvant pas être monté de la même façon qu'un "gonflable") avec une diminution de 28% du bruit et de 11% de la consommation. Le poids n'était pas un critère prépondérant pour le transport urbain terrestre, alors qu'il le restait pour l'aviation: remplacer tous les pneus d'un gros porteur par de l'ebsep aurait fait perdre des passagers (en charge utile), ce qui constituait un surcoût supérieur, pour le moment, à l'économie à l'usage procurée par des pneus "régénérables" et à la toute petite baisse de tarif d'assurance qu'eût permise l'increvabilité.

. Ne plus jamais crever en vélo avait à soi seul "desinhibé" l'usage de ce moyen de transport pour des distances plus longues qu'avant: on ne risquait plus de revenir à pieds suite à une crevaison non rustinable avec les moyens du bord. La production de VAE (assistance électrique) à tarif très bas, tant par Kermanac'h que par les Chinois (ce secteur d'exportation marchait encore très bien, et même de mieux en mieux) et maintenant les Indiens avait encore augmenté le "rayon d'action" pratique des vélos (pour les "non-stakanovistes") de même que les tricycles surbaissés (Kermanac'h) ou non (la plupart des modèles chinois ou indiens, simplement dérivés de leur pousse-pousse et utilitaires à pédales, donc gardant la transmission centrale et la position de pédalage classique) permettaient de transporter des choses sans le problème de savoir contre quoi caler le vélo à l'arrêt, et à l'abri (en partie) de la pluie grâce à un baldaquin, une capote, voire un carrénage complet. La raréfaction, en France, des familles avec jeune(s) enfant(s) était elle aussi favorable à l'usage quoditien du vélo.
. La suppression de la chaîne au profit de l'arbre (depuis très longtemps par Kermanac'h et quelques petits producteurs, plus récemment par certains producteurs "grand public") avait aussi amélioré la fiabilité d'usage, surtout en milieu humide, sableux ou poussiéreux dans lesquel une transmission à graissage fermé était un gros avantage. Dans ces conditions agressives, le retour au freins à tringles (comme les anciens vélos hollandais ou certains anglais) jouait sur le même argument, tout en utilisant des matériaux composites (tringles et renvois en fibres de verre ou de carbone) pour gagner du poids et simplifier encore l'entretien: pas de corrosion. Les composites étaient devenus d'usage fréquent pour les jantes et pour les arbres de transmission, pour gagner du poids. La plupart des cadres restaient métalliques, pour pouvoir être fabriqués vite avec de l'outillage classique. Les alliages d'aluminium, théoriquement séduisants mais vieillissant mal dans ce type de sollicitations (tendance à se déchirer dans certaines zones) ne s'étaient pas généralisé, l'acier à haute limite hélastique zingué par trempage à chaud après soudures automatiques résolvant lui aussi le problème de la corrosion tout en ne pesant guère plus lourd à résistance égale ("fatigue" incluse: le handicap principal de l'aluminium dans les structures tubulaires) et en n'imposant pas les mêmes précautions galvaniques au contact des éléments mécaniques et de la visserie.
. Cette introduction dans la grande série de nombreuses innovations jusqu'alors réservées à des vélos de haut de gamme (voire "sur commande") s'était faite dans la perspective d'une hausse continuelle (voire exponentielle) des tarifs pétroliers, hausse que les récessions américaines et chinoises avaient interrompue (et même un peu tassée), mais les vélos modernisés ayant été industrialisés pour de la grande série il fallait les vendre, d'où des prix plus attrayants que prévus: on trouvait un vélo à pneus increvables, jantes composites, suspension AV & AR, transmission par arbre, freins à disques et sans câbles, éclairage à diodes avec générateur au moyeu, etc, pour seulement deux fois l'ancien prix d'un vélo "tout bête" de 1996, le "tout bête" étant fortement bradé, tout en restant difficile à vendre si on ne le chaussait pas au moins de pneus increvables d'origine (la jante devait être d'un type spécifique pour cela), moyennant lesquels la transmission par chaîne et les freins à câbles semblaient des archaïsmes acceptables pour la plupart des clients vu la modicité du prix de l'ensemble. Le pneu crevable, par contre, était massivement rejeté: seuls quelques obsédés de la chasse au moindre gramme évitable continuaient à utiliser des vélos fins comme des os d'oiseaux et chaussés de boyaux crevables. La mode du VTT (et du VTC) avait déjà habitué le client à rouler avec des "pneus de tracteur", or dans ce domaine, le surpoids dû à l'increvable (qui pouvait se permettre d'être moins épais, puisqu'increvable) était proportionnellement moindre, en plus de ne pas être le soucis de l'acheteur. La démocratisation et la fiabilisation (ainsi que le gain d'autonomie) de l'assistance électrique achevaient d'effacer la question du poids: on ne le sentait plus en côte, sauf une fois les accus à plats. Les tricycles et triporteurs proposés avec un baldaquin solaire augmentaient encore l'autonomie, au point de la rendre d'une journée entière (voire au delà) en été: l'assistance électrique, quand elle se servait qu'en côte et pour les "relances" après arrêt, consommait moins que ce que produisait le baldaquin en plein soleil donc rechargeait assez pour continuer à rouler un certain temps le soir.

. Toujours dans la chasse aux travaux inutiles (et pas seulement en France), le télécabine (à cabines automotrices) s'était rapidement imposé auprès des villes ayant antérieurement envisagé un tramway, car contrairement à ce dernier il n'utilisait pas de rails et franchissait les voies sans les interrompre. Poser les arches et les glissières revenaient bien moins cher que de modifier toute une voirie existante, en plus de la souplesse de desserte ainsi permise.
. Les économies d'énergie, la chute générale de consommation (il n'y avait pas que la France qui allait vers une "société de conservation": ailleurs, c'était par fois plus par la force des choses que par volonté politique continue, mais l'effet global restait dans ce sens, juste moins rapidement qu'en France) et l'essort de la géothermie avaient conduit à l'abandon de presque tous les projets nucléaires en Europe, sauf ceux destinés à des navires ou à la production de matériaux fissibles pour l'armement et la radiologie. Pour cela, les installations existances suffisaient généralement. L'un des plus gros lobbies français (haï par l'ELR) ne renaîtrait donc pas de ses cendres, le simple entretien des installations encore en service (on les arrêtait petit à petit, au fil de la baisse de la consommation et de la "géothermisation" du parc) pouvant se faire sans lui. Les projets de réacteurs à fusion, totalement inutiles (sauf peut-être pour un vaisseau transgalactique?) puisque la "déconsommation" et la géothermie permettaient de s'en passer définitivement, avaient eux aussi rejoint le musée des utopies du XXème siècle. En fait ces tores de confinement supraconducteurs avaient surtout servi à déguiser en recherches "civiles" un moyen de remplacer les expérimentations nucléaires militaires souterraines (à explosions réelles), ces mini-réacteurs à fusion expérimentaux (et pas du tout rentables) reproduisant ce qui se passait dans une bombe H, mais "au goutte à goutte" donc idéal à étudier, en attendant de pouvoir faire confiance à des simulations entièrement logicielles. Ce n'était pas un hasard si en Europe c'étaient la Russie, l'Angleterre et la France qui avait construit ces prototypes de type "tokamak" (mot russe). Les autres n'en avaient pas l'usage, puisque n'ayant pas de programme de développement d'armes nucléaires. Ces installations-là restèrent en service pour cette raison, bien que tout projet de passer à une production électrique massive eût été enterré "au moins aussi profond que les déchets".
. Outre la géothermie terrestre, la géothermie sous-marine étaient en plein essort: près des dorsales volcaniques, il y avait peu à forer le "plancher" océanique pour obtenir une température élevée, tout en disposant juste au dessus de milliers de kilomètres cubes d'eau de refroidissement. Les centrales abyssales rechargeant des sous-marins tout en produisant de l'hydrogène, de l'oxygène, du lithium, du magnésium, etc, évoquées dans divers films devenaient des réalités techniques. BFR en avait déjà construit cinq, en plein Atlantique donc hors de toute zone territoriale: les traités règlementaient l'activité minière ou pétrolière dans les eaux internationales, mais pas l'utilisation de la chaleur. Quant aux gaz et métaux, ils étaient extraits électrolytiquement de l'eau, et non du sol. Le directoire de BFR disait "de toute façon il y a plus de sites thermiquement rentables disponibles que l'ensemble des pays industrialisés ne réussiront à en équiper, donc personne n'aura à se battre avec son voisin pour installer une centrale". Il y avait toutefois des différences avec ce qui avait été montré dans des films (dont un "0016"), comme l'impossibilité de sortir nager avec juste une combinaison, un masque et des bouteilles: faute d'un fluide respirable sans dégâts graves dans l'organisme à une telle pression, il eût fallu une carapace capable de résister au poids de plusieurs kilomètres d'eau empilés. Un de ces scaphandres entièrement rigides dont les articulations s'emboitaient sous forme de sphères, évoquant les coudes, épaules et genoux du bonhomme Michelin.

. Il y avait beaucoup de choses à simuler, modifier suite aux simulations puis fabriquer et tester pour de vrai, pour les tournages des "Durgavok", une partie de ce travail (dont les "mécanimaux") étant effectuée chez VTPSF tandis que les réalisations les plus encombrantes incombaient à VTP22. L'une des qualités reconnues des "Kerfilm" était le côté plus "palpable" des trucages matériels, Kerfilm ne recourrant à la synthèse que là où il serait difficile de faire visuellement la différence. En fait, il y en avait moins que dans certains des premiers films: après avoir vu les plus récents, le spectateur, s'il revoyait "les miroirs du temps", devenait bien plus capable de repérer le virtuel. Entretemps Tarsini avait entièrement "remouliné" ce film (et sa suite) dans des ordinateurs bien plus puissants, rendant le virtuel plus difficile à détecter en tant que tel. Il restait toutefois que "Les miroirs du temps" ne tentait pas certaines choses que Kerfilm n'avait pu se permettre que plus tard, après "le Crépuscule de Rome" qui, lui aussi, avait bénéficié de "remoulinages" ça et là dans diverses scènes pour être à la hauteur de ce qui avait été fait par Tarsini par la suite. L'intérêt d'un film défini à travers des logiciels (y compris pour l'insertion des parties tournées en vrai) était que l'on pouvait le faire "refaire" sans la moindre intervention humaine en accordant plus de puissance de calcul à tel ou tel effet que cela n'avait été "raisonnablement possible" avec les moyens de l'époque du tournage et de sa post-production. Les mécanimaux facilitaient la tâche des acteurs, en ayant quelque chose de vrai face à eux pour jouer les scènes: ils n'étaient pas tout aussi à l'aise dans l'art de jouer "dans le vide" après avoir maintes fois travaillé la scène en portant les lunettes virtuelles.

. Erwann avait ainsi tourné (et presque toujours des rôles "parmi les principaux") dans cent cinq films (plus quelques téléfilms) un peu avant son trentième anniversaire. VTP sortirait quarante-six films (de cinéma, tous stéréoscopiques) cette année, dont dix sous le label "Westfilm": c'étaient les projets américains les plus spectaculaires et techniquement difficiles que Wesfilm récupérait, les autres productions américaines étant confiées à Bollywood. Il jouerait encore au second semestre 2006, mais son agenda de tournage "direct" pour 2007 était plus léger. VTP l'utiliserait plus en indirect: Erwann comprenait fort bien cela, estimant qu'il avait été bien assez vu (surtout avec les quinze films de 2004) et que même si on ne le mettait pas pour rien dans des scènes dans ses films (il n'y jouait jamais "la plante en pot": pour cela, VTP pouvait se contenter des acteurs de "sitcoms") il fallait garder une majorité de films "sans lui", ou semblant être sans lui quand il y jouait indirectement des personnages. Les quelques spectateurs capables de reconnaître des mouvements sans tenir compte de l'apparence pourraient peut-être l'y repérer avant d'avoir lu le générique, mais quand on voyait le film pour la première fois, on était (sinon c'était qu'il était raté) trop pris par l'histoire pour remarquer autre chose que ce que le scénario donnait à y voir. L'expérience Zapman lui avait beaucoup plu: c'était le film dans lequel il avait animé (ou préjoué, selon le cas) le plus de personnages, tandis que le seul qui lui ressemblait n'avait qu'un tout petit rôle.
. Il revit encore "Les N voyages de Robert Trebor": pourquoi ce film qu'il trouvait intéressant et nourrissant à revoir marchait-il moins bien (sans être un flop, loin de là: il retrouvait même du public, depuis quelques temps) que du "gros qui tache" comme "Les maîtres du fer" ou "Le péril vieux"? La réponse était (selon lui) qu'il y était "imposé" comme personnage récurent des seize voyages, même si à l'intérieur de nombre d'entre eux il laissait la vedette à plusieurs autres, se contentant d'un rôle de "fil conducteur". VTP s'était reproché d'avoir "grillé" plusieurs scénarii de (potentiellement) grands films à l'intérieur de celui-ci, comme l'épisode avec les Pouçus et les Sexus, dont "le Crépuscule des gueux" n'avait, de ce fait, pu reprendre les particularités morphologiques. Toutefois un bon court-métrage ne donnait pas forcément un bon film de deux ou trois heures par continuation. Ce qui semblait "fort" à l'état de concentré dans "Les N voyages de Robert Trebor" n'aurait pu compter sur l'effet de surprise, mais VTP (selon Erwann) aurait su meubler tout ceci de bien assez d'actions et de rebondissement pour ne plus en avoir besoin (de l'effet de surprise) une fois le spectateur entré dans le bain, sinon le concept de planète creuse double face (déjà utilisé sous une autre forme dans Pellucidar, en plus) de Troglodia n'aurait jamais tenu deux films lui non plus. Ce qui selon lui "plombait" les "N voyages" était que le spectateur savait d'avance que son personnage ne mourrait qu'à la fin (s'il mourrait) alors que dans les autres il n'était jamais sûr d'aller au bout, voire d'en franchir les deux-tiers. De ce fait il s'en trouvait quelque peu "hors jeu". C'était l'inconvénient d'un personnage "récurent", surtout dans un film sérieux, or (même si on pouvait rire ça et là, surtout dans certains des voyages) "Les N voyages" l'étaient. Il avait déjà "traversé" plusieurs films, mais ce n'était pas garanti par l'histoire (pour qui la découvrait au fil du film) tant que l'on n'avait pas vu la suite. Il revit "Les hordes": ce film avait bien marché, mais pas autant qu'il le méritait (selon lui) par rapport à certains autres. En fait tout en partageant une partie des goûts de son public, Erwann n'avait pas tout à fait les mêmes. Il y avait des films dans lesquels beaucoup auraient pu l'apprécier mais qu'il ne jouerait pas (d'ailleurs VTP, le sachant, et ayant déjà trop l'usage de lui ailleurs, ne les lui proposait pas: tant mieux) tout en les trouvant intéressants joués par d'autres. En particulier les films d'angoisse ne demandant pas beaucoup d'action mobile à leurs personnages, et certains films "comiques de situation" où il n'eût été là que comme objet décoratif, ou comme "contre-emploi" hors action, ce qui selon lui ne pouvait servir qu'une fois et avait déjà un peu été le cas dans "Kergatoëc": le film lui avait plu car quasi-"vécu" en plus divertissant, de plus il y avait tout de même des scènes d'action (souvent subie: son personnage n'avait rien d'un cascadeur et faisait juste ce qu'il pouvait). Hors de celles-ci, la caméra visait plus souvent Romain Gouillouzouïc que lui, et plus souvent la nourriture ou les machines la produisant que l'un d'eux.

. En plus d'être orphelin (de sa mère, son père familial, son père génétique) il avait maintenant trente ans: théoriquement, il était censé avoir quitté toute jeunesse (sauf d'aspect, les Attéens variant fort peu, et moins encore avec une vie saine sans exposition fréquente au plein soleil) à un tel âge, mais il ne le ressentait pas, de même que Gorak lui semblait toujours le même, y compris comportementalement. Aymrald n'imaginait absolument pas être parent (même adoptif: ce n'était pas comme vivre avec un chat, cet animal s'autogérant sans risque) de même qu'il ne s'imaginait pas diriger une entreprise (même petite, ou alors vraiment toute petite, avec un ou deux associés et non "employés"): il n'avait pas la soif du pouvoir, ou alors à très grande échelle, comme Sigmar Thorgård. Mais même déjà diriger BFR (ce qui ne lui serait jamais proposé)... Trop compliqué: il était bien plus difficile de diriger une multinationale qu'un pays, estimait-il. Quoique: selon lui, il était difficile de faire mieux que l'ELR, sur le plan économique, alors qu'antérieurement n'importe qui aurait géré la France moins mal que ses dirigeants (des deux bords), puisqu'il n'aurait jamais laissé se développer un tel cancer de l'Etat. Celui-ci ayant été éradiqué (de même que les charges sociales) les optimisations encore possibles demandaient plus de compétences que le citoyen lambda n'en avait.
. Huntington n'était pas censé se déclencher avant la quarantaine, et plutôt vers la fin de celle-ci, donc comme en plus pour le moment on ne connaissait aucun traitement (même préventif, sauf au stade embryonnaire unicellulaire) il n'y avait pas à s'en occuper. Le monde et en particulier la France lui semblaient avoir bien plus changé que lui, depuis 1997. Le premier homme sur Mars, un tiers d'habitants en moins, en France, des restaurants antropophages, la sortie du nucléaire (pas terminée, mais bien avancée) au profit de la géothermie, la fin de la politique (faute de grand parti d'opposition: depuis que l'on ne faisait plus fortune en politique, les vocations semblaient s'être curieusement taries, à part quelques petits partis bien ancés sur leurs convictions mais ne prévoyant aucune alliance entre eux, du fait de ces convictions) au profit de l'efficacité économique, la puberté devenue factultative et le suicide facilement accessible à tous, le téléphone sans abonnement et gratuit à l'usage (y compris portable), la fin des grèves du service public, des grosses retraites, des gros salaires, de la Commission Européenne, la nouvelle domination russe, la paupérisation américaine et l'effondrement du "tigre de papier" chinois, l'indépendance de la Palestine et du Tibet, les embryons suédois dans les vaches porteuses hollandaises... L'actualité n'avait pas chômé, dans ce début de siècle et la fin du précédent. S'il fallait ne retenir qu'un évènement, fallait-il retenir l'homme sur Mars, ou la vache porteuse? Le permier n'était que la suite (d'ailleurs fort tardive) du premier pas sur la Lune. Plus loin, plus longtemps, mais pas vraiment nouveau. La vache porteuse, et surtout le clônage utilisant un ovocyte bovin recevant un noyau humain étaient de l'inédit total, selon Erwann. Ce n'était pas juste la suite de la FIV ou des OGM, même si lesdites vaches "humanisées" étaient des OGM conçus en éprouvettes. C'était la fin du monopole des femmes sur la gestation humaine alors que dans les vieilles SF, il avait été question de sociétés sans hommes, dont les femmes se fussent reproduites par parténogénèse. Plus récemment, le clônage permettait d'envisager la reproduction sans père, mais cette fois, c'était de reproduction sans mère humaine qu'il s'agissait. Certes, ce n'était pas encore un incubateur entièrement artificiel, façon Saumonix, mais une humanité se perpétuant sans femme était maintenant possible (or une femme polluait plus qu'un homme, statistiquement: plus de produits jetables, plus d'utilisation urbaine de l'auto, plus de consommation d'eau, règlage souvent plus élevé du chauffage...) mais restait moins souhaitable, selon les écologistes rationnels, qu'une humanité ne se perpétuant pas, ou en tout cas pas avant d'être redescendue en dessous du demi-milliard d'habitants. De plus, en aval du couple homme+vache, il faudrait réussir à synthétiser un lait aussi adéquat pour le cerveau et pour la prévention des allergies que le lait maternel (en modifiant génétiquement le pis de la vache?), ce que les laits "premier âge" commercialisés au prix fort étaient encore loin de pouvoir prétendre.

. Lors du tournois inter-nations de rinnepallo ("des cinq nations", puisque celui de rugby en comptait six) la France fut battue par la Finlande 27 à 31, mais battit tous les autres, alors que la Finlande se fit surprendre par l'Argentine (peut-être aussi parce que le match contre la France avait bien fatigué les joueurs finlandais alors que l'Argentine (dont l'équipe était basée en Belgique, pour ce tournoi) n'avait pas eu de mal à "sortir" le Danemark, après une victoire contre la Suède: les Argentins n'avaient fait que progresser au fil du tournois, alors que les Finlandais l'avaient terminé à la rame, après avoir commencé par écraser joyeusement le Danemark mais gagner bien plus laborieusement contre la Suède puis la France) et au total des différences de points entre les deux équipes ayant eux quatre victoires la France gagnait le tournois, bien qu'ayant perdu contre le second classé. A ce jour, seule la Finlande avait réussi des "grands chelems". Ce fut donc après ce dernier match "perdu mais pas de trop" que le "Cube de France" remporta le tournois, ce qui aurait demandé aux Finlandais de marquer trois points de plus, répartis sur l'ensemble des matchs. Le "Cube de France" avait été variable: brillant contre l'Argentine lors de son premier match, moyen contre la Suède, bon mais "sans grand mérite" contre le Danemark, pour finir par fort bien résister contre la Finlande, perdant le match mais non le tournois. Toutefois, il restait l'idée qu'en évitant un des essais finlandais (qui, de fait, eût été facilement évitable, si on réanalysait le match. Il avait été marqué par surprise) le grand chelem était à portée de mains. Le troisième ligne finlandais n'avait pas eu le temps d'orienter le dé pour le poser, vu le nombre de Français qui venaient s'aggriper à lui à cet instant, donc c'était la face 2 seulement qui s'était trouvée dessus. 1+2 donc un essais à trois points, transformé à 5. Sans lui, le score eût été de 27 à 26. Toutefois, les Finlandais devaient se dire la même chose pour ce qui était du tournois, et même du grand chelem car ils avaient perdu eux aussi de quatre points contre l'Argentine. Les niveaux finlandais, français et argentins de rinnepallo étant désormais assez proches (chacun dans son style), il devenait de plus en plus difficile de faire un grand chelem. La Suède était maintenant dépassée par l'Argentine, au résultat global, bien que l'ayant battue. Il y avait depuis longtemps une usine BFR en Argentine, avec depuis 2001 sa propre équipe de rinnepallo et le même système d'entraînement qu'en France: c'était dans ces installations-là que les joueurs d'autres clubs argentins venaient consolider leurs "symbiose de jeu" dans l'équipe nationale avant le tournois européen, puis, cet automne, la coupe du monde. C'était toujours le manque de terrains qui freinait l'essort du rinnepallo, et non le nombre d'amateurs prêts à l'apprendre et à l'essayer: ses règles étaient moins compliquées que celles du rugby et la plupart d'entre elles étaient vérifiées automatiquement par le système. En notoriété télévisuelle française, le rinnepallo était maintenant au coude-à-coude avec le handball, ce qui était déjà un beau résultat pour un jeu introduit aussi tard dans notre pays. La popularité télévisuelle du handball était elle aussi récente, bien que sa pratique fût ancienne.

. Les médias français continuaient (pas tous, mais beaucoup) à prendre les afficionados du ballon cubique pour des hurluberlus, ou des fans d'Erwann d'Ambert voulant le voir à l'oeuvre sans trucage dans les scènes d'action. "Et en plus, cette année, il y aura une coupe du monde: preuve que non seulement le ridicule ne tue pas, mais qu'en plus il est contagieux". Quelques voix objectaient qu'au moins c'était un jeu dans laquelle la France réussissait à gagner, qu'il ne fallait donc pas le bouder, et que pour ce qui était d'Aymrald, le fait qu'il connût bien le jeu de la plupart des meilleurs joueurs finlandais, alors qu'eux ne fréquentaient pas de joueurs français à part lui, en faisait un atout stratégique, en plus de ses qualités de jeu intrinsèques, donc qu'il fût acteur n'empêchait pas qu'il fût utile voire indispensable à l'équipe de France, "et pas que pour intéresser les médias à filmer les matchs". Toutefois, c'étaient les photos le contenant qui étaient systématiquement utilisées par les magazines (idem pour les petits extraits passés dans des émissions sportives) à propos des matchs, même s'il y avait de bonnes actions ne le contenant pas qui eussent autant mérité de servir d'illustrations. Aymrald leur semblait un bon produit d'appel, ce qui n'était pas ce qu'il eût souhaité mais en même temps, si ça pouvait intéresser des gens au rinnepallo, il n'avait rien contre: ça justifiait une petite entorse au principe "ne pas se médiatiser hors des films". Il y avait donc de petites interviews de lui après ces matchs internationaux, à condition de ne pas être interviewé seul: il fallait poser au moins autant de questions et consacrer au moins autant de temps à au moins trois autres joueurs de l'équipe. Il savait que si on focalisait trop le rinnepallo sur lui, sans créer d'autres stars de ce jeu, le rinnepallo français s'effacerait en grande partie du média si un accident le rendait inapte à y jouer. Il fallait absolument leur "vendre" les autres grands rinnepallistes français grâce auxquels l'équipe obtenait ces résultats.

. Ce jeu s'était bien répandu en France (en commençant surtout par l'ouest) en quelques années, avec l'avantage sur la Finlande de ne pas avoir à installer des systèmes de chauffages souterrains des terrains pour continuer à les utiliser l'hiver. L'équipe de France comptait surtout des joueurs de VTP22 et trois qui étaient élèves-ingénieurs à Centrale Dinard, première "grande école" française à s'être dotée d'un terrain et à avoir poussé l'analyse infographique et par "capture de mouvement" des phases de jeu aussi loin que VTP22 ou Juustomeijeri. La présence d'Aymrald était un atout à la fois technique ("inusable de bout en bout d'un match") et tactique, puisqu'il connaissait finement les habitudes des joueurs de l'équipe finlandaise, Aymrald/Stéphane jouant plus souvent avec eux qu'avec ses compatriotes. Devoir prouver qu'il pouvait contribuer "en vrai et sans trucage" (contrairement aux films) à une victoire nationale aurait pu mettre à un joeur dans cette situation une pression pénalisant son efficacité, mais il n'était pas sensible au stress, au trac ni au "fardeau de responsabilité": sa précision de tir, sa vivacité de déplacement et sa lucidité de décision à chaud restaient les mêmes que dans un match d'entraînement entre membres de l'équipe de Juustomeijeri. Pour la même raison, il eût laissé indifférent un détecteur de mensonge même face aux questions les plus imprévues, et ne pouvait tomber "fou amoureux" ni adhérer incontionnellement à une doctrine, une secte, etc: tout ceci était basé sur des mécanismes cérébraux entravant le fonctionnement normal du cerveau (bloquant, en particulier, l'intelligence, l'instinct de conservation et l'esprit critique) et que les gens comme lui (en particulier les meilleurs joueurs de pokers et agents secrets) n'avaient génétiquement pas. Les autres, pour s'approcher de cette fiabilité mentale, devaient recourir aux béta-bloquants ou à des implants électroniques agissant par électrodes ou diffusion précise de certains produits pour protéger le cerveau contre ces perturbations d'origine interne en réaction à des situations externes. On savait, en particulier, protéger les élèves (surtout dans les études difficiles) contre l'amour "inconditionnel" en agissant sur les neurorécepteurs de la phénliéthylamine, de l'ocytocine et de la dopamine: des médicaments pouvaient neutraliser d'une part ces récepteurs, d'autre par la production de ces neuromédiateurs et protéger ainsi le patient contre la perte d'objectivité et d'esprit critique.
. Toutefois, ces médications étaient critiquées car elles allaient permettre à des individus peu maîtres d'eux de donner l'illusion de l'être le temps de réussir des études menant parfois à des postes auxquels il fallait des gens continuellement maîtres d'eux. Pour cette raison, la prise de ces traitements pendant les études était mentionnée dans le dossier médical permanent, qui ne serait consulté qu'en cas de postulation à des fonctions pour lesquelles il fallait des gens réellement stables.

. Sans jamais le dire, il pensait que ses belles performances dans ce jeu propice à beaucoup de chutes (pelouse en pentes, pas de crampons, nécessité de zig-zaguer pour surprendre la défense) justifiaient en partie, aux yeux du public, qu'on lui confiât tant de rôles d'action chez VTP. D'autres joueurs de rinnepallo de Juustomeijeri étaient souvent utilisés pour les rôles demandant à la fois de bonnes accélérations et une grande stabilité. Certes, il n'y avait pas d'éboulis de rochers, de troncs ou de carcasses de véhicules à franchir sur un terrain de rinnepallo, et moins encore en combattant des ennemis à l'épée à deux mains (ou au désintégrateur, peu importait), donc être bon au rinnepallo ne suffisait pas pour jouer dans de tels films, par contre être apte à tourner ces scènes "bonnes du premier coup" prédisposait à garder son équilibre, esquiver et feinter au rinnepallo. Ses premiers matchs du tournoi avaient d'ailleurs eu lieu pendant qu'il tournait encore dans les "Durgavok".

. Le rinnepallo était l'occasion pour les médias d'interviewer Erwann et Vittorio hors du contexte VTP, ce qui à soi seul (savait la fédération française de rinnepallo) allait pousser les médias à s'intéresser plus au match que s'il n'y jouait pas. Ca se passait en Belgique (aucune équipe ne jouant sur son propre territoire) et on lui mit des bouquets de micros sous le nez. Aymrald s'y attendait, et avait répété antérieurement quoi dire en cas de succès ou de défaites, et selon les phases de jeu ayant le plus compté. Il ne parla que du rinnepallo, comme prévu, entrant à loisir dans les détails techniques des combinaisons d'infiltration en vue d'essais ou de drops, mais cela donnait l'occasion de le filmer quelques minutes d'assez près, et en contexte libre. Plus rose que d'habitude (afflux de sang sous l'effort, et non effet du soleil: les matchs étaient le soir) mais frais et détendu, respirant amplement (mais pas trop vite) pour mieux refroidir le sang, tout en ayant été "au four et au moulin" sur le terrain pendant les deux mi-temps. Il semblait apte à en jouer une de plus, même si ce n'était qu'une illusion (un quart d'heure peut-être, mais plus au même rythme ensuite, beaucoup de jauges se rapprochant de leur zéro ou de leur zone rouge). En fait en fin de match sa température interne montait à 42°C, ce d'ailleurs n'était pas exceptionnel, sauf que lui, ça ne le faisait pas transpirer, juste respirer plus amplement. Ca avait d'ailleurs pu contribuer à son développement pulmonaire et cardiaque au cours de sa croissance (y compris l'amplitude de mouvement du diaphragme sans "point de côté") et donc à une capacité de réoxygénation du sang compatible avec la consommation max de sa musculature sur un match, ce qui faisait qu'il produisait moins d'acide lactique donc se fatiguait moins vite. Ce fut l'hypothèse que firent deux chercheurs japonais qui décidèrent de le rencontrer en septembre, si VTPSF était d'accord. Ils avaient déjà étudié d'autres sportifs ayant des capacités inhabituelles liées à telle ou telle particularité, et souhaitaient faire un comparatif pour mieux en déterminer l'influence.

. Aymrald s'était vérifié point par point quand il avait eu trente ans. L'exemption de barbe durerait-elle encore? Il avait entendu dire que Gainsbourg en avait bénéficié jusque vers trente ans, mais plus au delà. Pas de "négligence abdominale" perceptible pour le moment. Peau fraîche et jeune par évitement du soleil direct (en plus de l'insensibilité hormonale), dentition "état neuf" (et sans érosion des gencives: il se brossait les dents lentement et toujours en tirant vers la dent, jamais "comme pour scier des troncs"), idem pour les cheveux ("ni eau chaude, ni air chaud", en plus d'une génétique favorable), précision et rapidité des mouvements encore un peu améliorée (effet de la pratique régulière de l'entraînement avec catpure de mouvements et retours d'effort), aucun problème cardiovasculaire ni articulaire (lui et VTP avaient veillé à ne pas brutaliser inutilement ses articulations dans certaines cascades: on lui en demandait beaucoup, mais jamais "trop" pour ne pas entamer le capital de résistance à long terme, contrairement à ce que l'on voyait trop souvent dans le tennis et autres sports brutaux), par de perte auditive même dans les fréquences les plus élevées (il ne fréquentait pas les lieux durablement bruyants, ou mettait des bouchons: il en avait toujours une paire sur lui, au cas où): contrôle technique vierge, or à trente ans, tout le monde ne pouvait en dire autant, en particulier pour l'audition, dans cette génération "massacrée à coups de baffles", ainsi que pour les cartilages articulaires chez nombre de sportifs et les dents chez une grande majorité de gens (ceci bien avant trente ans). Il avait nettement pris du gabarit et du muscle par rapport à son premier grand film, mais sans devenir "lourd de viande", ce qui à long terme eût été nocif pour les articulations et aurait diminué sa vivacité et sa précision de déplacement. Tout ceci pouvait donc tenir encore longtemps sans baisse de performances ni dégradation d'apparence, mais les tournages de VTP auraient-ils encore l'usage de lui "en vrai" dans dix ans? Probablement pas. La production de mécanimaux et autres trucages occuperait-elle encore tant d'ingénieurs dans dix ans? Non plus: tout ceci aurait été en grande partie automatisé, de la conception aux essais, en plus de la production. Ceci ne l'inquiétait pas: tout en étant payé plusieurs centaines de fois moins que les acteurs américains de films à grand succès jadis, il avait déjà gagné l'équivalent de plusieurs vies de "bon salaire" donc n'avait pas besoin d'une activité rémunérée, d'autant moins que le système ELR (qui semblait là pour longtemps, puisqu'il avait bénéficié à plus de gens qu'il n'en avait pénalisés) favorisait grandement l'épargne durable et avait même su engendrer de la déflation pour inciter à sortir de la société de consommation. Il aurait pu prendre sa retraite à trente ans, voire avant, et vivre comme un chat. Toutefois, il n'en avait pas l'habitude: participer à l'aventure industrielle de BFR puis de VTP (les deux étant fortement liées, en particulier via les applications de l'ebsep le plus sophistiqué chez VTP) lui semblait personnellement utile, tout comme jouer au rinnepallo, jeu statutairement bénévole et encore modestement médiatisé, dans l'action duquel il se sentait bien. L'implication profonde dans les travaux techniques de pointe chez VTPSF avait eu pour effet de réduire un peu plus son "univers relationnel" finlandais, déjà amputé de nombreux personnages pour cause de décès ou délocalisations. Quand il était dans un projet intense en cours, l'intéraction avec Gorak, en rentrant, était la seule dont il avait besoin. Il avait une copie mécanimale ("Garok") de Gorak sur son lieu de travail, sous prétexte de "sujet d'études" mais en fait surtout (ce qui était deviné, et ne lui était pas reproché puisque ça ne nuisait pas au travail) par besoin de présence féline: bien que n'étant pas "le vrai", il l'évoquait tellement, attitudes et réactions incluses, que c'était un excellent placebo. Stéphane (puisque c'était en Finlande) réussissait vite à oublier qu'il était artificiel, de même que quand il voyait un film pour la première fois il cessait vite de penser que c'était lui qui jouait Untel, faute de quoi il estimait que le rôle aurait dû être conçu un peu autrement ou que le scénario manquait d'intérêt à ce moment, car s'il pensait à l'acteur c'était qu'il s'était "réveillé" de l'histoire, comme quand il se rendait compte de l'intérieur d'un rêve que c'en était un, avec la différence que dans le cas du rêve on pouvait alors "prendre les commandes" et bien s'y amuser avant le réveil, contrairement à un film vu. Il lui arrivait souvent de "re-rentrer dedans" même en revoyant le film, sauf quand il avait décidé de l'étudier pour y remarquer autre chose qu'en "première vision", surtout avec la vidéo haute définition disponible chez VTP/VTPSF: en faisant des arrêts sur image il repérait des "tableaux" d'ensemble somptueux, que le feu de l'action ne laissait pas le temps d'admirer, mais que Tarsini (ou autre) avait entièrement pensés au brin d'herbe près, au point de les avoir probablement conçus avant les scènes qui y menaient (ce qui était d'ailleurs le cas dans certains grands films non-VTP). Du Tarsini c'était beau de partout, même là où le spectateur ne regarderait probablement pas, voire hors champ: seule une petite partie de la Rome virtuelle conçue de toutes pierres par Tarsini avait réellement été parcourue par "Le crépuscule de Rome". Ceci avait permis des changements sans perte de temps: tous les "intinéraires bis" étaient permis si Tarsini avait une nouvelle idée assez tard dans le tournage (il fallait juste avoir encore le temps, pour les acteurs réels, de se repréparer à la scène). D'un point de vue froidement comptable, Tarsini dépensait donc plus que réellement nécessaire pour le projet, mais la souplesse de remodelage ainsi obtenue, bien que rarement utilisée, donnait une sécurité mentale à toute l'équipe qui, quelque part, devait faire gagner de l'efficacité: avoir des solutions de secours sous le coude permettait de travailler plus sereinement donc de faire moins d'erreurs, tout en allant très vite.

. Tarsini ne faisait pas cela que pour pouvoir éventuellement modifier le scénario assez tard dans le projet (il l'avait rarement fait), mais en prévoyant l'époque où un film devrait pouvoir être vu sous divers angles (comme un match de foot): il fallait donc prévoir de quoi alimenter aussi les caméras (virtuelles) que l'on n'utiliserait pas pour le tournage "du moment", mais qui permettrait d'adapter le film à la "multivision", dans le futur, sans avoir à tout redéfinir. L'informatique devrait tout reconstruire, mais ce qu'il y aurait à reconstruire aurait déjà été défini.

. L'inconvénient était qu'avec la "multivision" certains "tableaux" d'un instant ne se formeraient pas tels que Tarsini les avait vus et choisis, de même qu'un sculpteur ne pouvait imposer au visiteur de regarder son oeuvre sous un angle précis (sinon il n'avait qu'à présenter une photo stéréoscopique, et non la scultpure "en vrai"). Malgré les progrès techniques de l'infographie, il était encore hors de question de penser faire "à date accessible" un film en hologrammes virtuels car ce procédé exigeait des millions, et non des milliers de lignes (et colonnes) donc des dizaines de milliards de pixels dans une image. Ce qui serait envisageable serait (une fois la puissance disponible) de pouvoir s'y promener comme dans un jeu vidéo (ce qui supposait de fabriquer une image hautement réaliste "qualité cinéma" en 1/25ème de seconde, mais ça, Tarsini pensait qu'en moins de dix ans on y serait, vu les progrès spectaculaires du réalisme visuel de ces jeux les années précédentes). La base de données géométriques et dynamiques du projet de tournage suffirait pour que des coprocesseurs graphiques de 2015 ou 2020 plongent le spectateur dans le film "depuis n'importe où". Il existait déjà des "mangas" visitables en tous sens de cette façon, le graphisme d'un manga n'exigeant pas une puissance de traitement supérieure à celle d'un jeu actuel, nombre d'entre eux étant d'ailleurs inspirés par des mangas.

. Sans être d'un narcissisme "karéen", Aymrald examinait aussi certains arrêts sur images, dans ses rôles, où il se voyait particulièrement mis en valeur (éclairage à couleur changeante et tangeante, effets de vent, ombres portées), surtout quand c'était dans un mouvement très rapide (voire sans contact avec le sol à cet instant) que personne n'aurait le temps d'examiner ainsi en salle, et sur lequel le public ne pourrait pas faire d'arrêt sur image avant le passage à la télévision ou sur supports enregistrés (souvent tardif, pour les "Kerfilm"). Il examinait plus encore les scènes dans lesquelles son personnage était virtuel ou mécanique, pour vérifier que même lui n'en trouverait pas d'indice à l'image, bien que sachant que c'était un faux Erwann d'Ambert. Cela marchait parce que l'équipe avait déjà vérifié image par image lors du tournage de ces trucages.

. Il vit "A fond de train" dans lequel Vittorio faisait partie d'un groupe de terroristes prenant tout un TGV "Thalys" en otage, ce qui donnait lieu à des scènes négociées au Lioubioutchaï comme "rebranchez le courant, sinon nous allons continuer à tuer un otage toutes les cinq minutes. Il vous reste trois minutes avant la prochaine exécution, et quel que soit le mensonge ridicule que vous invoquerez pour ne pas rétablir le courant, elle aura lieu si ce train ne repart pas à pleine vitesse, ou si vous modifiez la configuration des aiguillages, ou tout autre sabotage". La population assistait en direct (via une liaison vidéo basse définition Lioubioutchaï 3, que la police belge (ou autre) n'avait aucun moyen de censurer) à la scène: deux otages eux aussi porteurs d'un collier explosif ouvraient l'une des portes, jetait l'un des contrôleurs hors du train, suite à quoi son collier explosait, envoyant la tête rouler loin de la voie. Un premier ôtage avait été décapité ainsi au moment où le courant avait été coupé. Vittorio s'était exfiltré parmi huit otages libérés lorsque certaines exigences du groupe avaient été accomplies par les autorités belges puis hollandaises, ce qui lui permettait d'agir de l'extérieur tout en restant en communication (non traçable: Lioubioutchaï) avec ses camarades de lutte. Le film s'achevait par la décapitation explosive des 114 otages restants, les forces d'intervention hollandaises (qui avaient réussi à entrer dans le train à pleine vitesse dans un tunnel grâce à un charriot très bas et fortement motorisé le rattrappant par derrière, trop bas pour être visible de la cabine de la motrice de queue) ayant abattu les trois terroristes encore à bord, ce qui avait déclenché (on avait vu le dispositif assez tôt dans le film) quelques minutes plus tard les explosions des colliers, car il n'y avait plus personne pour envoyer les codes de retard périodiques. L'histoire finissait donc logiquement (il n'existait pas de moyen d'empêcher l'exécution des otages) après que chacun (terroristes et forces d'intervention spéciales) ait fait preuve de tout leur savoir-faire, d'où des scènes d'action ravissant le public, et plus encore en stéréoscopie. Pas de combats sur le toit du train (même en se baissant pour éviter la caténaire): à cette vitesse, personne n'aurait pu s'y tenir debout ni même y avancer à quatre pattes, le réaliste étant respecté: plus tôt dans le film, un otage non encore équipé de collier qui avait tenté de fuir par là était aussitôt arraché par le vent, rebondissait sous la caténaire (sans s'électrocuter, puisqu'à cet instant il ne touchait plus le train) puis s'écrasait contre un des poteaux bordant la voie. Le commando des forces spéciales, lui, disposait de mousquetons et de treuils électriques compacts pour s'ancrer à divers reliefs de la motrice de queue et y avancer malgré la puissance du vent, jusqu'à accéder aux trappes de visite. Il n'y avait pas de terroriste dans cette partie du train, car ils n'imaginaient pas que l'attaque pût venir par l'arrière, à une telle vitesse: "même un hélicoptère aurait du mal à suivre".
. Seule frustration pour le spectateur, la catastrophe ferroviaire espérée (?) n'avait pas lieu, car les terroristes étaient à bord donc n'avaient pas l'intention (ni d'ailleurs les moyens techniques) de le faire derrailler ni exploser ("la bombe du Paris-Lyon ne l'avait même pas fait derrailler. Il nous en faudrait plusieurs, plus grosses, et pouvoir les placer sous les trois premiers boggies car ne faire dérailler que la motrice ne suffirait pas. Impossible sans complice dans l'équipe d'entretien"). Toutefois, pendant que l'un des terroristes expliquait cela à Vittorio, on voyait (au lieu de les voir discuter) la scène spectaculaire se produire, comme filmée en vrai, et non en "synthèse encore décelable" ou au moyen d'un modèle réduit (car certains effets d'impacts trahissaient toujours ce trucage classique. C'était donc de la synthèse très coûteuse, mélangée à de la prise de vue réelle du train pour tout ce qui pouvait être filmé sans le détruire, et deux reproductions destructibles (en vrai) d'éléments de TGV: la motrice et la première remorque motorisée) comme pour rappeler que VTP avait les moyens techniques de s'offrir une superbe catastrophe ferroviaire (vue de l'extérieur proche et de l'intérieur) si le scénario en avait eu besoin. La pensée ou la parole des personnages était très souvent mise en images, dans les films de VTP, avec des moyens dignes d'une "vraie" scène du film. Cela évitait de rendre ennuyeuses les explications parlées quand elles étaient nécessaires et ne pouvaient être raccourcies, et de ne pas utiliser de paroles pour représenter la pensée, qui était essentiellement visuelle, chez les humains, pour tout ce qui était plan d'action. Le TGV était surtout un moyen d'être isolé de toute intervention extérieure, puisqu'en plus de ses 320 km/h (vitesse à laquelle avait été portée récemment l'exploitation du Thalys) il était protégé de toute tentative d'intruction par le balayage continu des poteaux et arceaux porte-caténaires. La seule solution était par l'arrière, mais le système de "cantons" n'aurait pas laissé une autre rame s'approcher, d'une part (de plus même en le modifiant, elle eût été vue), d'autre part quel autre véhicule aurait pu tenter la poursuite sans se faire repérer? Les Hollandais avaient dû, en hâte, découper un tronçon de voie pour poser un aiguillage (bricolage terminé seulement trois minutes avant l'arrivée du train dans le tunnel) pour lancer à la poursuite le charriot surbaissé et profilé du commando d'assaut, accéléré par une grosse fusée façon dragster. Matériel utilisé par une entreprise fabriquant des "booster" à poudre pour tester ceux-ci sur des voies désaffectées. Cet équipement n'existait pas réellement, mais VTP avait vérifié qu'une telle mise en oeuvre eût été techniquement possible: découper les rails et poser l'aiguillage avant l'arrivée du train, lancer le charriot et contrôler la vitesse d'accostage par l'arrière.

. Il vit aussi les dix épisodes de la série courte "Veuves noires", où des prostituées se lançaient dans le canibalisme (en commençant par leur proxénète), profitant de ce que leurs clients ne disaient à personne qu'ils venaient les voir et prenaient grand soin de ne pas être repérés: des victimes idéales, difficiles à pister et se présentant spontanément. Pas de problème pour les corps: l'excédent de viande était haché menu, cuit et servis aux chiens qu'élevait l'une d'entre elles, ainsi que les os cassés à la pince ou au verrin à pompe (pour les plus épais) pour être plus faciles à broyer par les molosses.
. Le sujet avait perdu beaucoup de son caractère transgressif puisque la consommation de viande humaine était officiellement permise dans quelques pays (dont la France): c'était donc surtout le choix des victimes et l'organisation de leur meurtre qui renouvellait le scénario d'un épisode à l'autre (plusieurs crimes par épisode) ainsi que les difficultés imprévues rencontrées.

. L'Angleterre avait adopé une répression de la délinquance des jeunes basée sur l'infériorisation (appelée aussi "avortonisation" par le grand public): on injectait (surtout dans les bras, épaules et pectoraux, ainsi que le cou) des produits provoquant une fonte musculaire rapide en plus de détruire définitivement un pourcentage important des fibres musculaires (ne se reconstituerait pas, quel que soit l'entraînement ou le dopage), si ça ne suffisait pas (récidive) on diminuait de même les capacités cardiaques et respiratoires (tout ceci dépendant de muscles), puis on sciait le menton pour le rendre très fuyant et on opérait la cornée au laser pour créer une myopie forte, imposant le port de "culs de bouteille". On transformait ainsi les physiquement forts en physiquement faibles, ce que le nouveau gourvernement anglais estimait beaucoup plus dissuasif que la peine de mort ou les travaux forcés à la française. A part le menton scié (sous la peau, pour la recoudre facilement ensuite) et la nécessité de grosses lunettes, les jeunes Anglais ainsi condamnés pour agression, persécution, racket, etc, resteraient reconnaissables (malgré leurs bras comme des allumettes), car c'était ce qui dissuaderait les autres de suivre leur voie. Les éliminer (comme en France) eut empêché la récidive de l'individu, mais sans avoir le même impact sur les autres, ceux qui n'en étaient pas encore à ce stade judiciaire. La transformation de "fiers à bras" molossoïdes en avortons binoclards au menton fuyant avait été envisagée par certains ELR mais la guillotine avait été préférée, car plus populaire et surtout sans frais ni délai. La France avait exécuté à tours de bras des jeunes délinquants que l'ancien système mettait rarement en prison. Ces exécutions s'étaient raréfiés "faute de combattant", car les bandes avaient ainsi été rapidement décapitées (au sens propre comme figuré) or la plupart n'étaient mûes que par peu de meneurs sans véritables successeurs aptes à fédérer autour d'eux des complices. De plus, la prévention par mesure au cours de la jeunesse du taux de testostérone et la pose immédiate de boitier régulateur (sans télécommande personnelle, dans ce cas) chez tous les ados ayant commencé à commettre des violences, ainsi que le recours précoce aux travaux forcés externes (sans incarcération, pour les actes de gravité moyenne) impératifs (ce qui faisait économiser beaucoup de frais de personnel pour des tâches ingrates de nettoyage, tri d'ordures, etc) avait réussi à tarir les filières classiques d'entrée dans la délinquance juvénile: "on débranche le dopage, on les prive de temps libre et on les fatigue le plus possible en travaux ingrats: ça les calme vite". La démusculation des jeunes (ou non jeunes) violents se faisait aussi via ces implants "antidopants" et un brouillage partiel de la coordination gestuelle (connexion du boîtier au départ des nerfs pilotant les membres supérieurs) les rendant inaptes aux sports de combat (ou combat hors sport): un petit retard de réaction et un peu de flou dans les gestes suffisaient à les rendre incapables de se battre, tout en gardant une autonomie suffisante pour les gestes de la vie quotidienne d'autant moins que le dispositif brouillait moins quand ils étaient assis (mesure de la varation de pression sanguine dans les jambes) et avec un rythme cardiaque ordinaire: cela pouvait conduire à une boisson renversée ou à des aliments tombant parfois avant d'atteindre la bouche s'ils pensaient à autre chose en même temps, mais sans avoir besoin d'être nourris ou lavés par quelqu'un d'autre. Démusclés (au cours de leur détention) et rendus un peu maladroits, ils ne pouvaient espérer aucune carrière dans la délinquance physique ni avoir de l'influence (du "charisme") sur d'autres dont les faire agir à leur place. L'expérience montrait maintenant que même sans ce "brouilleur", la majorité de ceux qui étaient pris à un stade précoce d'agressivité, deshormonisés électroniquement et mis "un bout de temps" au travaux forcés se réinséraient bien dans la citoyenneté "normale": moins de développement musculaire, meilleur développement intellectuel, moins d'agressivité, avec le mauvais souvenir du travail obligatoire tout en n'étant pas passé par la case "prison" et en ayant dû continuer l'école en même temps. Les bracelets ou colliers électroniques empêchaient la reconstitution de bandes, quand leurs membres n'avaient pas tous mérité la prison: les dessocialiser les uns des autres s'avérait une prévention efficace pour ceux qui n'auraient pas osé se lancer seuls dans la délinquance grave. Le système ELR n'était donc pas aussi répressif que ses nombreux détracteurs (mais peu nombreux dans le "grand public") l'avaient souvent présenté: des sanctions "moyennes" appliquées très tôt dans le parcours de délinquance réussisaient dans la plupart des cas à mettre fin à ce parcours sans condamner à l'exclusion. Les travaux impératifs à horaires fortement chargés (aucun jour de repos) contribuaient aussi à diminuer l'agressivité de la population envers les "délinquants moyens": on voyait qu'ils "en bavaient" et que ça faisait économiser de l'argent aux honnêtes gens, contrairement aux anciens projets de "centres fermés" et autres systèmes gaspillant les fonds publics au lieu de mettre à contribution les coupables. Leur réinsertion s'en trouvait ainsi facilitée.
. Outre-Manche, les premières peines de démusculation (spectaculaires, et douloureuses: les produits injectés donnaient l'impression de "claquages") semblaient dissuader les intéressés de recommencer, puisqu'aucun d'eux n'avait été ré-arrêté pour des faits de violence donc les étapes suivantes (mise en insuffisance respiratoire et cardiaque, sciage du menton, opération rendant myope) n'avaient pas encore été mises en oeuvre: les présentations qui en avaient été faites à la télévision était du trucage cinématographique de bonne qualité, filmé façon "reportage sur les thérapies" et non "cinéma". Ceci faisait dire aux auteurs de la loi que l'affaiblissement physique était un traitement efficace de la délinquance par violence physique. C'était effectivement plus dissuasifs sur les ex-camarades du "traité" que le procédé français dont les effets étaient moins voyants (à part la fonte musculaire du haut du corps) tout en rendant inapte à poursuivre une carrière de "dominant physiquement agressif". La mauvaise coordination gestuelle dûe au "brouilleur", qui devenait très mauvaise quand le rythme cardiaque augmentait, rendait aussi incapable de viser avec une arme à feu, et diminuait fortement l'habileté au couteau car il devenait impossible d'improviser un geste précis. Il fallait l'avoir pensé avant, et calmement. Bien sûr ça n'empêchait pas la criminalité "en différé": sabotage d'une voiture, préparation d'une bombe, d'un poison, etc, mais rendre maladroite l'agressivité "à chaud" évitait déjà beaucoup de délinquance et sappait profondément la confiance en soi (souvent exagérée, avant traitement) du délinquant. Les cellules de prison françaises étaient pour la plupart hors des "prisons" classiques: pour éviter toute communication entre détenus, elles étaient dispersées dans un grand nombre de bâtiments publics, souvent au sous-sol et assez loin les unes des autres quand il y en avait plus d'une. Trois ou quatre mètres carrés au lieu de neuf autrefois, mais le détenu y était obligatoirement seul: une fois toutes les cellules occupées, il était impossible de mettre un condamné en prison sans en relâcher (bracelet électronique, le plus souvent) un autre, en attendant d'avoir créé une cellule isolée supplémentaire quelque part. Il n'y avait plus, non plus, de "détention provisoire" puisque soit il y avait un fragrant délit ou des preuves telles que l'on pouvait faire une comparution immédiate, soit ce n'était pas le cas donc le doute (avant procès) interdisait d'incarcérer. La "conviction" d'un juge ne pouvait plus influer sur la détention: il fallait passer par la case procès, quitte à ne juger que sur un seul point de l'affaire (le plus solide) permettant ne serait-ce qu'une petite peine ferme: pendant celle-ci, l'instruction des autres points de l'affaire (souvent les plus importants, mais plus difficiles à établir "noir sur blanc") pouvaient continuer. Par exemple des preuves flagrantes d'une entrée par effraction dans le domicile de la victime (sur une vidéo de surveillance) suffisaient à condamner ferme pour cela, en comparution immédiate, et avoir tout ce temps pour peaufiner les investigations sur le viol et le meurtre qui semblaient s'en être suivis dans une affaire où il n'était pas scientifiquement impossible (bien qu'improbable) que ces deux crimes aient un autre auteur, jusqu'à ce que d'autres preuves annulent cette éventualité. De plus, il y aurait (et pas forcément dans la même audience, puisqu'au fil de l'avancée de l'enquête) un verdict pour le viol et un autre pour le meurtre, s'ils étaient établis: toutes les peines d'Assises étaient indépendantes et strictement additives, contrairement à l'ancien système qui faisait un "prix de gros" aux tueurs en série.
. La justice était devenue sobre et bien plus démocratique. Sobre, parce qu'enfin sortie de tout le protocole et le décorum monarchique (alors que les médecins, eux, l'avaient abandonné depuis longtemps): le titre de "magistrat" n'existait plus, les juristes étaient habillés sobrement et officiaient dans des bureaux modernes, fonctionnels et bas de plafond: il n'y avait plus de "palais de justice", ces édifices ayant été vendus (souvent pour devenir des hôtels, parfois des casinos) ou mis en location. Tout se faisait désormais par écrit, ce qui supprimait la "discrimination théâtrale" propre à l'art d'impressionner un jury par la forme sans en donner plus sur le fond. Des systèmes experts préexaminaient toutes les affaires et recadraient, en cours de procès, tout ce qui s'écartait du droit. Quand le système expert ne pouvait décider, on recourrait la plupart du temps à un jury, grâce à la téléjustice qui dispensait les jurés de quitter leur commune: des studios de téléjustice étaient présents en mairie (où ils servaient aussi à bien d'autres choses, hors procès). Tout ce que tapaient les uns et les autres s'affichait sur des écrans muraux, précédés des noms et rôles des intervenants (on disait "rôle" et non "titre", désormais, les titres appartenant à la monarchie, selon l'ELR). L'écrit privilégiait le fond sur la forme (certes, le style de la langue y subsistait, mais il n'y avait plus le phrasé, les "effets de manches", etc), laissait une trace opposable et évitait de se couper la parole, les uns pouvant commencer à taper une objection ou un contre-argument sans attendre que les autres eussent fini, puisque plusieurs textes étaient affichés simultanément. Le conseil juridique libre d'accès pour tous, mû par les systèmes experts pour lesquelles tous les textes de loi avaient été traduits en schémas logiques puis réécrits en "français clair" à partir de ces schémas logiques (et non l'inverse, ce qui permettait aussi d'en fournir automatiquement traduction sans ambiguïté dans n'importe quelle langue, quand l'un des protagonistes de l'affaire ne parlait pas français. La traduction depuis un schéma sémantique logique vers une langue ne commettait jamais de contresens, contrairement à l'inverse) et surtout le plafonnement des frais d'avocats pouvant être engagés par chacune des parties d'un procès avaient mis fin à la "justice à deux vitesses" où jadis ceux qui pouvaient se payer des avocats diamant sur l'ongle bénéficiaient d'un avantage conséquent dans la "justice théâtre" tellement critiquée par l'ELR (et beaucoup de simples citoyens) avant 1997. Ceci expliquait que l'on ne fît plus fortune comme avocat en France, car même un milliardaire ne pouvait dépenser plus qu'un ouvrier dans sa défense pour une affaire. Certes, il y avait un peu de triche sous forme de conseillers juridiques ne participant pas directement au procès mais contribuant à la recherche d'arguments avant celui-ci, au lieu d'un seul avocat du service public pour les pauvres (bien aidé, toutefois, par les systèmes experts publics à la disposition de tous, tant pour "dégrossir" l'affaire que recenser exhaustivement tous les textes pouvant avoir rapport avec tel ou tel point de celle-ci), mais le déséquilibre avait été fortement réduit par rapport à la situation antérieure. La justice étant devenue plus fonctionnelle et plus scientifique, comme la médecine (tout en ne pouvant pas plus que celle-ci prétendre à l'infaillibilité. D'ailleurs le nouveau système judicaire facilitait grandement les révisions dès qu'une erreur était détectée), sa présentation l'était devenue aussi: plus besoin d'impressionner "le bas peuple". Cette sobriété, voire modestie, inspirait (contrairement à ce qu'avaient craint des partisans (tant parmis les juges que les avocats) de l'ancien apparât) plus de respect au peuple que le cérémonial théâtral antérieur: ça faisait "administration sérieuse voire scientifique", avec la référence constante à la logique du droit via les système experts, tout en laissant ceux-ci décider de confier une partie du jugement à un jury ou (pour les petites affaires) à un collège de juges quand les faits n'étaient pas scientifiquement établis.

. La criminalité et la délinquance "lourde" (pyromanie, cambriolages) ne disparaîtrait jamais totalement (surtout maintenant que les moyens de suicide en vente libre assuraient d'échapper à l'emprisonnement avec travaux forcés) mais elles étaient maintenant nettement en dessous de la moyenne européenne, chez les jeunes, en France, après avoir été traditonnellement au dessus. La désimmigration massive (dûe à l'inversion de la politique familiale) y avait aussi contribué, vidant les "cités" de leur grouillement de jeunes d'origine musulmane qui étaient statistiquement les plus agressifs. La minorité qui étaient restée ne l'étaient désormais guère plus que les Français "de souche", comme si le surnombre incitait plus à la délinquance que l'origine culturelle. La suppression de "l'EPS" (ex-gym) à l'école avait aussi contribué à ne pas valoriser par des notes la puissance physique, et ne pas faciliter les comparaisons directes de performances des individus. Ne participaient aux activités physiques extrascolaires que ceux qui s'y inscrivaient: un enfant ne pouvait y être inscrit par ses parents, la demande devant venir de lui.

. Outre la décapitation à la hache (mais avec un bras mécanique, pour une frappe forte et précise) appréciée du peuple britannique, l'avortonisation des costauds violents répondait à la soif de revanche des avortons binoclards génétiques qui en avaient tant souffert dans leur enfance et ne pourraient jamais l'oublier, quelque fût leur réussite éventuelle plus tard. Le mouvement populiste anglais (qui avait emporté les élections après la mise à jour d'énormes scandales financiers ayant conduit à la déchéance de nombre d'élus, un peu comme en France en 1997) préparait aussi les textes de lois autorisant la consommation et le commerce de la viande humaine en Angleterre, comme si ce peuple ne souhaitait pas rester en retard sur leurs voisins continentaux pour les décisions "conformes au bon sens populaire". L'histoire des colonnies anglaises ainsi que de leurs collèges semblaient montrer que ce peuple avait un fond de cruauté plus affirmé que celui du peuple français, qui avait juste soif (selon l'ELR) de justice efficace et sans complaisance "psy". Le référendum sur l'avortonisation ne serait probablement pas passé dans sa totalité en France (la réduction musculaire peut-être, le reste peut-être pas), où l'on préférait soit guillotiner les irrécupérables, soit punir de façon plus "constructive" (période de travaux forcés) les "peut-être récupérables".

. L'accès libre (sans avis parental) aux dispositifs antipubertaires (retardateurs/modérateurs) avait lui aussi été voté, vu les excellents résultats obtenus en France, Hollande et quelques autres pays: meilleurs résultats intellectuels, moins de délinquance, moins de cas d'anorexie, moins de problèmes de santé et de "malaise de soi", croissance plus régulière et plus longue. C'étaient le lobby cosmétique (déodorants, rasage, épilation, produits anticellulite, tampons, etc) et le pharmacomédical ("psy" inclus) qui avaient jusqu'alors réussi à bloquer les projets d'accès libre à cette technique jusqu'à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement anglais ne dépendant pas de ces lobbies. Le bémol anglais restait qu'elle n'était pas encore gratuite, contrairement au système français ou hollandais.

. La France était allée bien plus loin que ses voisins dans la lutte contre la surconsommation, en particulier en restreignant fortement et souvent interdisant l'accès au crédit. On ne pouvait plus en souscrire sur un lieu de vente, ni pour acheter un bien "non durable", et la banque devait attendre le feu vert du Registre National de Solvabilité avant de l'accorder, faute de quoi la créance était légalement perdue. L'ELR avait ainsi privé les banques et surtout les sociétés de crédit permanent (ce type de prêt étant interdit depuis fin 1997, ceux en cours ayant été convertis en crédits fixes non reconductibles à rembourser sur moins d'un an, car le "truc" de ces crédits étant qu'en les étalant sur trop de mensualités celles-ci ne remboursaient presque pas de capital, ce qui permettait de faire payer N fois la somme empruntée, contrairement à si le crédit avait été court avec des mensualités plus élevées) de bénéfices important, tout en apprenant aux paniers percés à devenir économes: certains lieux de ventes proposaient maintenant des "plans épargne" (qui devaient être rémunéré au moins 1% au dessus de l'indice des prix, ou à 1% minimum si celui-ci était négatif ou nul), ce qui inversait le processus: on n'obtenait la marchandise qu'une fois l'épargne constituée, et sans être obligé de l'acheter, si entretemps on avait trouvé mieux ailleurs ou réalisé que cet achat était superflu: on pouvait récupérer à tout moment le capital sans restriction ni fiscalité. Ces versements ne pouvaient être considérés comme des arrhes ni un accompte par le commerçant: en aucun cas ils n'engageaient à acheter. La déflation qui continuait (pas sur tous les produits, mais en moyenne sur l'ensemble) contribuait elle aussi à ne pas se presser d'acheter ce qui pouvait attendre: "ce sera moins cher après". Attente qui diminuait la demande donc favorisait à son tour la déflation.
. Les commerçants (hypermarchés, etc) s'attendaient à un plongeon supplémentaire de la consommation "grand public" quand le nombre d'ados diminuerait (dans quelques années) par arrivée dans cette tranche d'âge des années de faible natalité, mais le plongeon avait déjà commencé car ils avaient de moins en moins affaire à des "consommateurs" et de plus en plus à des "acheteurs", au sens professionnel du mot: l'école (téléenseignement ou non) apprenait tôt l'arithmétique par les comparaisons de prix, et (sans le dire ouvertement) le fait que l'acheteur intelligent ne payait pas plus cher ce qu'il pouvait trouver moins cher ailleurs. La mode des marques était retombée: vouloir des produits de marque là où c'était la seule différence avec un produit sans marque était être un "pigeon", du point de vue des camarades: "victime de la pub", "pigeon marqué": ce n'était pas méchant mais la tendance "je paie moins cher parce que moi, je ne me fais pas avoir" s'était bien implantée, les premiers à le faire en ayant tout de suite tiré bénéfice en obtenant plus avec moins. En fait un retour aux années 70 où la grande majorité des jeunes n'accordaient aucun intérêt à la marque de leurs vêtements ou chaussures et s'intéressaient plus au nombre de vitesses de leur vélo (par rapport aux copains) ou à la taille de la mémoire de leur calculatrice programmable.
. Le fait que les personnages des séries, téléfilms et films de VTP ne promussent aucune marque sur eux pouvait aussi y avoir donné un coup de pouce: leurs contrats leur interdisait toute publicité pour des produits non-BFR, or le groupe BFR ne vendait ni vêtements ni chaussures. L'atelier de confection de VTP (à La Défense) en fabriquait pour certains films (de façon à avoir exactement ce qui rendrait bien à l'image, sur mesures et sans délai d'attente supplémentaire), mais ce n'était pas commercialisé, moyennant quoi VTP n'avait à se préoccuper ni de la résistance au lavage ni de l'industrialisabilité de ces créations. L'ebsep était utilisé pour certaines semelles de chaussures (en particulier à lamelles "intelligentes", grâce à l'élasticité anisotrope qui pouvait être définie "à la carte" dans ce matériau) mais BFR se contentait de fournir des semelles à divers fabricants: il n'y avait pas de chaussures "BFR".
. Des marques avaient déjà proposé à VTP de "placer" des produits dans les séries et films. Pour les voitures et autres matériels coûteux VTP acceptait si ça pouvait seoir à tel ou tel tournage car cela consitutait une économie, mais ça n'avait pas été le cas pour les vêtements: "nous avons déjà nos propres stylistes", d'autant plus que la synthèse permettait toutes sortes de créations (quand ce n'était pas pour être vu trop longtemps dans des scènes proches) en n'utilisant pour de vrai sur l'acteur qu'un "textile guide" quadrillé de lignes de couleurs vives, qu'il fût flottant ou moulant selon le rendu virtuel souhaité. L'infographie créait ainsi (sans délai d'essayage, découpe ni couture) toutes sortes de tenues au comportement réaliste en mouvement. Elle permettait aussi de détériorer le vêtement de diverses façons (arrachement, entailles, combustion, souillures gluantes, étirements jusqu'à la rupture) tout en pouvant s'en resservir en bon état dans des scènes tournées plus tard mais qui seraient vues plus tôt dans le film: il était facile et peu coûteux d'avoir plusieurs exemplaires du modèle-guide pour en détériorer quelques-uns (ce qui guiderait la détérioration du modèle virtuel pour le logiciel qui en serait chargé) alors que cela eût fait perdre trop de temps (et pas uniquement d'argent) s'il avait fallu fabriquer en vrai la version vue à l'écran.

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