vendredi 10 avril 2009

chapitre N-15

##N-15
Il restait donc difficile d'avoir une idée de l'impact d'un film en y jouant, sans l'avoir vu terminé. Il pensait que "Gamma" serait excellent, mais rationnellement, il restait possible que l'oeuvre achevée ne fût pas à la hauteur de celle qu'il imaginait.
. Avec le recul, il considérait que "Les maîtres du fer" n'était pas réellement un bon film, même si c'était un grand film bien fait, où tout le monde faisait bien ce qu'il avait à faire, avec des décors fascinants, des mouvements de caméras entraînants, beaucoup d'action, mais il manquait quelque chose, sans savoir quoi, quelque chose qui faisait qu'il admirait la puissance de cette réalisation mais qu'il n'y entrait pas "à coeur", contrairement à l'Atlantide, par exemple, où il avait joué deux mois plus tard. A moins que ce fût uniquement son point de vue, car il avait tout de même franchi les cent millions d'entrées dans le monde. Chez VTP, en 2000, un "porte-avions" devait franchir les cent millions, et devenait "nucléaire" s'il passait les 200. Compte tenu des résultats obtenus par beaucoup de films, bien aidés par l'apparition de nouvelles salles stéréoscopiques ("maintenant qu'il y avait de quoi les alimenter") conduisant à les rediffuser, VTP avait revu sa nomenclature, en doublant la hauteur des barres à franchir: 200 et 400 millions d'entrées. Seuls Sartilvar (mais pas encore Tarsilvar: porte-avions classique) et "Drakkars et dragons" avaient rejoint cette catégorie. Drakkars et dragons déjà "porte-avions nucléaire" en moins d'un an d'exploitation, c'était impressionnant. Les films dans lesquels il avait joué approchaient les trois milliards d'entrées. Certains enthousiastes les avaient vus plusieurs fois (surtout les "porte-avions"), mais ça n'en était pas moins impressionnant, à y réfléchir. Ca ne faisait pas deux milliards de spectateurs car c'était souvent les mêmes d'un film à un autre, sur l'ensemble. Erwann considérait que "Les miroirs du temps" était meilleur que "Sartilvar": ce dernier disposait de plus d'effets spéciaux, mais il pensait que le scénario et l'ambiance du premier résisteraient mieux au temps. En fait une grande partie du public n'était pas encore saturé de HF "Kerfilm": VTP avait encore réussi à renouveller les effets spéciaux d'un film à un autre, sans tirer toutes ses cartouches dans le même. Pour le moment, Kerfilm ne l'avait utilisé "que dans du qui marche fort", constatait-il. S'ils tiraient trop sur le même filon, l'impact finirait pas s'user, mais pour le moment, le public mondial était au rendez-vous.

. Les bons résultats obtenus avec les tigres mécaniques conduisirent à tenter la miniaturisation pour donner des mouvements souples, agiles et naturel à une panthère noire. Animal moins grand et moins lourd, donc bénéficiant de moins d'inertie donc de moins de temps au système pour maîtriser les micro-déséquilibres. Le modèle d'adhérence des pattes devenait aussi un peu moins précis, toujours en raison de l'allègement. La panthère fonctionnait à peu près: les travaux de novembre furent de la rendre encore plus fiable. Dans les jeux du cirque, à Rome, on n'avait utilisé que les plus gros félins: tigres et lions, qui eux, étaient crédibles gestuellement. Les travaux visaient maintenant à crédibiliser les mouvements des chats artificiels.

. 18 et 21 novembre: "Troglodia 2", un an après la sortie du premier, pouvant espérer récupérer le même nombre de spectateurs.

. Aux Etats-Unis, une méningite neusocomiale fit d'un seul coup des dizaines de millions de morts, les "patients zéro" (très nombreux: pas des foyers isolés) étant tous fumeurs. L'analyse des cigarettes montra que c'était le papier-filtre qui était contaminé avec des micro-nodules conservant le méningocoque plusieurs semaines, libéré au moment de l'inhalation de fumée chaude à travers le filtre, la chaleur faisant fondre la cire protectrice. Ceci sur fond de montée persistante du chômage en raison de la perte des parts de marché (y compris intérieur, maintenant) dans les "hautes technologies" et du ralentissement économique global dû à l'augmentation massive du coût des produits pétroliers, en raison de la chute du dollar, effet qui dépassait en handicap le regain de compétitivité relative qu'avait donné à certains secteurs économiques (ceux ayant un faible contenu énergétique dans le prix de leurs produits) le dollar de plus en plus bas: sur le marché mondial, le travailleur américain était moins cher qu'autrefois, mais utilisait une énergie bien plus chère, tout en restant lui-même trop cher par rapport au travailleur chinois, indien ou centrafricain. La République Malthusienne Centrafricaine disposait, de plus, des immigrés clandestins condamnés aux travaux forcés, qu'il suffisait donc de nourrir et de loger sommairement pour douze à quatorze heures de travail intensif par jour, avec "stimulation" électrique en cas de manque de zèle.
. L'hécatombe provoquée par la méningite neusocomiale utilisant comme vecteur les cigarettes (et ne tuant pas que des fumeurs: ils avaient souvent eu le temps de la transmettre alentours) vint donc à point nommé pour réduire le chômage américain, en délestant le pays d'effectifs qu'il n'aurait pas pu utiliser (si le mort avait un emploi, ça le libérait pour un chômeur, puisque désormais là-bas aussi il y avait bien plus de demandeurs d'emplois qualifiés que de postes disponibles nécessitant ces qualifications), et aussi pour baisser un peu son déficit commercial: un mort cessait de consommer, donc de dégrader la balance commerciale.

. Stéphane joua à distance quelques scènes d'Alvéole 75, de même que d'autres acteurs non disponibles en France à ce moment. Il continuait aussi à travailler sur la robotique et le matériel de Gamma pour les parties ne l'utilisant pas comme acteur et qui donc pouvait être tournées après la sessions de septembre. Du matériel supplémentaire était disponible chez VTPSF: ce que Thorgård venait visiter et aurait à toucher directement (sinon on pouvait tricher entièrement) après en avoir décidé la mise en oeuvre, en particulier les sous-marins à queue.

. On voyait plus rarement Thorgård dans cette partie de Gamma, les combats au sol (front de l'Est, surtout), en mer et aériens occupant l'essentiel de 1944 et 1945. L'issue du conflit restait incertaine en raison de revers important subis de part et d'autres. Le préalable au débarquement étant d'avoir éliminé le péril sous-marin, celui-ci n'avait pas lieu, l'intervention alliée se portant donc entièrement sur les bombardements, handicapés toutefois par les frappes allemandes de précision sur les usines d'armements et "installations vitales" et dont la destruction donnait lieu à des vues cinématographiques spectaculaires, dont certaines, prises sur place par des espions allemands cachés dans la nature avoisinnante, étaient ensuite montrées aux actualités cinématographiques et même télévisées: Thorgård avait répandu la télévision (dans des établissements publics, casernes, hôpitaux, etc) bien au delà de ce qu'avait déjà fait Hitler.
. On assistait à la mise au point d'un second système de "visée par contraste", contre les attaques de jour, concurrent de celui de l'oeil de mouche. Une version plus simple avait réellement été utilisée dans l'intercepteur-fusée Me163, pour déclencher du tir vertical (sorte d'orgue de Staline miniature) par cellule photo-électrique en passant sous un avion ennemi. Celui de Gamma était plus précis: son principe était deux lentilles cylindriques à angle droit arrosant chacune une série de cellules photoélectriques (posemètres), le tout étant lu par un collecteur rotatif associé à un comparateur (un condensateur suffisant comme mémoire de "signal le plus faible" lors de ces balayages) repérant en X comme en Y la bande la plus sombre, donc contenant un avion (ou plusieurs, de loin) et permettant de l'orienter. Ce dispositif était même plus simple électroniquement que l'acoustique qui supposait plusieurs filtres résonnants et des diodes (lampes) redresseuses pour pouvoir comparer ces résonnances. Le signal visuel, lui, était directement continu. Ce système permettait à un avion (un Heinkel 111, par exemple) de ne pas avoir besoin de rejoindre l'escadrille américaine pour envoyer les roquettes: il suffisait qu'au lancement, il y ait déjà un point plus sombre dans le ciel dans la zone de balayage pour que la roquette le suive. Au début, cette zone sombre contenait plusieurs avions diminuant l'illumination d'une seule cellule, puis en s'en rapprochant les minima se séparaient. Le système de récolte restait sur le plus sombre (supposé le plus proche, car opacifiant une plus grande portion de ciel, ce qui avait aussi comme effet, à distance comparable, de faire préférer les bombardiers aux chasseurs) et touchait l'avion "quelque part", souvent à la croisée des ailes et du fuselage puisque c'était en "regardant" cette zone que l'affaiblissement lumineux était maximal. Au début, les Américains (à bord des avions non touchés) pensaient que le pilote allemand (resté loin sous eux, trop loin pour être visé à la mitrailleuse depuis une tourelle) avait juste bien visé, au moment de son cabrage pour lancer les roquettes. Ce procédé ne pouvait fonctionner de haut en bas (à moins que l'avion fît un contraste d'intensité lumineuse important par rapport à un sol à peu près uni, sinon une tache au sol aurait aussi pu attirer la roquette), contrairement à l'attaque des bombardiers anglais par les roquettes acoustiques qui pouvaient être tirées de n'importe quelle position par rapport à la cible. Le procédé s'avéra aussi fonctionner pour envoyer des bombes volantes (conception proche du V1) vers des navires, s'ils se découpaient nettement sur l'horizon, donc en pleine mer et de préférence par beau temps: le système était alors monodimensionnel (balayage droite-gauche) et ne s'enclenchait qu'après avoir parcouru assez de distance pour ne pas regarder en même temps des reflets causés par la mer. Un gyroscope stabilisait la visée pour ne balayer ni la mer, ni le ciel libre, mais juste l'horizon sur lequel allait se découper les navires. On trouvait sous ces bombes volantes la paire de petites torpilles à autonomie courte, destinée à frapper sous la ligne de flottaison tandis que la bombe volante, elle, visait les superstructures.
. L'Allemagne n'était pas encore capable d'en fabriquer assez pour anéantir une flotte de débarquement avant son arrivée en Europe, mais ces premières frappes "surgies de nulle part" firent forte impression sur les marins comme sur les pilotes d'avions. Personne n'avait vu de sous-marin: ni au téléscope, ni au radar, donc soit il avait tiré sans faire surface une arme surgissant de l'eau (les Allemands y travaillaient aussi, mais ce n'était pas encore au point car il fallait résister au choc de la traversée de l'eau tout en étant assez léger pour voler ensuite), soit il avait tiré de derrière l'horizon, en ayant été renseigné sur la position de l'escadre par un avion ou un hélicoptère. Dans les deux cas, il était impossible de riposter, faute de savoir où il était, et surtout, sachant qu'il était trop loin.
. Dans l'histoire réelle, des missiles anti-navires guidés à distance (mais supposant que le télépilote puisse voir la cible, donc ne pas être au delà de l'horizon) avaient été mis au point, assez tardivement, pour permettre une frappe assez lointaine et surtout beaucoup plus rapide qu'une torpille (donc difficilement évitable ou mitraillable à temps) depuis des sous-marins ou des vedettes d'attaques.

. Les tirs de roquettes par des bimoteurs allemands (pour en emporter bon nombre) d'un type assez banal (Ju 88, He111) restant hors de portée de mitraillage créaient le même sentiment d'impuissance. Des chasseurs quittant la formation s'étaient lancés à la poursuite de ces avions et avaient parfois réussi à en abattre quelques-uns, mais cela les éloignait fortement des bombardiers qu'ils étaient censés défendre, en plus de les faire descendre à portée de la DCA terrestre.

. L'utilisation de "porte-roquettes" radiocommandés non habités avait d'ailleurs vite résolu le problème, côté allemand. Une liaison radio transmettait à terre l'image grossière des deux balayages rotatifs effectués par les capteurs (plus détaillés) du porte-roquettes, pour déterminer le moment d'envoyer les roquettes. L'intérêt du système optique était que les explosions, bien plus lumineuses que les avions, avaient pour effet d'écarter de cette trajectoire les suivantes, puisque le système cherchait une baisse de luminosité pour localiser une cible. Si les Alliés avaient compris à temps comment ce système fonctionnait, ils auraient pu le leurrer en parachutant derrière eux de gros fumigènes produisant des nuages noirs plus massifs que les avions.

. Le Me 262 fut près (en nombre) avant cela, grâce à l'absence de débarquement ayant laissé plus de répit aux usines allemandes et aux bases situées en France. Cet avion très rapide pouvait se contenter de tirer des roquettes "toutes bêtes", comme il le fit dans la réalité (avec succès, mais engagé à bien trop peu d'exemplaires: une centaine seulement engagés en combat réel pour 1430 construits), mais dans ce film (où la France était encore occupée) en frappant ces cibles alliées lourdes et peu maniables peu après leur départ d'Angleterre.

. L'armistice américano-allemande était signée le 22 août 1944, consistant simplement à l'arrêt de toute hostilité de part et d'autre, et de toute aide (sous quelque forme qu'elle fût) à l'Angleterre, à la Russie ou à d'autres adversaires de l'Allemagne. Les Américains avaient déjà assez à faire avec les Japonais (les sous-marins allemands opérant sur la côte ouest américaine ayant détruit huit des porte-avions les plus modernes) pour laisser les Allemands en découdre avec l'URSS, l'opinion américaine ne souhaitant d'ailleurs la victoire ni de l'une, ni de l'autre: si l'Europe devenait communiste, elle cesserait d'être cliente des Etats-Unis et constituerait une superpuissance aux ambitions potentiellement inquiétantes. Si elle devenait nazie, on ne savait pas: les relations entre les Etats-Unis et l'Allemagne nazie n'étaient pas mauvaises, dans les années 30, de très grandes entreprises américaines n'ayant pas hésité à y investir. Exemple: rachat d'Opel par la GM, en 1935. Le retrait américain du conflit mit fin aux frappes allemandes sur des installations de grande valeur économique et industrielle en plein territoire américain et les GI partiellement démobilisés (il restait la guerre avec le Japon, toutefois) fournirent la main d'oeuvre pour commencer à les reconstruire.

. Staline, après avoir essuyé le même type de frappes de "désindustrialisation" et voyant que les Américains se retiraient du jeu signait à son tour un armistice (cèdant la Roumanie, brièvement occupée par l'Armée rouge mais aux prix d'énormes pertes) le 9 mars 1945. Récupérer la Roumanie était très important pour Thorgård, ce pays ayant du pétrole. Restait donc la bataille avec l'Angleterre, laquelle n'avait aucune intention de jeter l'éponge: quatre des six usines produisant les fuselages et ailes des Lancaster étaient en miettes mais deux continuaient, certaines astuces des armes allemandes avaient été comprises et des parades ou leurres commençaient à fonctionner, ainsi que les envois un à un d'avions volant bas sur des itinéraires différents, mais rapidement l'Angleterre se retrouva manquer de tout (à commencer par l'aluminium et le carburant, puis l'acier par destruction des hauts-fourneaux) et subir bien plus de bombardements qu'elle ne pouvait en opérer. Thorgård savait que bombarder les civils aboutissait uniquement à les faire choisir ou soutenir les dirigeants les plus vindicatifs, erreur commise d'ailleurs de part et d'autre, au début de cette guerre. Détruire les moyens indispensables à l'industrie militaire et créer des pénuries de tout avait l'effet inverse: les gens, tout en ayant été peu touchés eux-mêmes, comprenaient que leur pays ne pouvait pas gagner et que persévérer ne serait qu'un suicide pour l'honneur. Thorgård ne demandait pas l'annexion de la Grande-Bretagne, mais uniquement son désarmement et sa neutralisation: "nous n'avons envahi ni la Suisse ni la Suède. Vous pouvez rejoindre ce club et jouer le rôle de port indépendant entre l'Europe et les Etats-Unis". La "City" était pour, le peuple plutôt contre, en raison du long passé de puissance militaire de l'Angleterre, mais comment continuer une guerre sans métaux ni carburant ni électricité? Les Etats-Unis et le Canada respectaient le non-approvisionnement de l'Angleterre. Le statut proposé par Thorgård était tout de même plus enviable que celui de la France, rivale millénaire devenue une simple province italo-allemande à vocation agricole et touristique.
. Le scénario avait été remanié plusieurs fois pour que la victoire allemande restât difficile et fortement incertaine malgré l'avance technique: dans la réalité, on estimait qu'il aurait suffit d'un peu plus de temps (pas beaucoup plus) pour que les avions à réaction et les bombes volantes inversent le sort du conflit. En fait VTP commençait à regretter d'avoir utilisé les informations sur Elmeri Lokinen: le changement de priorités stratégiques (ne plus consacrer la moindre logistique à l'Holocauste, cesser de bombarder les villes pour viser les organes vitaux des économies et industries adverses) opéré par Thorgård aurait pu suffire à lui seul. Les prototypes d'Elmeri avaient existé, les archives russes le confirmant, mais Hitler n'y avait pas assez cru, ne donnant les moyens que pour la réalisation d'un petit groupe de prototypes. Des tergiversations sur le rôle du 262 avaient elles aussi fait perdre quelques mois. Ayant gagné la guerre (puisqu'il conservait les territoires conquis), Thorgård se réinvestissait plus dans les essais de prototypes et la diffusion des techniques modernes, à commencer par la télévision, utile à la fois pour la propagande et comme outil militaire: obtenir des images en temps réel depuis un avion ou un hélicoptère, voire un Zeppelin (qui pouvait monter plus haut que les avions de l'époque) était un avantage important, et plus encore si le dispositif devenait efficace aussi dans l'infrarouge. Il était certain que les autres pays y travaillaient aussi.
. L'année 1945 était parcourue assez vite, par le film, avec la mise en oeuvre des nouvelles techniques et grands travaux (l'arrêt de la guerre les permettant), finissant par l'explosion en vol du prototype supersonique conçu et testé par Thorgård à partir des travaux d'Horten.

. VTP savait que l'on dirait aussi que Gamma avait fait l'économie d'une reconstitution du Débarquement, côté frais de tournage, mais d'une part, cela n'eût pas posé de problème avec les techniques habituelles "maison", d'autre part il y avait des destructions de barrages et autres scènes spectaculaires que l'on ne voyait pas dans les films de guerre habituels. Les combats navals et aériens étaient filmés avec précision et sans réutiliser plusieurs fois les mêmes images comme cela se faisait souvent ailleurs. Le film étant vu aussi du point de vue de certains aviateurs alliés (surtout anglais), les intérieurs et caractéristiques techniques des avions étaient fidèlement restitués, ainsi que des choses que l'on montrait moins souvent, comme les ravages causés au fil du temps chez les opérateurs radars par l'émission intense de rayons X des grands tubes électroniques de forte puissance utilisés pour créer ces ondes.
. Le sous-titre, sur l'affiche, serait "qu'aurait changé l'assassinat d'Hitler?". Le public non averti supposerait un assassinat plus précoce, empêchant l'essort du nazisme, et non celui qui allait permettre à ce régime, redevenu purement rationnel et efficace, de gagner la guerre.

. Les ventes de la Donova 500 démarraient bien, dans beaucoup de pays. En France l'astuce pour payer moins de TVA était (comme l'avait déjà fait Kermanac'h) de vendre séparément les accus, d'autant plus légitimement que cette voiture pouvait rouler sans (ou en fait avec juste de quoi faire fonctionner le moteur qui servait de démarreur, puis de générateur puis de synchroniseur actif pour la boite de vitesse) ceux-ci étant moins taxés tout en constituant une part importante du prix. Les Russes avaient abandonné l'idée d'utiliser les Li-ion en raison d'une longévité insuffisante (indépendamment de l'utilisation, ce type d'accu se dégradait au bout d'environ quatre ans) et racheté (avant que le reste du monde s'y intéressât commercialement) une innovation... française qui rendait les accus Ni-Zn plus fiables qu'antérieurement: ces accus étaient plus lourds que ceux au lithium mais moins que les NiMH tout en étant moins chers à produire que ceux-ci (et même que les Ni-Cd), seuls les accus au plomb restant moins chers (mais fort lourds). Le zinc était un matériau abondant et facile à traiter. Chaque élément avait une tension de l'ordre de 1,65V au lieu de 1,2 (1,35 bien chargé) pour les Ni-Cd, d'où le gain de puissance massique.

. Stéphane eut l'occasion d'en conduire une en Finlande: celle que Viljami venait d'acheter, avec ses économies depuis longtemps. Il eût une impression de netteté et de modernité, dès que l'on s'installait au volant, au lieu de ces dessins de planches de bords mous, lourds et inutilement compliqués que l'on voyait dans trop de voitures depuis une dizaine d'années. Un grand volant à centre vide (un peu comme celui d'une DS, mais avec deux branches fines en V vers le bas), agréable au toucher, des vitesses au volant (comme dans une 504 ou une R16: petit, il avait eu l'occasion d'aller dans ces voitures-là) et le tableau de bord "jeu vidéo à écran très large" pouvant afficher les images des deux caméras: le "préviseur", déporté en haut à gauche de l'angle du pare-brise (sans dépasser de l'applomb du rétroviseur, et sur pivot souple anti-choc) et le rétroviseur de toit, idéal pour les manoeuvres en marche arrière. La ceinture en X était effectivement rassurante, en plus d'être facile à mettre et ôter d'une main ou de l'autre: ça allait plus vite avec les deux, mais un bouton permettait de faire en sorte que tant que la boucle n'était pas enclenchée, l'enrouleur n'enroulait pas, ce qui permettait de poser un des "brins" sur le ventre d'une seule main avant d'aller chercher l'autre. Ca se tendait (sans excès: classiquement) ensuite. Les ceintures étaient fixées au dossier, comme dans certains monospaces, et non à la carrosserie, de sorte que leur règlage par rapport au corps restait bon que l'on avançât ou reculât le siège.
. Quand il mit en route, il n'y eut aucun bruit, l'autonomie électrique étant suffisante quand Viljami lui avait passé le volant. Stéphane étant déjà habitué aux voitures électriques ne fut par surpris. Le moteur électrique avant pouvait recourir à la boite de vitesses pour augmenter le couple dans les démarrages difficiles (en côte et en charge), avant de rouler en prise en cinquième, ce qui était équivalent à ce que faisaient (tout le temps) ceux de l'arrière.
. Suspension effectivement aussi douce qu'annoncée, mais non équipée du dispositif "Viraplat" inversant le roulis de la CRT. Stéphane n'avait pas eu l'occasion de conduire de 2CV ni de R4, ces voitures étant déjà moins répandues quand il avait eu l'âge de conduire que dix ans plus tôt. Il n'était donc pas habitué aux suspensions donnant envie de sortir faire du rappel comme en dériveur (ou en side-car de compétition) mais qui, il le savait, perturbait beaucoup moins la tenue de route que ça n'en donnait l'impression, sauf par grand vent de travers ou en cas de charge excessive fixée sur une galerie. Viljami lui dit qu'il pouvait prendre les virages plus vite et qu'il était normal d'avoir un roulis important dans cette voiture, ceci malgré un centre de gravité plus bas que celui d'une R4 (voiture que Viljami avait déjà eu l'occasion de conduire, lui). Le bicylindre à plat refroidi par air aurait plutôt suggéré une comparaison avec la 2CV, et Viljami lui expliqua comment le mettre en route, un peu plus tard, pour vérifier qu'il n'était pas aussi bruyant que l'on aurait pu le craindre de ce type de moteur. Ca faisait un peu plus de bruit, de dehors, qu'un quatre cylindres refroidi par eau dans telle ou telle petite voiture concurrente, certes, mais à l'intérieur ça n'obligeait pas à mettre la radio fort pour l'écouter. Viljami mentionna qu'ils avaient pensé au danger pour certains animaux d'une voiture trop silencieuse en mode électrique et ajouté un petit haut-parleur piézo à ultrasons, qui permettait aux animaux d'entendre la voiture arriver comme une à moteur thermique, mais sans les déranger de plus loin que nécessaire. Ils se remirent à rouler à l'électricité pour savourer le silence de fonctionnement: juste le bruit des pneus, comme en roue libre.
. Stéphane, suite à cet essai (ils visitèrent divers lacs au nord du leur) eût la confirmation du sérieux technique et commercial de cette offensive russe: une voiture ne visant aucun prestique et se contentant de performances modestes (sauf quand on utilisait simultanément les deux énergies) simple et agréable à conduire, confortable, silencieuse, bien pensée et d'un dessin agréable évitant les lourdeurs, complications et maladresses de la mode des années 90 qui semblait vouloir ressusciter la laideur pataude des années 50 (nostalgie de la 403?). Le tableau de bord vidéo était bien abrité des reflets (la visière très souple tout en étant d'aspect anguleux revenant près du volant) et montrait tout de suite ses avantages: on y affichait en clair tout ce que l'on voulait, grâce à des boutons sous la surface de la jante souple du volant. La vidéo arrière occupait une partie (le tiers de la largeur, environ) de cet écran format 4/1 dès que l'on enclenchait la marche arrière, sans avoir à en faire la demande par une commande.
. Tout en étant fonctionnellement pensée, la Donova 500 n'était pas une voiture fade, moins encore ennuyeuse: l'univers AK y était omniprésent d'origine. Il manquait l'affichage "tête haute" dans le pare-brise, Donova ayant probabement estimé que le tableau de bord vidéo, en position classique, étant bien plus lisible et contrasté.
. Le régulateur de vitesse, de série, était en fait un limiteur programmable: la vitesse chutait dès que l'on levait le pied, mais ne dépassait pas ce que l'on avait "verrouillé" si on enfonçait l'accélérateur. Il fallait donc garder le pied sur le champignon pour rouler, ce qui était plus naturel et plus sûr, selon le constructeur russe. L'affichage de vitesse passait du vert au jaune quand le limiteur intervenait. Il suffisait de le déconnecter (un coup de bouton, ou un petit coup sec sur l'accélérateur après l'avoir brièvement relâché) pour accélérer plus (l'affichage de vitesse repassait en vert) et fixer éventuellement une autre limite. Pour fixer une limite plus basse, il suffisait de lever le pied (sans commande ni manoeuvre au pied pour déconnecter) et relimiter (au doigt) à la nouvelle vitesse souhaitée. Le "préviseur" était réellement utile quand on se trouvait derrière un camion, surtout quand on ne souhaitait pas passer en mode thermique pour doubler, donc où l'on ne disposait que de la cavalerie électrique, fournissant une accélération un peu meilleure qu'au thermique seul, mais néanmoins modeste.
. Il discutèrent voitures, Viljami étant fort intéressé par les histoires d'Audi 100 et comprenait maintenant pourquoi il y en avait une dans le voyage en Suède raté vers le début de Kergatoëc.
. Viljami ne parlait pas un finnois aussi littéraire que Leo, mais c'était suffisant comme exercice d'entretien à la conversation pour Stéphane. De plus, il arrivait parfois à Stéphane de parler le premier, alors qu'il ne l'avait jamais fait avec Leo. La mise au point des mécanimaux (Viljami y participant aussi, ayant été pris chez VTPSF au moins autant comme technicien que comme acteur) se fit donc dans moins de silence que ce n'eût été le cas avec un Finlandais "lambda", tout en ne parlant que de la technique elle-même et sans dire autant de mots que l'eussent fait des techniciens de bureau d'études français.

. Stéphane eût aussi l'occasion d'étudier, à distance chez BFR, les travaux de culture verticale hors sol (avec une sorte de mousse commestible poussant sur les murs) et la biosynthèse de carburants à partir de résidus divers, grâce à des bactéries OGM capables de transformer tel ou tel type de déchet carbonné (papier, déchets végétaux, pelures...) en gaz combustible et en une sorte de résine fluide qui l'était aussi.

. S'étant entraîné quasi-quotidiennement au simulateur de ski, il partit (en train, via le tunnel) en Suède pour vérifier (en se rapprochant de la Norvège on trouvait un relief montagneux skiable) si ça marcherait aussi en vrai. Il avait appris en version parabolique (plus naturelle d'usage) puis "à l'ancienne", nécessitant le dérappage contrôlé qui jadis tenait en échec un pourcentage important de ceux qui tentaient d'apprendre à skier moins "scolairement" qu'avec le virage en chasse-neige. Equipé pour le ski, il faisait aussi "Suédois du coin" que n'importe qui donc savait que personne ne prêterait attention à lui. De plus le suédois n'était pas parlé partout avec le même accent, et ceux qui allaient aux stations de ski n'étaient souvent pas des locaux, donc même oralement il n'attirerait pas l'attention. De plus, les Suédois non plus n'étaient pas bavards, quoique moins taciturnes que les Finlandais. Effectivement, personne ne lui prêta la moindre attention et il put tester sur divers types de pistes ce qu'il avait appris entièrement au simulateur: ça marchait, y compris le slalom sans toucher les portes (pas de niveau "championnat", mais déjà loin d'un simple amateur). Une journée de ski avait donc suffi pour tout tester et comparer: il pouvait donc revenir en Finlande dès ce soir pour continuer l'entraînement au simulateur, puisque maintenant il était sûr que ce fût réaliste et qu'il avait ajouté encore une compétence (suffisante pour le cinéma, sans prétendre battre des records) à son catalogue.

. 9 puis 12 décembre 2001: grande émotion chez VTP avec le lancement de ce que tout le monde pensait être un nouveau porte-avions nucléaire: "Le crépuscule de Rome", tellement attendu (en interne), pré-produit depuis longtemps par Tarsini et post-produit intensivement par VTP et Tarsini (l'entreprise) pour arriver à le livrer début décembre "sans rien bâcler". Aucune scène statique "économisatrice de décor" (le spectateur un tant soit peu compétent savait que s'il était fixe, ça ne coûtait rien par image supplémentaire, en virtuel), de l'action, de l'imprévu, de la tension, de l'emphase, de l'envolée, des complots, des meurtres, et de l'architecture, encore de l'architecture, toujours de l'architecture, puisque le "fil rouge" était la rivalité entre architectes et que c'était encore l'architecture qui mettait fin à la conquête du si brillant Sigbert. Les "figures imposées" y étaient: orgies, vin bouilli dans des vases de plomb, essuyage des mains dans les cheveux des petits esclaves (robots, et non virtuels), gladiateurs, courses de chars, batailles navales (en petit, comme spectacle dans le Colisée transformé en lac, et en grand, comme origine de deux des gladiateurs, un peu comme dans Ben Hur mais en bien plus bref), sénateurs corrompus, empereur décadent, et le péril qui se précisait, dehors, après les premières vagues d'assauts qui avaient pu être vaincues. Au début il était marqué "Saverio Tarsini & Kerfilm présentent", et non "Kerfilm" comme d'habitude.
. Il se chuchotait que si "Le Crépuscule de Rome" ne faisait pas au moins cent millions d'entrées en un an, Tarsini se jeterait du haut de sa tour.

. Le démarrage du "Crépuscule de Rome" était bon, mais inférieur, sur une semaine, à celui de "Drakkars et dragons". VTP avait sorti beaucoup de films cet année, mais c'était aussi le cas en 2000, avant Drakkar et Dragons lancé lui aussi début décembre.

. Erwann put donc enfin voir LE film de Saverio Tarsini: il ne connaissait que la partie dans laquelle il avait joué (la fin, et encore: pas tout) et quelques scènes pour lesquelles il avait participé à la mise au point des mécanimaux. Le film lui sembla effectivement somptueux de présence architecturale, d'action, et sans laisser bien le temps d'apprécier tout ce que Tarsini avait mis dedans, tellement il se passait de choses, dans un tel scénario. Ca restait facile à suivre, mais très nourrissant: du pur "Kerfilm". Il n'eut pas le temps de se demander qui jouait quoi, ce qui était bon signe: il buvait l'histoire jusqu'à plus soif. Son propre rôle s'y intégrait tout autant, tout en venant semer la pagaille et le carnage sur son passage. Erwann arrivait assez bien à se séparer comme spectateur et comme acteur (comme si c'était juste un autre Attéen qui était dans le film) dans les Kerfilm s'y prêtant le mieux, et dans celui-ci, même s'il n'y avait pas trois heures d'action "plein pot" (cela eût saturé l'essentiel du public: même Tarsini le savait) il y avait toujours des choses à voir partout, et pas juste ce qui se passait en premier plan. A voir, à revoir et à re-revoir pour y voir ce qu'il n'avait pas eu le temps de bien voir, pris par la découverte du scénario. Même "sa" partie semblait toute autre, car vue par d'autres caméras que dans ce que montrait à son intention le modèle virtuel pour travailler le rôle, en plus du décors et de bien d'autres personnages qui n'existaient pas sur le plateau de tournage. Il reverrait ce film plusieurs fois, mais pas coup sur coup: d'abord, il n'en avait pas le temps tout de suite, ensuite inutile de "décortiquer" dès maintenant l'impression de grande aventure à grand spectacle qu'il venait de déguster. Le réexamen serait pour bien plus tard. Ce qu'il constatait, c'était que ça marchait, ça portait, ça emportait, ceci bien qu'ayant joué dedans, donc pour le spectateur amateur appréciant déjà le style Kerfilm, il n'y avait aucun risque d'être déçu. Il y avait bien des choses en plus à travers l'action principale, il y avait même une l'émotion persistante bien qu'elle ne fût pas directement présente à l'image: les personnages faisaient surtout ce qu'ils avaient à faire, donc ça venait peut-être de Rome elle-même. Erwann ne chercha pas à comprendre: il se contentait de cette "longueur en bouche" de recette cinématographique réussie.

"Du gros péplum signé Tarsini: Rome comme si on y était, mais avec plein de constructions plus audacieuses en cours. Galères, gladiateurs, courses de chars, attaques par les barbares: sans prétendre suivre un épisode historique précis, ce film ne risque pas de décevoir les amateurs de superproductions Kerfilm".

"Rome, Rome, Rome, priorité à l'architecture comme souvent avec Tarsini, mais les personnages ne sont pas oubliés pour autant, et vous n'aurez que l'embarras du choix tellement ce film vous en propose. De l'action, du grandiose, du saississant: arrêtez, n'en jetez plus, le Colisée est plein!"

. Des critiques moins favorables, aussi:
"Très gros, très long, très cher, très prétentieux, Le crépuscule de Rome ne prend aucun risque en mettant la dose maximale de recettes "Kerfilm" sans le moindre soucis de vraissemblance historique. Peu importe: les fans de Vittorio Cario iront forcément le voir, et au cas où ça ne suffirait pas, VTP y a rajouté de l'héroïc fantaisy servie à la louche par Erwann d'Ambert. Saluons toutefois un travail infographique remarquable de reconstitution de la Rome antique jusque dans ses moindres ruelles".

. En interne, VTP estima qu'Erwann avait été excellent "et même au delà" dans le rôle de Sigbert (il n'avait pourtant fait que suivre sur des rails le modèle virtuel de jeu, comme toujours. Avaient-ils cru qu'il n'y parviendrait pas, ou qu'une telle fidélité d'exécution manquerait de naturel, ou avaient-ils été surpris par le "rendu" en tournage réel de leur projet initial? Erwann pensait juste que le rôle avait été bien pensé par les préréalisateurs, en ne l'employant pas uniquement comme machine à découdre bien que le scénario pût y inciter) et qu'il fallait s'en resservir dans ce type de rôle même si Alexandre apprenait entretemps à le faire aussi, tout en évitant d'avoir l'air de refaire du thé avec le même sachet.

. Geoffroy Ferral s'entraînait assidûement avec le simulateur (de plus en plus fidèle) de VTP22, qui permettait de prendre des risques expérimentaux sans risque réel de se blesser sur mauvaise chute et aussi de réanalyser (bien mieux qu'avec des vidéo) les causes de mauvaise exécution de ceci ou cela: à quel moment (non encore visible en vidéo) ce n'était déjà plus tout à fait sur les rails (amorce de déséquilibre ou position qui allait ensuite devenir un peu moins compatible avec la bonne exécution de la figure suivante) et surtout pourquoi. Il comprenait puis percevait mieux ses erreurs, même les "à la limite du détectable", là était la clef de ses progrès, en plus de pouvoir s'entraîner plus tout en se blessant moins, y compris les fatigues musculaires ou articulaires dont le système l'avertissait à temps, et sur lesquels il l'empêchait de forcer: la machine ne l'y accompagnait plus tant qu'il n'avait pas récupéré, elle ne lui permettrait que des formes d'entraînement n'aggravant pas ce début d'amorce de problème. Ferral savait que dans ce domaine, la fiabilité était essentielle: ce que l'on réussissait de si beau à l'entraînement ne vaudrait rien si on n'était pas à la fois en excellente condition physique et mentale pour le refaire devant un jury. On lui faisait aussi travailler des techniques de "lâcher prise", contre le trac. Il n'était déjà pas du tout nerveux d'origine, donc peu sensible au stress, mais en se distanciant un peu plus du problème la différence entre compétition réelle et entraînement pourrait encore diminuer.

. En 2002, il y aurait le "tournoi des quatre nations", au rinnepallo, et des législatives, en France. Les "affaires", l'impossibilité désormais de garder en attente un emploi dans le secteur public pendant un mandat électoral, la suppression de tout financement public des partis politiques et l'alignement du revenu des élus sur la médiane des revenus français avait tari les candidatures de politiciens "de carrière": on ne pouvait plus s'assurer des revenus confortables en devenant député: au contraire, les autres revenus étaient mis sous tutelle par la Caisse des Dépôts et Consignations, assurant que l'élu ne dispose que du revenu médian français pour les besoin de sa vie quotidienne, ce qui était selon l'ELR (qui avait instauré le système) la seule façon de ne pas déconnecter les élus de la réalité vécue par leurs électeurs. L'ELR avait fait des mécontents (médecins, par baisse du tarif des consultations, buralistes, avocats (par la généralisation du service public de conseil juridique à très bas prix, en grande partie par systèmes expert, grâce à la réécriture sans ambiguïté de tous les textes des codes civil et pénal), fonctionnaires (en particulier les ex-"régimes spéciaux", effacés d'un clic de souris y compris pour les retraites en cours), avec impossibilité désormais de cumuler statut "public" et droit de grêve, familles nombreuses, notaires, spéculateurs immobiliers, etc) mais encore plus de satisfaits dans le "peuple normal" d'avoir récupéré tout cet argent, en plus de la baisse du chômage, du coût du logement et plus généralement du coût "de base" de la vie, l'abandon de la répression "idéologique" de la vitesse, la création de droits référendaires défensifs municipaux contre l'installation de ceci ou cela (incinérateur, logements sociaux, extension d'aéroport, etc), la suppression de la redevance télé, de la part fixe des abonnements d'eau, de gaz, d'électricité et de téléphone (pour ceux qui n'étaient pas tout simplement passé au Lioubioutchaï), le droit individuel au temps choisi (réduction de temps de travail et de salaire du seul fait de l'employé), le droit au télétravail dès que l'entreprise ne pouvait pas prouver la nécessité d'une présence matérielle sur place (télétravail partiel ou total, selon le cas), les bons résultats du téléenseignement. Dans l'ambiance générale, la balance commerciale nettement excédentaire, le désendettement public en cours (excédent budgétaire par baisse forte des dépenses et non hausse des prélèvements), la lutte contre les nuissances sonores en tous genres, la baisse des prix des transports publics (par suppression des surcoûts liés aux anciens "statuts" de leurs employés), la suppression des grèves interruptrices de service dans ceux-ci ainsi que dans les autres services public, la simplification et l'explication en clair de toutes les démarches administrative, et, pour les sans enfants, l'accès sans condition de ressources au "CNS" et à la "CMU". La connaissance de crises économiques bien plus fortes dans la plupart des autres pays soulignait l'effet positif des réformes de l'ELR, pour anticonformistes (surtout par rapport aux "situations acquises" française) qu'elles fussent. L'ELR n'aurait pas forcément la majorité, avec le système de groupement par huit députés (groupes de circonscriptions) avec proportionnelle locale dans chacun de ces groupes, de façon à introduire de la proportionelle tout en conservant une origine locale des députés. Il fallait habiter depuis au moins cinq ans (en total de présence cumulée sur les dix dernières années) dans une circonscription pour pouvoir s'y présenter, ce qui supprimait toute possibilité de "parachutage". Il fallait cinq ans de résidence en continu, ou dix ans à raison à six mois par an, par exemple. De plus les circonscriptions avaient été redécoupées à surfaces à peu près constantes, et non par nombre d'habitants (qui toutefois ne devait pas être moins du quart de l'effectif moyen constaté, sinon on devait aggrandir), ce qui diminuait le poids des villes. La proportionnelle était locale, elle ne dépendait pas de la notion de parti, mais de la participation à une liste locale de huit.

. La France finit l'année 2001 avec encore 1,4 millions d'habitants en moins (le suicide restant très pratiqué, tant il était facile d'accès), soit 44,4 millions, et un excédent commercial de 114 milliards d'euros, malgré la chute des commandes d'avions et des exportations automobiles. Erwann songea que dans cet excédent commercial, il y avait aussi VTP et BFR: il contribuait donc visiblement à l'enrichissement de la France.

2002

. Il y avait maintenant des documentations sur Erwann (souvent réalisés sans VTP, en plus de sans le consulter), les plus sobres se contenant de lister sa filmographie, sans oublier ses débuts dans "Devine qui vient dîner ce soir" à 19 ans en août 1995. Une analyse du personnage allait plus loin: "Erwann d'Ambert n'existe qu'en virtuel, c'est une version plus poussée de leurs algoritmes de substitutions de personnages, et dire qu'il réside en Finlande est pratique pour éviter d'aller vérifier, d'autant plus qu'il ne doit pas être difficile de lui trouver un sosie crédible dans ce pays". Il était plus facile de créer un "site" directement dans le format Lioubioutchaï que via les protocoles comme "FTP" et "HTML" d'internet, ça marchait mieux et ça revenait beaucoup moins cher, achat de l'équipement inclus. Ceci avait fait retomber comme un soufflet l'engouement naissant pour l'internet en France en 1997, où il fallait être un mordu de configuration réseau pour l'utiliser, alors qu'avec le Lioubioutchaï c'était encore plus simple que le Minitel, avec le gros avantage de pouvoir envoyer directement quelque chose à quelqu'un, qui n'avait pas à se "connecter" pour savoir s'il y avait du "courrier" ou non: c'était aussi direct qu'une télécopie, sauf que l'on pouvait y mettre n'importe quel type de données, et pas juste de l'imprimable.
. L'impossibilité de tout rétrotraçage de l'origine faisait que tout y était possible et que rien n'y était censurable. Il eût fallu que l'auteur donnât des infos sur lui (directes ou indirectes) pour pouvoir engager une action. Ceci avait permis le réemploi illimité d'images extraites de films ou de matchs de rinnepallo (car il n'y en avait pas d'autres en circulation: ce n'était pas une cible rentable pour les paparazzi: une photo volée n'eût rien appris sur un personnage qui n'était pas une "star", en plus, et avec une qualité d'image très inférieure à celle que l'on pouvait extraire d'un film ou d'une oeuvre télévisée) et de raconter n'importe quoi sans aucun contrôle possible. Erwann d'Ambert n'était qu'une cible lointaine du domaine "people" (car il fallait "leur avoir donné à manger pour leur donner faim", comme lui avait expliqué VTP: "c'est comme les drogues: l'essentiel est de ne pas commencer") et ses fans avaient créé bien plus de sites se concentrant sur les films, sur le fait que l'acteur aimait les chats, qu'il travaillait aux "chairs artificielles" chez BFR (ce n'était pas un secret, bien que non mentionné par VTP) et sur la Finlande, pays lointain, froid et mystérieux. Les sites sur le rinnepalliste uniquement étaient rares, en général il était aussi question de l'acteur, voire de l'ingénieur en détaillant les techniques "de film de SF" utilisées pour optimiser l'entraînement. Aymrald se rendit compte que son public tendait souvent à le supposer plus intelligent qu'il ne l'était (certes, il était entré à Centrale Dinard à 17 ans, mais pour autant, "surdoué" ou "génie" étaient hors sujet), surtout quand était mentionné que BFR lui avait confié la modernisation de sa plus grosse usine en Finlande. C'était la plus grosse usine finlandaise de BFR (et pour cause: c'était la seule), mais c'était une petite usine par rapport aux habitudes du groupe agro-alimentaire. Flavia estimait même qu'à "être bon partout" il pouvait manquer de charme par rapport à quelqu'un qui aurait été simplement acteur, ou simplement rinnepalliste, même s'il n'était que modérément médiatisé au total: pour avoir de "l'actu" sur lui, il fallait suivre le rinnepallo.

. C'était surtout via ses rôles dans "Les miroirs du temps" ou "Drakkars et dragons" que le grand public le connaissait, VTP semblait l'avoir prévu car c'était peu après la sortie du film, en décembre 2000 (donc avant qu'il ne fît des centaines de millions d'entrées) qu'ils avaient sorti la publicité (tournée en même temps que le film, dans ses décors) pour le Saumonix.

. Une publicité brève et peu diffusée (pas plus de dix fois en tout sur chaque chaîne, tout en la mettant sur beaucoup de chaînes) et que ses fans tentaient de retrouver, n'ayant pas été là au bon moment (où n'ayant pas eu une K7 prête) pour l'enregistrer lors d'un de ses passages.
. Il y avait donc eu à ce jour deux publicités l'utilisant: celle-ci, la plus connue, et celle du tout début (avant même "Devine qui vient dîner ce soir") pour le "Minibleu", où l'on ne le voyait qu'un instant au début et vers la fin, parmi bien d'autres dont Zhao.
. Certains (et pas que chez VTP) s'étaient demandés si la pub "Saumonix" lancée peu après les débuts en salle du film n'étaient pas en même temps le prétexte pour montrer Erwann en Viking devant un drakkar, un fjord enneigé, etc, ce qui ne pouvait que faire faire la relation avec "Drakkars et dragons". Or VTP ne mettait jamais d'acteur en vedette sur ses affiches: la pub était-elle une façon de contourner ce principe en signalant "film de drakkars avec Erwann d'Ambert"?
. On pouvait objecter à cela que ce film n'en aurait vraiment pas eu besoin (contrairement aux "N voyages de Robert Trebor" sur lequel un petit coup de pouce publicitaire aurait peut-être mieux attiré l'attention), que le spot avait été peu diffusé et qu'il n'y avait par la suite eu aucune autre pub l'utilisant, que ce fût à l'occasion de la sortie d'un film ou non.

. Ces sites s'intéressaient aussi à Atte, pour la plupart, ou indiquaient des sites qui en parlaient. Il y avait beaucoup plus d'émotion dans les documents consacrés à Atte, surtout en français. Il existait plus de documents sur lui en finnois, mais dans un style froidement informatif, la plupart du temps: dans ce média aussi, les Finlandais restaient sobrement finlandais, adolescentes incluses. Quoique moins qu'à l'oral, constata Erwann: l'anonymat permettait-il de jeter le masque "froidement trop bien élevé" pour devenir un peu plus vivant, ou tapaient-elles cela après avoir un peu bu? Impossible de le savoir.
. Le débit du système Lioubioutchaï 2, bien que supérieur à celui de l'internet par téléphone (en plus d'être gratuit et plus fiable, puisque conçu pour s'accomoder des interruptions de transmission sans tout recommencer) ne permettait pas de "télécharger" de la vidéo de bonne qualité. Il fallait se contenter d'une résolution modeste, sur quelques minutes, et ne pas le faire souvent, sous peine de reculer fortement sa priorité d'accès, donc d'avoir encore plus de mal à transmettre de telles données. L'appareillage Lioubioutchaï 3, encombrant et coûteux le permettait, mais il n'était pas encore très répandu chez les particuliers, en raison de ce coût destiné à financer le débit satellitaire à ajouter pour que l'entrée d'un nouvel utilisateur fût compensée. Les puces optoélectroniques parallèles complexes, comportant des étages analogiques, piégées en cas de tentative d'exploration (qu'elle fût électrique, fréquentielle, X, ultrasons, etc) rendaient énigmatique la réalisation d'une contrefaçon: il eût pour cela fallu comprendre comment l'appareil se callait sur le réseau et savait à quel instant vers quels satellites envoyer quoi et sur quelles fréquences, or pour comprendre, l'algoritme, il eût fallu pouvoir explorer les puces: ne constater que les effets externes serait revenu à tenter de reconstituer à l'écran la pensée (ou le rêve, dans le sommeil) de quelqu'un rien qu'avec un relevé d'encéphalogrammes.
. A terme, si ce système devenait moins cher à l'achat (ça dépendait du coût de la puissance de retransmission mise en orbite, et non de l'appareil lui-même, AK y appliquant les bénéfices nécessaires à la maintenance et au développement du réseau spatial), les films circuleraient ainsi et ceci tarirait le marché de l'après-lancement. Erwann ne pourrait donc pas compter sur le pourcentage d'intéressement aux droits de rediffusion télévisée ou sur autres supports pour ses vieux jours, mais comme Huntington lui disait qu'il n'en aurait pas (de vieux jours), ce n'était pas grave. Simplement, VTP allait hésiter, dans le futur, à investir lourdement (quoique beaucoup moins que les Américains, à résultat à l'écran comparable) pour des films dont la durée commerciale serait très inférieure à la durée de recirculation gratuite. Ce phénomène toucherait encore plus fortement Hollywood, vu ses coûts de production et les cachets "pharaoniques" de ses acteurs les plus connus, restant hors de prix (pour une production européenne) malgré la chute du dollar.

. Pour les chansons, c'était un autre phénomène qui circulait: les versions "reconstructibles". Des imitations assez fidèles, reconstruites en studio (parfois par des amateurs talentueux) qui pouvaient ainsi circuler sous forme de fichiers Midi (pour la musique, ce qui prenait environ mille fois moins de place que de l'enregistrer en vrai, tout en obtenant exactement la qualité d'origine... de la reprise, puisque déjà construite ainsi) et de synhtèse vocale réaliste, stockant plus d'informations que pour la communication vocale par le Lioubioutchaï, mais là aussi incomparablement moins qu'un enregistrement (même en compression avec perte).
. On n'avait ainsi besoin que d'une centaine de K pour transmettre l'équivalent d'une soixantaine de Mo en pleine qualité CD.
. Ce procédé ne pouvait pas travailler directement à partir d'un enregistrement existant: il fallait l'analyser (par quelqu'un qui en fût capable à l'oreille), pour séparer la voix et chaque instrument, puis l'imiter de façon à avoir, cette fois, le "source": les partitions, les effets spéciaux à leur appliquer ensuite (arrangements, etc) et la même chose pour la ou les voix.

. Pour faire de même pour les films, il eût fallu reconstituer tout en virtuel en essayant de deviner comment VTP s'y était pris (or il manquait énormément d'informations, à l'image: tout ce qui n'était pas visible sous ces angles de prise de vue à cet instant mais était bel et bien défini dans les données à partir desquelles on fabriquait n'importe quelle image de n'importe quel ensemble d'entités du film), mais en plus, il eût fallu, à l'arrivée, une informatique aussi puissante pour refaire les images, incomparablement plus gloutonnes en puissance graphique, pour le réalisme obtenu, que celles d'un jeu vidéo.

. Il fallait donc se contenter de faire de l'analyse et compression 2D des paires d'images, en économisant par détection des "reprises/déformations" de portions de la précédente, etc, ce qui permettait de gagner de la place mais restait bien trop encombrant (à moins d'une non-qualité d'image dissuasive) pour envoyer de longues portions d'un film par le Lioubioutchaï 2. C'était possible, en définition télévision (625 lignes) par le Lioubioutchaï 3: environ cinq heures de transmission pour une heure d'enregistrement, ou 1h15 en se contenant d'une demi-définition, comme celle des magnétoscopes.

. Début janvier, en plus de participer à quelques autres scènes d'Alvéole 75, Erwan joua (une semaine, le tournage humain étant limité par rapport aux prises de vues de véhicules en action) dans Otaké, avec Zhao, Romain, Vittorio: les "valeurs sûres" maison, ainsi que Manfred et bien d'autres. On y verrait le "nouveau": Alexandre Fresnel, dans un rôle bref (vite tué) encore pas trop exigeant (fort peu de risque d'avoir à refaire la scène) après s'être déjà longuement entraîné à ce type de scènes, au simulateur et en "machine à retour d'effort", et Iivu, qui avait déjà l'expérience des rôles d'action pour VTPSF.

. Otaké donc "Au taquet", phonétiquement: une histoire de tuning et de courses sauvages la nuit, entre compétiteurs ou contre la police. Le public serait gavé de poursuites, carambolages et cascades pendant deux heures, en mêlant pilotage réel, pilotage automatisé (pour garantir l'exactitude des angles et vitesses d'impact ou des courbes d'envol) et virtuel pour casser plus de véhicules (et en meilleur état initial) que la production n'en achèterait réellement (comme dans "Torx"), et "ne pas cacher la pauvreté des trucages derrière de grandes boules de feu" comme ça se faisait trop souvent ailleurs. Dans ce film, on ne prétendait pas pouvoir voler une voiture en bidouillant des fils: c'était le vol au camion (treuil et plan incliné) ou à la "palette": une sorte de planche à roulettes large à roues robustes, glissée sous la voiture à voler, la soulevant hydrauliquement et permettant de la remorquer avec une autre (souvent un gros 4x4), une barre pourvue d'une paire de roulettes non orientables, dépassant de part et d'autre, étant glissée sous l'arrière pour l'isoler aussi du sol. Une des autres sources de voitures volées était une fourrière zelée.

. Erwann put découvrir un nouvel Attéen de VTP: Derek Nieverk, trouvé en Hollande fin octobre via deux photos publicitaires dans lesquelles il était utilisé pour sa ressemblance avec Atte. 22 ans, 1m84, cheveux tondus en "paillasson". Pour les traits, il était quelque part entre Mika et Viljami, donc bien assez attéen. Pour le corps: bonnes proportions attéennes mais avec de la musculation "vite faite mal faite" (selon VTP), plus apparente que fonctionnelle. Le réentraînement allait répartir tout ceci plus efficacement, et lui faire gagner tant en rapidité qu'en endurance, quitte à sacrifier un peu les efforts statiques. Autre problème à résoudre: une myopie moyenne (-2,5) et opérable, ce qui avait été fait fin novembre, lui interdisant (pour ne prendre aucun risque) les rôles d'action jusqu'à la fin de l'année. Erwann songea que le créneau attéen devait beaucoup leur manquer pour engager quelqu'un nécessitant des travaux et devant suivre un programme d'exercices assidu pour être à peu près à niveau. La raison de le prendre malgré ces bémols était que ce qui n'aurait pas facilement été réparable ou corrigeable était tout à fait attéen, qu'il avait un caractère stable et une bonne mémoire des gestes que l'entraînement "scientifique" de VTP allait encore améliorer. Une fois qu'il serait suffisamment entraîné, VTP disposerait ainsi de deux Attéens résidents: Derek et Knut, et pourrait en emprunter trois autres à VTPSF selon les roles: Erwann, Viljami et parfois Mika. VTP demanda à Romain (pourtant pas réputé "Monsieur muscle": en fait, on n'y pensait simplement pas) d'affronter Derek en "lutte non destructive", de façon à lui démontrer la différence entre muscles qui se montrent et muscles qui en remontrent à l'adversaire. Bien que moins lourd de 8kg, Romain gagna tout, y compris le "sumo" (faire sortir l'autre du cercle en le poussant, et non par une prise de renversement) et le bras de fer, difficilement avec le bras droit et bien plus facilement du gauche, le rinnepalliste s'entraînant de façon ambidextre. Derek objecta à son entraîneur (de la direction des rôles et acteurs) que Romain avait surtout une meilleure technique, mais pour le poussage et pour le bras de fer ça ne jouait pas.
. Même expérience avec Erwann, cette fois pour apprendre à Derek comment faire mieux. Ce garçon était sérieux, comprenait vite, et ne le prenait pas pour Erwann d'Ambert ou Aymrald Dambert mais pour un autre VTP chargé de travailler certaines aptitudes physiques avec lui: l'exercice pouvait aussi être utile à Erwann, car c'était moins compliqué que de mettre tout le harnachement du simulateur à retour d'effort, qui, de plus, donnait un toucher encore trop artificiel. Le simulateur restait utile pour ce qui aurait pu être réellement dangereux avec un adversaire humain, pour l'un ou pour l'autre. Y avait-il un peu d'homosensualité à apprécier cette lutte directe? Alors ça devait être le cas pour la plupart des pratiquants assidus des sports de contact maintenu (et pas juste frappé), supposa Erwann, donc ça n'engageait à rien. Cela pouvait aussi venir du souhait qu'il y ait un ressenti réel en face: raison pour laquelle il préférait jouer aux échecs avec Viljami que contre un logiciel (même calibré pour ne pas l'écraser systématiquement), bien que là il n'y eût aucun contact entre eux.
. En fait Erik l'imitait, considérant Erwann comme le modèle à suivre pour passer à des tournages plus intéressants. Ils parlaient peu, puisque ces exercices étaient physiques. Erik apprit assez vite à "instinctiver" les perceptions obtenues via l'exosquelette à retour d'effort: il n'était pas possible de s'entraîner en vrai au combat à l'épée où à la hache avec Erwann car même avec des armes non tranchantes, leur masse, indispensable à l'exercice, aurait causé des échymoses voire même des fractures lors des impacts, et s'il fallait retenir un peu les coups ça n'avait plus le moindre intérêt, en plus de manquer de réalisme à l'image: les combattants des films de VTP cognaient réellement comme des brutes, car à ce moment ce n'était pas un acteur humain qui recevait le coup, mais une imitation robotisée. Ca simplifiait aussi la production "temps réel" des blessures, en particulier les amputations. L'effet était aussi bien meilleur que de frapper dans le vide: il y avait bien un choc au bon endroit avec la bonne résistance à l'impact. De là venait l'impression "matérielle" de ces films, et par conparaison on découvrait l'insuffisance de "rendu" de ceux qui n'étaient pas tournés ainsi. VTP n'avait pas tout inventé dans ce domaine, des fausses têtes, faux corps, etc, étant déjà utilisés ailleurs pour de telles scènes, mais l'avait systématisé et industrialisé au point que la préparation n'était pas tellement plus longue (voire plus courte) que de faire apprendre cette portion du rôle à un acteur humain parfaitement synchro.
. VTP avait aussi mis Derek au rinnepallo (entraînement seulement, suite à l'opération de la vue), sans ambition de l'intégrer dans l'équipe principale de VTP22, mais parce que c'était un exercice efficace pour la gestion d'équilibre et l'anticipation de trajectoires dans les films d'action. Il n'était utilisé comme élément décoratif de série télévisée qu'en phase de rôdage (histoire de le rentabiliser tout de suite): ce n'était pas sa destinée, espérait la direction des rôles et acteurs, car VTP avait trop peu d'Attéens pour en faire des plantes d'appartements: pour ça, un faux Derek (et pas trop cher à construire, en plus) suffirait, dès que le vrai aurait atteint une agilité et une "mémoire trajectorielle" suffisantes. Il pouvait garder les cheveux si courts tant qu'il était utilisé dans des séries "pas difficiles": selon VTP cet effet n'était intéressant que si le personnage était souvent vu de près et plus encore si une actrice y passait la main. Ensuite, quand il passerait à des rôles plus remuants on l'utilisait en brosse, en "court touffu" et autres modèles à effet "sculpté" perceptible de plus loin.
. Derek s'accommodait de ce "rôdage" comme garçon-objet dans des séries pour collégiennes et même de l'autoparodie où on le voyait faire de la musculation puis s'admirer dans un angle de glaces murales: bien que ne présentant pas le rapport puissance/poids optimal pour les scènes d'action arcobatiques, ce physique (qui n'était pas excessif non plus) rendait bien à l'image et plairait aux jeunes filles (ainsi qu'à une partie du public masculin): autant l'utiliser ainsi dans ces séries où il n'aurait rien de difficile à faire. VTP savait que l'on n'en ferait pas un clône mental d'Atte (pour ça, il eût fallu pouvoir le faire travailler avec Atte du vivant de celui-ci, à voir comme il s'adaptait vite à Erwann), le Finlandais étant inimitable, mais qu'il occupait une case attéenne manquante. Plus tard on pouvait, vu ses progrès déjà perceptibles, espérer l'utiliser dans des rôles d'une difficulté technique intermédiaires entre ceux de Knut (ou Viljami) et d'Erwann. L'économie de post-traitement infographique par rapport à ratiboiser virtuellement Knut ou Erwann dans des rôles où l'acteur serait souvent vu à l'écran n'était pas négligeable non plus: cette technique marchait, mais pour être indétectable à l'écran elle était gloutonne en temps de retraitement.

. Aymrald ne participait plus à l'aide technique du Dynamo de Dinan, tout ayant été rôdé, assimilé et perfectionné entretemps avec leurs propres ingénieurs (dont certains étaient des joueurs). Les techniques de plaquage synchonisées au cycle d'appuis (tant en course que pendant un changement de direction: "débordement") de la cible avaient encore progressé (la plupart des joueurs les maîtrisaient maintenant comme des cascadeurs), avec l'aide des reconstitutions infographiques, ce qui permettait à Dinan d'augmenter son efficacité en défense sans y consacrer plus de joueurs ni leur faire commettre plus de fautes (celles-ci restaient rares, bien plus que dans les autres clubs français). De plus, c'était un atout pour l'entraînement en conditions réelles car ces techniques basées sur la gestion du déséquilibre au bon instant n'induisaient pas de chocs excessifs (même légaux) pour l'un ni l'autre joueur. Il n'était donc pas nécessaire de tricher. Le "rugby industriel" fut parfois aussi appelé "rugby japonais" à cause de ces techniques de plaquage de précision (souvent spectaculaires, en même temps) dérivées des arts martiaux, en plus du recours intensifs aux technologies avancées pour l'entraînement puis le "dépouillement" action par action des matchs réellement joués. Un pourcentage de temps de jeu suffisant fut attribué à Valéry Noguet comme 2 (au lieu de 6) dans des matchs où la première ligne adverse n'était pas "trop inquiétante", de façon à avoir deux joueurs réellement expérimentés à ce poste, Fritz Krüger restant toutefois le plus utilisé. Soit Noguet entrait comme remplaçant (quand le début de match avait montré que c'était jouable), soit ils étaient tous deux présents mais échangés (2<>6), l'idée étant aussi de pouvoir dire que Dinan disposait d'un bon talonneur français au cas où la sélection nationale y eût pensé (peu probable, mais à tout hasard). Là aussi, la robotique avait permis d'optimiser les techniques spécifiques à ce poste, en plus du fait que le lancer en touche (dans l'équipe de Dinan) n'en faisait pas partie, d'où un temps d'entraînement supplémentaire de disponible en tant que talonneurs non lanceurs. Toutefois Noguet, puisqu'il jouait moins souvent que Krüger, fut sérieusement entraîné comme lanceur en touche lui aussi (les capteurs dans le ballon permettant de s'habituer à lancer juste en l'absence de toute cible visible et de savoir si le ballon était passé où il fallait au bon instant, et sous le bon angle de redescente) car dans une équipe de France, il aurait probablement eu à le faire.

. Il y avait maintenant un quatrième Allemand à Dinan, comme remplaçant de Le Manac'h. Pas un livreur de menhir façon Krüger: Karl Berger, 23 ans, 1m82, 84kg. Il s'était d'abord téléentraîné en Allemagne avec du matériel prêté par Dinan avant d'y venir en formation directe en octobre où depuis, il était remplaçant (essayé aussi comme 10, même s'il ne vallait pas "Johnny Deep" comme buteur, loin de là, mais il y avait d'autres buteurs disponibles et il y serait entraîné intensivement lui aussi), remplaçant qui serait donc utilisé pendant l'absence de Le Manac'h. Certains se demandèrent si l'Allemagne finirait par se faire une belle équipe nationale en plaçant des remplaçants peu à peu à tous les postes de celle de Dinan: le fait qu'il y eût déjà plusieurs allemands à bord (et titulaires, en plus) facilitait l'intégration des nouveaux. Il leur était d'ailleurs permis de communiquer entre eux en allemand pendant les matchs, si on était sûr que personne ne comprit "en temps réel" cette langue en face. En particulier dans les matchs contre les équipes anglophones. Toutefois, des termes finnois étaient aussi utilisés comme codes entre joueurs français ou étrangers de Dinan, en supposant que cette langue était inconnue des autres rubgymen.

. Erwann jouerait aussi avec l'équipe de rinnepallo de Dinan, au cours de ses tournages.

. L'île ingénieuse sortit le 13 puis le 16 janvier, un grand film de "civilisation parallèle" prenant donc un risque, même si l'ambiance vernienne du début, avec le dirigeable, plairait probablement à beaucoup, tout en continuant d'une toute autre façon que "La mémoire des glaces". "Les hordes" marchait correctement, comme de la bonne grosse HF de Kerfilm.

. Au championnat d'Europe 2002, à Lausanne, Ferral réussit les trois "quadruples" inscrits à son programme libre, dont une combinaison quadruple-triple dont le triple tournait en sens inverse, ce qui était original. Les autres figures n'avaient pas été négligées, dans cet entraînement optimisé assidu, en particulier tenir plus longtemps des pirouettes plus rapides qu'il n'avait su le faire à ce jour, ainsi que la gestion des postures dans les parties plus calmes pour les animer plus, puis placer le dernier quadruple juste avant la longue pirouette finale. ut ceci marchait fort bien de sorte que bien que n'ayant obtenu que la 19ème place au programme court il réussit à remonter à la quatrième à l'issue du libre dans lequel il avait obtenu le meilleur score. Ferral regrettait d'ailleurs que des figures plus acrobatiques (comme le saut périlleux arrière, qu'il savait faire en patinage acrobatique) ne fussent plus autorisées, car le simulateur était l'idéal pour s'y perfectionner. La pirouette finale, si longue et si rapide, avait permis d'allumer les diodes rouges et vertes incluses dans le tissage de son costume "manga" (à dominante de noir, de violet et quelques lignes rouge vif drapées ça et là), en changeant de motif au moment où il changeait de position ce qui donnait l'impression d'une transformation encore plus importante de la "scuplture tournante" humaine ainsi obtenue. Certaines lignes de DEL se décalaient à chaque tour (sur quatre phases), donnait l'impression d'un vissage (ou dévissage) alors qu'à ce moment la position du corps ne variait pas. Un effet gardé pour la fin et uniquement si tout s'était bien passé, sinon il n'aurait pas mis le courant. L'électricité était fournie par effet Pelletier inverse dans les semelles internes, par la différence de température entre les pieds et l'extérieur (via les patins), ce qui marchait d'autant mieux dans une patinoire. VTP avait vérifié que rien de l'interdisait dans le règlement et avait estimé que cette fantaisie lumineuse n'agacerait pas les juges si on ne l'utilisait que tout à la fin, et non en cours de programme. A part ça, la tenue de Ferral était dans l'honnête moyenne (entre fantaisie et sobriété) de ce que l'on voyait sur les autres.
. Selon VTP, l'une des qualité de Ferral était d'avoir peu d'égo et de ne pas se préoccuper des performances des autres, ou seulement ensuite, pour s'en inspirer s'il y avait des éléments intéressants dans leurs programmes. il venait faire ce qu'il savait faire, cela suffirait ou non mais comme il n'avait pas la pression l'essentiel était surtout de ne pas faire le jour J d'erreurs qu'il ne commettait plus à l'entraînement, et non de faire mieux que tel ou tel. En réexaminant attentivement le programme imposé, son entraîneur estima qu'il avait été sous-noté ou les deux Russes sur-notés, mais il vallait mieux ne pas attirer son attention sur ce point car on n'y pouvait rien. A partir du moment où Ferral faisait correctement chaque élément de son programme, il n'aurait rien à se reprocher et le reste ne dépendrait pas de lui, mais de l'aptitude des autres à faire mieux, et (car il y en avait toujours) des incertitudes de notation. Jusqu'ici Ferral n'était pas prévu pour les Jeux Olympiques, mais au vu de ce qu'il venait de faire, et en réexaminant quelques prestations de cet automne puis de ce début d'hiver sur diverses patinoires françaises, on l'y ajouta. A Lausanne, il avait su conserver la précision d'une horloge suisse. Il prévint son entraîneur que maintenant que l'on attendait de lui qu'il fît au moins aussi bien qu'à Lausanne, il lui serait plus difficile d'y parvenir car c'était de ne pas y croire qui lui avait permis une exécution aussi sereine donc impeccable. On lui fit travailler encore plus les méthodes psychologiques de "lâcher prise" pour l'aider à tout oublier sauf ce qu'il y avait à faire en fonction de la musique: "ça doit devenir comme pour le gars qui va au boulot tous les jours avec deux changements de métro et qui ne se souvent même plus qu'il a passé les portillons, monté les escaliers et pris les bonnes correspondances alors que pourtant son ticket est bien revenu dans sa poche et qu'il est arrivé à l'heure". Le programme fut un peu modifié pour les J.O., avec un nouveau morceau composé par Millénium. La nouveauté serait le double quadruple, que Ferral passait déjà à l'entraînement mais qui n'était pas prévu (même en option) pour Lausanne car il ne fallait surtout pas tomber. VTP estimait que pour réussir son programme il n'était pas indispensable d'y voir, sauf pour éviter de se trouver manquer de place par rapport aux bords suite à la dérive de position et d'orientation au fil des figures si on ne voyait réellement rien. Pour mettre réellement le double quadruple au programme, il devait d'abord le réussir au moins neuf fois sur dix les yeux fermés. Garder les yeux fermés demandait d'y penser, donc au détriment de l'attention apportée au mouvement, donc il était plus pratique de lui mettre un bandeau. Une longe (fixée à la ceinture et restant toujours derrière lui) venant d'un bras-grue l'arrêterait sans dommage si jamais il se retrouvait trop près d'un bord. L'asservissement logiciel du bras était conçu pour que la longe ne gène jamais les sauts, quelque fût le nombre de tours. VTP estimait aussi que devoir s'entraîner au moins la moitié du temps sans la vue obligerait son cerveau à mieux exploiter ses perceptions kinéstésiques: celles permettant de gérer l'équilibre et l'orientation sans repère visuel. En raison du froid l'odorat n'apportait pas grand chose, à cause de la musique les autres informations sonores étaient brouillées, donc (puisqu'il n'y avait rien à goûter) c'était au corps et au déplacement de l'air sur lui qu'il devait entièrement se fier. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle contrairement à la plupart des Emilianiens il ne variait pas de coiffure (du "moyen-couvrant" lui arrivant devant les yeux, à l'arrêt) parce que cela aurait modifié sa perception de la vitesse. On en tenait compte aussi pour la conception des costumes, dont l'aspect variait mais en conservant la même prise au vent en rotation et la même perméabilité (ou isolation) thermique. Pour la même raison, il ne mettait pas de gants, alors que certains patineurs en utilisaient avec certains costumes. A ce niveau de difficulté technique, tous les détails comptaient, en matière de perception du mouvement et de l'équilibre, surtout pour un mal-voyant.
. Son entraîneur et VTP se posaient d'ailleurs la question de l'opportunité future d'une opération de la vue: avec les progrès techniques, elle deviendrait peut-être possible dans son cas mais y voir net n'allait-il pas lui faire peur de ce qu'il faisait? Toutefois Ferral souhaitait aussi faire du patinage acrobatique (avec saut périlleux arrière, épreuves de "half-pipe" façon rollers, etc), auquel il s'entraînait depuis longtemps (par attrait personnel) avec le système VTP, tant sur glace que sur roulettes, et pour cela, une bonne vue deviendrait indispensable. Pour le moment, il utilisait les lunettes souples du rinnepallo pour ce type d'exercices en situation réelle, mais au froid il s'y formait trop facilement de la buée: l'air froid et sec extrayait facilement l'humidité du visage (surtout celle des yeux, via le film de larmes) et s'il se trouvait quelque chose de plus froid à proximité (le plastique des lunettes) cette eau s'y condensait, même en version ouverte. On fit des essais avec un traitement hydrofuge (celui promettant depuis tant d'années le pare-brise sans essuie-glace, mais ça ne marchait que tant qu'il était très propre: la poule et l'oeuf...) qui permirent d'utiliser ces lunettes plus longtemps (à condition de ne surtout pas y faire de trace de doigt déclenchant la condensation), même dans le froid d'une patinoire.

. Sachant que ça ne ferait pas double-emploi, VTP sortit "Chargeur Camembert" deux semaines après "l'île ingénieuse": 27 puis 30 janvier. Ce film connut un succès rapide et durable, y compris outre-Atlantique, confirmant que ce public n'avait rien contre les films doublés (contrairement à ce que prétendaient les distributeurs) et que bien que "made in France" ce film de gansters américains respectait (tout en les accélérant) les "figures imposées" du genre, Kerfilm s'étant inspiré de ce qui avait le plus plu ça et là dans les divers films déjà tournés par d'autres sur ce thème, puis en y ajoutant tout ce qui n'aurait pas été financièrement raisonnable chez d'autres producteurs (surtout européens!). L'action était menée avec une telle intensité que l'on ne se rendait pas compte, sur le moment, que personne n'y fumait, contrairement à une reconstitution historique "fidèle". L'abondance de l'alcool et des tirs faisait que ça ne semblait pas "manquer". Le ganstérisme y était surtout filmé du point de vue des hommes de terrains (ou "hommes de main"), sans trop s'attarder sur les manoeuvres des "parains": ce qui comptait surtout, c'étaient les gansters et les policiers en action, ainsi que les rivalités de territoires entre gangs. Ce n'était pas un simple "remake" américanisé de "Traction": les poursuites y étaient, les fusillades aussi, mais il n'y avait pas eu de Prohibition en France d'où le non-parallélisme des scénarii. C'était dans la scène sur le ring qu'il apparaissait (brièvement) la première fois dans le film, la suite restant centrée (pour le moment) sur son adversaire sonné et tuméfié, qui disait en reprenant ses esprits: "c'est comme s'il avait eu trois ou quatre bras". Les gens auraient-ils le temps de voir qu'il avait les yeux verts et que ce n'était donc pas un autre Attéen de VTP? L'éclairage n'y contribuait pas. Ce jeu d'ombres et lumière (sur l'un ou l'autre personnage, selon la prise de vue) donnait une ambiance plus "BD" que film, sans aller jusqu'à du "redessiné automatiquement sur le virtuel dans le style de la BD".

. Erwann put réexaminer le film en détails après l'avoir vu en entier à vitesse réelle: il fit quelques arrêts sur image dans la première scène, dont un pour voir comment toute l'image conduisait le regard le long du bras vers l'impact dans la moitié droite du visage de son adversaire. Dans cette image aussi, la lumière avait été calculée pour conduire depuis son épaule une ligne d'ombre le long du bras puis sur le côté du visage de Fabrizio (le faux, en fait, à cet instant), dont le reste était en pleine lumière. Qui verrait ces effets de "composition" dans l'image, à part les rares à repasser la scène image par image? Toutefois VTP ne laissait rien au hasard.
. Il retrouva des "alignements", des "lignes de force", voire du "ying/yang" (drapeau coréen?) dans d'autres images de cette scène, dont celle où il était vu presque de face, ce qui était moins fréquent que son adversaire puisque les coups atteignaient surtout ce dernier. Chacun des coups les plus violents pris par Fabrizio était filmé sous un angle un peu différent. Dans l'un deux, on voyait les deux combattants presque de profil. Il en chercha d'autres dans les fusillades, les poursuites en voitures, les incendies de distilleries, et en trouva aussi: une fois de plus, Kerfilm faisait du film "esthétisant" au rythme d'un vrai film d'action, sans se soucier de qui pourrait remarquer tel ou tel effet de "composition de tableau" vu la brièveté des images: dans la précédente (1/24s) ce n'était "pas encore ça", dans la suivante "déjà plus vraiment ça". C'était pensé (Erwann en eut la confirmation en posant la question) pour créer des images pouvant être isolées et proposées comme illustrations, plus tard, aux médias qui en souhaiteraient. Ceci et bien d'autres "bonus visuels" contribuaient à donner envie de revoir le film (surtout dans les pays où le cinéma était bon marché, comme en France depuis fin 1997).

. Hillevi vint le voir (elle portait une sorte de jogging multicolore, à dominante de bleu et de noir): elle avait elle aussi examiné ces images du combat et mit à l'écran celle présentant le plus d'effet de contraste, où il était vu en pied, de 3/4 avant. Il y avait peu de plans plus proches, sauf quand un coup était porté au but comme si la caméra suivait le bras). Garde haute, air à la fois calme et férocement déterminé.
H- on dirait une affiche de film, comme c'est traité.
E- pas une de chez nous.
H- je sais. Tu as un air incroyable, là-dedans. C'est une petite scène, mais je pense que l'on s'en souviendra.
E- on se souviendra plus de Fabrizio, vu que c'est lui qui se prend les plus beaux coups. En plus il est moins connu, pour le moment, donc il restera fortement associé à ce film tant qu'ils ne lui auront pas fait jouer un rôle plus marquant.
H- ça, c'est possible, mais il me semble bien parti pour en avoir d'autres. Par contre, dans certaines de tes images, là, je me demande si tout est d'origine. Je me demande si on ne t'a pas un peu épaissi les muscles, infographiquement.
E- tu m'avais vu travailler la scène pour de vrai. Je ne suis pas du format Krüger, mais je ne suis pas fait avec des allumettes non plus.
H- je plaisantais. Mais ça se fait, dans des films, il paraît.

. Aux Etats-Unis, "Traction" n'avait pas draîné les foules, le sujet étant trop français, contrairement aux grands films de HF de VTP dont le score n'était "pas négligeable" outre-Atlantique dans les recettes mondiales du groupe. Les "0016" y avaient un public, mais rien de comparable avec celui rassemblé en Europe, en Asie ou en Amérique Latine, voire en Afrique. Erwann n'était connu aux Etats-Unis presque que comme acteur de HF (bien que "Viande urbaine" fut un film régulièrement ressorti là-bas, dans les villes où il n'était pas encore passé), et pas si connu que ça sur l'ensemble du public américain, malgré les bons résultats obtenus là-bas par "Drakkars et dragons", "Le drakkar fantôme", "Les hordes", "Les maîtres du fer", "l'Atlantide" ou "Sartilvar", et le bon démarrage des réalisations récentes y compris "Le crépuscule de Rome": les Américains aimaient les péplums, mais n'en tournaient plus assez eux-mêmes pour satisfaire cet appétit.

. Du fait de la part de sa filmographie ayant marché outre-Atlantique, Erwann était surtout connu d'un public jeune, fan de HF, de SF et éventuellement de jeux vidéo voire de mangas. Ceci expliquait qu'il restât assez loin dans les classements de notoriété (ou autres critères) faits sur un "panel" de population plus général. La "ménagère" américaine le connaissait bien moins que son équivalente européenne ou japonaise.

. Ce soir, Erwann participa avec quelques autres à une interview (diffusée un peu plus tard cette nuit, sans contexte "people") à propos de tous les films l'utilisant qui étaient sortis depuis la précédente. Très détendu, presque comme s'il le faisait en dormant, il répondit à des questions sur les animaux mécaniques, l'émission sachant qu'il y avait travaillé. Il y avait surtout les trolls de "l'ère des trolls", les fauves et les chevaux du "Crépuscule de Rome" et les monstres aquatiques abyssaux de "0016: alliage désentropique". Il y avait aussi, bien sûr, "Chargeur camembert". Il y avait aussi Zhao (comme d'habitude), Vittorio, Romain (qui rejoueraient périodiquement dans les sessions d' "Alvéole 75") et Fabrizio.

Zhao- tourner avec de vrais chevaux, surtout pour des scènes de batailles avec sauts dans des bateaux ou des barricades, c'est très difficile, long, dangereux, donc cher. Demandez aux réalisateurs qui ont eu à le faire, ils vous l'expliqueront. Nous optimisons les robots équestres pour le types de cascade à exécuter. Ils sont spécialisés dans ce que nous avons à leur faire faire, et connaissent le terrain d'avance, contrairement à un robot autonome.
Romain- en plus, ça évite de mettre du crottin partout dans la machinerie des plateaux.
Vittorio- et les taons. Partout où il y a de vrais chevaux, il y a des taons.
Zhao- les enfants aussi sont une nuisance, dans un tournage. La robotique et le virtuel peuvent y remédier, quand ce n'est pas pour un rôle principal souvent vu de près.
Romain- je crois que ce qui est encore pire, c'est de tourner avec des chats, si on veut leur faire faire autre chose que manger ou dormir. Même la toilette, ils ne la feraient pas au moment où nous serions prêts à filmer. Où en sont les chats artificiels?
E- ça avance, mais pour le moment les gros félins sont plus crédibles.

. On demanda aussi à Fabrizio puisqu'il avait joué une scène de boxe dans "Chargeur Camembert" [film dans lequel il avait le rôle le plus souvent à l'image] lors de laquelle il se faisait visiblement esquinter (visiblement car c'était Tonio que la caméra suivait après le combat, et non William), ce qu'il pensait de "Fight Club".
Fabrizio- pour tout ce qui concerne Brad Pitt, il faut poser la question à Jarkko: il a été engagé pour ça. D'autre part, cette histoire de s'être fait ôter deux dents exprès et de soit-disant pouvoir les remettre ensuite, moi, je n'y crois pas: on fait ça très facilement par infographie, et le côté "regardez comme je m'implique dans le rôle, j'ai même fait ça", ce n'est pas le genre de VTP. Si c'était vrai, ce serait un mélange d'exhibitionnisme et de masochisme. Ce n'est pas comme quand certaines actrices se font tondre dans un rôle parce qu'en fait, dans la vie réelle c'était le seul moyen de se libérer de l'inconfort de leurs extensions du film précédent: la production en profite pour faire une scène du film avec, mais sinon, à quoi bon?

. Fabrizio faisait partie de ceux que VTP tentait de lancer un peu plus, pour éviter de trop miser sur les mêmes dans les rôles principaux. Romain était un personnage "majorité silencieuse mais zéro défaut" (puisqu'émilianien) qui de ce fait pouvait être utilisé presque partout, alors que Zhao et Erwann se remarquaient plus, sauf quand on en mettait assez d'autres "dans ce genre là" dans le film. Depuis les castings nordiques, Erwann était facile à diluer dans les films en employant beaucoup, idem Zhao dans les films avec d'autres Asiatiques émilanométriques de VTP: il y avait bien plus d'Emilianiens parmi les Asiatiques que parmi les Européens, même si au total il y avait bien moins d'Asiatiques sur place que d'Européens, par simple effet statistique de la base de recrutement. Erwann cesserait d'être une minorité éthnique quand les embryons suédois importés en masse seraient devenus grands, mais pour le moment, il ne pouvait jouer de rôles "majorité silencieuse" que pour VTPSF. Les gens se souvenaient plus de lui que de Romain dans "Kergatoëc" alors que Romain était plus souvent filmé (48% de plus) et ne chômait pas non plus, dans ce qui lui était confié.

. Ce furent surtout les "nouveaux" qui furent prêtés pour des interviews aux rares médias américains s'y intéressant, après que tel ou tel film eût bien marché là-bas (du moins pour une importation...) car Erwann y avait déjà eu une petite notoriété du temps de "Cap sur Mars", de sorte que lors de la sortie des "Miroirs du temps" il n'était pas totalement inconnu outre-Atlantique: juste peu connu, ou plutôt bien connu par peu de public, puisque la série n'avait pas été diffusé sur une chaîne d'envergure nationale, et que le public l'ayant pris en cours de "saison 2" avait pu y voir Niels ou Knut, ses remplaçants. "Cap sur Mars" était ensuite repassé sur d'autres réseaux de télévision, mais restait peu connu par rapport aux grandes séries américaines. Autrefois, la notion de "film français" supposait, pour l'Américain lambda (qui n'en avait jamais vu, statistiquement) quelque chose d'intello, bavard (donc pénible à suivre en sous-titré) et ennuyeux, avec un casting peu photogénique et une indigence de moyens de tournage évoquant l'Europe de l'Est. Quitte à donner dans le film intello à peu d'action et en langue étrangère, les Américains préféraient Bergman ou Kaurismaki. "Les miroirs du temps" avaient fracassé l'ancienne image en proposant un mélange de film hollywoodien et coréen (ou de Hong-Kong), comme style de réalisation, appuyé par de l'artillerie lourde infographique (made in Russia) et avec un succès immédiat dans les rares salles l'ayant proposé. "Kerfilm" était devenu une marque que le public déjà au courant identifiait à ce type de réalisations. VTP avait veillé à ne pas utiliser ce label pour ses productions de second rang, même si certaines avaient fait plus d'entrées dans le monde que certains "Kerfilm" comme "La cinquième équation d'Otuczewsky". L'Odyssée avait montré que Kerfilm savait aussi faire du péplum comme à l'âge d'or de ce genre, mais les périodes "molles" en moins: un scénario sans dillution, même s'il n'y avait pas de l'action intense tout le temps, pour éviter l'effet de saturation de certains films coréens ou hongkongais. "Drakkars et dragons" détenait le record d'entrées dans le monde, film qui n'avait rien à voir avec un "remake" des Vikings. "Du Viking sauce manga", avaient dit certains, ce qui n'était pas tout à fait faux, tout en évitant de faire "jeu vidéo" pour autant. La scène du Mont St Michel avaient été appréciée y compris de critiques s'intéressant peu (ou ne l'avouant pas) à Kerfilm jusqu'alors. Au sujet d'Erwann, l'effet "on ne le voit pas assez mais tout de même assez pour regretter de ne pas le voir plus" avait été signalé par quelques-uns, ce qui s'appliquait aussi à beaucoup d'éléments des films (et pas juste les acteurs), y compris les créations tarsiniennes: on en voyait beaucoup, mais avec l'impression d'en avoir aussi "manqué" beaucoup d'autres lors des mouvements de caméra. Ca contribuait à l'impression de richesse de moyens, puisque VTP semblait pouvoir en mettre partout, y compris dans ce qui ne serait qu'entrevu, de façon à donner l'impression d'immersion dans le film. Erwann n'étant pas disponible toute l'année, VTP ne pouvait pas l'injecter ça et là dans des rôles annexes comme c'était le cas pour ses acteurs "résidents", d'où un nombre de titres plus important dans la filmographie de Vittorio (idem pour Zhao) mais un revenu inférieur, car moins de scènes à gros coëfficients dans des films à très grand succès. Ceci était d'ailleurs une conséquence de cela: son image étant moins usée (car moins vu partout dans des tas de rôles que les "résidents" principaux, y compris nordiques) VTP estimait pouvoir encore l'utiliser parmi les cinq premiers rôles de dix à quinze grands films par an (peu de gens allaient tout voir, et peu de "Kerfilm" étaient passés à la télévision, vu le succès durable en salles, donc VTP estimait avoir encore beaucoup de marge), au lieu d'un bien plus grand nombre de petits rôles.

. Parmi les "grands divertissements" tournés cet hiver, "0016: masse manquante". Le tournage était initialement prévu pour septembre mais avait été reporté à janvier compte tenu des autres modifications de planning (et de ne pas faire encore un film de plus avec Erwann d'Ambert sur août/septembre/octobre 2001). Igor, l'ex-mercenaire russe acceptait de remplacer pour cette mission 0016 qui avait de gros problèmes avec l'électronique de ses prothèses, au point d'avoir tiré involontairement un pénalty dans l'entrejambe de son supérieur hiérarchique. Méfiants, les médecins des services secrets lui implantaient des capsules explosives sous les jugulaires, clin d'oeil avoué à "New York 1997", dans un tout autre scénario. On lui avait donc préparé aussi un modèle virtuel de jeu (qu'il avait travaillé en Finlande) s'inspirant de celui de Kurt Russell dans ce film, y compris et surtout dans les petits détails gestuels "involontaires", mais c'était surtout l'épisode des capsules qui y faisait allusion. C'était une idée d'Erwann (soutenue par un des co-scénaristes des 0016 et confirmée aux autres par la direction) car il n'était pas réaliste, sans cela, que ses ex-adversaires lui fissent confiance. Au point qu'il eût refusé de signer pour ce rôle, car il savait que ça lui aurait nui ainsi qu'au film, alors que moyennant les mini-capsules explosives, le réemploi d'Igor comme "0017" d'intérim tenait la route (et ajoutait même un élément intéressant, du fait des bogues habituels dans les équipements des 00xx). Même si les 0016 étaient de "l'espionnage fantaisie" (mais pas tellement plus que les James Bond, en fait) il fallait rester cohérent au niveau des comportements des uns et des autres. Igor restait d'une fraîcheur ambertienne (la seule autre évocation visuelle de Snake Plissken était le manteau "à la Matrix") mais son corps était couturé de belles cicatrices censées dater des films précédents (celui-ci sortirait en 2002), dont la trace de morsure transversale du requin, obtenues par maquillage classique: pas besoin d'infographie dans ce cas. Oui, on pouvait le trouver trop frais de visage pour jouer ce personnage, mais Zhao aussi, pour un espion, ainsi que beaucoup d'autres: dans les "0016", il y avait pléthore d'Emilianiens et le public des films "Kerfilm" y était habitué. D'autre part, Igor n'étant déjà pas coiffé pareil d'un film à l'autre, peu importait le style d'Erwan au moment de le tourner.

. Il y jouerait aussi un autre personnage: Götz, un jeune pirate informatique allemand coiffé de grandes piques "manga", tourné en même temps que des scènes d'autres films, et auquel l'infographie ferait les yeux gris-violet. Götz était prévu, dans le film, mais sous une autre apparence et joué par un autre acteur, lequel avait eu un accident de ski la semaine précédente. VTP appréciait l'idée d'y réemployer Erwann, se demandant combien de temps le public mettrait à s'en rendre compte: lui, ou un autre lui ressemblant? Götz (aussi peu sérieux qu'Igor était froid) allait détraquer beaucoup de choses chez les uns et les autres, dans ce scénario. L'autre petit rôle annexe qu'il aurait pu avoir (mais c'était juste une option) fut confié à Alexandre, suite à tout l'entraînement effectué depuis septembre dernier.

. Dans "0016: masse manquante" il y avait concurrence pour récupérer des morceaux de plusieurs autres météorites "sous-gravitationnelles" tombées les unes dans l'océan (les trucages du précédent resservaient) les autres dans des villes (dont une à Manhattan, dont les prospecteurs fouillaient les ruines) ou dans des coins totalement isolés comme l'Antarctique (réutilisation des trucages de "La mémoire des glaces", sauf les insectes géants). Cette fois, le tonnage était important, de même que l'hypogravité du matériau: c'était d'ailleurs grâce à celle-ci que les impacts n'avaient pas provoqué de cataclysme planétaire, la Terre ne les attirant pas trop fort. Certaines avaient même ricoché plusieurs fois sur l'Atlantique avant d'y couler assez lentement. L'intérêt stratégique d'un tel matériau était évident, puisqu'il aurait permis de faire voler facilement (sans ailes immenses ni moteur surpuissant) ce que l'on n'aurait pas imaginé pouvoir faire décoller, par exemple un porte-avions. Autre exemple: des projectiles portant bien plus loin, puisqu'ayant moins tendance à tomber. VTP avait tout le temps de produire les effets, puisqu'il ne sortirait qu'au printemps prochain.
. 0017 (Igor) n'en sortait pas indemne: la mission lui coûtait un oeil (tête de piolet projeté en pleine figure, de loin, par l'explosion de sa 300ZX piégée dont un voleur venait de frapper une vitre avec cet outil), d'où ensuite le port d'un cache-borgne (et un pas de plus vers Snake Plissken... Toutefois on pouvait aussi penser à Silmät, bien que le tueur ne portât pas cet accessoire). Un peu avant la fin il était tranché en deux (façon Bertillon) par une tôle surgissant d'un laminoir, dans une aciérie (effet ayant déjà servi dans "Les maîtres du fer", mais filmé autrement): "la chaleur de la tôle à cautérisé la découpe, sinon il serait déjà mort", disait un des médecins de l'équipe.
. Zhao (enfin débogué entretemps, après avoir repris du service au milieu du film mais subi un nouveau bogue) le revoyait à la fin du film, relié par des tubes à une machine remplaçant les viscères manquants, avec un oeil laser à la place de celui perdu (émettant un rayon vert, alors que dans Silmät c'était de l'UV donc invisible): "s'il arrive quelque chose à Bertillon, te voilà prêt pour la prochaine mission sur Mars". Même si Bertillon ne survivait pas jusqu'au lancement du film (auquel cas on modifierait la phrase: "maintenant je sais qui va remplacer Bertillon pour la prochaine mission sur Mars"), VTP savait que tout le monde connaissait le nom du premier marsonaute, déjà aussi célèbre que Gagarine ou Armstrong. Comme les autres "0016", celui-ci était truffé de petites évocations, allusions, tantôt comme hommage tantôt comme détournement (discrètement) parodique, à quantité d'autres films, y compris certains de ceux de VTP/VTPSF. Peu importait que le spectateur saisît ou non ces clins d'oeil: c'était seulement du "bonus" donc optionnel.
. Chez VTP, certains réalisateurs et scénaristes continuaient à penser que Torbjörn (qui, de plus, n'était plus disponible, mais on aurait pu utiliser Bengt ou Iivu) aurait fait un meilleur Igor: plus grand, plus dur, plus fort, plus mercenaire russe, quitte à être un peu moins vif et entraînant dans les scènes d'action (mais on aurait pu tricher, ou ça aurait pu être cohérent avec cette autre version du personnage) et Erwann aussi le pensait, mais le pli était pris donc ce personnage continuait avec lui. Il avait toutefois obtenu que ce fût l'avant-dernier opus utilisant Igor, estimant qu'il aurait dû déjà décéder dans le précédent ou au début de celui-ci. Le coup des capsules "sauvait" selon lui "masse manquante", et pour le prochain, ce serait concours de prothèses avec 0016 (Zhao).
. Les épisodes précédents n'avaient pas mutilé Igor: seulement Zhao. Il ne faisait donc pas bon avoir un numéro en "00". Le public habitué de cette série de films pouvait s'attendre à le revoir équipé d'une machinerie jusqu'au sternum. VTP envisageait une suite sur Mars, en tenant compte des informations collectées par Bertillon et disponibles sur le Lioubioutchaï.
. Les mutilations des héros n'étaient qu'un peu de piment dans un scénario qui ne prenait pas le temps de s'y attarder, les catastrophes et les conflits entre Etats, multinationales et organisations mafieuses (plus quelques grandes sectes) occupant l'essentiel du film.
. Le spectateur ignorait que Zhao avait subi une lésion sévère au genou droit en sautant en parachute lors d'un entraînement (rafale de vent imprévue juste au moment de se poser), un peu avant le tournage, et qu'il était donc incapable de jouer les scènes d'action ou même de marcher normalement: les prothèses boguées dissimulaient la chose, au début, mais on n'allait pas lui faire jouer tout le film ainsi. Une grande partie de son rôle (dans le scénario d'origine) avait été transférée à Erwann. Il était prévu qu'Igor devînt l'agent 0017, mais éliminé bien plus vite, dans le scénario initial. Il n'avait donc pas pu préparer plus tôt les cascades de 0016 (réaffectées ensuite à 0017) mais elles n'étaient pas difficiles, Zhao n'étant pas aussi doué en la matière que lui (d'où son atterrissage manqué?) et ressemblaient à ce qu'il avait déjà fait dans tel ou tel rôle. Il retrouva vite ses marques, pendant que les scénaristes rebricolaient les dialogues et quelques petits bouts de scénario puisque ce ne serait pas Zhao.

. L'essentiel de Yaganda fut tourné aussi ces semaines-là: puisque l'on ne tournait pas en vrai en Amazonie (bien assez d'images ayant été collectées pour se fondre avec le virtuel et ce qui serait fait dans les immenses studios de VTP22) la saison n'avait aucune importance. Les Allemands avaient changé d'aspect par rapport à leur départ, toutefois peu étaient barbus, beaucoup étant très jeunes, de plus, ceux qui l'étaient se rasèrent de nouveau pour ne pas être pris pour des singes par les indigènes: "ils les mangent", leur avaient assuré l'éthnologue. Comme les réserves d'alcool avaient aussi été épuisées ils restaient lucides et disciplinés, du moins pendant "un certain temps". Le commandant mort d'une fléchette empoisonné avait été remplacé par Werner, qui s'inquiétait surtout de retrouver quelque chose pouvant remplacer le gazole avant que les batteries (qu'il avait débranchées, pour les réserver au redémarrage des diesels quand l'expérience pourrait être tentée) ne succombent à la chaleur et au taux d'humidité ambiant: "on ne pourra jamais redémarrer à la manivelle". Donc ils n'avaient plus d'électricité non plus, Werner l'ayant "séquestrée" et mise sous garde de son nouveau second, un bouledogue aryen (joué par Kim) auquel il avait confié l'une des deux seules mitraillettes du bord.

. Plus tard, les Allemands se feraient voler le sous-marin par des indigènes poursuivis par d'autres qui voyant ce "crocodile de fer" surveillé par un seul homme, l'abattaient et s'en emparaient, sans chercher à y pénétrer (ne sachant pas que le dessous était bien plus volumineux que ce qui était visible en surface) partant avec comme sur une pirogue le long de l'Amazone, d'où ensuite une poursuite (à pieds, puis avec des esquifs improvisés) par les sous-mariniers et chercheurs allemands. L'ambiance "rétro-coloniale" avait déjà donné l'occasion à bien des pépipéties et surperbes prises de vues dans d'autres films. Kerfilm s'y lançait à son tour, avec un scénario inédit (et pas absurde) et l'atout de la stéréoscopie pour rendre bien plus saississantes les traques, poursuites ou fuites tant en forêt (y compris tout en haut dans la "canopée", sur les cordages d'un village suspendu) que sur le fleuve, des alliances (un peu par hasard) avec certaines tribus, facilitées par du troc (grâce à l'outillage embarqué qui permettait de fabriquer des armes de chasse de bonne qualité à partir des matériaux locaux), etc, ainsi que des combats contre des chercheurs d'or brésiliens (ou autres), occasion de démontrer l'intérêt de l'arblète à trois coups, qui, de plus, pouvait être réarmée vite (malgré la puissance des arcs) grâce à une pédale qui coulissait sous l'arbrier inférieur: il suffisait de monter trois fois sur cette pédale (arcs vers le bas) pour (grâce à un renvoi à poulies, à l'arrière) réarmer chacun des trois étages, ce qui pouvait être fait en quelques secondes. Il avait aussi en bandoulière sa carabine semi-automatique avec silencieux, mais il fallait économiser les cartouches: il ne l'utilisa donc que quand il ne pouvait faire autrement.

. L'éthnologue était malade mais c'était surtout du chimiste que Werner prenait soin, car il n'y connaissait rien donc en avait besoin pour les expériences sur les huiles végétales acceptables dans un moteur diesel. Franz, excellent chasseur et bon grimpeur, rapportait tout ce qu'il fallait au cuisinier pour ne pas manquer de protéïnes (une fois une espèce étudiée, le plus logique était de la manger, en la cuissant suffisamment pour éviter tout parasite inconnu): en particulier, il y avait souvent du singe au menu. Il se prenait de plus en plus pour un "Allemand d'Amazonie", ajoutant à sa tenue camoufflée (avec chapeau à grands bords mous recouverts de fausses feuilles, lunettes solaires vertes, couleur choisie pour mieux voir dans la forêt) des "peintures de guerre" à base d'une préparation locale servant aussi à éloigner les moustiques.
. Parmi toutes les péripéties, une tentative de mutinerie car les autres soupçonnaient Günther (Kim) de ne pas séquester que l'accès aux accumulateurs (pas de lumière, pas de musique, etc), mais probablement aussi des vivres voire de l'alcool: ils avaient vu le chimiste en distiller, sous prétexte d'essais de carburants végétaux, mais ensuite boire les échantillons en cachette. La mission devait aussi les essayer dans deux petits moteurs à essence (pouvant être démarrés au lanceur à enrouleur) emportés à cet effet: l'Allemagne savait que l'approvisionnement pétrolier deviendrait difficile au cours de cette guerre), mais depuis qu'ils l'avaient vu en boire ils avaient deviné que ça n'avait rien à voir avec le carburant pour le sous-marin, objectif qui les intéressait tous pour ne pas rester coincés ici. Le conflit s'achevait par la remise de l'alambic (car c'en était un, chauffé au bois) au cuisinier du bord, après des altercations qui auraient pu faire bien plus de blessés voire de morts, or déjà, dans un tel contexte, une simple entaille au couteau (le cuisinier en avait, Franz aussi, or il y avait eu des emprunts dans les rateliers de l'un et de l'autre. Franz gardait ses armes de tir sous clef (ordre du commandant, dès le début), mais ne pensait pas qu'ils allaient détourner ses couteaux et bistouris pour un usage autre que prévu) pouvait fort mal évoluer sanitairement. Ceci en toile de fond d'actions bien plus "grands espaces", tout particulièrement dans les arbres puis sur le fleuve: embarcations bricolées sur place et, enfin, rédémarrage des moteurs du sous-marin, avec une fumée plus noire que d'habitude, mais au moins les générateurs tournaient. Il n'allaient pas loin car de nouveau des trucs se prenaient dans les hélices et pendant qu'ils s'employaient à les désenberlificoter ils devaient affronter des tribus "inédites" donc les considérant comme ennemis ou plutôt comme sources de protéïnes plus faciles à chasser que le gibier local: deux d'entre eux étaient pris, et l'on s'apercevait plus tard qu'ils avaient été mangés, puis les Allemands faisaient de même (sur suggestion du cuisinier: "l'humain est parfaitement commestible, il suffit de bien le cuire pour éviter d'attrapper des parasites internes, or ici, ce n'est pas le bois qui manque!"). Franz lui rapporta donc aussi du primate humain, désormais. On voyait qu'ils adoptaient "dangereusement vite" (estimaient les plus "éthiques" de l'équipage) les coutumes locales, sorte que quand à la fin du film arrivait le deuxième sous-marin (venu éventuellement les secourir, s'il y avait lieu, et surtout récupérer les résultats des recherches, en supposant qu'ils n'avaient pas réussi à revenir faute de carburant ou suite à un autre problème) ils décidaient de se cacher, en immergeant le sous-marin avec juste deux hommes à bord, pour économiser l'air, les autres dans la jungle: "ils vont penser que nous sommes tous morts et ils repartiront", mais les choses ne se passaient pas si simplement, de façon à fournir de nouvelle péripéties et, cette fois, du combat à l'arme à feu (d'où la bonne idée de ne pas s'en être servi jusqu'alors, de façon à avoir encore des mutitions quand il allait le falloir, même si à l'époque ils n'avaient jamais pensé qu'ils tireraient sur leurs compatriotes). On voyait le chimiste, initialement pacifiste, canarder les "nouveaux" à la mitraillette, alors que Werner (très "va-t-en guerre" au début) aurait préféré éviter l'affrontement.
. Yaganda étant un projet déjà ancien, dans l'alambic de scénarii de Kerfilm, les scénaristes avaient eu le temps de revoir l'évolution de chacun des huit personnages principaux (le cuisinier n'étant pas un des moindres) du sous-marin et des indigènes avec lesquels ils allaient avoir le plus d'interactions, tout en réussissant à "conduire" le fil de l'histoire à rendre vraissembable ce qui s'y produisait d'inattendu (il fallait que ce fût inattendu pour relancer l'intérêt, mais pas "venu de nulle part") dans un contexte que Kerfilm n'avait pas encore utilisé.

. Au cours de la préparation des scènes de ce film Erwann eut l'occasion d'être souvent en contact avec Torbjörn et s'amusa de penser que Vittorio eût aimé être à sa place: Torbjörn s'amusait à le soulever, à le porter jeté sur l'épaule comme un sac, ou en berceau dans les bras comme un chat somnolent. Mais c'était peut-être justement parce qu'il n'était pas fasciné par le Karéen que Stéphane appréciait si simplement ces manipulations. Retour en enfance, dû à la ressemblance entre Torbjörn et Eetu? Sauf qu'il n'avait jamais connu Eetu de son vivant et qu'il supposait que celui-ci n'aurait pas été un bon père car il n'était probablement pas fait pour ça, mentalement. Erwann estimait que lui-même non plus, et peut-être même pas pour élever un chaton: il avait eu Gorak déjà rôdé donc le problème ne s'était pas posé. En repensant à Gorak il eut besoin de contact félin, et faute de mieux les mécanimaux sur lesquels il avait déjà travaillé pourraient convenir, en particulier les tigres de Sibérie. Il y avait aussi les chats artificiels en cours d'optimisation comportementale pour "la planète des chats". Il y avait une palette de scénarii de comportements auto-adaptatifs avec une part de hasard dans les réactions, mais rendue cohérente par l'influence des interactions précédentes. Les capteurs tactiles sous la fourrure synthétique permettaient à ces mécanimaux de détecter divers types de caresses et gratouillis, en plus des appuis locaux et de l'orientation des diverses parties du corps qui permettaient à ces chats artificiels de retomber sur leurs pattes. Ils étaient déjà utilisés dans des rôles plus simples que ceux du tournage futur "la planète des chats": en particulier c'étaient ces faux chats, capables de changer de position et de réagir au toucher, que l'on voyait dans les séries télévisées de VTP. Quelques modèles plus perfectionnés pouvaient marcher aussi naturellement (à l'image) qu'un vrai chat, sur des parcours déjà mémorisés, y compris gripper ou sauter sur des meubles: après tout, les acteurs humains non plus ne rencontreraient aucune matière si trajectoire inconnue dans les scènes qu'ils auraient à jouer. Il n'y avait donc pas à "comprendre" l'environnement parcouru, mais juste à le comparer au modèle préprogrammé pour rattrapper les petits décalages inévitables entre réalité et modèle informatique. S'il y avait une différence "non dérivable", par exemple une porte fermée ou l'absence d'un meuble sur lequel le chat était censé passer, le logiciel détectait l'incohérence et la signalait aux techniciens de mise en scène. Ce n'étaient donc pas des robots félinoïdes autonomes comme auraient pu en rêver les services secrets. Par contre on pouvait mémoriser un très grand nombre de variantes de scénarii comportementaux: beaucoup plus que les meilleurs acteurs humains n'auraient pu le faire, que les mécanimaux et actroïdes de VTP mémorisaient bien plus vite et plus fidèlement. L'habitude de VTP, dans ses storyboard 3D, de ne laisser aucune initiative aux acteurs humains dans les tournages s'avérait simplifier le développement de cette robotique de tournage. La question avait été posée aux roboticiens: "peut-on créer un robot qui remplace totalement Erwann d'Ambert"? La réponse était que oui, mais que ça coûterait le prix d'une quarantaine de films complets et qu'en plus le temps que l'équipe l'eût terminé, de nouvelles techniques permettant de faire mieux en s'y prenant autrement seraient certainement apparues, un peu comme pour les voyages spatiaux où le premier prototype envoyé vers une planète extra-solaire serait rattrappé et dépassé en cours de route par un bien meilleur lancé dix ans plus tard mais qui arriverait à destination cent ans avant son prédécesseur. Or il n'était pas nécessaire de remplacer totalement les acteurs humains ou les animaux: il suffisait de les remplacer juste pour ce que telle ou telle scène attendait d'eux, et cela, VTP y était déjà parvenu dans beaucoup de cas. La conception des scènes utilisant des animaux ou des enfants tenait compte de ce qui était robotisable ou virtualisable "sans que ça se voie", car les concepteurs savaient qu'il ne serait pas possible de tout faire comme en vrai dans des coûts et délais raisonnables.

. Le Crépuscule de Rome continuait de faire moins bien, à nombre de jours d'exploitation égal, que "Drakkars et dragons" et plusieurs autres "porte-avions nucléaires" maison, tout en restant dans cet ordre de grandeur: un grand succès, donc, mais pas autant que l'espérait probablement Tarsini, qui casait aussi des constructions à lui dans le Berlin de 1945, les grands travaux ayant pu reprendre suite à la neutralisation des Etats-Unis et au traité de paix (donnant une bonne partie de l'Europe Centrale à l'Allemagne) avec la Russie. Toutefois, rien ne permettait de prédire si ce film marcherait, alors que l'on pouvait craindre le contraire de la part d'une telle "rétrofiction", surtout sur ce sujet. Le Crépuscule de Rome faisait par contre un excellent score aux Etats-Unis (ce qui restait modeste dans l'absolu, le pourcentage de salles proposant du Kerfilm restant inférieur à celui dont disposaient les films américains d'envergure mondiale) par rapport à ce qu'obtenait habituellement Kerfilm là-bas. "Drakkars et dragons" avait bien marché aux Etats-Unis (comme un film américain de second rang) parce qu'il était considéré comme film "finnois", ou éventuellement franco-finnois, mais pas "français". "Torx" aussi avait fait un score intéressant outre-Atlantique. Serait-ce aussi le cas de "Silmät"?

. Revenu en Finlande, Erwann continua l'industrialisation des fromages à teneur réduite en lait, chez BFRSF, et des mécanimaux de plus petite taille chez VTPSF. Il tourna aussi quelques scènes pour "Groupe B", qui serait tourné en plusieurs fois pour avoir des parties avec et sans neige, de façon à ne pas avoir à tout refaire en virtuel.
. Le 20 et le 23 janvier, il put voir "Hindenburg", film catastrophe (le scénario étant connu d'avance du public, comme celui de "Titanic"), tourné en même temps que le début de "Gamma" (et se déroulant bien avant: 1935) où l'on avait droit à la construction du dirigeable, reconstituée à partir de photos et quelques petits films d'archives de chez Zeppelin, quelques rappels techniques comme la structure en aluminium utilisée, l'utilisation de moteurs Diesel pour éviter de mettre le feu à des fuites éventuelles d'hydrogène par un rupteur d'allumage, etc. Un sujet se prêtant bien à la stéréoscopie sur très grand écran et retrouvant (bien que plus tard) une partie de l'atmosphère julesvernienne, par le luxe désuet à bord, le dirigeable lui-même et le côté très "ingénieur" du début du film. Il y avait déjà eu des films sur ce sujet, mais tournés avant l'ère de la synthèse haute définition donc devant tricher d'une façon plus visible.

. "Crimes dans le transsibérien" obtint le César du meilleur film. C'était la première fois qu'une oeuvre de VTP y était "nominée", d'ailleurs, à quelque titre que ce fût. Atte Ruusuvaara eût lui aussi un césar du meilleur second rôle (dans ce film) à titre posthume. Le césar de la meilleure actrice allait lui aussi à une décédée: Florence Meigne, qui jouait dans un drame paysan qui n'était pas d'origine VTP. Les César prenaient-ils exemple sur la Légion d'Honneur qui depuis 1998 était rarement attribuée à des vivants? Deux en 2001, contre cinquante-huit à des décédés. Elle n'était plus attribuée à des sportifs ni à des artistes sauf pour raisons indépendantes de leur pratique: celles-ci avaient déjà leur propres prix et distinctions, estimait l'Etat.

. En primant "Crimes dans le Transsibérien" et un de ses acteurs, l'institution qui jusqu'alors ignorait systématiquement les goûts du public (et n'invitait jamais qui que ce fût de cette entreprise à la cérémonie) voulait-elle avoir l'air d'autre chose que le dernier bastion du cinéma d'avant? Le choix de ce film, plutôt que d'une des superproductions (Le Crépuscule de Rome, Gamma, etc) restait dans la logique "ne pas voler au secours de la victoire", même si "Crimes dans le transsibérien" était loin d'être un flop. C'était juste un film moins connu que les "gros", avec de très belles vues du train à travers les divers paysages traversés, puis où la caméra s'en rapprochait (sans plan de coupe) pour rentrer par une fenêtre (le passage du virtuel au réel étant indiscernable) et reprendre ainsi l'action dans un autre wagon. VTP n'aurait pas mis au cinéma un "huis clos" entièrement filmé dans le train (même de wagon en wagon): il fallait "faire respirer l'image", au cinéma, selon eux, même quand il n'y avait pas une grande scène d'action pour en donner l'occasion. Pas question non plus de se contenter de vues extérieures puis de vues intérieures: ça aurait trop fait "images de reportage" puis "tournage en studio". Ce qui était en réalité ce que VTP avait fait, mais en "calant" ensuite la synthèse sur le réel pour pouvoir aller vers le train (en se déplaçant virtuellement, et non en zoomant: la différence était bien perceptible) Il fallait "montrer" que ça se passait bien en même temps au même endroit, alors qu'en fait ce n'était pas le cas. L'effet "de la vue d'ensemble vers train" ou inverse n'était pas toujours mené de la même façon, pour ne pas l'user. Parfois la "caméra" se contentait de sortir par une fenêtre, sans trop s'éloigner, longer un peu le train (en allant plus vite ou moins vite que lui, selon les besoins ou passer par dessus, en restant à peu près dans l'axe de la voie) avant de rentrer par une autre. Il lui arriva une fois de faire la même chose par dessous, au ras des traverses, au lieu de se contenter d'intercaler ce type de prise de vue comme plan de coupe comme dans bien d'autres films de train. On voyait presque toujours définer des bouts de paysage au loin (ou parfois plus proche) depuis l'intérieur du train (sauf quand l'axe de prise de vue était trop longitudinal où vers le bas).
. Le César eut en partie l'effet que VTP craignait: "s'ils l'ont eu, c'est que ça doit être intello et avec des moyens techniques réduits", mais les avis des spectateurs indiquaient que non (même si ça n'avait rien à voir avec un festival d'action comme Gamma) donc au total ce prix eut peu d'impact (pouvait-on supposer) sur la carrière du film, qui mélangeait intrigue et humour indirect sur un fond dépaysant et esthétique.

. Le jury des César estimait qu'on ne lui reprocherait pas d'avoir primé ce film, l'offre française non-VTP n'étant composée que de films "sans spectateurs" ou de quelques comédies, or les César avaient toujours détesté primer les comédies grand public, et à tout prendre avait préféré récompenser l'étrange polar ferroviaire de VTP. C'était le père d'Atte qui était venu chercher le César posthume (VTP lui ayant payé le voyage aller-retour et l'hébergement). Le scénariste-storyboardeur (et auteur de BD de "polar noir" peu connues) Eric Corrignan était aussi dans le public et vint sur scène récupérer la compression dorée. Un petit bonhonne d'1m70, 52 ans, avec un peu de ventre et un physique facile à oublier. VTP considérait que le storyboardeur était le véritable auteur d'un film: réalisateurs (sauf si en même temps storyboardeurs) et acteurs n'étaient que l'atelier d'exécution, les scénaristes non storyboardeurs des lanceurs d'idées sans valeur tant que non converties en "préfilm" virtuel par un ou plusieurs storyboardeurs.
. Le débat au sein du jury avait été long, car certains estimaient que ce serait enfin l'occasion de reconnaître les comédies grand public: un domaine que VTP avait peu exploré au cinéma (il y en avait beaucoup sous forme de téléfilms, par contre), ou seulement en arrière-plan d'un film d'horreur (Digestion), d'action à grand spectacle (0016) ou "catastrophe" (Kergatoëc). Il n'y avait pas de film à dominante comique dans la production cinématographique de VTP, même s'il pouvait y avoir des gags (le plus souvent "indirects") dans certains films d'une autre catégorie, car VTP estimait que l'humour pouvait toujours tomber à plat pour une partie du public donc miser là-dessus comme moteur central était trop risqué: ça ne devait rester qu'une option que le public saisirait ou non, sans être venu pour cela. De plus c'était souvent difficile à exporter. C'était donc dans le domaine de la comédie que le cinéma français non-VTP avait mis ses billes, mais en utilisant des acteurs moins coûteux que les anciennes "têtes d'affiches", toujours invitées à la cérémonie des César mais de moins en moins employées, y compris par la télévision qui avait revu ses barèmes très à la baisse elle aussi.
. Un journaliste avait écrit sur la cérémonie des César: "un aéropage de retraités du cinéma", en rappelant que VTP retirait systématiquement du domaine "people" tout acteur qui commençait à bien marcher dans ses grands films, tout en continuant de mettre les "troisièmes couteaux" (encore dans les séries télévisées ou de petits rôles faciles dans les téléfims et films) à la disposition de certaines émissions grand public. Lucien Venant l'avait dit, début 2001 au sujet de la "disparition publique" de Vittorio:
- on ne fait pas de publicité pour un produit qui a déjà trouvé son public. Il participera encore de temps à autre à des émissions portant sur les techniques de tournage, comme Zhao ou Erwann.

. L'une des surprises (y compris pour ceux y ayant participé) fut la sortie de Gamma dès le 17 février 2002 grâce à une avancée (logicielle et non matérielle, cette fois) dans la synthèse des effets athmosphériques et pyrothechniques "photoréalistes" qui faisait gagner énormément de temps aux deux films de guerre en utilisant, mais utilisés pour avancer "Gamma" plutôt que "Attaquer en 36" (l'autre, dont Aymrald ne savait rien et qu'il pourrait ainsi découvrir aussi inédit que n'importe quel spectateur). Ces avancées informatiques n'avaient guère accéléré la post-production des films utilisant peu d'explosions, incendies et bombardements.

. Il était difficile (surtout à quelqu'un n'ayant pas participé au tournage) de savoir quand Thorgård était joué par Atte, par Erwann, par le robot qu'il pilotait ou entièrement en virtuel, VTP ayant fait au plus adéquat (visuellement) pour chaque scène, en plus de ce qui y poserait le moins de problème technique. En voyant le film en salle, on n'aurait pas le loisir de se poser la question, d'autant moins que comme il l'avait suggéré (et parce que ça allégeait le problème) Thorgård était moins souvent et plus brièvement à l'image, dans les parties "non Atte", que ses initiatives techniques. Moins souvent et plus brièvement, mais tout de même beaucoup sur l'ensemble du film, se souvenait Erwann ayant eût à configurer le robot pour certaines prises, piloter de la synthèse pour d'autres et jouer en vrai là où c'était plus pratique techniquement. Pourtant, VTP n'avait pas repris en infographie ses traits (ni ses dents) dans les scènes où en faisant un arrêt sur image (ou en étant attentif lors d'une seconde scéance) on s'en fût aperçu: la seule retouche était la mise en bleu des yeux, car c'était ce qui était le plus facile à automatiser, bien que n'étant pas la différence la plus visible dans bien des images. Economie de post-production, ou souhait de laisser repérer aux plus attentifs qui était qui?

. Gamma donnait dans "l'hyperproduction" chaque fois que le scénario en offrait la possibilité, comme ce crépuscule flamboyant rempli de quadrimoteurs américains, dépassant les caméras. Il y en avait partout: à droite, à gauche, au dessus, en dessous, et loin encore derrière, d'où un effet saisissant en stéréoscopie, avec la spiralisation de certains effets aériens teintés par le soleil couchant derrière des moteurs, donnant l'impression que les hélices taillaient visiblement leur chemin dans l'air. VTP avait vu cet effet dans une vraie photo d'époque, en avait calculé les conditions et l'avait ajouté à la synthèse de la scène. La post-production de telles scènes était toute récente car il avait fallu attendre que les ordinateurs fussent libérés du "Crépuscule de Rome", en particulier. La mise en oeuvre des orgues de Staline donnait elle aussi l'occasion d'un festival graphique, accompagnée d'un air des "choeurs de l'armée rouge", etc. Tous les belligerants devaient être impressionnants et "mis en scène" avec emphase lorsque le contexte s'y prêtait. Par exemple les attaques par roquettes "Ram" à travers les escadrilles de bombardiers lourds, grâce au Me 262. Cet avion avait réellement été armé ainsi (mais un peu plus tard et à trop peu d'exemplaires: dans la réalité, ça n'avait été qu'un "baroud d'honneur"), avec une efficacité aussi redoutable, car contrairement à un canardage classique, une roquette n'avait pas besoin d'atteindre un "organe vital" pour détruire un B17 ou un Lancaster, puisqu'elle suffisait à rompre le fuselage ou une aile. Infograpiquement, les avions ne devaient surtout pas faire "jeu vidéo". C'était toutefois plus facile que de faire la même chose dans Rome avec plein de personnages, car les portions de ciel entre les avions ne coûtaient presque rien, et qu'un avion, même reproduit "sans faire tout beau tout neuf issu de synthèse" était moins compliqué à rendre "vrai à l'image" qu'un cheval ou des personnages humains. Les batailles terrestres consommaient en fait plus de puissance de restitution réaliste, car VTP n'avait pas abusé de nuages de poussières pour trop cacher les chars dedans. Les effets de pluie et de boue montraient aussi la maîtrise atteinte par les infographistes-programmeurs de VTP dans ce domaine.

. Parmi les critiques: "des avions, encore des avions, toujours des avions. Des gros, des petits, à hélices, à réaction et même des avions furtifs. Si vous aimez les gladiateurs, les courses de chars et l'architecture romaine, allez voir Le crépuscule de Rome, si vous préférez le bombardement massif et le canardage aérien en tous sens avec toutes sortes d'avions y compris ceux qui n'avaient eu le temps d'être mis en service dans la vraie guerre, allez voir Gamma. Si possible en stéréoscopie. NB: il y a aussi beaucoup de chars, de sous-marins, de catastrophes ferroviaires, de bombes volantes, d'orgues de Staline, d'incendies de raffineries, de hauts-fourneaux et de centrales électriques, juste histoire de dire que ce n'est pas qu'un film d'avions".

. Le film étant sorti bien après que Torbjörn fût devenu rugbyman amateur puis professionnel, le public (sauf celui qui suivait précisément les sites s'intéressant à lui) ne savait pas qu'il ne faisait plus partie des acteurs de VTP. De plus, il apparaîtrait encore dans Yaganda, et avec le rôle principal. Torbjörn sachant que ce film serait vu par ses fans s'était encore plus appliqué que d'habitude à se "dissoudre" dans le rôle. Peut-être aussi pour faire regretter à VTP de n'avoir pas pu faire une entorse aux principes maison et le garder aussi comme acteur?

. Erwann réexaminerait ce film en détails plus tard. Pour le moment, il restait sur l'impression "directe".

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